Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

11 février 2024 7 11 /02 /février /2024 08:47

 

LES FEMMES DANS L’HISTOIRE

LEUR PUISSANCE

UN MOUVEMENT DE FEMMES PEU CONNU

LES BÉGUINES

 

Béguinage Saint-Vaast, Cambrai

 

¤ QUI ÉTATIENT LES BÉGUINES ?

Le béguinage, c'est d'abord l'invention, dans la Flandre du XIIe siècle, d'un nouveau mode de vie : pour la première fois, des religieuses mettent en place des communautés laïques de femmes en dehors des murs des monastères ou des couvents. Ces femmes, souvent veuves ou célibataires, adhèrent à certaines règles monastiques sans pour autant former de vœux perpétuels : elles restent donc indépendantes de l'Église. Elles étaient, bien souvent, cultivées et enseignaient dans des écoles attenantes au béguinage ou prodiguaient des soins dans les hôpitaux.

 

Elles vivent, en général, dans des maisons individuelles regroupées autour d'une église, un peu en marge des villes, comme à Louvain ou à Malines (Belgique). L’élaboration de ce nouveau mode d'existence est en partie liée à la conjoncture historique : les croisades, qui ont lieu jusqu'en 1291, ont conduit à une surpopulation féminine en Europe. Beaucoup de femmes, qui ne peuvent fonder un foyer, se tournent vers la religion. Mais les couvents sont pleins. Seule solution : amener la religion dans le monde laïc, à la manière des ordres mendiants (franciscains, dominicains, etc.) qui se développent à la même époque.

Les béguinages sont régis par des principes d'autogestion, de solidarité et d'entraide. « C'est une sorte de démocratie avant l’heure. Il n’y a pas de mère supérieure, juste une "Grande Dame" élue pour quelques années. De même, chaque béguinage édicte ses propres règles, toujours modifiables. » (Silvana Panciera, sociologue et auteure de Les Béguines, Fidélité, 2oo9).

Élisabeth de Hongrie (canonisée en 1235), de par sa position sociale, joue un rôle important à partir de 1227 en créant une émulation. Elle décide de soulager la misère des femmes seules en s’appuyant sur les hôpitaux. Mais ce lien hospitalier ne dure pas et les communautés deviennent indépendantes.

Cette indépendance des béguines, qui s'affranchissent de la domination masculine, est perçue d'un mauvais œil par les autorités ecclésiastiques. D’abord critiqués par Latran II, les béguinages sont encouragés par le pape avant que les religieuses laïques soient condamnées pour fausse piété et hérésie par le concile de Vienne de 1311. Le mouvement disparaît presque totalement, sauf en Flandre, où il est toléré.

La dernière béguine est morte le 14 avril 2013 à Courtrai en Belgique.

(Des béguinages d’hommes sont aussi apparus vers le 12e siècle, ces hommes étaient appelés béguards.)

 

Sacerdos libera sive Beguina, par Amman Jost, gravure sur bois, 1585. Bibliothèque municipale de Lyon

 

¤ LES BÉGUINES EN FRANCE

Ailleurs, en Europe, des béguinages s’installent aussi (Suisse, pays du Nord…) et même en France.

 

En France, c’est Saint Louis qui apporte une protection aux béguines. Il « leur a offert le terrain du béguinage de l’Ave Maria, dans le Marais, en 1264, et il les a protégées contre les critiques rencontrées par cette nouvelle forme de vie : des femmes qui, ayant fait le vœu de chasteté et le vœu d’obéissance à l’abbesse — élue — menaient une vie de prière en commun et sortaient pour travailler, sans autre habit commun que leur manteau à capuchon de béguine. Elles étaient connues pour leur charité envers qui frappait à leur porte. » (Lucetta Scaraffia, Femmes dans l’Église : « Comment les béguines ont disparu »)

En effet, à son retour de la 7e croisade, Saint Louis rencontre Hugues de Digne, frère franciscain qui lui enjoint de veiller sur les pauvres comme à la simplicité de sa vie. Louis IX se fait protecteur des ordres mendiants.

Hugues de Digne avait une sœur béguine, Sainte Douceline, autour de laquelle s’était constitué le béguinage, les « Dames de Roubaud ». Philippa Porcelet, proche disciple de Douceline, écrit en langue occitane (1297) une vie de Sainte Douceline. (Ernest Renan, considère cette œuvre comme un chef-d’œuvre en prose de la première littérature provençale).

Donc en 1264, comme dit plus haut, Louis IX installe une communauté de béguines à Paris qui comptera jusqu’à 400 béguines. Parmi les tâches quotidiennes des béguines de Paris, figuraient l’alphabétisation de jeunes et le soin aux pauvres.

Cependant la liberté de ces femmes est vue comme un danger par les théologiens de l’Université de Paris qui les considèrent comme « illettrées », ne maîtrisant pas le latin, qui était la langue de l’autorité ecclésiastique. Mais, plus grave, elles écrivaient en langue vernaculaire qui selon Gilbert de Tournai « transmettaient des « subtilitates » (hérésies) ».

Les béguines ont écrit ou fait écrire en français, en picard, en flamand, en allemand, en provençal… Et dans ces écrits il y avait une certaine posture de prêche interdite aux femmes, ce qui était insupportable à l’autorité ecclésiastique, de même qu’une interprétation personnelle et mystique de la foi qui échappait au contrôle dogmatique extérieur. (https://gallica.bnf.fr/blog/08102021/les-beguines-et-la-litterature-au-moyen-age?mode=desktop)

 

 

Grâce à l’ouvrage de Silvana Panciera « Les béguines, Une communauté de femmes libres », on découvre ce mouvement de femmes libres, très ancien.

¤ Silvana Panciera est née en Italie. Elle a mené ses études universitaires à l’Université Catholique de Louvain, en Belgique.

1978 : elle obtient un doctorat en sociologie à l’École pratique des Hautes Études de Paris.

1995 : elle obtient le prix Femme d’Europe pour la Belgique, pour ses nombreux engagements socio-culturels.

Silvana Panciera écrit :

« Les béguines cherchent des formes de vie qui leur permettent de poursuivre le projet évangélique, sans se greffer sur le système ecclésiastique ni sur les formes cléricales d’évangélisation et sans se couper du monde par l’éloignement monastique. »

 

Gravure sur bois représentant une béguine, tirée de l'ouvrage Des dodes dantzLübeck, 1489.

 

¤ Une béguine célèbre et forte, Marguerite Porete

Femme de lettres, mystique chrétienne, intransigeante, Marguerite Porete, resta toute sa vie fidèle à ses convictions, en dépit des menaces et des tentatives d'intimidation.

Sa pensée de l'amour et de la liberté, qui s'affranchissait de l'Église, lui valut d'être brûlée vive, Elle accepta son sort, plutôt que de se renier.

 

« Ces gens que je traite d’ânes, ils cherchent Dieu dans les créatures, dans les monastères par les prières, dans les paradis créés, les paroles humaines et les Écritures. » (Porete)

 

On ne connaît presque rien de la vie de cette mystique chrétienne, hormis sa fin tragique mais elle avait une grande culture théologique comme profane et avait sûrement reçu une bonne éducation. Née vers 1250 dans le comté de Hainaut (nord de la France), elle vécut sans doute à Valenciennes. Elle est essentiellement connue pour « le Miroir des âmes simples anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d'amour » publié en 1295, un dialogue allégorique entre l'Amour et la Raison.

Porete y décrit les sept phases de l'anéantissement de soi par lesquelles l'âme s'élève vers Dieu et s'unit à lui. Dans cette union mystique, l'âme se trouve réconciliée avec sa véritable nature, et n'est plus soumise à rien d'autre que l’amour : elle se libère de la morale aussi bien que de la raison.

 

« Vertus, je prends congé de vous pour toujours : j'en aurai le cœur plus libre et plus gai, votre service est trop couteux, je le sais. J'ai mis un temps mon cœur en vous, sans rien me réserver, […] j’étais alors votre esclave, j'en suis maintenant délivrée ». (Porete)

 

L’ouvrage de Porete exerça une grande influence sur maître Eckhart (1260-1328), figure de proue du mysticisme rhénan des XIIIe et XIVe siècles, et sur les béguines. Cependant, il suscita rapidement la méfiance de « Sainte-Église-la-petite », comme l'appelait Marguerite Porete.

En effet, la démarche de Porete « se passe de l'Église comme institution, […] relativise les sacrements et rejette la morale », note le philosophe Olivier Boulnois.

Dès 1306, Guy de Colmieu, évêque de Cambrai, condamne l'ouvrage pour hérésie et le fait bruler en place publique, ce qui n'empêche pas Porete de continuer à promouvoir ses idées. Philippe de Marigny, successeur de Guy de Colmieu, la fait arrêter en 1308 : elle est incarcérée à Paris sur ordre de l’Inquisiteur général du royaume de France, Guillaume Humbert, mais refuse de répondre aux questions de l'Inquisition, qui suspecte son appartenance au mouvement du Libre-Esprit.

21 docteurs en théologie de l'université de Paris condamnent à nouveau « le Miroir » pour hérésie, mais la religieuse garde le silence et refuse de se rétracter. Elle est brûlée avec son ouvrage en place de Grève le 1er juin 1310. (Octave Larmagnac-Matheron, Philosophie Magazine, hors-série 43H)

Cependant son livre lui survit par un manuscrit du 15e siècle qui modernise le texte d’origine.

 

 

Partager cet article
Repost0
6 janvier 2024 6 06 /01 /janvier /2024 10:44

 

 

LA FORMATION DU CITOYEN (2)

DROITS ET DEVOIRS

LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT

 

 

Les enfants ayant des besoins spécifiques sont les oubliés dans la déclaration des Droits de l’Homme du Citoyen de 1789 et la déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948. Ce n’est qu’en 1989, enfin, que la Convention internationale des Droits de l’Enfant est adoptée par l’ONU et ratifiée par 196 pays.

La notion de droits de l’Homme se développe à travers le monde courant 18e siècle mais ce n’est que début 19e siècle que l’idée se répand qu’il est nécessaire de protéger les enfants par des droits spécifiques. Les premières lois protectrices de l’enfant apparaissent en Europe et concernent le travail des enfants.

La Convention définit les droits fondamentaux des enfants et aborde tous les aspects de la protection de l’enfance. Elle reconnaît que les enfants jouissent de droits fondamentaux et en sont des détenteurs actifs et autonomes

 

 

**Voici quelques extraits de cette Convention

 

Préambule

Les Etats parties à la présente Convention,

[...] Reconnaissant que l'enfant, pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d'amour et de compréhension.

Considérant qu'il importe de préparer pleinement l'enfant à avoir une vie individuelle dans la société, et de l'élever dans l'esprit des idéaux proclamés dans la Charte des Nations Unies, et en particulier dans un esprit de paix, de dignité, de tolérance, de liberté, d’égalité et de solidarité. [...]

Sont convenus de ce qui suit :

*Article premier

Au sens de la présente Convention, un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable.

*Article 2

1. Les États s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion publique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.

2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille.

*Article 7

1. L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci, le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux.

2. Les États parties veillent à mettre ces droits en œuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans le cas où faute de cela l'enfant se trouverait apatride.

*Article 8

1. Les États parties s'engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par loi, sans ingérence illégale.

2. Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d'entre eux, les États parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible.

 

***

*Article 12

1. Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. À cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.

*Article 13

1. L’enfant a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend Ia liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant.

2. L’exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires :
a - Au respect des droits ou de la réputation d'autrui ;
b - À la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.

 

*Article 14

1. Les États parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l'enfant, de guider celui-ci dans l'exercice du droit susmentionné d'une manière qui corresponde au développement de ses capacités. [...]

3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut être soumise qu'aux seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires pour préserver la sûreté publique, l'ordre public, la santé et la moralité publiques, ou libertés et droits fondamentaux d'autrui.

 

*Article 15

1. Les États parties reconnaissent les droits de l'enfant à la liberté d'association et à la liberté de réunion pacifique.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l'objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de Ia sécurité nationale, de la sûreté nationale, de la sûreté publique ou de l'ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui.

 

***

*Article 28

  1. Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances :

a - Ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ;

b - Ils encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées telles que l’instauration de la gratuité de l’enseignement et l'offre d'une aide financière en cas de besoin ;

c - Ils assurent à tous l'accès à l'enseignement supérieur, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés ;

d - Ils rendent ouvertes et accessibles à tout enfant l'information et l'orientation scolaires et professionnelles ;

e - Ils prennent des mesures pour encourager la régularité de Ia fréquentation scolaire et la réduction des taux d'abandon scolaire.

2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la discipline soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant en tant qu'être humain et conformément à la présente Convention.

3. Les États parties favorisent et encouragent la coopération internationale dans le domaine de l'éducation, en vue notamment de contribuer à éliminer l'ignorance et l'analphabétisme dans le monde et de faciliter l’accès aux connaissances scientifiques et techniques et aux méthodes d'enseignement modernes. À cet égard, il est tenu particulièrement compte des besoins des pays en développement.

*Article 29

1. Les États parties conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à :

a - Favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ;

b -Inculquer à l'enfant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies ;

c - Inculquer à l'enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne;

d - Préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone ;

e - Inculquer à l'enfant le respect du milieu naturel.

2.Aucune disposition du présent article ou de l'article 28 ne sera interprétée d'une manière qui porte atteinte à la liberté des personnes physiques ou morales de créer et de diriger des établissements d'enseignement, à condition que les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient respectés et que l'éducation dispensée dans ces établissements soit conforme aux normes minimales que l'État aura prescrites.

***

*Article 30

1. Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ou des personnes d'origine autochtone, un enfant autochtone ou appartenant à une de ces minorités ne peut être privé du droit d'avoir sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d'employer sa propre langue en commun avec les autres membres de son groupe.

*Article 31

1. Les États parties reconnaissent à l'enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et a des activités récréatives propres à son âge, et de participer librement à la vie culturelle et artistique.

2. Les États parties respectent et favorisent le droit de l'enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique, et encouragent l'organisation à son intention de moyens appropriés de loisirs et d'activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des conditions d'égalité.

*Article 32

1. Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social.

2. Les États parties prennent des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives pour assurer l'application du présent article. À cette fin, et compte tenu des dispositions pertinentes des autres instruments internationaux, les États parties, en particulier :

a - Fixent un âge minimal ou des âges minimaux d'admission à l'emploi ;
b - Prévoient une réglementation appropriée des horaires de travail et des conditions d'emploi ;
c - Prévoient des peines ou autres sanctions appropriées pour assurer l'application effective du présent article.

 

 

Cette Convention internationale des Droits de l’Enfant, sur le papier, paraît excellente, mais qu’en est-il des droits de l’enfant dans les faits ?

Combien d’enfants travaillent dès leur plus jeune âge ? Combien sont mal traités ? Combien vivent seuls, dans la rue ?...

Et c’est valable pour la plupart des pays, pays en voie de développement, pays riches, grands et petits pays :  pays d’Afrique, d’Amérique du Sud, mais aussi Chine, Inde, Russie, États-Unis ou pays européens.

Il reste encore un grand travail à faire.

 

Partager cet article
Repost0
6 décembre 2023 3 06 /12 /décembre /2023 10:33

 

LA FORMATION DU CITOYEN (1)

DROITS ET DEVOIRS

 

 

Il est bon de rappeler de temps à autre les droits et les devoirs de la personne. Surtout en ce moment où le monde s’agite, où les droits de la personne sont bafoués dans beaucoup de pays sur notre terre, si mal traitée elle aussi.

Rappelons quelques articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

***

Après la prise de la Bastille, les députés de l’Assemblée nationale constituante rédigent un texte qui doit définir les principes fondamentaux de la nouvelle société. Inspiré de la déclaration américaine de 1776, c'est un acte solennel qui rejette l’Ancien Régime et énonce des principes immortels et universels.

La Déclaration proclame la liberté et l'égalité de tous les hommes, elle précise les libertés et les garanties juridiques dont bénéficient les citoyens. Adoptée le 26 août 1789, elle sera placée en 1791 en tête de la première Constitution française.

 Composée d’un préambule et de dix-sept articles, elle est reprise par les constituants successifs. Ainsi en est-il de la Constitution de 1946 qui contient un préambule s'y référant directement et de celle de 1958.

 

***

 

Voici ce que dit l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789

Art. 6. La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents.

 

***

 

Et aussi ce que disent les article 15 et 21 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 :

Art. 15. - 1. Tout individu a droit à une nationalité

2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.

Art. 21. - 1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par I ‘intermédiaire de représentants librement choisis.

2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.

3. La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.

Il semble que ces droits et devoirs des êtres humains sont peu respectés voire peu connus dans beaucoup de pays qui ont à leur tête un homme ou un petit groupe d’hommes qui se pensent supérieurs au reste de leurs concitoyens et qui n’hésitent pas à les maltraiter, voire les liquider, qui ne pensent qu’à s’enrichir alors que beaucoup de leurs concitoyens vivent dans la misère, voire meurent de faim.

 

 

MAIS QU’EN EST-IL DES DROITS DE LA FEMME

 

De par le monde souvent la femme n’a que des devoirs, elle est mal traitée, enfermée, tuée…

Olympe de Gouges (1748-1793)

***

Olympe de Gouges (1748-1793) incarne la résistance face aux hommes pour l’égalité hommes-femmes. Inspiratrice incontestée des revendications des femmes pour leurs droits, elle revendique le droit au divorce et dénonce la peine de mort, et naturellement, le droit des femmes à la politique, à l’égalité avec les hommes. La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle a droit aussi à prendre la parole à la tribune.

Dans l’histoire, de par le monde, beaucoup de femmes ont lutté pour leurs droits.

*Voir les articles du blog déjà parus en indiquant « femme » dans la recherche à gauche de l’écran.

En voici quelques-uns

-la longue marche des femmes (1 à 5)

-femmes d’ici et d’ailleurs

-femmes d’Afrique

-la Française d’hier et d’aujourd’hui

-droit des femmes, un combat universel

Madame Sartin …

-société des Signares au Sénégal

 

Partager cet article
Repost0
2 octobre 2023 1 02 /10 /octobre /2023 16:13

FACE AUX ALÉAS DE LA VIE

 

Le livre de Bertrand Piccard Changer d’Altitude a été préfacé par Matthieu Ricard. Dans cette préface il nous montre que l’on peut être heureux face aux aléas de la vie.

Chacun se fait son propre bonheur ou malheur.

Depuis des années, des décennies, je dis toujours à mon épouse, quand il y a des difficultés, ceci :

« Imagine que tu voles au-dessus de notre monde et que tu regardes tous ces êtres humains qui s’agitent dans tous les sens, comme des fourmis. Tu relativises, tu vois que les problèmes sont minuscules dans ce grand Univers. Reste zen, prends les choses comme elles viennent. Soyons juste heureux de vire, le reste n’a pas beaucoup d’importance. »

****

Bertrand Piccard nous donne aussi une leçon de vie dans son ouvrage « Changer d’altitude »

Bertrand Piccard

****

*Brève biographie de Bertrand Piccard

Bertrand Piccard est né en 1958 à Lausanne (Suisse). Il est psychiatre, mais aussi explorateur et environnementaliste suisse.

Il est le fils de l’océanographe Jacques Piccard qui a exploré les fonds marins et petit-fils du physicien Auguste Piccard qui, lui, a exploré la stratosphère.

Dans les années 1960 il vit en Floride où son père travaille dans le groupe du programme Apollo. Grâce à un ami de la famille, Wernher von Braun, il assiste au décollage de certaines fusées.

Tout en étudiant la psychiatrie, il devient pionnier du vol libre et ULM en Europe. Il s’essaie aussi au vol en montgolfière, en parapente, deltaplane (champion d’Europe de 1985). Il est vainqueur de la 1ere course transatlantique en ballon (1992).

Avec André Borschberg, il développe et pilote en alternance l’avion Solar Impulse. Ils réalisent le tour du monde en 2016.

Son épouse, Michèle Piccard, avec laquelle il a eu trois filles, participe au service de communication de Solar Impulse.

Il est fait chevalier de l’ordre de Saint-Charles (2012) et promu au rang d’officier de la Légion d’honneur (2017).

****

*Quelques ouvrages

  • Une trace dans le ciel
  • Quand le vent souffle dans le sens de ton chemin
  • Changer d’altitude, quelques solutions pour mieux vivre sa vie
  • Réaliste, soyons logiques autant qu’écologiques.

Bertrand Piccard « est persuadé que l’esprit de pionner ne se limite pas à l’exploration du monde extérieur, mais que c’est avant tout dans notre vie de tous les jours qu’il nous faut le développer. » (Bertrand Piccard, Changer d’Altitude, Pocket).

 

*Préface de son livre écrite par Matthieu Ricard

« Bertrand Piccard nous a habitués à admirer la manière dont il a su, à force d'imagination, de créativité, de persévérance et de courage, transmuer ses rêves en réalité. Avec Changer d'altitude, il nous offre le fruit de réflexions sur son expérience vécue. Ce partage est présenté avec une ingénuité rafraîchissante qui ne vise pas à théoriser sur la meilleure manière de planifier le cours de notre destinée, mais à dégager les leçons de vie qui lui ont paru les plus fécondes, sans jamais perdre de vue l'aspect pragmatique de leur mise en œuvre.

Bertrand nous rappelle notamment que vouloir que le présent soit autre chose que ce qu'il est constitue l'une des plus grandes causes de frustration dans l'existence. C'est aussi la plus inutile. Chaque jour, nous nous trouvons à la croisée de chemins qui sont également le nouveau point de départ d'un futur souvent imprévisible dont nous pouvons cependant être l'architecte inspiré. La peur de l'inconnu s'estompe si nous disposons des ressources intérieures nous permettant de faire face aux aléas de la vie. Pour ce faire, écrit Bertrand, nous devons nous libérer du joug des idées préconçues, puisque : « Nous devenons la plupart du temps prisonniers non pas des vents de la vie, mais de notre propre façon de penser et de comprendre l'existence. »

Notre esprit peut être notre meilleur ami comme notre pire ennemi, et la qualité de chaque instant qui passe est étroitement liée à notre façon d'interpréter le monde. Quoi qu'il arrive, nous avons la possibilité de faire différemment l'expérience des choses et de transformer la façon dont nous traduisons les circonstances extérieures en bien-être ou en mal-être.

Bertrand s'insurge contre la quête « de la maîtrise et du contrôle, de la réponse à toutes les questions, de la construction de certitudes rassurantes ou d'explications toutes faites ». De fait, notre contrôle des conditions extérieures est limité, éphémère, et le plus souvent illusoire. Pour influentes que soient ces conditions, le mal-être et le bien-être sont essentiellement des expériences vécues. Il convient donc de nous demander quelles sont les conditions intérieures qui vont miner notre joie de vivre et quelles sont celles qui vont la nourrir. Changer notre vision du monde n'implique pas pour autant un optimisme naïf pas plus qu'une euphorie factice destinée à neutraliser I’adversité.

« La vie, écrit Bertrand, est remplie de ces situations que nous ne pouvons pas changer et, pourtant, nous avons appris à les refuser plutôt qu'à les utiliser à notre avantage. [...] L'idéogramme qui correspond au mot "crise" en chinois nous y encourage. Il est composé de deux parties, la première signifiant le risque et le danger, alors que la seconde exprime la notion d'action à entreprendre, d'opportunité à saisir. » Les obstacles qui se dressent sur notre chemin ne sont pas désirables en eux-mêmes, mais peuvent devenir des catalyseurs de transformation si l'on sait les utiliser à bon escient. Ne pas être déstabilisés par les revers de fortune ne signifie pas qu'ils ne nous affectent pas ou que nous les ayons éliminés à jamais, mais qu'ils n'entravent plus notre chemin de vie. Il est important de ne pas laisser l'anxiété et le découragement envahir notre esprit. Shantideva, sage bouddhiste du VIIe, siècle, nous le rappelle : « S'il y a un remède, à quoi bon le mécontentement ? S'il n'y a pas de remède, à quoi bon le mécontentement ? »

Il en va de même pour la souffrance. Bertrand cite une enquête réalisée auprès de personnes souffrant d'un cancer et auxquelles on a demandé : « Est-ce que le cancer a eu de quelque façon que ce soit une influence positive sur votre vie ou sur votre sentiment d'exister ? Si oui, laquelle ? » « Environ la moitié des malades, note-t-il, ont répondu par l'affirmative, en citant comme principaux aspects positifs une vie plus intense et plus consciente, davantage de compréhension envers autrui, une meilleure relation avec le conjoint et un plus grand épanouissement intérieur et relationnel. »

Selon la voie bouddhiste, la souffrance n'est en aucun cas souhaitable. Cela ne signifie pas que l'on ne puisse pas en faire usage, lorsqu'elle est inévitable, pour progresser humainement et spirituellement. Comme l'explique souvent le Dalaï-Lama : « Une profonde souffrance peut nous ouvrir l'esprit et le cœur, et nous ouvrir aux autres. » La souffrance peut être un extraordinaire enseignement, à même de nous faire prendre conscience du caractère superficiel de nombre de nos préoccupations habituelles, du passage irréversible du temps, de notre propre fragilité, et surtout de ce qui compte vraiment au plus profond de nous-mêmes.

La façon dont nous vivons ces vagues de souffrance dépend donc considérablement de notre propre attitude. Ainsi vaut-il toujours mieux se familiariser et se préparer aux souffrances que l'on est susceptibles de rencontrer et dont certaines sont inévitables, telles la maladie, la vieillesse et la mort, plutôt que d’être pris au dépourvu et de sombrer dans la détresse. Une douleur physique ou morale peut être intense sans pour autant détruire notre vision positive de I’existence. Une fois que nous avons acquis une certaine paix intérieure, il est plus facile de préserver notre force d’âme ou de la retrouver rapidement, même si, extérieurement, nous nous trouvons confrontés à des circonstances particulièrement difficiles.

Cette paix de l'esprit nous viendrait-elle simplement parce que nous la désirons ? C'est peu probable. On ne gagne pas sa vie seulement en le souhaitant. De même, la paix est un trésor de l'esprit qui ne s’acquiert pas sans efforts. Si nous nous laissons submerger par nos problèmes personnels, aussi tragiques soient-ils, nous ne faisons qu'accroître nos difficultés et devenons également un fardeau pour ceux qui nous entourent. Toutes les apparences prendront un caractère hostile, nous nous révolterons amèrement contre notre sort au point de douter du sens même de l'existence. Aussi est-il essentiel d'acquérir une certaine paix intérieure, de sorte que, sans diminuer en aucune façon notre sensibilité, notre amour et notre altruisme, nous sachions nous relier aux profondeurs de notre être.

Bertrand consacre également une partie de son ouvrage à la manière de résoudre ou d'éviter les conflits, en adoptant le point de vue de I’autre, en faisant preuve d'ouverture et de compréhension, en souhaitant trouver une solution mutuellement acceptable et en se gardant à tout prix de creuser plus profondément le fossé qui sépare deux points de vue. Un proverbe oriental dit que l'on ne peut applaudir d'une seule main. De même est-il difficile de se disputer avec une personne qui ne souhaite absolument pas entrer dans une stratégie de confrontation. La bienveillance et le calme intérieur sont les meilleurs moyens de désamorcer les conflits naissants.

Pour Bertrand : « La liberté, la vraie, ne consiste pas à pouvoir tout faire, mais à pouvoir tout penser. À penser dans toutes les directions et à tous les niveaux à la fois, sans aucune restriction. » On pourrait aussi évoquer le Mahatma Gandhi qui affirma « La liberté extérieure que nous atteindrons dépend du degré de liberté intérieure que nous aurons acquis. Si telle est la juste compréhension de la liberté, notre effort principal doit être consacré à accomplir un changement en nous-mêmes. »

Dans les années soixante-dix, un Tibétain vint trouver un sage âgé, auquel je rendais moi-même visite, près de Darjeeling, en Inde. Il entreprit de lui raconter ses malheurs passés, puis continua par une énumération de tout ce qu'il redoutait du futur. Pendant ce temps, le sage faisait tranquillement rôtir des pommes de terre sur un petit brasero posé devant lui. Au bout d'un moment, il dit au visiteur plaintif : « A quoi bon tant te tourmenter pour ce qui n'existe plus et pour ce qui n'existe pas encore ? » Interloqué, le visiteur se tut et resta un bon moment en silence auprès du maître, qui lui tendait de temps à autre quelques bonnes patates croustillantes.

La liberté intérieure permet de savourer la simplicité limpide du moment présent, libre du passé et affranchi du futur. Se libérer de l'envahissement des souvenirs du passé ne signifie pas que l'on soit incapables de tirer des enseignements utiles des expériences vécues.

S’affranchir de I ‘appréhension à l'égard du futur n’implique pas que l'on soit incapables d'aborder l’avenir avec lucidité, mais que l'on ne se laisse pas entraîner dans des tourments inutiles.

Une telle liberté a une composante de clarté, de transparence et de joie que la prolifération habituelle des ruminations et des fantasmes interdit. Elle permet d’accepter les choses avec sérénité sans pour autant tomber dans la passivité ou la faiblesse. C'est aussi une manière d'utiliser toutes les circonstances de la vie, favorables ou adverses, comme facteurs de transformation personnelle, d'éviter d'être distraits ou arrogants lorsque les circonstances sont favorables, ou déprimés quand elles se font contraires. Ainsi, sans nous départir de notre force d'âme et de notre paix intérieure, nous serons constamment disponibles pour œuvrer au bien d’autrui et au service de nobles causes qui donnent un sens à chaque instant qui passe. »

Matthieu Ricard

****

*Brève biographie de Matthieu Ricard

Matthieu Ricard, né en 1946 à Aix-les-Bains, est un essayiste et photographe français. Docteur en génétique, il devient moine bouddhiste tibétain et réside surtout au monastère de Shéchèn au Népal.

Il est le fils de la peintre française Yahne Le Toumelin et du philosophe, essayiste, journaliste et académicien Jean-François Revel (de son vrai nom Jean-François Ricard)

Par ailleurs, il est aussi le neveu du navigateur Jacques-Yves Le Toumelin, le frère de la poétesse et écrivaine, Ève Ricard et le demi-frère du haut fonctionnaire Nicolas Revel.

Matthieu Ricard fait ses études au lycée Janson-de-Sailly à Paris.

Très tôt il se passionne pour la photo : « Je souhaite utiliser la photographie comme une source d'espoir, pour redonner confiance dans la nature humaine et raviver notre émerveillement devant les splendeurs de la nature ». Il expose et publie ses photographies. 

Très jeune, il découvre la spiritualité à travers l’œuvre de René Guénon. Il cherche à passer de la théorie à la pratique.

Il voyage en Inde et rencontre des maîtres spirituels tibétains, notamment le maître Kangyour Rinpoché.

Après sa thèse en génétique cellulaire à l’Institut Pasteur, il s’établit dans l’Himalaya (1972). Il y médite, étudie et pratique le bouddhisme tibétain.

En 2017 il vivait dans un petit ermitage en montagne en alternance avec sa vie au monastère.

Il devient moine en 1979, et en 1980 il rencontre pour la première fois le dalaï-lama grâce à Dilgo Khyentsé Rinpoché

« Quand j'ai quitté l'Institut Pasteur en 1972, j'avais de côté l'équivalent de six mois de salaire au CNRS, ce qui m'a permis de vivre quinze ans sur place. Durant ces années, j'ai vécu avec 30 euros par mois, ne faisant rien d'autre que méditer ». (Matthieu Ricard)

 

 

 

Ricard traduit le tibétain en français et en anglais et depuis 1989 il est l’interprète en français du dalaï-lama.

En 2000 il fonde l’association humanitaire Karuna Shechen et fait partie du Mind and Life Institute, une association qui facilite les rencontres entre la science et le bouddhisme.

Il collabore avec des institutions de différents pays : Etats-Unis (université du Wisconsin-Madison, Université de Princeton, Université Berkeley en Californie), Allemagne (Institut Max Planck de Leipzig), Belgique (Centre de Recherche du cyclotron à Liège), France (INSERM de Lyon et Caen).

Matthieu Ricard, végétarien, s’est aussi engagé pour la protection de la nature et des animaux.

****

*Quelques-uns de ses ouvrages

  • Solitudes
  • Carnets d’un moine errant
  • Le moine et le philosophe
  • L’art de la méditation
  • Cerveau et méditation
  • Quand la mort éclaire la vie
  • Paroles du Dalaï-Lama

 

Matthieu Ricard collabore à la création du site Treasury of Lives, une encyclopédie biographique en ligne.

Il consacre l’intégralité de ses droits d’auteurs à plus de 200 projets humanitaires au Tibet, en Inde et au Népal.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
7 février 2023 2 07 /02 /février /2023 15:04

 

LA FEMME, L’HOMME, L’AMOUR

DE

L’OCCIDENT ANCIEN À NOS JOURS

QUELLE PLACE, QUEL ORDRE DANS LA SOCIÉTÉ ? (2)

 

 

Éternel débat

 

***

 

« Le poète a toujours raison,
qui voit plus haut que l'horizon
Et le futur est son royaume
Face à notre génération, je déclare avec Aragon
La femme est l'avenir de l'homme
… » (Jean Ferrat)

 

***

 

**Qui ? Pourquoi ? Comment ?

Peut-on parler de l’histoire du rôle de la femme dans le couple et dans la société, de nos jours, sans évoquer ce que fut le débat des Anciens sur cette épineuse question ?

La Femme est-elle inférieure, supérieure ou égale à l’homme ?

 

***

 

« Je ne réclame aucune faveur pour les femmes, tout ce que je demande à nos frères, c’est qu’ils retirent leur pied de notre nuque ».( Ruth Bader Ginsburg)

 

***

 

 « La femme est l’avenir de l’homme » dit Jean Ferrat, dans sa chanson, s’inspirant de Louis Aragon, lequel a écrit dans son poème « Le Fou d’Elsa » :

 

« L'avenir de l'homme est la femme.

Elle est la couleur de son âme.

Elle est sa rumeur et son bruit.

Et sans elle, il n'est qu'un blasphème. »

 

Cette affirmation est-elle valable pour tous et de tout temps ?

Et l’ère des sorcières ?

 

????

**Hommes-Femmes. Forces ou faiblesses ?

 

Et les sentiments dans tout cela ? Et l'Amour ?

 

Heureusement qu'ils existent. Ils constituent l'exception à la règle. Et quand l’Amour paraît, sur son chemin et face à lui, il n'y a plus ni riche, ni beau, ni intelligent, ni laid, ni impur, il n'y a que l'Amour. Et c'est cela précisément qui fait sa noblesse.

Par rapport à ce thème sécuritaire, comme il vient d'être souligné, on a souvent soutenu que la femme était incapable de garder le secret. Ce préjugé ou cette conviction qui a cours dans nombre de civilisations dans le monde ne peut à mon sens se justifier que par rapport à ce besoin de sécurité.

 

Quel rapport entre les deux, me direz-vous ?

 

Justement, lorsqu'on garde un secret et qu'on est tenu de le garder pour longtemps ou pour toujours, cela représente une sorte d'inconfort moral, soit parce que ce secret est celui d'une faute commise, auquel cas on est soumis aux coups répétés de la conscience, soit parce que c'est le secret d'un événement heureux qui procure une joie immense et alors, on brûle du désir de le communiquer à autrui. Dans l'un et l'autre cas, le secret se révèle lourd à porter.

Alors, la femme avoue ou divulgue, ce qui met fin à l'inconfort, voire à l'insécurité. C’est sans doute un aspect paradoxal chez celle-ci, qui est par ailleurs la première à s’enflammer en principe, en dénonçant l'injustice à l'égard des plus faibles. Cela explique bien des actions dans l'histoire. Notamment le fait que très souvent, on voit les femmes à la tête des révolutions, non pour casser ou brûler, mais pour pacifier, en rétablissant les équilibres nécessaires au moyen de la justice et l'équité.

 

 

Ainsi le 5 octobre 1789, des femmes au nombre de six à sept mille, parties du faubourg Saint-Antoine et du quartier des Halles à Paris, décidèrent une marche mémorable sur Versailles, réclamant du pain à Louis XVI. Manque de pain, donc inconfort et insécurité.

 

Le 23 février 1917, la Marche des femmes russes à Saint-Pétersbourg — qui constitua du coup l'acte de naissance de la révolution russe — avait pour motivation première de réclamer au Tsar Nicolas II, « la paix et du pain », mais aussi des libertés, donc la fin de l'autocratie. Leur marche par sa détermination et sa spontanéité finit par entraîner le courage et l'action des hommes. De même que lorsque les hommes se terraient, lâches et tremblants, on a vu dans certains pays d'Afrique des femmes sortir, dignes de spontanéité et de courage, affronter mains nues, les balles et braver les brutalités des sbires du pouvoir. Ce fut déjà le cas au Sénégal lors de la très longue et très dure grève des cheminots du chemin de fer « Dakar-Niger » qui s'est déroulée du 10 octobre 1947 au 19 mars 1948. A l'annonce de l'échec des négociations entre la délégation des cheminots africains et la direction française du chemin de fer, bravant les militaires et forçant les barrages au péril de leur vie, les femmes organisèrent spontanément une longue et éprouvante marche sur Dakar (de Thiès à Dakar : distance d'environ cinquante kilomètres), destinée à obtenir le règlement pacifique et honorable du conflit.

De même, pour protester contre l'arrestation arbitraire et l'emprisonnement massif des dirigeants du tout jeune « Parti Démocratique de Côte d'Ivoire » (section du R.D.A. : Rassemblement Démocratique Africain, fondé en 1946 à Bamako) décidés par les autorités coloniales le 5 février 1949, les femmes organisèrent une marche fameuse (restée dans les annales d'histoire du pays) sur la capitale du territoire Grand-Bassam pour réclamer la libération de leurs hommes ainsi que la paix.

 

 

Plus récemment encore, dans l'histoire de l'Afrique indépendante, les femmes surent en maintes occasions faire preuve de la même détermination et de la même inclination dans l'action en faveur de la paix et de la justice.

De même, la volonté des femmes du Caucase du Sud (volonté contrariée par le gouvernement russe) de manifester (sous forme de rassemblements et de défilés), en faveur de l'arrêt de la guerre et de la paix en Tchétchénie, répond aux mêmes impératifs et aux mêmes penchants naturels. Pourquoi ? Tout simplement parce que leurs maris, arrêtés ou fusillés, elles perdaient tout soutien, toute source de confort moral et de sécurité. Il ne s'agit pas que de la sécurité matérielle mais morale et psychologique. Et surtout de cette propension naturelle à la paix et à la justice. Pour toutes ces raisons, la femme a souvent été par ailleurs un précieux auxiliaire de la police ou de la justice, indépendamment de son pouvoir naturel de séduction parce que prompte à avouer et dénoncer.

Bien sûr, certains hommes sont également incapables de garder un secret comme il est des femmes capables de garder des secrets.

 

***

 

 « Vous avez brisé le sceptre du despotisme […] et tous les jours vous souffrez que treize millions d’esclaves portent les fers de treize millions de despotes ! » (Requête des dames à l’Assemblée nationale)

 

 

Alors faut-il brûler la femme ? Bien sûr que non ! Il faut l'encenser, l'aduler, l'adorer.

Il est un autre aspect pour lequel il serait dans l'intérêt de l'Humanité que ce prochain siècle soit celui de la femme. Qui voit-on dans la rue, défiler, protester et manifester pour réclamer la paix ? Lorsque la violence s'installe dans un pays ou une région, la fraction de la société qui s'élève contre cette violence, crie fort et manifeste pour le retour de la paix, ce sont les femmes. Presque toujours dans l'histoire, l'initiative de ces mouvements de protestation en faveur de la paix s'inscrit au crédit de la femme. C'est ainsi que le 28 mars 1915, des femmes représentantes des partis socialistes de sept pays d'Europe : Allemagne, Angleterre, France, Italie, Pays-Bas, Russie et Suisse se rencontrèrent à Berne pour élaborer une résolution définitive condamnant la guerre et faire pression sur leurs gouvernements respectifs.

 

 

« La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune. » (Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne)

**La Femme plus anti-guerre que L’homme ?

 

Il arrive aussi souvent que les hommes suivent. Mais ce sont les femmes parfois spontanément, en tout cas sincèrement (pense-t-on avec foi) qui ouvrent la marche.

Ce fut le cas, ici en Corse, là en Algérie ou ailleurs, en Bosnie, ces défilés en faveur de la paix démontrent avec éclat que l'injustice qui consiste à éloigner les femmes des rênes de la direction des pays pour les maintenir en marge de la vie politique constitue un crime contre la paix. Faire accéder les femmes au pouvoir, ce serait aussi faire changer les hommes. Les femmes au pouvoir, c'est la paix dans le monde.

A ce propos, « Madame Emma Bonino, commissaire européen chargée de l'aide humanitaire, envoyée spéciale de l'Union Européenne en Yougoslavie, puis au Zaïre lors de la crise rwandaise de 1996, incarne le mieux l'idée que je me fais de la femme responsable, de la femme aux commandes de l'action politique. En l'observant à l'œuvre, au milieu d'un monde hostile et sourd, j'ai admiré en elle le naturel, allié à la conviction et à la détermination dans l'action, la justesse de ton alliée à la justesse de vue, le courage allié au sens de la justice et guidé par la générosité. Bref, le devoir dans sa plénitude, l'action au strict service de l'humain, sans démagogie ni faux-fuyants.

Bien entendu, parmi les femmes dirigeantes de leur pays, il peut y avoir des exceptions. La guerre des Malouines ainsi que l'action politique de celle qui en fut la principale protagoniste (la Première ministre britannique de l’époque), administrent la preuve qu'il peut aussi y avoir des femmes-faucons, des femmes-fauves, ou tout simplement des femmes politiques qui font moins bien ou qui font autant que les hommes pour la préservation de la paix et la sauvegarde de la justice sociale. Les « Belle Irène » cela existe aussi. Au-delà, c'est la place de la femme dans nos sociétés qui demeure la question essentielle. » 

 

  •  

 

Partager cet article
Repost0
8 octobre 2022 6 08 /10 /octobre /2022 08:54

ECOLE DU VILLAGE (1)

 

 

Souvenirs : chansons CP-CE

 

En arrivant à l’école pour la première fois, le jour de la rentrée, ce qui m’a le plus marqué fut tout d'abord la vue d’une grande bâtisse grise avec de grandes fenêtres.

Puis, la cour, très grande aussi, où grouillait une foule d’élèves bruyants, courant dans tous les sens, mis à part un groupe isolé et calme : les nouveaux sans doute.

Et en entrant dans la classe l’effet était encore plus frappant : au moins une cinquantaine d’élèves, entassés sur des bancs face à de longues tables.

Mais, le plus marquant qui me reste de ces années du CP au CM2 de l’école primaire du village (école publique coloniale française), furent les chansons apprises pendant cette période et chantées au rythme de deux à trois par semaines.

Ce fut pour nous une véritable découverte ! Car nous chantions tous ensemble, en français pour la première fois, langue que pratiquement personne ne parlait ni n’entendait ou comprenait.

Elle nous différenciait de nos camarades non scolarisés et surtout de nos parents qui, eux non plus ne parlaient pas cette langue.

Exemples de chansons.

En voici trois qui me viennent à l’esprit et que je fredonne encore de temps en temps.

 

Le Vieux Chalet  (Paroles : Joseph Bovet / Marie Harbach)

 

Là-haut sur la montagne l'était un vieux chalet
Murs blancs toit de bardeaux
Devant la porte un vieux bouleau
Là-haut sur la montagne l'était un vieux chalet

 

Là-haut sur la montagne croula le vieux chalet
La neige et les rochers
S'étaient unis pour l'arracher
Là-haut sur la montagne croula le vieux chalet

 

Là-haut sur la montagne quand Jean vint au chalet
Pleura de tout son cœur
Sur les débris de son bonheur
Là-haut sur la montagne quand Jean vint au chalet

 

Là-haut sur la montagne l'est un nouveau chalet
Car Jean d'un cœur vaillant
L'a rebâti plus beau qu'avant
Là-haut sur la montagne l'est un nouveau chalet

 

 

Ma cabane au Canada (Paroles : Loulou Gasté / Mireille Brochet ; compositeur : Désiré Dondeyne)

 

Ma cabane au canada
Est blottie au fond des bois
On y voit des écureuils sur le seuil
Si la porte n'a pas de clé
C'est qu'il n'y a rien à voler
Sous le toit de ma cabane au Canada
Elle attend engourdie sous la neige
Elle attend le retour du printemps

 

Ma cabane au canada
C'est le seul bonheur pour moi
La vie libre qui me plaît
La forêt
À quoi bon chercher ailleurs
Toujours l'élan de mon cœur

Reviendra vers ma cabane au Canada
Mais je rêve d'y emmener
Celui qui voudra me suivre

Viens avec moi si tu veux vivre
Au cher pays où je suis née

 

Ma cabane au Canada
J'y reviendrai avec toi
Nous rallumerons le feu tous les deux
Nous n'aurons pas de voisins
Parfois seul un vieil Indien
Entrera dans ma cabane au Canada
Je te dirai le nom des fleurs sauvages
Je t'apprendrai le chant de la forêt


Ma cabane au Canada
Tant que tu y resteras
Ce sera le paradis
Mon chéri
À quoi bon chercher ailleurs
Je sais bien que le bonheur
Il est là
Dans ma cabane au Canada

 

(© Patick Baude)

 

Bergeronnette (poème de Charles Dovalle (1807-1829))

 

Pauvre petit oiseau des champs,
Inconstante bergeronnette.
Qui voltiges, vive et coquette,
Et qui siffles tes jolis chants ;

Bergeronnette si gentille,
Qui tournes autour du troupeau.
Par les prés sautille, sautille,
Et mire-toi dans le ruisseau !

Vas, dans tes gracieux caprices,
Becqueter la pointe des fleurs,
Ou poursuivre, au pied des génisses,
Les mouches aux vives couleurs.

Reprends tes jeux, bergeronnette,
Bergeronnette au vol léger ;
Nargue l'épervier qui te guette !
Je suis là pour te protéger ;

Si haut qu'il soit, je puis l'abattre...
Petit oiseau, chante !... et demain,
Quand je marcherai, viens t'ébattre,
Près de moi, le long du chemin.

C'est ton doux chant qui me console,
Je n'ai point d'autre amis que toi !
Bergeronnette, vole, vole,
Bergeronnette, devant moi !...

 

 

Ces chansons apprises avec l’ardeur de nos jeunes voix, portaient pour l’essentiel sur la campagne, la vie paisible de la campagne, les animaux qui y vivent paisiblement aux côtés des paysans travaillant dans leurs champs. Une nature bienfaisante et disponible que nous respirions avec gourmandise.

Elles nous éloignaient des comptines traditionnelles chantées par nos mères car elles bénéficiaient de l’attrait de l’inconnu et du charme de la nouveauté.

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
17 juillet 2022 7 17 /07 /juillet /2022 07:31

L’IMMIGRATION EN FRANCE

 

 

Colonisation, immigration, intégration

 

 

> Après les Tente Glorieuses, la crise économique et sociale ?

Cette crise constitue pour la France, une épreuve : le retour du temps des « vaches maigres » qui rappelle la grande crise économique de l’entre-deux guerres des années 30 au déclanchement de la Deuxième Guerre mondiale.

Curieusement, elle rappelle des mots, des images que l’on croyait définitivement bannis de nos mémoires.

Ce ressac fut l’occasion de prendre rapidement des mesures auxquelles on ne pensait plus : chômage massif, fermeture des frontières, renvoi chez eux des travailleurs immigrés dont on ne voulait plus et qui devenaient, du jour au lendemain, ces indésirables qu’il fallait renvoyer chez eux, des « empêcheurs de vivre en paix» qui venaient nous « manger notre pain ».

 

S’il fut plus facile pour les travailleurs immigrés européens (italiens, Polonais, Russes, Portugais…) de rentrer chez eux, ou de s’intégrer par naturalisation, car plus proches par la culture, donc jugés plus facilement assimilables, les autres, Arabes et Noirs, rencontrèrent plus de difficultés, parce que originaires pour la plupart de l’ancien Empire colonial français d’Afrique (?).

Ce fut l’ère des « charters » pour conduire les récalcitrants dans leur pays d’origine.

Ceux qui voulurent rester coûte que coûte en France, choisirent la clandestinité et devinrent des « clandestins », des « sans-papiers », souvent enfermés dans les trop fameux « centres de rétention », dans l’attente de leur expulsion du pays.

Ces clandestins, sans papiers, contribuèrent, depuis, sans doute, à enrichir le vocabulaire généralement appliqué à cette catégorie ; ils sont à l’origine des métamorphoses du terme « travailleurs immigrés » qui devint « immigrés clandestins », puis « clandestin », certains assimilés aux délinquants ou de trafiquants de produits interdits par la loi.

Dans le même temps, surtout à partir du début des années 1990, on assista à une certaine détérioration des relations entre la France et des Etats africains.

Quelques personnalités françaises, notamment des ambassadeurs ou anciens ambassadeurs, qui s’inquiétaient de l’état de dégradation des relations entre l’Afrique et l’ancienne métropole, s’en sont émus, pour l’avenir des relations franco-africaines, principalement du sort du français, majoritairement parlé dans ces pays, et partant, du rayonnement de la France dans le monde, au moment où des nations autres qu’européennes, rodaient autour du continent africain.

 

 

Ainsi, « Le point de vue de M. Gérard Simon, ancien ambassadeur de France, publié récemment dans une revue africaine sous le titre La langue française, une espèce menacée en Afrique ? est riche d'enseignement. Son analyse commence par l'avenir prévisible à moyen terme du français en Afrique et dans le monde.

M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de la francophonie, affirme, par l'article publié sous sa signature dans le Figaro du 20 mars 2002, « qu'à l'horizon 2005-2010, 52% des francophones du monde seront africains. » Ces propos sont bien présomptueux. Ils relèvent de la simple spéculation quantitative, fondée sur l'extrapolation du rythme démographique. Mais ils ne prennent pas en compte, à l'évidence, les hypothèques pesant aux plans humains, politiques et économiques, sur les relations de la France, clé de voûte et élément moteur de l'édifice francophone, avec ses partenaires de l'Afrique subsaharienne. Rares sont ceux, en effet, dans lesquels l'opinion publique ne déplore, à tous les niveaux socio-économiques, l'irréversible déclin et la banalisation accélérés des relations traditionnellement privilégiées avec la France. C'est pourquoi, prenant leur parti de cet amer constat, les jeunes élites africaines se tournent résolument désormais, vers l Amérique du Nord, malgré le coût élevé des études. Les Etats-Unis et le Canada accueillent, maintenant, plus d'étudiants africains francophones que la France. De sorte qu’en dépit de toutes les déclarations circonvenues du personnel politique français, les dimensions historiques, culturelles, économiques de nos relations avec l'Afrique francophone ne cessent de se dégrader dans l'indifférence d'une opinion publique essentiellement préoccupée par la gestion matérialiste du quotidien. Cependant, il faut reconnaître que la France a bien plus à perdre que l'Afrique dans ce lâche et frileux repli égocentrique sur l'Hexagone. Que sera notre pays, à l'horizon d'une génération, privé de l'appui des dimensions culturelles, économiques, politiques, de cet espace francophone ? Ni plus ni moins qu'une nation de troisième ordre, du niveau de l’Italie ou de l'Espagne, peinant à s'affirmer dans une Europe élargie, confrontée, avec ses seuls atouts, à la concurrence féroce de la mondialisation. Il sera bien temps de se demander alors : « Qui a perdu l’Afrique ? » Nos partenaires africains en francophonie constatent que la générosité protectrice et l'intimité patrimoniale de la France se sont quelque peu taries au cours de ces dernières années en dépit des effets d'annonce affichés par Paris.

L'ambassadeur en apporte la démonstration irréfutable dans la coopération avec l'Afrique qui n'a de réalité et d'efficacité que dans les discours des dirigeants français notamment des différents ministres qui se succèdent à la tête du Ministère de la Coopération. Mais ce qu'il a surtout tenu à mettre en exergue, c'est cette propension française à écarter systématiquement les Africains de toute participation à la mise en œuvre de cette coopération instituée en leur nom. Tout comme hier, les élites africaines dans les colonies furent écartées et tenues loin de l'Administration coloniale sur leur sol, et il affirme :

De nos jours, quarante ans après les indépendances, la France se distingue singulièrement de tous les autres intervenants, bi ou multilatéraux en Afrique car, elle est bien la seule à ne pas avoir intégré de jeunes diplômés nationaux dans les services chargés de la gestion des projets de développement. Aucun autre bailleur de fonds, il faut le souligner, ne se livre à un tel ostracisme corporatif à l'égard des jeunes élites africaines que nous avons cependant contribué à former. Contrairement à ce que l'on pouvait espérer, la fusion intervenue entre le personnel de la rue Monsieur (c’est-à-dire le Ministère de la Coopération) et celui des Affaires étrangères n'a modifié en rien cet état d'esprit confinant le personnel de recrutement local dans les emplois subalternes de plantons et chauffeurs. Toutes les fonctions d'exécution restent tenues par des expatriés dont les rémunérations sont très supérieures, dans la proportion de I à 10, à celles qui seraient susceptibles d'être servies à des diplômés africains de haut niveau avec lesquels le dialogue, au quotidien, aurait une toute autre signification.

            Que de similitude aveuglante avec ce que fut naguère l’attitude des Français dans leurs colonies d’Afrique à l’égard des élites autochtones ! Le regard colonial toujours à l’œuvre ? Ou vision néocoloniale de l’Afrique ? L’ambassadeur et passe en revue tous les aspects des rapports contemporains entre la France et l’Afrique aussi bien sur le sol français que sur le sol africain et dans ces lieux privilégiés d’observation de ce rapport que sont les chancelleries françaises en Afrique :

 

Désormais et alors qu'un Français n'est pas encore tout à fait étranger en Afrique francophone, un Africain francophone doit, en revanche, subir d'innombrables tracasseries administratives, vides de toute amitié mutuelle, avant même d'accéder à notre sol. Rares sont les chancelleries diplomatiques et consulaires françaises de l’Afrique francophone qui ne sont pas quotidiennement le théâtre d'incidents avec des demandeurs de visas humiliés par le caractère inquisitorial des justifications exigées. Depuis l'entrée en vigueur de la Convention de Schengen, en mars 1995. nos partenaires africains sont traumatisés affectivement et psychologiquement par une politique de contrôle de nos frontières appliquée d'une manière excessivement rigide et technocratique. En transférant sa part de souveraineté en matière de visas, la France a perdu les capacités de nuances et de flexibilité qui s'imposent vis-à-vis de nos partenaire africains francophones habitués, jusqu'alors, à la spontanéité naturelle des échanges. Nos amis africains ne manquent donc pas de constater, avec amertume, que pendant que les ressortissants de leurs pays restent confinés sur les « liste sensibles » de l'immigration, Bruxelles exerce la « Préférence européenne » vis-à-vis des citoyens de l'Europe de l'Est. [Revue Afrique Éducation n° 108, mai 2002].

Drôle de divorce (entre la France et ses « amis » africains) qui n’ose pas dire son nom, qui n’est ni séparation à l’amiable par consentement mutuel, ni rupture consécutive à un procès équitable mais unilatéral, abrupt, sans appel, le fait du prince qui, du jour au lendemain, précipite dans la fosse commune de l’histoire, l’Afrique, les Africains, et, avec eux le passé et le futur par-dessus, pour bâtir la maison commune des frères européens.

Cet aspect particulier des choses est certainement celui qui mérite le plus réflexion et commentaire. L’Afrique victime de Schengen ! Je me souviens de ces propos d'une personnalité politique française qui fut Premier ministre au début des années 90 :

Il faut que nous fermions un peu nos portes à ceux du Sud pour les ouvrir un peu plus à ceux de l’Est, c'est-à-dire les ressortissants des anciens pays du bloc de l'Est après la dislocation de l'Union soviétique. Quel retournement de l'histoire ! » [Tidiane Diakité, France que fais-tu de ta République ?, L’Harmattan, 2004].

 

 

> D’hier à demain, l’Afrique

Demain, l’Afrique, une province chinoise ou indienne ? Une zone d’influence russe ?...

Et quid de la francophonie ?

Quelle place pour la France, demain ?

 

                                                       

                                                         

Partager cet article
Repost0
3 juillet 2022 7 03 /07 /juillet /2022 10:51

 

IMMIGRATION, IMMIGRÉ

DEUX VIEUX MOTS

SANS DOUTE PARMI LES PLUS UTILISÉS

DANS LE MONDE HIER ET AUJOURD’HUI (1)

 

istockphoto.com

 

Deux vieux mots qui recouvrent un même phénomène

(déplacement de personnes et des réalités différentes).

 

 

°Un monde en mouvement depuis la nuit des temps, de l’homme de Neandertal jusqu’à celui du XXIe siècle.

Après la création d’un État, le premier souci de ses habitants étaient de le protéger des invasions éventuelles. Pour cela ils créèrent des frontières et émirent des lois pour réguler l’entrée des nouveaux arrivants dans leurs villes et villages.

Malgré les États, les frontières et les lois, les hommes ont toujours été en mouvement, partout et pour diverses raisons : échanges de produits, de savoir-faire…

 

 

Gérard Noiriel, dans son ouvrage, Atlas de l’immigration en France, nous montre le début et l’extension de ce mouvement des peuples.

 

« Les migrations : une histoire ancienne.

Dans l'Antiquité, c'est grâce aux migrations que les grandes civilisations ont pu s'épanouir, dans le bassin méditerranéen ou en Asie…

À partir du XVIe siècle, les progrès économiques et techniques de l'Europe occidentale fournissent à ses habitants les moyens de coloniser les autres peuples du monde. On peut distinguer deux grandes périodes. La première, celle des “temps modernes“, encadrée par deux grandes dates symboliques : 1492 (“découverte“ de l'Amérique par Christophe Colomb) et 1789 (début de la Révolution française) correspond à l'ère de la navigation à voile et de l'exploration du globe. L'émigration des Européens vers les autres continents reste limitée. En Asie, en Afrique et en Océanie, un petit nombre d'aventuriers, de marins et de commerçants installent des comptoirs en bordure des océans. Seule l'émigration vers l'Amérique présente un caractère de masse, conduisant à l'asservissement des cultures et au massacre des peuples des mondes précolombiens. L'histoire des migrations humaines débouche ainsi sur des formes de barbarie qui sont aggravées par le développement du “commerce triangulaire“, fondé sur la mise en esclavage de population africaine et sur la traite des Noirs. » (Gérard Noiriel, Atlas de l’immigration en France)

 

 

L’étude des migrations, quelles que soient les raisons ou l’aspect sous lequel on la mène, ou les régions du monde considérées, exige une vision globale du phénomène migratoire en rapport avec l’évolution des peuples et des nations, mais aussi de l’économie, des techniques…

L’Europe et la France en particulier, ont longtemps été considérées comme des régions d’immigration. Cette situation s’est amplifiée à partir du commencement du 19e siècle avec le début de l’industrialisation. Pour développer leurs industries, les Européens devaient aller chercher ailleurs la main-d’œuvre et la matière première indispensable au bon fonctionnement de leurs usines. Ils devaient également trouver à l’extérieur, des débouchés pour leurs produits manufacturés.

Pour cela ils colonisèrent les régions du monde qui leur étaient utiles, particulièrement en Afrique, en Amérique, en Asie.

 

 

° L’amplification de ce mouvement s’amorce au 19e siècle pour culminer de nos jours : flux de personnes, de produits, de techniques, d’idées...

Au début du 19e siècle, la France apparaît comme le principal État d’immigration en Europe comme on le voit sur la carte ci-dessous.

Des ressortissants de divers pays d’Europe convergent vers la France, surtout pour y trouver du travail.

(Gérard Noiriel, Atlas de l’immigration en France)

 

° L’industrialisation de la fin du 19e siècle, et des crises sociales entraînent le départ de nombreux Européens vers l’Amérique, devenue un pôle d’attraction.

 

(Gérard Noiriel, Atlas de l’immigration en France)

 

Cependant la France reste un pays d’immigration surtout pour les ressortissants des colonies françaises.

Le texte ci-dessous de Gérard Noiriel, tiré du même ouvrage, en est un bon résumé.

 

« LA SINGULARITE DE LA FRANCE.

Pendant la première période de l'histoire coloniale, la France, État le plus peuplé d'Europe, est un grand pays d'émigration. Des ports comme Nantes et Bordeaux ont bâti leur prospérité initiale sur le commerce triangulaire, participant activement à la traite négrière. Des milliers de colons français s'installent au Québec, en Louisiane, dans les Caraïbes. Des comptoirs français se créent sur les rives de tous les autres continents.

Au cours du XIXe siècle, pendant la deuxième phase de la colonisation, la IIIe République s'engage, comme les autres grands États européens, dans la course aux possessions coloniales, sous l'impulsion de Jules Ferry (que ses ennemis appellent le «Tonkinois»). À partir des «têtes de pont» établies dans les siècles antérieurs, l'empire français s'étend en Afrique, en Asie et en Océanie.

Mais, si l'on compare cette seconde période de l'histoire coloniale française à la première, on constate un changement essentiel : l'émigration des colons s'affaiblit. En raison du déclin démographique qui touche l'Hexagone dès le milieu du XIXe siècle, les départs sont juste suffisants pour fournir les cadres de l'empire colonial et la France devient, dès cette époque, un grand pays d'immigration.

La pluriactivité qui avait permis un vigoureux essor de l'économie française, sans pour autant aggraver l'exode rural, est condamnée par le développement de l'industrie lourde dans les dernières décennies du xix' siècle. Désormais, le recours massif aux travailleurs étrangers s'impose. »

 

 

° Les « Trente Glorieuses »

En France, la période comprise entre la fin de la Deuxième Guerre mondiale de 1945 à 1975 environ, est connue sous le nom des « Trente Glorieuses ».

Ce fut, en effet, une période de reconstruction du pays pour lui permettre de se relever des ruines et des affres du conflit mondial destructeur.

Ce fut aussi l’époque d’un développement et d’une modernisation de la France.

 

 

Ce prodigieux développement et cette modernisation sans précédent furent rendus possibles par l’afflux important de travailleurs étrangers provenant principalement des colonies ou anciennes possessions françaises d’Afrique et d’Asie.

Puis la France procéda au licenciement massif de ces travailleurs étrangers et à leur rapatriement par divers moyens.

Certains parmi eux voulurent échapper à ce départ forcé, et devinrent donc des « clandestins ».

(Voir article du blog du 26 mai 2012 : immigration, clandestins d’hier et d’aujourd’hui).

(Voir également d'autres articles du blog sur le même thèmes)

 

Un si long chemin

Partager cet article
Repost0
18 juin 2022 6 18 /06 /juin /2022 12:24

Cathédrale de Chartres (Vitrail de Charlemagne)

 

**

 

MOYEN ÂGE : LES ABUS DE CERTAINS ARTISANS

DÉNONCÉS PAR UN PRÉDICATEUR ALLEMAND :

BERCHTOLD DE RATISBONNE

 

Berchtold de Ratisbonne (Manuscrit de Vienne, 1447)

**

Berchtold (ou Berthold, Bertold) de Ratisbonne (en allemand Berthold von Regensburg) (vers 1220 – 1272) fut un religieux allemand du XIIIe siècle, connu et respecté, un prédicateur exceptionnel et recherché, un écrivain européen avant l’heure.

Après son noviciat à Ratisbonne, il commença rapidement à prêcher, d’abord à Ratisbonne, sa ville natale, puis très vite en itinérance, d’abord en Allemagne, puis dans toute l’Europe : Autriche, Suisse, France, Angleterre...

Sa forte personnalité et ses prédications renommées attiraient un public de plus en plus nombreux, à tel point que « les églises ne pouvaient les recevoir et il était forcé de parler d'une plate-forme ou d'un arbre en plein air », selon l’abbé Hermann de Niederaltaich, son contemporain (1200/1202-1275).

---

Ses prêches abordaient surtout ce qui concernait les gens moyens, leurs préjugés, leur vie de tous les jours…

Berchtold de Ratisbonne dénonçait aussi les pratiques des artisans et marchands, pratiques qui avaient cours au moyen âge et qu’il jugeait inacceptables, déshonorantes, ce qui annonce une réorganisation des métiers dans les siècles à venir.

Il dénonçait l'usure et le commerce malhonnête, le monde des métiers et des corporations, bruyants et hors les règles de la bienséance, comme on le voit dans l’extrait ci-dessous.

Il dénonçait aussi les magistrats injustes, les impôts excessifs…

Son style nous apprend l’un de ses biographes, « clair et remarquablement dégagé de toute construction latine était fort apprécié du public… ».

 

***

Berchtold de Ratisbonne s’adresse à certaines corporations d’artisans en ces termes :

 

« De tous les fripons, vous êtes les premiers, vous qui travaillez dans le vêtement, les soies, la laine, la fourrure, les chaussures, les gants ou les ceintures. On ne peut en aucune façon se passer de vous. Il faut absolument que les hommes s'habillent. Votre devoir serait donc de les satisfaire par la conscience de votre travail, en vous abstenant de voler la moitié de l'étoffe ou de recourir à d'autres roueries telles que mêler du crin à votre laine ou l'étirer tellement que le client pense avoir acheté de la bonne étoffe, alors que vous l'avez rendue plus longue qu'elle ne devrait,... et vous faites d'une bonne étoffe quelque chose d'inutilisable. Aujourd’hui, à cause de votre fraude, personne ne peut trouver de bon chapeau; la pluie en traversera le bord et dégoulinera sur la poitrine. Même tromperie pour les chaussures, les fourrures, le corroyage. Vous vendez du vieux cuir en le faisant passer pour neuf et, quant au nombre de vos supercheries, personne ne le sait mieux que vous et votre maître, le diable !...

En second lieu viennent ceux qui travaillent avec des outils de fer. De tels artisans devraient tous être consciencieux et dignes de confiance dans leur tâche, qu'ils travaillent à la journée ou à la pièce, ainsi que le font beaucoup de charpentiers et de maçons. Lorsqu'ils travaillent à la journée, ils ne devraient pas rester volontairement désœuvrés pour multiplier d'autant le nombre de leurs journées. Et toi, si tu travailles à la pièce, ton devoir te dicte de ne pas expédier la tâche trop vite afin d'en être débarrassé plus tôt, si bien que la maison s'effondrera avant qu'un an ou deux soient écoulés. Tu dois t'appliquer à ce travail comme si c'était pour toi. Toi, maréchal-ferrant, tu ferreras un cheval d'un fer qui ne vaut rien et qui cassera avant que l'animal ait parcouru à peine un mille. Il en restera peut-être boiteux, ou bien le cavalier sera fait prisonnier ou perdra la vie. Tu es un démon et un apostat et ce sont les anges apostats que tu iras rejoindre. » (Berchtold de RATISBONNE in Maxime Roux, Textes relatifs à la civilisation matérielle et morale du Moyen âge)

 

Maréchal ferrant

 

Partager cet article
Repost0
15 mai 2022 7 15 /05 /mai /2022 09:05

Cathédrale de Chartres (Vitrail de Charlemagne)

 

**

 

PARIS AU MOYEN-AGE : MÉTIERS ET CORPORATIONS

 

 

Après l’An Mil, dans les villes et les bourgs, les artisans s’organisent en associations professionnelles, les corps de métiers. (Guildes ou Hanses, selon les lieux).

Les corporations étaient composées d’artisans d’une même profession (taverniers, cervoisiers, forgerons, tisserands, boulangers, charpentiers…).Chaque corporation était organisée selon une hiérarchie stricte : apprentis, compagnons, maîtres (patrons).

La plupart des métiers d’artisans étaient régis par une corporation qui avait pour rôle de réglementer la durée de la formation, la procédure, pour obtenir le titre d’artisan.

C’est aussi la corporation qui fixait les prix, des marchandises et assurait la protection de ses membres.

 

***

Ci-dessous deux exemples qui illustrent le rôle des corporations au 13e siècle, rapportés par Étienne Boileau dans son ouvrage Le Livre des Métiers.

 

« Corporation des taverniers

Peuvent être taverniers à Paris ceux qui le veulent, s'ils en ont les moyens, en payant le chantelage (droit que prélevait le seigneur sur le vin vendu en gros.) au roi, les mesures aux bourgeois et les crieurs. Chaque tavernier doit acheter tous les ans ses mesures aux bourgeois de Paris. Les bourgeois les vendent plus à l'un, moins à l'autre, selon leur caprice. Quiconque vend à Paris du vin en tonneau doit avoir un crieur.

Tous les taverniers de Paris peuvent vendre le vin qu'ils veulent, au prix qu'ils veulent. Cependant ils ne doivent pas augmenter leurs prix; par contre, ils peuvent le baisser et avoir du vin en tonneau autant qu'il leur plaît. Qu'ils aient des mesures justes ; si quelqu’un utilise de fausses mesures, le roi fixera l'amende à lui infliger.

 

Marchand de vin rouge (Tacuinum sanitatis, 15e S)

 

Corporation des cervoisiers (brasseurs.)

Nul cervoisier ne peut ni ne doit faire de la cervoise (sorte de bière) avec autre chose que de l'eau et du grain, c'est-à-dire de l'orge, du méteil (mélange de seigle et de froment) et de la drèche (résidu de la distillation des grains). Si on y mettait autre chose, genièvre, piment, pour la rendre plus forte, et si on était pris sur le fait, on payerait au roi une amende de vingt sous de Paris. Les prud'hommes du métier disent que tout n'est pas bon à entrer dans la composition de la cervoise, car il y a des choses malsaines et mauvaises pour la tête, pour le corps, pour les gens affaiblis et malades.

Nul ne peut ni ne doit vendre de la cervoise ailleurs qu'en la brasserie. Car ceux qui sont revendeurs de cervoise ne la vendent pas si bonne que ceux qui la fabriquent chez eux, et ils la vendent aigre et tournée : en effet, ils ne savent pas la mettre au point ; de plus, ceux qui ne la fabriquent pas chez eux, quand ils la font vendre en deux ou trois endroits dans Paris, ne sont pas là et leurs femmes pas davantage : ils la font vendre par leurs petits garçons et dans les rues des faubourgs. »  (Boileau Étienne, Le Livre des métiers, in Maxime Roux, Textes relatifs à la civilisation matérielle et morale du Moyen âge)

 

Boileau Etienne (1200-1270)
                       
Statue de l'Hôtel de ville de Paris

*

Etienne Boileau (1200-1270)

Il reçoit de Louis IX la première magistrature de Paris, vers 1254.

Louis IX le nomme Prévôt de Paris de 1261 à 1270.

Il est sévère et redouté. Il réprime les abus, rétablit les revenus royaux, réorganise les corporations d’arts et métiers. Il fait inscrire leurs coutumes et règlements ainsi que les octrois perçus et les juridictions de Paris sur un registre, le « Livre des métiers » rédigé en 1268.

 

Le Livre des métiers qu'il fait compiler vers la fin de sa carrière est un recueil de règlements établis et de règles spontanées qui tirent leur force de l'usage, et dont l'objet principal était de protéger l'artisanat et le petit commerce parisiens contre la concurrence déloyale et le chômage. Bien qu'il ne s'agisse en rien d'une œuvre originale, on y dénote un souci de cohérence et d'harmonisation. La plupart des dispositions du Livre des métiers sont la base de la réglementation professionnelle à Paris, jusqu'à la fin du Moyen Âge.

C’est un recueil des statuts de métiers parisiens (publié en 1837, pour la première fois).

 

Étienne Boileau est installé au Châtelet et cumule les fonctions de receveur des finances, d’officier de police, de juge et d’administrateur. Son traitement est fixé à 300 livres par an.

C’est avec beaucoup de fermeté qu’il exerce ses fonctions et va même jusqu'à tenir tête au chapitre de Notre-Dame pour défendre les droits du roi.

 

Étienne Boileau a appliqué la justice sans considération pour la richesse ou le rang et il a débarrassé la cité de tous ses voleurs et criminels, selon Jean de Joinville.

 

 

Le métier de crieur illustré par Jean Bodel dans le « jeu de Saint-Nicolas ».

Le crieur est au service du tavernier qu’il relaie dans la rue. Son rôle est de vanter le vin servi dans cette taverne.

 

13e siècle, un crieur de rue

« Raoulet. Vin nouvellement mis en perce ! A plein lot, à plein tonneau ! honnête et buvable, franc et corsé, courant comme écureuil au bois, sans aucune saveur de pourri ni d'aigre, courant sur lie, sec et vif, clair comme larme de pécheur, s'accrochant à la langue du gourmet ! Nul autre n'y doit goûter ! Voyez comme il tire son rideau de mousse, voyez comme il monte, étincelle et pétille ! Gardez-le dans la bouche, sa saveur vous ira jusqu'au cœur !»  (Jean Bodel, in Maxime Roux, Textes relatifs à la civilisation matérielle et morale du Moyen âge)

 

***

Jean Bodel (1165-1210)

*

Jean Bodel (1165-1210) vécut à Arras. C’est un trouvère qui s’est illustré dans la chanson de geste et le fabliau.

En 1202, Jean Bodel contracta la lèpre et entra dans une léproserie où il finira ses jours.

 

Il est l’auteur d’un certains nombre d’écrits :

  • La Chanson des Saisnes qui relate la guerre de Charlemagne contre les Saxons et leur chef Widukind (que Bodel appelle Guiteclin).
  • Le Jeu de Saint-Nicolas qui narre la façon dont Saint-Nicolas a forcé des voleurs à rendre un trésor volé.

 

Il fut le premier à avoir classé les thèmes légendaires et les cycles littéraires connus par la littérature médiévale dans

  • La matière de Rome (contes de l’antiquité classique)
  • La matière de Bretagne (concernant le Roi Arthur)
  • La matière de France (concernant Charlemagne et ses paladins).

 

Dans ses « Congés » Bodel, malade, fait ses adieux à sa ville natale et à ses amis. Le poème n’est plus sur la mort en général, mais sur sa mort.

 

Avec « Les Vers de la mort » d’Hélinand de Froidmont, il ouvre la voie à une poésie personnelle, « le dit ». Rutebeuf en est un célèbre représentant.

 

Il a aussi écrit des fabliaux comme « Brunain la vache au prêtre »


 

 

Partager cet article
Repost0