Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

10 mars 2024 7 10 /03 /mars /2024 09:36

 

LA LANGUE FRANÇAISE

 

 

Voici écrite par Marcel Arland une analyse de notre langue, la langue française, une langue riche et belle.

 

****

 

« Parmi les caractères que l'on a le plus souvent et le plus justement attribués à la langue française, je crois que la clarté vient en premier lieu. Cette clarté qui faisait dire à Brunetto Latini, le maître de Dante, que, s'il usait non de l’italien, mais du français, c'est que le français était, de toutes les langues, non seulement la plus « délectable », mais, par sa clarté, la plus compréhensible, la plus « commune à toutes gens », la plus propre aux échanges de l’esprit. Et tel est bien le rôle que le français a longtemps joué, au XVIIIe siècle surtout, quand il était devenu la haute langue de l'Europe. On sait que cette prédominance s’est aujourd’hui effacée devant celle de l'anglais ; on sait que le caractère d’universalité que l’on reconnaissait à notre langue se trouve fort discuté et combattu. Est-ce à dire que ce caractère ait disparu ? Je ne le crois point. Je tiens notre prose, telle qu’elle se manifeste encore aujourd'hui, à ses bonnes heures, pour une école où toute autre prose peut trouver sinon une leçon, à tout le moins un contrôle. Je Ia tiens pour une école de portée universelle, au même titre que notre peinture.

*

Cela dit, reconnaissons que cette fameuse clarté s'est altérée. Non point que nous manquions, même aujourd'hui, d'une forme claire et jusqu’à la transparence. Mais il en va de la langue comme du roman ; un roman au ton pur, un roman que la philosophie, la science, la politique n'ont pas envahi, roman-roman, un roman qui ne propose rien d'autre que lui-même, mais qui met là sa justification et son orgueil, — eh bien, ce roman est aujourd'hui assez dédaigné, à tout le moins suspect ; suspect de conformisme et de pauvreté. De même pour la forme ; si elle est claire, apparemment aisée, si elle ne pose pas de problèmes (ou plutôt n'en semble pas poser), elle n'attire pas l'attention, elle ne semble pas assez moderne, on la traite en parente de province. Comme si l’aisance était synonyme de facilité ; comme si la clarté et la transparence étaient synonymes de vide et de fadeur. II n'est pas de transparence sans mystère intime ; il n’est pas de plus pur secret —et qui toujours s'entretient, se nourrit, se renouvelle — que celui d'une forme de claire apparence, quand elle vient d'un écrivain véritable.

*

On ne saurait parler de clarté sans parler de construction. La construction régulière de notre langue peut apporter à la fois une aisance et un frein. Vous vous rappelez que Fénelon déplorait un peu cette régularité, qui engendre la monotonie. Je ne vois pas toutefois que nos grands écrivains n'aient su la plier à leur génie propre : un Pascal (c'est, il est vrai, le plus grand de nos écrivains, et le plus complet), un Fénelon lui-même à ses grandes heures (aux heures de combat ou de révolte), bien entendu, un Rabelais, un Saint-Simon, un Michelet. Mais il me semble que la construction de notre langue, très forte encore chez Victor Hugo, et même un peu trop apparente, un peu ostentatoire et redondante, a perdu, non seulement de sa régularité, mais de sa vigueur...

*

Si l'on parle des rapports de la littérature et de la langue contemporaines comment esquiver la fameuse question de la grammaire et de la syntaxe, le fameux problème de la correction ? La grammaire est une institution nationale ; les journaux littéraires et même les autres ont des tribunes de grammaire, des consultations grammaticales ; les lecteurs questionnent et les professeurs répondent : « Est-ce que Giono a raison d'écrire Je m'en rappelle ? — Non, il a tort ». « Et Gide, quand il écrit malgré que ? Eh, eh ! on ne peut pas dire qu'il ait raison, étant donné qu'il ne s'agit pas de l'expression malgré que j’en aie ». « Et François Mauriac, quand il écrivait dans La Table ronde en 1952 : Cela s'est avéré faux ? —Mauriac ! ah ! diable Mauriac ! Nous vous répondrons un autre jour ». Etc. Et de toutes ces réponses on fait des livres ; et sur les livres des articles. C'est un jeu plaisant, mais tout compte fait, assez vain. On peut estimer sans doute qu'il existe un certain nombre d'erreurs dont tout écrivain doit se garder. Sans doute encore est-il bon et nécessaire que quelques écrivains usent d'une langue aussi pure que possible. Mais si, pour critère de correction, on prend l'usage ancien, faut-il absolument négliger l’usage qui tend à s'établir, qui se forme sous nos yeux ? Il me semble que le principe le plus sage est celui-ci : quelque considération que l'on ait pour l’usage — et j’entends l'usage des bons écrivains — il n'est de fautes vraiment graves que celles qui menacent l’esprit de notre langue...

*

Brice Parain, dans un essai qu'il me communiquait voilà quelques jours, déclare que l’une de ses plus fortes raisons d'espérer, c'est de voir qu'un langage commun est en voie de formation dans notre littérature, un langage qui échappe à une littérature trop savante ou trop éprise de son jeu, pour devenir entre tous les hommes l'instrument fondamental de l'union.

*

Cette tendance existe, elle est forte, elle est naturelle, elle se développe. Naturelle, donc légitime. Et l'on voit bien que, si notre littérature s'y ferme de parti-pris, elle court le risque de dessécher notre langue et de la séparer à jamais du langage populaire. Mais l'on voit aussi que, si elle s'y abandonne, notre langue va perdre, ou du moins altérer, ses caractères les plus précieux : élégance, clarté, précision, rigueur, harmonie, et force dans la délicatesse.

*

La position que nous choisissons est celle de l'extrême milieu ; elle peut sembler facile, elle ne l’est pas ; elle l'est moins que jamais aujourd'hui. Nous souhaitons que notre langue se renouvelle sans se perdre ; nous souhaitons l'expérience, mais aussi le contrôle. Je précise. Qu'il y ait chez la plupart de nos écrivains une bonne et belle langue, sans recherches trop savantes ou trop hardies, mais sans complaisance à l'égard des lecteurs de nos magazines et de nos auditeurs de la radio : voilà ce qui constituera le gros de nos forces et le plus constant. Que certains écrivains d'autre part fassent résolument appel à un langage plus libre, plus populaire, débraillé à l'occasion, je l'admets fort bien et le trouve utile — tout en remarquant qu'il n'est pire littérature littéraire et littératurante que celle des sans-culotte. Je l’admets donc, mais c'est à condition qu'en face d'eux et à I ‘opposé la France connaisse cette équipe, ces écoles, ce laboratoire, qu'elle a toujours connus et qui ont fait la souveraine qualité de notre langue, soit qu'il s'agisse de raffinement, soit d'audace.

*

Mais je sens bien que cette équipe elle-même, dont le rôle me paraît capital et absolument nécessaire, je sais que l'on peut être parfois inquiet de l’action qu'elle exerce sur notre langue. Oui, l'on pourrait dire que toute littérature originale, toute nouveauté, tout apport, remet en jeu l'état d'une langue. On pourrait prétendre, bien plus, que toute originalité est une maladie, que tout style est une maladie, et qu'ils imposent ou proposent à Ia langue une maladie. Une langue ne peut rester absolument intacte, à la venue d'un esprit, d'une sensibilité et d'un art nouveaux. Il n'est pas jusqu'au sens des mots, qui plus ou moins ne se modifie ; et non point parce que l'écrivain le veut ainsi, d'une façon orgueilleuse ou perverse, mais parce qu'il ne peut pas faire autrement s'il veut être lui-même ; parce que le mot « arbre » ou le mot « ciel » ont dans son cœur un sens particulier, et que, s'il est vraiment un artiste, ce sens original passera dans son œuvre et se manifestera, soit par l'accent particulier et la valeur particulière que lui donne sa place dans la phrase, soit par l'éclairage qu'il reçoit des mots voisins. Qu’on le veuille ou non, c'est la loi de l'œuvre d'art. Eh quoi I Est-ce qu'avec Joinville, avec Commynes, avec Rabelais, avec Amyot, Bossuet, Pascal, Saint-Simon, Rousseau et tant d'autres, la langue française n'a pas changé ? Ce qui nous apparaît aujourd'hui comme une évolution naturelle et quasi fatale fut souvent tenu à l'origine pour une altération et même un sacrilège. On disait de Marivaux, en son temps, qu'il était illisible à force de charabia ; il me semble qu’on le lit beaucoup aujourd'hui. On a dit de Ramuz qu'il n'écrivait même pas la langue d’un canton ; il me semble que cette langue a dépassé les limites de plus d'un canton.

*

Nous ne voulons point d'une langue abâtardie, certes, et complaisante ou raccrocheuse. Mais nous ne voulons point d'une langue morte, ou qui se meure. Ce qui est à proscrire, c'est la nouveauté qui ne vise qu’au jeu, à l’étonnement du badaud (et que de badauds dans les cercles avertis !) ou au scandale. C’est la nouveauté qui renie l'esprit profond d'une langue. Car, ici encore, le critère, c'est le génie de la langue, et Dieu sait combien il peut nous apparaître complexe et accueillant, habile à faire son miel ; combien il y a de chambres dans la maison du Père ! une langue ne vit qu'en se renouvelant ! mais on ne la renouvelle valablement que par l'amour, par toutes les formes et les nuances de l'amour. Je ne crois pas que jamais une langue ait mérité plus d’amour que la nôtre. »

                                                                             (MARCEL ARLAND, in Cinq propos sur la langue française, (Fondation Singer-Polignac, 1955))

I

Marcel Arland (1899-1986)

¤ Marcel Arland

Marcel Arland est un écrivain, essayiste, critique littéraire et scénariste français. Il est né en 1899 à Varennes-sur-Amance et mort en 1986 à Saint-Sauveur-sur-École. Il est issu d’une famille de petite bourgeoisie rurale.

À trois ans il perd son père et est élevé par sa mère et ses grands-parents. Sa mère, veuve inconsolable, en oublie l’amour maternel pour ses deux fils.

Cette conscience d’être orphelin et de la figure absente de son père mais aussi de sa mère, marque son œuvre.

Il fait de brillantes études au collège de Langres, puis à la faculté la Sorbonne, à Paris (1919).

Il enseigne au collège de Jouy-en-Josas de 1924 à1929.

Responsable de la partie littéraire de la revue de l’Université de Paris, il y publie ses premiers textes. De grands noms d’écrivains collaborent à cette revue : Proust, Mauriac, Cendrars, Giraudoux.

Marcel Arland commence sa carrière dans la révolte et la contestation de la société suite au désordre provoqué par la Première Guerre mondiale et face aux injustices sociales.

1920 : il adhère au dadaïsme et fonde la revue d’avant-garde Aventure.

Il fréquente Dhôtel, Vitrac, Crevel, Limbour. Il fait aussi la connaissance d’André Malraux.

En 1924 il publie dans La Nouvelle Revue française (NRF).

1929, il reçoit le prix Goncourt pour l’Ordre (long roman de formation (Bildungsroman), seul vrai roman qu’il écrira et dont le héros, Gilbert, est une sorte de Rimbaud des années 1920. Il collabore de plus en plus à la NRF sauf durant l’Occupation où il se retire dans sa maison de Brinville, près de Paris où il vit en reclus, écrivant des essais.

1930, il épouse Jeanine Béraud, tante maternelle de Michael Lonsdale.

Après la Libération Arland déploie une grande activité critique et une attention particulière aux jeunes talents.

1952, Arland reçoit le Grand Prix de la Littérature de l’Académie Française

1953 : Il partage avec Jean Paulhan, la direction de la Nouvelle NRF et à la mort de ce dernier, assurera seul cette fonction jusqu’en 1977.

1960, Arland reçoit le Grand Prix national des Lettres.

1968, il entre à l’Académie française

1986 : Arland meurt subitement dans sa maison de Brinville, au mois de janvier, et son épouse meurt la même année en octobre.

Ses manuscrits et sa correspondance ont été légués à la bibliothèque littéraire Jacques Douvet.

 

*

Quelques-unes de ses œuvres

Essais    

-Anthologie de la poésie française (1942)

-La Prose française : anthologie, histoire et critique d’un art (1951)

-Proche du silence, mémoires (1973)

-Terres de France, essai sur la paysannerie

...

Fictions

-Terres étrangères (1923)

-Les Âmes en peine (1927)

-L’Ordre (1929)

-Les Vivants (1934)

-Sur une terre menacée (1941)

-Zélie dans le désert (1944)

-Il faut de tout pour faire un monde (1947)

-La consolation du voyageur (1952)

-L’Eau et le feu (1960)

-Le grand Pardon (1965)

-La musique des anges (1967)

 

 Réflexions

On remarque l’évolution de la langue française tout au long des années, des siècles, et c’est une bonne chose. Une langue doit rester vivante sinon elle disparaîtra.

Des mots nouveaux apparaissent, apportés par l’évolution de la société, des sciences, les nouveaux métiers… Des mots inventés par les jeunes pour se différencier des parents, ne pas toujours être compris par ceux-ci : verlan, argot à l’école…

Puis il y a les apports étrangers grâce aux voyages de plus en plus aisés, lointains, fréquents ; les déplacements des différentes populations, immigration…

Notre langue s’enrichit.

Si elle n’est plus la langue universelle du 18e siècle, elle reste parlée dans beaucoup de pays et régions du globe.

 

Mais attention : si nous limitons le nombre d’étudiants étrangers qui propagent notre langue, celle-ci risque à plus ou moins longue échéance, de se « ratatiner », de ne plus être parlée qu’en France. Elle perdra de son aura et notre pays également.

Attention aussi à l’utilisation trop fréquente de termes anglais.

-Beaucoup de chanteurs français (les jeunes surtout) chantent en anglais malgré le fait que bien des Français ne comprennent pas leurs chansons et donc ne les écoutent pas, ne les connaissent même pas.

-Les nouvelles entreprises prennent des noms anglais, peu attractifs pour la majorité des Français.

-Beaucoup de journalistes, de personnes publiques… utilisent des termes anglais (par snobisme ou est-ce par ignorance ou pauvreté du vocabulaire français ?) alors qu’il existe l’équivalent en français.

 

Et vous, chères lectrices et chers lecteurs, que pensez-vous de notre langue, de son évolution, de sa place dans le monde, de son avenir ?

 

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2023 3 25 /10 /octobre /2023 09:25

SOURIONS UN PEU FACE AUX ALÉAS DE LA VIE EN CE MOMENT !

 

 

Si vous voulez oublier un peu les folies du monde ou vos propres difficultés, rien de mieux que de se plonger dans le livre de Jérôme Duhamel pour reprendre un peu d’énergie.

Voici quelques perles de l’école piochées dans le livre de Jérôme Duhamel « Les perles de l’école (Albin Michel).

Les élèves :

« -On ne doit pas crier à la cantine pour pas balancer des bactéries dans les nourritures.

-Moïse était le seul homme à avoir le droit de téléphoner directement à Dieu.

-Il paraît que Napoléon n’a mis que son cœur dans son tombeau aux Invalides et qu’après il a été mourir ailleurs…

 

*Ou encore

 

-Quand l’eau s’évapore, la casserole reste toute seule…

-Une bibliothèque, c’est comme un cimetière pour les vieux livres.

-L’oreille interne est une oreille qui permet d’entendre les bruits du cerveau.

-Dans le désert, les fleuves coulent à sec.

-Les nuages sont des sacs de vent remplis de pluie.

 

*Il fallait y penser !

 

Quand il y a une éclipse, la lune vient se cacher sur la terre.

-Calais est un village français de la banlieue de Londres.

-Le temps passe moins vite aux antipodes parce que les gens sont obligés de marcher plus doucement et en faisant bien attention parce qu’ils ont les pieds en haut et la tête en bas.

-Quand on lance le poids, il faut bien faire attention à ne pas partir avec…

 

Les professeurs ne sont pas en reste :

 

-Votre fils prétend avoir juste copié « un peu » sur son voisin… Son voisin s’appelle donc Victor Hugo et s’est fait plagier 4 pages entières par votre fils !

 

Et les parents non plus…

-Même à la maison mon fils est souvent absent et c’est pas pour ça qu’il m’amène des mots d’excuse…

 

Jérôme Duhamel est un journaliste, écrivain et éditeur français, né en 1949 et mort en 2015. Il est le petit-fils de l’écrivain Georges Duhamel et de Blanche Albane (actrice). Son père Bernard Duhamel était professeur de chirurgie et son oncle, Antoine Duhamel, compositeur. Lui-même est le filleul de François Mauriac (écrivain).

Quelques-uns de ses livres :

Les Perles des fonctionnaires

La Fête des perles

Le XXe siècle bête et méchant

C’était mieux avant

Le Bêtisier du XXe siècle

Grand inventaire du génie français en 365 objets.

...

 

Partager cet article
Repost0
23 octobre 2022 7 23 /10 /octobre /2022 09:03

 

ECOLE DU VILLAGE (2)

 

 

Souvenirs : chansons CM1-CM2

 

 

À la rentrée, en CM1 et en CM2, le grand bâtiment est toujours en place, et domine le village. Il est fréquenté par le même public, toujours aussi nombreux et bruyant ; tout ce qu’il y a de plus normal pour l’unique école du cercle (canton). (L’école française n’était toujours pas obligatoire à cette époque.)

Au Mali, l’école ne devient obligatoire qu’en 1992, soit 32 ans après l’indépendance et plus d’un siècle après les lois Jules Ferry, en France (1885).

 

Cependant les changements sont perceptibles dans les programmes de CM1 et CM2, qui s’accompagnent d’une exigence plus grande des maîtres à l’égard des élèves.

Le plus important était l’introduction du « symbole » : c’était une planchette illustrée d’une tête d’âne que recevait l’élève surpris en train de parler sa langue maternelle.

À lui de remettre ce symbole à un camarade surpris à s’exprimait en français et ainsi de suite.

En fin de semaine, au dernier cours, le détenteur du symbole était puni.

Ces exigences et ces nouveautés : programme plus lourd, symbole … faisaient que beaucoup d’élèves quittaient l’école, d’autant plus que beaucoup de parents étaient opposés à l’école française.

J’étais particulièrement sensible à ces défections car à la fin du CM1 déjà, tous mes camarades de mon village étaient partis, en accord avec leurs parents, cultivateurs, hostiles à l’école française, qui avaient besoin de bras pour les travaux des champs.

 

 

Également, les thèmes des chansons apprises en CM1, CM2, changeaient quelque peu par rapport à ceux de CP-CE2.

Maintenant nous chantions des chansons se rapportant essentiellement à la France, devenue notre patrie, qu’il fallait connaître, aimer et défendre.

Avant tout La Marseillaise, chantée à tous les niveaux mais aussi beaucoup d’autres.

En voici trois, parmi tant d’autres, qui me viennent à l’esprit :

 

L A FRANCE EST BELLE

La France est belle ;

Ses destins sont bénis :

Vivons pour elle ;

Vivons unis.

 

 Passez les monts, passez les mers ;

Visitez cent climats divers :

Loin d'elle, au bout de l'univers,

Vous chanterez fidèle :

La Franc e est belle, …

 

Faut-il défendre nos sillons

Voyez cent jeunes bataillons

S'élancer, brûlants tourbillons,

Où la foudre étincelle !

L a France est belle, ...

 

De nos états jadis rivaux,

Le temps, au prix de longs travaux,

Fonda, pour des siècles nouveaux,

L'unité fraternelle.

L a Franc e est belle, ...

 

Maint peuple, sortant du sommeil,

Salue, à l'horizon vermeil,

Les trois couleurs de ton soleil,

O reine universelle !

L a Franc e est belle, ...

 

Bon ange, elle aime à protéger

Le proscrit du bord étranger :

Il vit sans trouble et sans danger,

Murmurant sous son aile :

« La Franc e est belle.

« Ses destins sont bénis :

« Vivons chez elle,

« Heureux bannis ! »

 

Et nous, ses fils, avec ardeur

Nous travaillons pour sa grandeur,

Offrant à Dieu, son créateur,

Des cœurs brûlants de zèle.

La France est belle, ...

 

Le Régiment de Sambre et Meuse (Paroles d’Armand Mestral)

 

Le Régiment de Sambre et Meuse
Marchait toujours au cri de «Liberté»
Perçant la route glorieuse
Qui l'a conduit à l'immortalité

Tous ces fiers enfants de la Gaule
Allaient sans trêve et sans repos
Avec leur fusil sur l'épaule
Courage au cœur et sac au dos
La gloire était leur nourriture
Ils étaient sans pain, sans souliers
La nuit, ils couchaient sur la dure
Avec leur sac pour oreiller

Le Régiment de Sambre et Meuse
Marchait toujours au cri de «Liberté»

Perçant la route glorieuse
Qui l'a conduit à l'immortalité

Pour nous battre, ils étaient cent mille
A leur tête, ils avaient des rois
Le général, vieillard débile
Faiblit pour la première fois,
Voyant certaine la défaite
Il réunit tous ses soldats
Puis il fit battre la retraite
Mais eux ne l'écoutèrent pas

Le Régiment de Sambre et Meuse
Marchait toujours au cri de «Liberté»
Perçant la route glorieuse
Qui l'a conduit à l'immortalité

Le choc fut semblable à la foudre

Ce fut un combat de géants
Ivres de gloire, ivres de poudre,
Pour mourir, ils serraient les rangs
Le régiment, sous la mitraille
Était assailli de partout
Pourtant, la vivante muraille
Impassible, tenait debout

Le Régiment de Sambre et Meuse
Marchait toujours au cri de «Liberté»
Perçant la route glorieuse
Qui l'a conduit à l'immortalité

Le nombre eut raison du courage
Un soldat restait le dernier
Il se défendit avec rage
Mais bientôt fut fait prisonnier
En voyant ce héros farouche

L'ennemi pleura sur son sort
Le héros prit une cartouche
Jura puis se donna la mort

Le Régiment de Sambre et Meuse
Reçut la mort au cri de «Liberté»
Mais son histoire glorieuse
Lui donne droit à l'immortalité

 

 

L E CHANT DU DEPART (1794. M. J. CHENIER)

 

La victoire en chantant nous ouvre la barrière ;

La liberté guide nos pas ;

Et du nord au midi la trompette guerrière

A sonné l'heure des combats.

 

Tremblez, ennemis de la France,

Rois, ivres de sang et d'orgueil ;

Le peuple souverain s'avance,

Tyrans, descendez au cercueil.

 

La république nous appelle :

Sachons vaincre, ou sachons périr.

Un Français doit vivre pour elle,

Pour elle un Français doit mourir.

 

 

 

Malgré tout, ces chants nous ont ouvert l’esprit et permis de connaître mieux la France car ces chansons s’accompagnaient par l’étude géographique et historique de la France.

  • En fin de CM2 nous étions capables de dessiner la carte de France à main levée, avec les principales montagnes, cours d’eau…
  • En histoire nous étions également informés et connaissions les principales mutations de la monarchie à la République…

 

 

Partager cet article
Repost0
8 octobre 2022 6 08 /10 /octobre /2022 08:54

ECOLE DU VILLAGE (1)

 

 

Souvenirs : chansons CP-CE

 

En arrivant à l’école pour la première fois, le jour de la rentrée, ce qui m’a le plus marqué fut tout d'abord la vue d’une grande bâtisse grise avec de grandes fenêtres.

Puis, la cour, très grande aussi, où grouillait une foule d’élèves bruyants, courant dans tous les sens, mis à part un groupe isolé et calme : les nouveaux sans doute.

Et en entrant dans la classe l’effet était encore plus frappant : au moins une cinquantaine d’élèves, entassés sur des bancs face à de longues tables.

Mais, le plus marquant qui me reste de ces années du CP au CM2 de l’école primaire du village (école publique coloniale française), furent les chansons apprises pendant cette période et chantées au rythme de deux à trois par semaines.

Ce fut pour nous une véritable découverte ! Car nous chantions tous ensemble, en français pour la première fois, langue que pratiquement personne ne parlait ni n’entendait ou comprenait.

Elle nous différenciait de nos camarades non scolarisés et surtout de nos parents qui, eux non plus ne parlaient pas cette langue.

Exemples de chansons.

En voici trois qui me viennent à l’esprit et que je fredonne encore de temps en temps.

 

Le Vieux Chalet  (Paroles : Joseph Bovet / Marie Harbach)

 

Là-haut sur la montagne l'était un vieux chalet
Murs blancs toit de bardeaux
Devant la porte un vieux bouleau
Là-haut sur la montagne l'était un vieux chalet

 

Là-haut sur la montagne croula le vieux chalet
La neige et les rochers
S'étaient unis pour l'arracher
Là-haut sur la montagne croula le vieux chalet

 

Là-haut sur la montagne quand Jean vint au chalet
Pleura de tout son cœur
Sur les débris de son bonheur
Là-haut sur la montagne quand Jean vint au chalet

 

Là-haut sur la montagne l'est un nouveau chalet
Car Jean d'un cœur vaillant
L'a rebâti plus beau qu'avant
Là-haut sur la montagne l'est un nouveau chalet

 

 

Ma cabane au Canada (Paroles : Loulou Gasté / Mireille Brochet ; compositeur : Désiré Dondeyne)

 

Ma cabane au canada
Est blottie au fond des bois
On y voit des écureuils sur le seuil
Si la porte n'a pas de clé
C'est qu'il n'y a rien à voler
Sous le toit de ma cabane au Canada
Elle attend engourdie sous la neige
Elle attend le retour du printemps

 

Ma cabane au canada
C'est le seul bonheur pour moi
La vie libre qui me plaît
La forêt
À quoi bon chercher ailleurs
Toujours l'élan de mon cœur

Reviendra vers ma cabane au Canada
Mais je rêve d'y emmener
Celui qui voudra me suivre

Viens avec moi si tu veux vivre
Au cher pays où je suis née

 

Ma cabane au Canada
J'y reviendrai avec toi
Nous rallumerons le feu tous les deux
Nous n'aurons pas de voisins
Parfois seul un vieil Indien
Entrera dans ma cabane au Canada
Je te dirai le nom des fleurs sauvages
Je t'apprendrai le chant de la forêt


Ma cabane au Canada
Tant que tu y resteras
Ce sera le paradis
Mon chéri
À quoi bon chercher ailleurs
Je sais bien que le bonheur
Il est là
Dans ma cabane au Canada

 

(© Patick Baude)

 

Bergeronnette (poème de Charles Dovalle (1807-1829))

 

Pauvre petit oiseau des champs,
Inconstante bergeronnette.
Qui voltiges, vive et coquette,
Et qui siffles tes jolis chants ;

Bergeronnette si gentille,
Qui tournes autour du troupeau.
Par les prés sautille, sautille,
Et mire-toi dans le ruisseau !

Vas, dans tes gracieux caprices,
Becqueter la pointe des fleurs,
Ou poursuivre, au pied des génisses,
Les mouches aux vives couleurs.

Reprends tes jeux, bergeronnette,
Bergeronnette au vol léger ;
Nargue l'épervier qui te guette !
Je suis là pour te protéger ;

Si haut qu'il soit, je puis l'abattre...
Petit oiseau, chante !... et demain,
Quand je marcherai, viens t'ébattre,
Près de moi, le long du chemin.

C'est ton doux chant qui me console,
Je n'ai point d'autre amis que toi !
Bergeronnette, vole, vole,
Bergeronnette, devant moi !...

 

 

Ces chansons apprises avec l’ardeur de nos jeunes voix, portaient pour l’essentiel sur la campagne, la vie paisible de la campagne, les animaux qui y vivent paisiblement aux côtés des paysans travaillant dans leurs champs. Une nature bienfaisante et disponible que nous respirions avec gourmandise.

Elles nous éloignaient des comptines traditionnelles chantées par nos mères car elles bénéficiaient de l’attrait de l’inconnu et du charme de la nouveauté.

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
30 janvier 2022 7 30 /01 /janvier /2022 11:40

SOUVENIR D’ÉCOLE D’UNE ENFANT PENDANT LA GUERRE

Ce poème est tiré de la revue « D’une rive à l’autre » ; revue de l’Association « Poésie et Nouvelles en Normandie ».
Revue n° 68.
Le thème de cette revue : « Souvenirs d’École ».

 

« Chez Louise

 

C'était un matin un peu gris

Ma mère jeta dehors un œil surpris

Et puis elle est rentrée très vite

J'ai demandé sans doute : « c'est qui ? »

« il y a les allemands »

Ils étaient là le long de la route

Rangés sur le bas coté

Les camions bâchés ; les jeeps vert de gris

A perte de vue

Ils étaient arrivés pendant la nuit

On avait rien entendu.

 

Les Allemands occupèrent les écoles

Privée et publique

Qui généralement se faisaient la nique

Aux murs des portraits d'Hitler, leur idole.

Pour nous c'était comme des vacances

Nos classes s'étaient transportées

Dans les arrières salles de cafés

Nous avions bien de la chance

Dans le bourg il y avait une quantité

-douze ou treize bistrots -chacun sa spécialité.

 

Dans le « café charcuterie » de Louise

Aux bretelles de tablier croisées dans le dos.

Le matin il arrivait qu'on puise

Nos forces dans les fumets de pâté

Ou de saucisse en traversant la salle saupoudrée

De sciure de bois fraîche

Ce qu'enseignait madame Garlantézec

Ne paraissait pas trop revêche

Malgré sa main leste

Elle était un peu pète sec.

 

Nous savions bien que c'était la guerre

Nous avions entendu le sinistre tocsin

Et vu les pleurs de nos mères

Quelques mois plus tôt.

Nos pères étaient prisonniers de guerre

Et ne reviendraient pas de si tôt.

On recevait des taloches

La tuberculose sournoise enlevait nos proches

Le cochon criait sous le couteau

Du charcutier qui l'égorgeait.

 

I1 y avait des jours où nos sabots de bois

Étaient à la fête allez savoir pourquoi !

Je me souviens d'un certain mercredi

Pendant la pause de midi

Nous étions appuyées au muret au bord de la route

Un paquet de fillettes - presque toutes -

Qui chantions des chansons à boire

Les repas de communion ou de mariage

Sont des sources notoires

De ce genre de dévergondage

 

Ce qui devait arriver arriva

Notre maîtresse sut dans l'heure

Que nous avions fait scandale et brouhaha;

Ce qui était enjeu, son honneur

Et l'honneur de l'école publique

Aux yeux des habitants du village

Les punitions n'étaient pas automatiques.

Dans notre vieille école il y avait bien le nettoyage

Mais chez Louise ! pas possible, Alors ?

Alors nous irions ramasser les doryphores. »

                                                                                Adrienne GARNIER, in D’une rive à l’autre.

 

¤¤¤

 

« PS : tâche très ingrate, munies d'une boite de conserve nous ramassions les doryphores, leurs larves oranges et les feuilles de pommes de terre où étaient collés les œufs dans les grands champs désignés par les paysans, Nous ramenions notre récolte à la mairie qui s'occupait de la détruire. »

 

Partager cet article
Repost0
6 juin 2021 7 06 /06 /juin /2021 08:14

 

MALI, LES RÊVES D’ANTAN !
1960-2021


ET QUELS RÊVES!
EAUTÉ,BONTÉ,SOLIDARITÉ,
AYONNEMENT,FRATERNITÉ,
'EST LE TEMPS BÉNI DU FAMEUX SLOGAN :
TOUT AFRICAIN EST CHEZ LUI AU MALI

 

Mali, un pays en marche ou en marge ?
Comment en est-on arrivé là ?

 

Un gâchis historique et humain.

 

« L’Homme est le garant de l’équilibre de la création. Ce qu’il faudrait, c’est toujours concéder à son prochain qu’il a une parcelle de vérité, et non pas dire que toute la vérité est à moi, à ma race, à ma religion. » (Amadou Hampaté-Ba)

 

 

Quels furent les objectifs de l’État malien depuis l’accession à l’indépendance en 1960  pour accéder au stade du développement ?
Qu’est-ce que le développement pour un pays pauvre ?
Quelles voies y mène-t-il, avec le maximum de chance d’y accéder ?

Ce qui est en cause essentiellement c’est la capacité pour un État, où qu’il soit, d’être autonome dans ces différents aspects essentiels de la vie de son peuple.

                      -alimentation
               -santé
               -défense
               -culture
               -économie
               -politique

Où en est le Mali à cet égard, aujourd’hui ?
Où veut-il aller ? Qu’en pensent les Maliens ?
Peut-on accéder au développement sans la Démocratie ?
Comment parvient-on-t-on à cette démocratie ?

                                                  (Professeur Tidiane Diakité)

 

 

Dans son édition du 28 mai 2021, le grand quotidien Ouest-France, publie un article qui mériterait l’attention de ceux qui ont connu ou  qui connaissent le Mali.

Parmi les nombreuses questions que sous-tend cet article, deux viennent tout de suite à l’esprit :

  • À quand l’indépendance véritable du Mali ?
  • Que compte faire le peuple malien pour changer l’image du pays et renouer avec son brillant passé ?

 

 

« L’Éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde » (Nelson Mandela)

 

 

Partager cet article
Repost0
31 janvier 2021 7 31 /01 /janvier /2021 08:56

JEAN DARD, UN INSTITUTEUR FRANÇAIS ANTIESCLAVAGISTE

Une idée originale, voire révolutionnaire pour l’instruction des jeunes Africains

                                              

Un pionner original et téméraire ?

Jean Dard, né en 1789 en Côte-d’Or, d’un père manouvrier, et mort à Saint-Louis du Sénégal en 1833, fut le premier instituteur français envoyé en Afrique noire.

C’est en 1817 que Jean Dard ouvre la première école d’Afrique noire francophone, à Saint-Louis, au Sénégal. D’emblée, il conçoit une méthode d’enseignement qu’il croyait adaptée à l’instruction des jeunes Africains. Son but est de scolariser ces jeunes dans leur langue maternelle, avant de passer au français, puis, de promouvoir ce qu’on appelle à cette époque « l’enseignement mutuel ». Il s’agit d’une méthode pédagogique qui permet à un seul enseignant de former de très nombreux élèves à la fois. Au Sénégal où il l’expérimente, le succès est immédiat : il crée un attrait des jeunes Sénégalais pour l’Ecole, qui fera rapidement des émules dans les autres colonies. Les enseignements de Jean Dard s’appuient beaucoup sur les langues locales. Pendant un siècle, l’enseignement de la langue française en Afrique, surtout orchestrée par les missionnaires, s’inspirera principalement de ce modèle.

Jean Dard a créé le premier dictionnaire de français-wolof/wolof-français ainsi qu’une grammaire de wolof. Il inventa aussi un dictionnaire français-bambara, utilisé dans toute l’A.O.F.

Le Français-Africain modèle ?

Comme tout bon colonial en service en Afrique, à l’instar du général Faidherbe, 1er gouverneur du Sénégal, il épouse une sénégalaise, Marie Laisné à la « mode du pays » avec laquelle il a eu un fils. Ceci ne l’empêcha pas d’épouser en 1820, Charlotte Adélaïde Picard, avec laquelle il aura trois fils.

Mais c’est surtout sa pédagogie, l’instruction des jeunes Africains dans leur langue maternelle, qui semble avoir soulevé des interrogations en métropole, à une époque où un certain nombre de Français étaient opposés au principe même de l’instruction des indigènes, du moins jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Cependant d’autres Français étaient tout à fait favorables à l’instruction des jeunes Africains.
Les opposants, pour la plupart, justifiaient leur opposition, par les dépenses que cela entraînerait : transport des enseignants, frais d’entretien, salaires…

La deuxième action par laquelle Jean Dard fut connut, c’est sa farouche opposition à ce qu’il appelait « la disparition programmée des peuples d’Afrique noire » par l’introduction de l’esclavage en Afrique subsaharienne, même si ce phénomène n’était pas ignoré des Africains eux-mêmes.

Jean Dard, à cause de ses innovations pédagogiques jugées trop audacieuses. L’ensemble de son action éducative en Afrique fut déclarée en contradiction avec les objectifs, les lois et le règlement régissant l’enseignement en France et en Afrique. Jean Dard fut désavoué par la métropole, rappelé en France et radié de l’nseignement, avant d’être rappelé, gracié, et renvoyé au Sénégal, à sa demande, comme enseignant. Il y mourut un an plus tard, en 1833.

Par quel chemin cette introduction s’est-elle effectuée, selon Jean Dard ?

L’Afrique subsaharienne est restée à l’écart du prodigieux mouvement venu du nord, qui de l’Égypte s’est étendu vers la Grèce, et Rome avant d’embraser l’Europe méditerranéenne, puis le reste de l’Europe. Les peuples de ces contrées servis par l’usage de l’écriture, les sciences et techniques, les grands voyages et le commerce, ont développé de nouvelles formes de civilisations.

« L'Egypte, dont les habitants, au rapport d'Hérodote, avaient l'épiderme noir et les cheveux crépus, l'Egypte a été le berceau et la première patrie des connaissances humaines. C'est de cette contrée que l'art de l'écriture et les éléments des sciences furent importés dans la Grèce, qui était alors beaucoup plus barbare que n'est aujourd'hui la nation des nègres, s'il est vrai que ses habitants se nourrissaient de glands et ignoraient l'usage du feu. Quoi qu'il en soit, il est certain que les Grecs ont dû leurs lumières moins à leurs progrès intérieurs et à leurs facultés intellectuelles qu'à leurs communications avec les peuples de l'ancienne Egypte. Favorisée par des circonstances heureuses, la Grèce, civilisée par l'Egypte, porta bientôt l'intelligence humaine aux sciences les plus sublimes, Rome devint à son tour disciple de la Grèce ; et cette maîtresse du monde sema, sur toutes les provinces conquises par ses armes, les germes de la civilisation, en répandant les connaissances qu'elle avait reçues dans les lettres, les arts et les sciences. C'est des Romains que les diverses contrées de l'Europe ont tiré les éléments des connaissances dont elles s'honorent aujourd'hui.

 

Je ne perds jamais ; soit je gagne, soit j’apprends. (Nelson Mandela)

 

Et l’Afrique, quels gains?

En nous appuyant de l'autorité de l'histoire, nous voyons que les conquérants ont souvent été un bienfait pour les pays conquis. Le commerce, en introduisant dans des contrées encore barbares les marchands et les citoyens d'une nation policée, a eu aussi des résultats heureux, surtout quand la justice et la bonne foi ont servi de base aux communications.

Cependant, quels avantages l'Afrique a-t-elle tirés de tous ces grands mouvements de la civilisation universelle ? Quels conquérants, quels marchands ont importé chez le nègre le bienfait des lumières et les premiers germes de la civilisation ?

Ah ! faut-il s'étonner de voir si peu d'industrie parmi les enfants de la malheureuse Afrique ? Faut-il s'étonner de les voir si peu avancés dans la civilisation, quand on sait que l'infâme commerce de la traite est l'art de commettre et de faire commettre tous les crimes, tous les forfaits, toutes les abominations ?

Une grande partie du continent africain n'est depuis longtemps qu'un vaste champ de carnage et de désolation ; une forêt qui sert de repaire aux loups et aux vautours à figure humaine de l'Europe ; en un mot, un théâtre de pillage, de fraude, d'oppression et de sang. Voilà néanmoins le tableau de la civilisation que les marchands négriers européens ont importée chez les peuples de l'Afrique.

 

Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse. (Nelson Mandela)

 

L’Afrique perd la maîtrise de son destin à cause de l’esclavage

Quelles douloureuses réflexions fait naître cet affligeant tableau ! mais combien cette douleur s'accroît, lorsqu'on réfléchit que, tous les ans, 60 à 80 000 noirs sont arrachés à leur patrie, à leurs familles, à leurs amis, pour être transportés dans des contrées lointaines, où eux et leur postérité sont condamnés à se courber éternellement sous les travaux les plus pénibles, pour enrichir des tyrans qui les oppriment. Se peut-il donc que nous voyions tant de maux se succéder depuis trois siècles pour anéantir une nation innocente et inoffensive, sans prendre intérêt à ses souffrances, sans plaider sa cause, qui est celle de l'infortune et de l'humanité ?

Mais si la destinée de l'Afrique a été telle que jusqu'ici ses rapports avec les marchands négriers de l'Europe et de l'Amérique n'ont servi qu'à l'avilir et à la démoraliser, il ne faut pas en conclure que ses habitants sont indifférents pour la civilisation. Ils n'ont que des malédictions à adresser aux marchands de chair humaine ; mais ils montrent pour ceux qui cherchent à les instruire beaucoup d'affection et de reconnaissance. L'amour de la vérité est l'une des premières leçons qu'un nègre donne à son fils, dès qu'il peut bégayer, amana benne yalla dale (il n'y a qu'un seul Dieu). Ils sont en général d'une fidélité remarquable dans tout ce qui leur est confié. Le sol africain semble être le lieu où le respect filial a le plus d'empire sur le cœur de l'homme : Itta ma (frappe-moi), dit le jeune Africain, wandey boul saga sama baye (mais n'insulte pas mon père). Quant à leur sensibilité, à leur affection mutuelle, à leur capacité intellectuelle, à leur humanité, elles sont pour le moins aussi grandes, aussi vraies que chez les blancs ; et quiconque a vécu parmi les Africains en observateur peut affirmer que, si la nature a mis quelque différence entre les hommes dans la couleur de la peau, elle n'en a mis aucune dans l'expression de ces sentiments naturels qu'elle a placés dans le cœur de tous les êtres appartenant à la grande famille du genre humain... »  (Jean Dard, in Jean Gaucher, Les débuts de l’enseignement en Afrique francophones, Ed. Le livre africain)

                                        

En enseignant, les hommes apprennent. (Sénèque)

 

Ainsi affaiblis, les peuples d’Afrique ne pouvaient résister à la colonisation européenne.

 

Partager cet article
Repost0
17 janvier 2021 7 17 /01 /janvier /2021 08:05

REPENSER L’ÉCOLE
POUR L’ÉPANOUISSEMENT DE L’INDIVIDU (2)

Une nouvelle pédagogie au service de l’Homme, de la société, de la fraternité et de la paix

Sans éducation, l’enfant est orphelin.
Proverbe français (dictionnaire des sentences et proverbes, 1892)

 

Tiéba (1)Pourquoi donc ces quatre disciplines principalement ?

Jacques (1) — Parce que ce sont celles qui permettent le mieux d'atteindre les objectifs et les finalités de la Nouvelle École.

D'abord l'histoire, la première des sciences, discipline de l'universel par excellence. Son enseignement dans le tronc commun, aura une vocation spécifique. L'histoire devra apparaître comme une des armes de la paix. Elle devra être enseignée comme telle avec cette fonction et cet objectif particuliers. Afin qu'elle remplisse efficacement la mission ainsi assignée, un soin tout spécial sera porté à la passerelle qui reliera l'histoire nationale à l'histoire universelle du tronc commun. Enseignée dans cette optique, l'histoire doit s'efforcer de mettre en évidence les erreurs ou les insuffisances de dialogue et de compréhension qui ont abouti aux guerres dans le passé, de mettre également en relief les vertus de la patience et l'avantage de connaître lautre dans ses qualités et ses faiblesses. Ainsi conçu, l'enseignement de l'histoire, c'est aussi l'apprentissage de l’amour et de ta tolérance. Amour du genre humain, compréhension des faiblesses d'autrui facilitée au préalable par la connaissance et l'amour de soi. Toute éducation devrait tendre vers cet objectif de paix qui amènerait à aimer et respecter l'autre dans ce qu'il est, tel qu'il est. On prendra soin de faire ressortir que dans la vie, il n'est ni utile ni opportun de vouloir chercher à prendre sa revanche à tous les coups reçus. Il faut savoir mettre certaines choses au compte des pertes et profits de la vie. Cela permet de prendre du recul et de mieux se ressourcer. Il est des gens qui ne sont pas nés pour être mauvais mais qui le sont devenus parce qu'on ne les a pas aimés. D'où l'importance de la famille et du rôle qu'elle doit être amenée à jouer dans la nouvelle pédagogie.

 

Le luxe est une affaire d’argent. L’élégance est une question d’éducation. (Sacha Guitry)

 

Éduquer l’enfant, c’est lui ouvrir les yeux sur le monde et sur lui-même

La vie m'apparaît comme une navigation longue, à vue, entre ombres et lumières, ordre et désordre, espoir et désespoir. Pour surmonter avec bonheur la fureur des flots et atténuer au mieux les effets du tangage, il est bon d'avoir repères et méthodes. L'histoire doit procurer les uns et les autres, les sciences naturelles également.

Il s'agit bien entendu d'abord de science de la nature, celle qui permet de percer les secrets de l'Univers en commençant par ceux de sa propre personne, et par extension, elle recouvre l'investigation qui permet une connaissance intime des phénomènes et l'invention. Ainsi comprise, cette science est le creuset des sciences. De même que l'histoire, son enseignement sera l'occasion de mettre l'accent sur la vertu première de toute recherche scientifique : l'honnêteté, qualité qu'on alliera à celles exigibles de tout inventeur. La science, l’invention et l’honnêteté doivent aller de pair.

Mais surtout à science, il faut allier amour... Ainsi la science permettra d'aller au cœur des phénomènes certes, mais aussi de s'explorer soi-même et d'explorer les autres, de s'aimer en aimant les autres, car cette éducation nouvelle évitera par tous les moyens de former des handicapés du cœur. La pédagogie de la Nouvelle École y pourvoira amplement car l'échec scolaire est imputable, pour plus de moitié, à un déficit d'affection provenant des familles, du milieu ou des systèmes d'apprentissage. Il faut accompagner plus de sciences par plus d'humanité. Lorsque je vois un élève dans une cour de récréation avec les deux oreilles bouchées par des écouteurs, je me dis qu'il y a une faille quelque part dans cette école. Se connaître, c'est connaître son fonctionnement. Le corps humain est le centre de tout. Par conséquent, le monde, l'Univers doit aussi pouvoir être exploré et connu à partir du corps de l’homme car connaître le corps humain, c’est connaître son anatomie, mais aussi ses réactions physiologiques, c'est-à-dire ses réactions à l'environnement, donc à l'Univers. C'est l'occasion d'établir également la relation entre la sensation, l'intellect et l'Univers.

 

Que sait-on précisément du cerveau humain ? De sa composition ? De son fonctionnement ? On parle de milliards de neurones certes, mais ensuite ?

A ce jour, on ne sait qu'à peine le cent millième de ce qu'il y aurait à savoir sur le cerveau, sur par exemple les rapports entre les structures et les fonctions. Si l'on apprenait à réfléchir, à chercher les moyens de mieux explorer cet organe en vue d'une meilleure connaissance de soi et des autres ? A ce propos, on prendra garde de ne pas tomber dans le scientisme à la Berthelot, incapable de parvenir à la dimension intérieure de l'homme. Il est sans doute un autre langage que le rationalisme scientifique absolu. Aucune voie, autre que la science pure, dès lors qu'elle permet cette connaissance intime de l'être humain ne doit être exclue. Ni le microscope, ni la lunette astronomique ne permettent de tout voir. Spinoza a fait état d'une connaissance du troisième genre, opposée à celle du deuxième genre qui porte sur les notions communes. L'intuition serait-elle une de ces voies ? En tout état de cause, l'être humain est un tout, une globalité, ce n'est jamais qu'un simple corps. En outre, faut-il préciser que l'homme ne sera jamais totalement transparent à lui-même ni aux autres ; il restera toujours en quelque point un mystère qui stimule la recherche souhaitable et évite la sclérose. Ce mystère est une nécessité. Il faut quelque part que l'homme reste pour l'homme une équation impossible. La transparence totale serait nudité absolue.

Dans nos sociétés contemporaines mécanisées, automatisées, informatisées à outrance, il faut arriver à créer et à cultiver la curiosité de soi et la curiosité de l'autre, non cette curiosité informatique des fichiers, mais la curiosité-générosité de l'âme qui conduise à l'ensemencement de l'homme par l'homme, c'est-à-dire l'enrichissement mutuel et généreux par le regard, par le contact, par le dialogue (la voix), par la communion avec l'autre.

Ainsi après le cerveau, il en est de même pour l'embryon et l'embryologie du développement des organes. Que sait-on dans l'absolu des cellules humaines, de leurs rapports les unes avec les autres ? Que sait-on de façon précise des gênes du développement à l'origine de toute une cascade de formation d'autres gênes et de transformation des cellules, les interactions entre les cellules ? Existe-t-il des gênes identiques chez toutes les espèces vivantes ?...

Du corps humain, on passera au corps social, en étudiant les cellules du corps social comme celles du corps humain. Ceci entre autres vertus permettrait de mieux cerner les anomalies et symptômes de ce corps : ses boursouflures et ses creux, ceux qui sont au centre et ceux qui sont à la périphérie... L'étude du corps social doit aboutir à celle de la nature humaine puis des nations, de leurs composantes, de leurs aspirations, de leurs forces et insuffisances. Dans l'enseignement de la Nouvelle École, les disciplines sont complémentaires. Bien entendu, la pédagogie ne manquera pas de souligner les limites de la science en tout domaine, car science doit aller de pair avec humilité. En revanche, elle veillera à cultiver chez les élèves l'esprit scientifique, l'interrogation sur le pourquoi et le comment de toute chose en toute circonstance... .

 

Nous sommes frères par la nature, mais étrangers par l’éducation. (Confucius)

 

Tiéba — Et l'art ?

Jacques — La pédagogie de la Nouvelle École associera intimement à l'histoire et à la science, l'enseignement des Arts. Ici, Arts s'entend au sens le plus large. Ainsi compris, les Arts c'est aussi la littérature, la poésie, la musique les arts plastiques, la danse à tous les niveaux (en association avec les sciences naturelles et l'éducation physique). Cet enseignement implique l’étude de tout ce qui possède la vertu d’épanouir le corps et l’esprit. À cela sera joint l'étude des hommes et des lieux repères de l'Humanité : poète, artiste, chorégraphe... Cela devra sauver l'homme de la rudesse du siècle, du fracas des machines et du vertige des images, en même temps qu'il permettra de développer la personnalité de chaque individu. L'art est une des voies de l'exploration de l'homme, un instrument privilégié de sondage de l'âme humaine. Il a aussi pour fonction d'épaissir le réel, de l'élargir, en l'enrichissant. En cela, l'art, comme la culture en général permet une dilatation de l'esprit, c'est-à-dire une densification de l'être. L'art, comme l'affirmait si judicieusement Jean Cocteau, n'est pas évasion, mais invasion ; invasion de l'être, donc précisément densification des sens et de l'esprit ; en cela, il participe aussi à la création ou recréation du monde.

L'initiation à la création sous toutes ses formes aura une place de choix dans la didactique des Arts qui doit aussi ménager un espace pour le rêve, car le rêve est création, c'est-à-dire également les jeux, la fête en tant que facteur d'équilibre individuel et de socialisation. « Une vie sans fête est comme une longue route sans auberge. » (Épicure)

Cette notion de création est essentielle. La création doit être l'aboutissement de tout apprentissage. La meilleure définition de l'être humain selon un éminent homme de sciences français, c'est l'aptitude à apprendre. On pourrait y ajouter l'aptitude à créer. Donc l'homme, c'est d'abord l'être social qui apprend et qui crée. Aucun animal ne peut créer les pyramides d’Égypte, la pénicilline, la Joconde, les Fleurs du Mal...

Cette didactique de la connaissance de soi et de la création illustrera les propos de Pic de la Mirandole selon qui Dieu appela Adam et lui dit :

« Je t'ai donné une raison et des facultés déterminées... Tu découvriras toi-même ta propre nature... Je t'ai créé libre. Je t'ai placé au centre de l'Univers pour que tu puisses découvrir ce qui existe».

Tiéba — En définitive tout se tient car l'éducation physique participe déjà aux Arts par la danse et la création, outre son domaine propre qui reste de modeler le corps et l'esprit, d'assurer l'harmonie de l'être.

 

L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. (Nelson Mandela)

 

Jacques — L'objectif global, c'est parvenir effectivement à l'eurythmie, en rapport avec l'environnement physique et humain.

L'enseignement fera également une place aux « héros positifs », les nouveaux héros : ceux qui ont pour vocation de sortir l'homme de la barbarie ou d'éviter qu'il y retourne. Ceux qui préservent notre cadre naturel de toutes les pollutions, qui plantent des arbres ou sauvent des animaux, ou qui soignent les blessures de l'homme et de la nature. Bref, les héros positifs sont les hommes et les femmes qui promeuvent la coopération internationale, sèment l'espérance dans les cœurs, chantent l'amour et la fraternité et non les prophètes de la désolation à la bouche écumante de haine, aux bras chargés des sinistres trophées de guerre.

L'objectif, c'est aussi que l'individu parvienne au sommet de lui-même en découvrant ses potentialités cachées et en exaltant au mieux ses facultés. Cela a déjà été dit : on n'est que ce qu'on a dans la tête.

Chaque individu est unique avec ses dons propres et ses capacités spécifiques. Et il existe autant de bonheurs que d'individus sur terre. Il s'agit pour chacun d'utiliser ce qui lui est propre, ce qui lui appartient, du mieux possible, en vue de se réaliser le mieux possible.

Tiéba — Oui, mais le sage a dit que le bonheur consiste à se contenter de ce que l'on a.

Jacques — Bien sûr, encore faut-il savoir ce que l'on a exactement.
Savoir et faire doivent constituer un programme infini, un programme de vie dans le cadre duquel chacun de nous doit se réaliser. Il s'agit de se battre, mais contre soi. Chacun de nous doit marcher vers son sommet, sans cesse marcher vers son « Everest ». ; Everest physique, intellectuel, moral. L'enseignement de la Nouvelle Ecole permettra justement à chacun de savoir distinguer son Everest. Pour les uns ce sera l'Everest, mais pour les autres l'Aconcagua ou le Mac Kinley, mais cela peut-être aussi le Kilimandjaro ou le Mont Blanc. Et la compétition, quelle qu'elle soit : scolaire, sportive, intellectuelle ou morale doit avoir pour objectif de permettre à chacun d'évaluer sa position personnelle par rapport à son Everest. Cette compétition n'est autre chose qu'un défi personnel, individuel. Dans cette marche, cette longue quête du sommet, quand on tombe, il faut se relever et repartir.

Ainsi, dans cette ascension, le point de départ n'est pas forcément le même pour tous. Certains partent du niveau de la mer, d'autres de la plaine ou de la vallée, mais aussi cela peut être du dessous du niveau de la mer à moins que ce ne soit la colline jouxtant le pied de la montagne. De même, le rythme de la marche est inégal, le viatique différent... En vertu de toutes ces données et tous ces paramètres, le sommet atteint n'est pas le même pour tous. Il y a deux sortes de marcheurs, d'une part ceux qui, la ligne d'arrivée franchie décrochent, se couchent et soufflent et d'autres qui, au contraire, une fois la ligne franchie, voient immédiatement une autre ligne se profiler à l'horizon. Pour ceux-là, le défi est permanent.

Mais on ne peut pas tout gagner dans la vie. On ne peut pas toujours gagner tout contre tous, ni relever tous les défis de la vie. D'où la nécessité de savoir perdre. Qui ne sait pas perdre ne mérite pas de gagner. Perdre, c'est comprendre le prix de la victoire et donner du goût à la victoire.

Même si l'on reste sur les flancs de la montagne, on en sort grandi. C'est l'essentiel. Il faut savoir reconnaître et respecter ses limites pour reconnaître et respecter celles d'autrui.

L'essentiel, c'est de comprendre que la vraie aventure est intérieure et que nous avons, au fond de nous-mêmes, notre propre Annapurna à vaincre, nos Himalaya à escalader... Cet effort vers les cimes, c'est tout simplement un élan vers l'accomplissement de soi.

 

Jusqu’au ciel, pierre à pierre, élevons notre mur.
(Victor Hugo)

 

Tiéba — Je perçois mieux à présent l'absolue nécessité des quatre disciplines fondamentales de la Nouvelle École. Ce sont elles qui, en permettant de modeler le corps et l'esprit favorisent cette marche, cette ascension vers notre Everest, vers le sommet de nous-mêmes. La connaissance apportée par les sciences naturelles vaut aussi pour les éléments naturels de la montagne ; la faune et la flore, les basses altitudes et leurs propriétés, les hautes altitudes et leurs caractéristiques, l'ubac et l'adret, les microclimats... L'éducation physique a garni les membres de muscles et la tête de dopants. Les Arts, avec l'éveil et l'acuité des sens, permettent la symbiose avec la nature, et l'histoire, de comprendre ce que fût la montagne dans la vie des humains, dans le passé et le présent, un lieu de passage et de vie qui relie les générations de par le monde. Par l'histoire, le passé doit irriguer le présent et dégager les voies du futur. Ainsi, dans la vallée comme au sommet de la montagne, l'élève ou l'ancien étudiant de la Nouvelle École reste parmi les siens : les hommes et la nature en harmonie avec le passé et le présent. (Tidiane Diakité, Dialogues impromptus à une voix. Archéologie d'une conscience).

(1) L'auteur dédoublé en 2 personnages : Tieba et Jacques  qui entretiennent un  dialogue fécond.

 

L’éducation est plus qu’un métier ; c’est une mission qui consiste à aider une personne à reconnaître ce qu’elle a d’unique et d’irremplaçable, afin qu’elle grandisse et s’épanouisse. (Jean-Paul II)

 

Partager cet article
Repost0
10 janvier 2021 7 10 /01 /janvier /2021 08:39

REPENSER L’ÉCOLE
POUR L’ÉPANOUISSEMENT DE L’INDIVIDU (1)

Une nouvelle pédagogie au service de l’Homme, de la société, de la fraternité et de la paix

Éduquer un enfant, c’est sauver un homme. (V. Hugo)

 

Tiéba (1) — Pédagogie, c'est bien le mot ; pas seulement celle de la nature et le l'artisanat, mais de l'homme. Il faut inventer la Nouvelle École, l'école de l'Universel. La finalité première de cette école sera de réconcilier l'homme avec lui-même. Tous les objectifs secondaires, toute la méthodologie doivent concourir à faire que tous les chemins mènent à l'homme. Cette nouvelle pédagogie devra conférer à l'individu ce que j'appellerais « l'épaisseur de vie » ou la « densité humaine », qui serait comme un mur sécrété par notre âme, plus dur que le béton armé, plus résistant que la structure métallique et qui nous protégerait contre l'imparable. A quoi cela sert-il de circuler à bord d'une voiture blindée si l'on n'est pas soi-même blindé ? Il faut blinder le mental pour blinder le corps. Cette école de la solidarité et de la paix universelle, débarrassée de toute vision mercantiliste du monde, remplacée par une vision plus humaniste et plus confraternelle, devra poser à nouveau la question du bonheur de l'homme avec ce postulat de base qu'on ne peut être heureux tout seul, et qu'il n'y a de bonheur que collectif, mais sans esclavage du « moi » par rapport au « nous » et du « nous » par rapport au « moi ».

Réconcilier l'homme avec lui-même c'est aussi réconcilier l'homme avec la nature, son environnement. Tels sont quelques éléments du programme d'éducation et de formation de la Nouvelle École.

 

Jacques (1) — Si l'on pense surtout qu'à l'heure où ce monde, par la vertu des technologies de l'information, et celle de la révolution des communications sous toutes leurs formes, se réduit aux dimensions d'un « village planétaire », il serait indiqué de concevoir le civisme au niveau de ce « village ». Cette compénétration universelle, l'interconnexion de ce réseau-monde qui fait que « le battement d'ailes d'un papillon en Inde peut provoquer un tremblement de terre en Bretagne », impose à chaque habitant de notre planète l'observance d'un minimum de règles de conduite et de vie qui devraient constituer les éléments clefs de ce civisme planétaire. La « mondialisation » étant désormais un fait, autant bâtir un monde aux dimensions et à vocation humaines, un monde propre, sain et vivable, sans guerre ni drogue. Victor Hugo écrivait au XIXe siècle : « Tout l'univers frémit d'un atome qu'on touche ». Cela sera encore plus vrai et plus pertinent pour le siècle prochain. Le nucléaire par exemple pour ne citer que celui-là ne doit plus demeurer l'instrument secret d'un nationalisme borné. Tout ce qui relève du nucléaire doit être désormais traité à l'échelle internationale.

 

Une école et une pédagogie centrées sur l’épanouissement de l’Homme et le progrès humain

Je conçois donc cette Nouvelle Ecole comme placée au service exclusif de l'Humanité, de son bien-être, de son progrès, mais d'un progrès véritable qui ne soit pas une simple prééminence technicienne soutenue par l'esprit mercantiliste du profit. Son programme comporterait deux parties essentielles. La première partie constituerait une sorte de tronc commun au niveau duquel serait dispensé un enseignement universel, commun à toutes les nations du monde. Cette partie du programme, du tronc commun étant élaborée et suivie par une commission internationale permanente de spécialistes en didactique relevant de l'Organisation des Nations Unies et donc placée sous son égide. Les objectifs de ce programme porteront essentiellement sur l'éducation à la solidarité universelle, à la connaissance de soi et des autres, à l'environnement, à la paix, à la connaissance du destin commun des hommes, ces êtres fragiles condamnés à vivre ensemble sur une planète fragile... Elle devra avoir parmi ses objectifs, la prise de conscience de la complémentarité entre les humains, les nations, les compétences. Il faut savoir au-delà des différences rechercher les points communs à tous les hommes, l'essentiel : le destin commun de l'espèce humaine.

De même que la didactique, d'autres questions pourraient être traitées au niveau international telle que celle du chômage, car le monde est à soigner et à reconstruire après les affres du XXe siècle

 

Le grand défi du futur ne sera pas technique, mais humain. (Joël de Rosnay)

 

La conférence internationale de Stockholm (août 1996) a adopté un plan d'action mondial en vue de la répression de l'exploitation sexuelle des enfants de par le monde. Une convention internationale contre le trafic de drogue et le blanchiment de l'argent sale, celui généré par ce même trafic a été mise en place. Il existe de même une police internationale (Interpol) qui recherche et traque les auteurs de délits et crimes partout dans le monde. L'organisation internationale, O.N.U., n'a-t-elle pas ses soldats pour s'interposer ici, surveiller là et réprimer ailleurs ? Dans le même ordre de choses, un accord international en vigueur a pour objet l'arrêt définitif des essais nucléaires dans le monde...

Tous ces accords et conventions sont d'une grande opportunité pour la survie et le bien-être de l'humanité. Mais, pourquoi ne pas commencer par le commencement et traiter le mal à la source au moyen de la pédagogie, c'est-à-dire par l'école et l'éducation universelle, par la prévention universelle et non la répression universelle ? Si « éduquer un enfant, c'est sauver un homme », sauvons l'homme pour sauver l'humanité.

La deuxième partie du programme qui se greffera au tronc commun, avec des passerelles spécifiquement aménagées, sera du ressort exclusif de chaque nation. Elle tiendra donc compte de ses besoins spécifiques, notamment de ses besoins de développement, de son histoire, de sa culture, de ses valeurs, de son génie propre... Mais quoique nationale, elle devra s'efforcer en tout point de mettre en évidence le destin commun des hommes sur terre ainsi que la nécessité de la coopération internationale en tous domaines.

La Nouvelle École, à chaque niveau définira les objectifs, les finalités et les méthodes. Mais globalement, tout devant mener à l'Homme et tout devant être fait pour l'homme, quelques principes de base devront être d'emblée dégagés dont le premier est qu'il n'y a pas d'enseignement et d'éducation sans projet. Il s'agira là de prime abord de projet de société nouvelle par une éducation nouvelle. Faire que l'équilibre de la société repose sur l'équilibre de l'individu et que par voie de conséquence, l'équilibre du monde repose sur l'équilibre de chaque société qui le compose.

Dans la philosophie de la Nouvelle École, l'essentiel ce n'est pas l'instruction mais l'éducation, la formation à la vie ; ce n'est pas le diplôme, mais l'homme. A quoi cela servirait-il que 98% des jeunes d'une génération obtiennent leur baccalauréat si demain l'école était morte ? A quoi cela sert-il de multiplier le rendement du champ par cinquante si cela devait entraîner l'appauvrissement et la mort à terme du champ ?

 

Tiéba  L'une des faiblesses de l'enseignement dispensé dans nos écoles contemporaines vient justement du fait qu'objectifs et finalités sont souvent passés sous silence (ou presque). Pour cette Nouvelle École, l'adhésion à ces objectifs et finalités démocratiquement élaborés et leur connaissance devra constituer une nécessité absolue pour tout agent en charge de dispenser cet enseignement.

 

Jacques — La connaissance précise de ces principes, objectifs et finalités devra naturellement constituer un pan important de la formation des futurs enseignants. Le métier d'enseignant est un métier qui s'apprend chaque jour, un métier où il faut donc savoir s'adapter sans cesse ; s'adapter à son travail, s'adapter à sa classe, à la société, à l'environnement. La formation des enseignants doit permettre de fournir à chacun les outils les mieux appropriés à cette adaptation permanente sur le double plan professionnel et mental. L'enseignant de la Nouvelle École doit être un « sage-homme ».

Former. la tête, le coeur, les bras et les jambes.
      Former l’Homme total

L'élève sera plus que jamais au centre de la pédagogie. Celle-ci devra donc tendre à lui donner la capacité d'être lui-même : forger sa personnalité, développer son jugement et ses facultés d'adaptation dans un siècle de « comptables » et de robots.

Afin d'atteindre ce but, l'idéal serait que chaque enseignement ne s'organise que sous forme de séminaires en petits groupes, en petites unités, où l'on se parle, s'écoute, s'entend, se voit, se sent. Une place sera accordée au travail d'équipes en vue du brassage des élèves, des niveaux, des compétences avec pour mots d'ordre entraide, solidarité, complémentarité. La connaissance de soi, devra faciliter la connaissance des autres, de même que la connaissance de son pays facilitera la connaissance d'autres pays et d'autres phénomènes. Cet enseignement doit être à tous les niveaux une initiation à soi et aux autres, donc à la socialisation des enfants, indispensable pour créer les conditions favorables à l'acquisition et à la consolidation des connaissances. Au-delà de l'acquisition des connaissances, apprendre à vivre en société évitera que les enfants (comme cela se constate parfois du fait de la démission de nombre de familles) ne soient jetés dans un océan sans balises, sans repères. L'océan de la vie plus que tout autre, a besoin de balises et repères. Être en ordre en soi, avec soi et avec les autres, c'est essentiel.

L'enseignant sera donc aussi éducateur. Un enseignant, quelle que soit la discipline enseignée, à quelque niveau qu'il enseigne, s'il n'est pas en même temps professeur de morale c'est-à-dire formateur par l'exemple, n'est pas un enseignant. Il est indispensable de donner des cadres à l'enfant, d'établir des règles du jeu (sans l'étouffer). Ces cadres et règles fixés tout au long du parcours scolaire sont une condition de l'autonomie du futur adulte. Sans eux, l'adulte sans repères se noie dans l'océan de la vie. C'est plus tard, le recul ou la distance critique par rapport à ces règles qui permet à l'adulte de forger son propre jugement et de l'adapter à son chemin de vie. Éduquer, c'est aussi frustrer parfois. Sans morale et sans interdits fondateurs, la société est en danger car la barbarie n'est pas loin.

Au total, l'enseignement de la Nouvelle École fera découvrir à l'enfant, au terme de sa formation le secret de la vie, cette force vive qu'on a en-soi et qui permet de se connaître, de se situer dans le monde, cette force vive intérieure qui lui permettra enfin de mieux vivre dans ce monde, aujourd'hui et demain, car le XXe siècle (comme le XXIe) est rempli de merveilles, mais aussi de dangers. Il s'agit de faire que l'individu profite au maximum de ces richesses et évite au maximum ces dangers, tout ceci reposant sur la foi en l'homme (autre finalité majeure des programmes d'enseignement de la Nouvelle École). La meilleure éducation dans cette conception doit donc consister à conforter cette croyance en l'homme. Croire en l'homme se révèle difficile en certaines circonstances, mais il faut arriver à croire en l'homme, même si cela est parfois moins aisé que croire en Dieu. L'une des raisons des difficultés de l'école classique actuelle réside également dans la dépréciation et l'affaissement du rôle éducateur des familles. Cependant, l'école ne peut remplir pleinement sa mission d'éducation et de formation en dehors des familles ; d'où la lourdeur excessive de ses responsabilités, de ses charges matérielles et morales.

 

Celui qui connaît l’autre est sage, celui qui se connaît lui-même est éclairé. (Lao Zi)

 

Mais l'état actuel du monde et des sociétés impose cette charge écrasante à l'institution scolaire qui demeure le dernier pilier d'équilibre, la dernière rampe de sécurité protégeant les sociétés contemporaines du gouffre absolu. Aussi, la coopération institutionnalisée, ouverte et confiante entre les familles et l'école constituera-t-elle l'un des volets essentiels de la mission éducatrice de la Nouvelle École. La famille ne doit pas défaire le soir ce que l'école a fait le jour. Le cadre familial ne doit pas démolir ce que le cadre scolaire a bâti la veille à force de patience, de pertinence et d'amour. Cette coopération institutionnalisée entre l'école et la famille (aux niveaux élémentaire et secondaire) sera concrétisée par la création au sein de l'établissement d'un service spécifique chargé du suivi des relations école-famille. La fonction assurée par les titulaires de ce service sera distincte de celle du traditionnel Conseiller Principal d'Éducation, ce dernier se consacrant à la discipline interne, au domaine intérieur sera néanmoins en étroite collaboration avec les titulaires du domaine extérieur, les deux services se complétant pour une prise en charge affective, morale, matérielle et pédagogique de l'élève.

Cette éducation devra également enseigner, avec l'art de l'observation, celui de la patience, et apprendre à l'élève que celui qui gagnera n'est pas forcément le plus fort ou le plus rapide, mais le plus patient. La pratique de la patience est une thérapie pour les nerfs, l'une des voies du bien-être, voire du bonheur ; de même que le respect de la nature est indissociable du respect de l'autre. L'une des grâces de ce vingtième siècle finissant, c'est d'avoir découvert la nécessité de préserver la nature et notre planète dans les conditions maximales de santé et de pureté. C'est en un mot d'avoir découvert que l'univers a une histoire. La Nouvelle École devra amplifier cette prise de conscience en incluant l'étude et la protection de la nature à tous les niveaux et stades de son enseignement. Dans le cadre de ses programmes précisément, quatre disciplines devront figurer à tous les niveaux avec une progression allant de l'école élémentaire au niveau supérieur et dans toutes les filières : scientifique, littéraire, technique, commerciale ou technologique ; ces quatre disciplines sont : l'histoire-éducation civique, les sciences naturelles, les Arts et l'éducation sportive. Ce qui signifie qu'après le baccalauréat, un élève qui veut se spécialiser en mathématiques ou en physique sera tenu de suivre dans son cursus, l'enseignement de ces quatre disciplines, tout cela devant à ce niveau être modulé par rapport à la discipline principale de spécialisation. Il en va de même pour un élève qui désire se spécialiser en lettres modernes, en langues ou en économie après l'obtention du baccalauréat.  (Tidiane Diakité, Dialogues impromptus à une voix. Archéologie d'une conscience).

(1) L'auteur dédoublé en 2 personnages : Tieba et Jacques  qui entretiennent un  dialogue fécond.

 

Celui qui ne fait rien pour les autres ne fait rien pour lui-même. (Goethe)

 

Partager cet article
Repost0
7 juin 2020 7 07 /06 /juin /2020 07:20

 

JEAN-JACQUES ROUSSEAU : ÉMILE, DE L’ENFANT AU CITOYEN

Les principes d’une éducation conforme à la nature pour le bonheur de l’individu et de la société

J-J Rousseau (1712-1778)

Quoique original et solitaire, J-J. Rousseau fut un des principaux acteurs de la philosophie des Lumières, auprès de Diderot, Voltaire… un de ceux dont les idées ont le plus influencé l’action des révolutionnaires de 1789.
Original, car contrairement au groupe des autres philosophies français, il s’est toujours opposé aux notions de progrès et de civilisation.
Quasiment toute son œuvre découle de cette vision de l’homme, de la société et de l’évolution du monde. Conception originale qui se trouve toute entière dans cette litote :

« Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme. »

Autrement dit, « l’homme naît bon, la société et la civilisation le corrompent » ou encore « l’homme est né libre et partout il est dans les fers ».
Émile sera éduqué selon les principes de Rousseau, l’objectif étant de créer l’« homme naturel ».
Pour cela, il faut protéger l’enfant contre l’influence néfaste de la civilisation.
Pour Rousseau, cette éducation doit se faire à la campagne, à l’abri de tout contact avec la société, en laissant à l’enfant la liberté, qui doit se former par sa propre expérience.
Contrairement à la méthode prônée par les autres philosophes du 18e siècle qui recommandent une formation scientifique de qualité, Rousseau s’attache à la formation morale, aux qualités de cœur, à l’honnêteté, à la vertu…
Enfin, bien qu’Émile soit élevé à la campagne, le but de son éducation, c'est d’en faire un bon père de famille sociable, honnête, un citoyen modèle.

[NB : Quelques parents, qui appliquèrent à la lettre les principes d’éducation préconisés par Rousseau, furent déçus des résultats.]

« Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix. » (J-J. Rousseau)

« Laissez mûrir l’enfance dans les enfants »

"Quand je me figure un enfant de dix à douze ans, sain, vigoureux, bien formé pour son âge, il ne me fait pas naître une idée qui ne soit agréable, soit pour le présent, soit pour l'avenir : je le vois bouillant, vif, animé, sans souci rongeant, sans longue et pénible prévoyance, tout entier à son être actuel, et jouissant d'une plénitude de vie qui semble vouloir s'étendre hors de lui. Je le prévois dans un autre âge, exerçant le sens, l'esprit, les forces qui se développent en lui de jour en jour, et dont il donne à chaque instant de nouveaux indices ; je le contemple enfant, et il me plaît ; je l'imagine homme, et il me plaît davantage ; son sang ardent semble réchauffer le mien ; je crois vivre de sa vie, et sa vivacité me rajeunit."

 « Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd, pour ainsi dire tout ce qu’il possède. » (J-J. Rousseau)

"L'heure sonne, quel changement ! À l'instant son œil se ternit, sa gaieté s'efface ; adieu la joie, adieu les folâtres jeux. Un homme sévère et fâché le prend par la main, lui dit gravement ; « Allons, Monsieur », et l'emmène. Dans la chambre où ils entrent j'entrevois des livres. Des livres ! Quel triste ameublement pour son âge ! Le pauvre enfant se laisse entraîner, tourne un œil de regret sur tout ce qui l'environne, se tait, et part, les yeux gonflés de pleurs qu'il n'ose répandre, et le cœur gros de soupirs qu'il n'ose exhaler.

Ô toi qui n'as rien de pareil à craindre, toi pour qui nul temps de la vie n'est un temps de gêne et d'ennui ; toi qui vois venir le jour sans inquiétude, la nuit sans impatience, et ne comptes les heures que par tes plaisirs, viens, mon heureux, mon aimable élève, nous consoler par ta présence du départ de cet infortuné ; viens... Il arrive, et je sens à son approche un mouvement de joie que je lui vois partager. C'est son ami, son camarade, c'est le compagnon de ses jeux qu'il aborde ; il est bien sûr, en me voyant, qu'il ne restera pas longtemps sans amusement ; nous ne dépendons jamais l'un de l'autre, mais nous nous accordons toujours, et nous ne sommes avec personne aussi bien qu'ensemble.

Sa figure, son port, sa contenance, annoncent l'assurance et le contentement ; la santé brille sur son visage ; ses pas affermis lui donnent un air de vigueur ; son teint, délicat encore sans être fade, n'a rien d'une mollesse efféminée ; l'air et le soleil y ont déjà mis l'empreinte honorable de son sexe ; ses muscles, encore arrondis, commencent à marquer quelques traits d'une physionomie naissante ; ses yeux, que le feu du sentiment n'anime point encore, ont au moins toute leur sérénité native, de longs chagrins ne les ont point obscurcis, des pleurs sans fin n'ont point sillonné ses joues. Voyez dans ses mouvements prompts, mais sûrs, la vivacité de son âge, la fermeté de l'indépendance, l'expérience des exercices multipliés. Il a l'air ouvert et libre, mais non pas insolent ni vain : son visage, qu'on n'a pas collé sur des livres, ne tombe point sur son estomac ; on n'a pas besoin de lui dire : « Levez la tête » ; la honte ni la crainte ne la lui firent jamais baisser.

Faisons-lui place au milieu de l'assemblée : Messieurs, examinez-le, interrogez-le en toute confiance ; ne craignez ni ses importunités, ni son babil, ni ses questions indiscrètes. N'ayez pas peur qu'il s'empare de vous, qu’il prétende vous occuper de lui seul, et que vous ne puissiez plus vous en défaire."

« Il n’y a pas de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat. »  (J-J. Rousseau)

« N’attendez de l’enfant que la vérité naïve et simple, sans ornement, sans apprêt, sans vanité. Il vous dira le mal qu’il a fait ou celui qu’il pense, tout aussi librement que le bien. »

"N’attendez pas non plus de lui des propos agréables, ni qu’il vous dise ce que je lui aurai dicté ; n’en attendez que la vérité naïve et simple, sans ornement, sans apprêt, sans vanité. Il vous dira le mal qu’il a fait ou celui qu’il pense, tout aussi librement que le bien, sans s'embarrasser en aucune sorte de l'effet que fera sur vous ce qu'il aura dit : il usera de la parole dans toute la simplicité de sa première institution [...].
Il ne sait ce que c'est que routine, usage, habitude ; ce qu'il fit hier n'influe point sur ce qu'il fait aujourd'hui : il ne suit jamais de formule, ne cède point à l'autorité ni à l'exemple, et n'agit ni ne parle que comme il lui convient. Ainsi n'attendez pas de lui des discours dictés ni des manières étudiées, mais toujours l'expression fidèle de ses idées et la conduite qui naît de ses penchants."

« Toute méchanceté vient de la faiblesse ; l’enfant n’est méchant que parce qu’il est faible. » (J-J. Rousseau)

"Vous lui trouvez un petit nombre de notions morales qui se rapportent à son état actuel, aucune sur l'état relatif des hommes : et de quoi lui serviraient-elles, puisqu'un enfant n'est pas encore un membre actif de la société ? Parlez-lui de liberté, de propriété, de convention même ; il peut en savoir jusque-là, il sait pourquoi ce qui est à lui est à lui, et pourquoi ce qui n'est pas à lui n'est pas à lui : passé cela, il ne sait plus rien. Parlez-lui de devoir, d'obéissance, il ne sait ce que vous voulez dire ; commandez-lui quelque chose, il ne vous entendra pas ; mais dites-lui : « Si vous me faisiez tel plaisir, je vous le rendrais dans l’occasion » ; à l'instant il s'empressera de vous complaire, car il ne demande pas mieux que d'étendre son domaine, et d'acquérir sur vous des droits qu'il sait être inviolables. Peut-être même n'est-il pas fâché de tenir une place, de faire nombre, d'être compté pour quelque chose ; mais s'il a ce dernier motif, le voilà déjà sorti de la nature, et vous n'avez pas bien bouché d'avance toutes les portes de la vanité [...].

Il est parvenu à la maturité de l'enfance, il a vécu de la vie d'un enfant, il n'a point acheté sa perfection aux dépens de son bonheur; au contraire, ils ont concouru l'un à l'autre. En acquérant toute la raison de son âge, il a été heureux et libre autant que sa constitution lui permettait de l'être. Si la fatale faux vient moissonner en lui la fleur de nos espérances, nous n'aurons point à pleurer à la fois sa vie et sa mort, nous n'aigrirons point nos douleurs du souvenir de celles que nous lui aurons causées ; nous nous dirons : Au moins il a joui de son enfance ; nous ne lui avons rien fait perdre de ce que la nature lui avait donné. " (Rousseau, Émile ou De l’éducation)

« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir. »  (J-J. Rousseau)

 

Paul SCHUSS, Plaisir d'un soir d'été

Partager cet article
Repost0