
AFRIQUE, LA RUÉE DE NOUVEAUX ACTEURS
POUR LE MEILLEUR OU POUR LE PIRE ? (2)

Afrique, la nouvelle donne
La nouvelle ruée vers le continent
Pourquoi l’Afrique ?
Qui vient ? Pourquoi ?


Revue de troupe
Situation irréaliste, impensable il y a seulement deux ou trois décennies : des nations qui semblaient ignorer le chemin du continent africain, tant cette région était fermée aux vues étrangères, barricadée derrière des murs dressés depuis le milieu du 19e siècle, tenue de main de maître par ses occupants, conquérants colonisateurs et dominateurs qui y régnaient comme sur une chasse gardée, fermée à toutes les autres nations du monde.


L’Afrique aux quatre vents
La Chine est pionnière sur le continent depuis les années 1980, non comme touriste en quête d’exotisme facile, mais en quête de relations fructueuses pour sa nation, et surtout pour se muer en partenaire qui voit loin, au-delà du continent africain, lequel apparaît alors comme un tremplin pour la conquête des plus hauts sommets du monde.


Les Chinois sur le terrain
Savoir et savoir-faire
Une maestria insoupçonnée
D’emblée, dès le début des années 2000, la Chine apparaît comme une voix autorisée en Afrique. À force de finesse diplomatique et psychologique, elle s’est glissée dans les lieux de pouvoir, amenant les responsables africains à lui dérouler, partout, le tapis rouge.
Elle ne mit pas longtemps à « consoler » ces derniers du départ (de l’abandon ?) de leurs partenaires français et britanniques.
De fait, rapidement, les Chinois sont arrivés et ont rempli le vide laissé par les premiers occupants européens, avançant méthodiquement, mais résolument, essaimant sur le continent dans ses moindres interstices, de l’est à l’ouest, du nord au sud, sans coup férir.

(Photo de Paolo Woods dans Serge Michel et Michel Beuret, La Chinafrique)


La Chine sur le toit de l’Afrique
La Chine est sans aucun doute la première puissance étrangère à pourvoir une diplomatie qui amène les responsables africains à lui manifester autant de sympathie en lui accordant autant de facilité d’action, au point d’amener des observateurs hier, mais aussi aujourd’hui, à affirmer que « la Chine a enterré la Françafrique ».

(Photo de Paolo Woods dans Serge Michel et Michel Beuret, La Chinafrique)
Tout un symbole !
Heureux comme un Chinois en Afrique

Le président du Nigéria, Olusegun Obasanjo s’adressant au président chinois Hu Jintao, à Lagos en avril 2006 : « Nous souhaiterions que la Chine dirige le monde ! Et quand ce sera le cas, nous voulons être juste derrière vous. Quand vous allez sur la Lune, nous ne voulons pas être laissés derrière, nous voulons être avec vous. » |


Faut-il perpétuellement un Tuteur à l’Afrique ?
À quand l’indépendance ?
Si des nations d’Asie, mais aussi d’autres régions, suivent la voie tracée par la Chine, chacune d’elles a ses motivations, plus ou moins avouées, mais toujours intéressées.
Le Japon a ainsi des visées sur le continent africain en rapport avec le présent et le futur.


Un nouveau sur le continent mais avec des ambitions avouées
Le nouveau directeur des Affaires africaines au Ministère japonais des Affaires étrangères, Katsu Mi Hirono, annonce d’emblée :
« À l’heure où le marché japonais se rétrécit, l’implantation sur le continent est une question de vie ou de mort pour les firmes japonaises. Il reste encore à définir jusqu’à quel point l’État peut les accompagner. Il faudrait aussi que les entreprises changent en partie leur modèle et deviennent globales au sens propre du terme. Pour cela, il est nécessaire qu’elles emploient des étrangers pour s’appuyer sur leurs expertises. Dans les entreprises japonaises, un changement de culture s’impose, sans quoi elles ne pourront pas survivre. »
Pour lui « Une collaboration avec la Chine n’est pas exclue, mais certaines conditions doivent d’abord être réunies. » (J.A. n° n°3056)

La Turquie, elle non plus n’est guère insensible au continent africain. C’est donc chargée d’ambitions et de raison qu’elle prend place parmi les nations de la ruée.
La presse a fait un large écho de la tournée africaine du président Erdogan : « une tournée africaine particulièrement chargée, en visitant pas moins de quatre pays : l’Algérie, le Sénégal, la Mauritanie et le Mali. De quoi placer un peu plus les pions turcs en Afrique, continent sur lequel le pays est déjà bien présent. » (JA)

La Suisse n’est pas en reste. Petit pays par la superficie, mais grandes ambitions économiques et géopolitiques, elle joue crânement sa partition en Afrique, comme les autres.
« En Suisse, comme dans de nombreux autres pays développés, le secteur privé suit de très près la situation économique de l'Afrique. "Il y a de très bonnes occasions à saisir sur le continent", commente un banquier genevois. En particulier pour des entreprises helvétiques, qui, en dehors des négociants en matières premières et des banquiers d'affaires, continuent dans leur très grande majorité de découvrir le continent et son immense potentiel. Signe de cet intérêt grandissant ces quinze dernières années, la valeur des investissements directs étrangers (IDE) helvétiques a triplé sur le continent depuis 2000, même s'ils ne représentent toujours que 1,2 % des IDE suisses à travers le monde.
[…]
Non seulement le secteur privé suisse multiplie les partenaires, mais aussi diversifie ses opérations. Longtemps concentré sur le primaire et le secondaire, il s'intéresse de plus en plus au tertiaire, les services en tout genre représentant plus d'un tiers des revenus générés par les exportations suisses en Afrique l'année dernière. Le tourisme et les différentes activités de transport et logistique connaissent les courbes de croissance les plus significatives, même si le domaine financier dans son ensemble pèse encore plus de 30 %. ». (Jeune Afrique, n°3065)


Le grand et lointain Canada affiche sa présence et ses ambitions en Afrique
« C’est dans son sous-sol que les plus importantes découvertes de nouveaux gisements aurifères ont été réalisées ces dix dernières années. Plus de 79 millions d'onces ont en effet été mises au jour en Afrique de l'Ouest, et 5 milliards de dollars investis sur la même période, soit 10 % du total mondial des investissements dans l'exploration. Et pourtant, l'exploitation minière dans la région ne fait que commencer.
Une attractivité qui séduit particulièrement les compagnies minières canadiennes, comme Endeavour, Teranga Gold, B2Gold ou encore Iamgold. Tablant sur un coût de production de l'once tournant autour de 800 dollars, Endeavour souhaite porter la durée de vie de ses mines à environ dix ans. Mais celle-ci devrait même se prolonger au-delà : le groupe, qui a déjà découvert 5 millions d'onces ces cinq dernières années, vise en effet 10 à 15 millions d'onces dans les cinq prochaines.
Pour doper ses réserves, la compagnie minière entend investir quelque 45 millions de dollars dans l'exploration. "Nous allons poursuivre nos efforts dans ce domaine. Nous croyons dans le potentiel de la zone géologique du plateau birimien ouest-africain, souligne son PDG, Sébastien de Montessus. L'Afrique de l'Ouest se situe au troisième rang des régions les plus riches en ressources aurifères, derrière l'Australie et le Canada. Pourtant, des pays importants sont encore sous-explorés. Le Burkina Faso ou la Côte d'Ivoire concentrent seulement 35 % des découvertes dans la région, alors qu'ils représentent 60 % de la zone "birimienne".
En mars, Endeavour va franchir une nouvelle étape dans le déploiement de sa stratégie et consolider davantage son assise africaine avec l'entrée en production de la mine d'Ity, en Côte d'Ivoire. Il a investi 412 millions de dollars dans ce gisement, dont les réserves sont estimées à 2,9 millions d'onces.
Le groupe canadien réalise également de nouvelles acquisitions afin de devenir le premier producteur d'or du continent. » (JA n°3030)
La liste de ces nations intéressées par l’Afrique d’aujourd’hui est longue, : de la Chine à la Russie, de la Turquie à Israël, du Canada à l’Inde…


En conclusion quelques observations sommaires
— Toutes ces nations qui affluent vers le continent africain sont attirées par les richesses naturelles qu’elles exploitent ou mettent en valeur (du moins partiellement).
Pourquoi les pays africains eux-mêmes ne se chargeraient-ils pas de l’exploitation de leurs ressources et de leur mise en valeur, ce qui leur permettrait de se suffire à eux-mêmes en évitant de recourir à l’étranger pour leur développement ?
Cela étant, il ne saurait être question d’interdire aux pays étrangers de « venir faire des affaires en Afrique » ; les Africains en seraient les premières victimes en cette ère de mondialisation, qu’on souhaiterait cependant promotrice de paix et de concorde universelles.
— Ces nations en arrivant sur le continent, affichent clairement leur intention : exploiter les ressources naturelles.
— Pourquoi les dirigeants africains ne disent-ils pas clairement ce qu’ils attendent de leur présence et de leurs activités ? Quelles retombées pour les populations, le développement du pays ? Bref, faire que ce partenariat soit effectivement « gagnants-gagnant » et non « gagnants-perdant ».
— Pourquoi aucun dirigeant de pays africain ne décide-t-il de sommets Afrique… ?

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