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11 février 2024 7 11 /02 /février /2024 08:47

 

LES FEMMES DANS L’HISTOIRE

LEUR PUISSANCE

UN MOUVEMENT DE FEMMES PEU CONNU

LES BÉGUINES

 

Béguinage Saint-Vaast, Cambrai

 

¤ QUI ÉTATIENT LES BÉGUINES ?

Le béguinage, c'est d'abord l'invention, dans la Flandre du XIIe siècle, d'un nouveau mode de vie : pour la première fois, des religieuses mettent en place des communautés laïques de femmes en dehors des murs des monastères ou des couvents. Ces femmes, souvent veuves ou célibataires, adhèrent à certaines règles monastiques sans pour autant former de vœux perpétuels : elles restent donc indépendantes de l'Église. Elles étaient, bien souvent, cultivées et enseignaient dans des écoles attenantes au béguinage ou prodiguaient des soins dans les hôpitaux.

 

Elles vivent, en général, dans des maisons individuelles regroupées autour d'une église, un peu en marge des villes, comme à Louvain ou à Malines (Belgique). L’élaboration de ce nouveau mode d'existence est en partie liée à la conjoncture historique : les croisades, qui ont lieu jusqu'en 1291, ont conduit à une surpopulation féminine en Europe. Beaucoup de femmes, qui ne peuvent fonder un foyer, se tournent vers la religion. Mais les couvents sont pleins. Seule solution : amener la religion dans le monde laïc, à la manière des ordres mendiants (franciscains, dominicains, etc.) qui se développent à la même époque.

Les béguinages sont régis par des principes d'autogestion, de solidarité et d'entraide. « C'est une sorte de démocratie avant l’heure. Il n’y a pas de mère supérieure, juste une "Grande Dame" élue pour quelques années. De même, chaque béguinage édicte ses propres règles, toujours modifiables. » (Silvana Panciera, sociologue et auteure de Les Béguines, Fidélité, 2oo9).

Élisabeth de Hongrie (canonisée en 1235), de par sa position sociale, joue un rôle important à partir de 1227 en créant une émulation. Elle décide de soulager la misère des femmes seules en s’appuyant sur les hôpitaux. Mais ce lien hospitalier ne dure pas et les communautés deviennent indépendantes.

Cette indépendance des béguines, qui s'affranchissent de la domination masculine, est perçue d'un mauvais œil par les autorités ecclésiastiques. D’abord critiqués par Latran II, les béguinages sont encouragés par le pape avant que les religieuses laïques soient condamnées pour fausse piété et hérésie par le concile de Vienne de 1311. Le mouvement disparaît presque totalement, sauf en Flandre, où il est toléré.

La dernière béguine est morte le 14 avril 2013 à Courtrai en Belgique.

(Des béguinages d’hommes sont aussi apparus vers le 12e siècle, ces hommes étaient appelés béguards.)

 

Sacerdos libera sive Beguina, par Amman Jost, gravure sur bois, 1585. Bibliothèque municipale de Lyon

 

¤ LES BÉGUINES EN FRANCE

Ailleurs, en Europe, des béguinages s’installent aussi (Suisse, pays du Nord…) et même en France.

 

En France, c’est Saint Louis qui apporte une protection aux béguines. Il « leur a offert le terrain du béguinage de l’Ave Maria, dans le Marais, en 1264, et il les a protégées contre les critiques rencontrées par cette nouvelle forme de vie : des femmes qui, ayant fait le vœu de chasteté et le vœu d’obéissance à l’abbesse — élue — menaient une vie de prière en commun et sortaient pour travailler, sans autre habit commun que leur manteau à capuchon de béguine. Elles étaient connues pour leur charité envers qui frappait à leur porte. » (Lucetta Scaraffia, Femmes dans l’Église : « Comment les béguines ont disparu »)

En effet, à son retour de la 7e croisade, Saint Louis rencontre Hugues de Digne, frère franciscain qui lui enjoint de veiller sur les pauvres comme à la simplicité de sa vie. Louis IX se fait protecteur des ordres mendiants.

Hugues de Digne avait une sœur béguine, Sainte Douceline, autour de laquelle s’était constitué le béguinage, les « Dames de Roubaud ». Philippa Porcelet, proche disciple de Douceline, écrit en langue occitane (1297) une vie de Sainte Douceline. (Ernest Renan, considère cette œuvre comme un chef-d’œuvre en prose de la première littérature provençale).

Donc en 1264, comme dit plus haut, Louis IX installe une communauté de béguines à Paris qui comptera jusqu’à 400 béguines. Parmi les tâches quotidiennes des béguines de Paris, figuraient l’alphabétisation de jeunes et le soin aux pauvres.

Cependant la liberté de ces femmes est vue comme un danger par les théologiens de l’Université de Paris qui les considèrent comme « illettrées », ne maîtrisant pas le latin, qui était la langue de l’autorité ecclésiastique. Mais, plus grave, elles écrivaient en langue vernaculaire qui selon Gilbert de Tournai « transmettaient des « subtilitates » (hérésies) ».

Les béguines ont écrit ou fait écrire en français, en picard, en flamand, en allemand, en provençal… Et dans ces écrits il y avait une certaine posture de prêche interdite aux femmes, ce qui était insupportable à l’autorité ecclésiastique, de même qu’une interprétation personnelle et mystique de la foi qui échappait au contrôle dogmatique extérieur. (https://gallica.bnf.fr/blog/08102021/les-beguines-et-la-litterature-au-moyen-age?mode=desktop)

 

 

Grâce à l’ouvrage de Silvana Panciera « Les béguines, Une communauté de femmes libres », on découvre ce mouvement de femmes libres, très ancien.

¤ Silvana Panciera est née en Italie. Elle a mené ses études universitaires à l’Université Catholique de Louvain, en Belgique.

1978 : elle obtient un doctorat en sociologie à l’École pratique des Hautes Études de Paris.

1995 : elle obtient le prix Femme d’Europe pour la Belgique, pour ses nombreux engagements socio-culturels.

Silvana Panciera écrit :

« Les béguines cherchent des formes de vie qui leur permettent de poursuivre le projet évangélique, sans se greffer sur le système ecclésiastique ni sur les formes cléricales d’évangélisation et sans se couper du monde par l’éloignement monastique. »

 

Gravure sur bois représentant une béguine, tirée de l'ouvrage Des dodes dantzLübeck, 1489.

 

¤ Une béguine célèbre et forte, Marguerite Porete

Femme de lettres, mystique chrétienne, intransigeante, Marguerite Porete, resta toute sa vie fidèle à ses convictions, en dépit des menaces et des tentatives d'intimidation.

Sa pensée de l'amour et de la liberté, qui s'affranchissait de l'Église, lui valut d'être brûlée vive, Elle accepta son sort, plutôt que de se renier.

 

« Ces gens que je traite d’ânes, ils cherchent Dieu dans les créatures, dans les monastères par les prières, dans les paradis créés, les paroles humaines et les Écritures. » (Porete)

 

On ne connaît presque rien de la vie de cette mystique chrétienne, hormis sa fin tragique mais elle avait une grande culture théologique comme profane et avait sûrement reçu une bonne éducation. Née vers 1250 dans le comté de Hainaut (nord de la France), elle vécut sans doute à Valenciennes. Elle est essentiellement connue pour « le Miroir des âmes simples anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d'amour » publié en 1295, un dialogue allégorique entre l'Amour et la Raison.

Porete y décrit les sept phases de l'anéantissement de soi par lesquelles l'âme s'élève vers Dieu et s'unit à lui. Dans cette union mystique, l'âme se trouve réconciliée avec sa véritable nature, et n'est plus soumise à rien d'autre que l’amour : elle se libère de la morale aussi bien que de la raison.

 

« Vertus, je prends congé de vous pour toujours : j'en aurai le cœur plus libre et plus gai, votre service est trop couteux, je le sais. J'ai mis un temps mon cœur en vous, sans rien me réserver, […] j’étais alors votre esclave, j'en suis maintenant délivrée ». (Porete)

 

L’ouvrage de Porete exerça une grande influence sur maître Eckhart (1260-1328), figure de proue du mysticisme rhénan des XIIIe et XIVe siècles, et sur les béguines. Cependant, il suscita rapidement la méfiance de « Sainte-Église-la-petite », comme l'appelait Marguerite Porete.

En effet, la démarche de Porete « se passe de l'Église comme institution, […] relativise les sacrements et rejette la morale », note le philosophe Olivier Boulnois.

Dès 1306, Guy de Colmieu, évêque de Cambrai, condamne l'ouvrage pour hérésie et le fait bruler en place publique, ce qui n'empêche pas Porete de continuer à promouvoir ses idées. Philippe de Marigny, successeur de Guy de Colmieu, la fait arrêter en 1308 : elle est incarcérée à Paris sur ordre de l’Inquisiteur général du royaume de France, Guillaume Humbert, mais refuse de répondre aux questions de l'Inquisition, qui suspecte son appartenance au mouvement du Libre-Esprit.

21 docteurs en théologie de l'université de Paris condamnent à nouveau « le Miroir » pour hérésie, mais la religieuse garde le silence et refuse de se rétracter. Elle est brûlée avec son ouvrage en place de Grève le 1er juin 1310. (Octave Larmagnac-Matheron, Philosophie Magazine, hors-série 43H)

Cependant son livre lui survit par un manuscrit du 15e siècle qui modernise le texte d’origine.

 

 

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18 novembre 2023 6 18 /11 /novembre /2023 08:59

 

LA SAGESSE DE BOUDDHA

 

 

Quelques pensées

 

 

 

> Un bref aperçu de sa vie

Bouddha (L’Éveillé), de son vrai nom, Siddhartha Gautama, serait né au 6e siècle avant J.C, à Lumbini (Népal actuel).

Son père, le roi Suddhodana, gouvernait le royaume des Sakya ; sa mère était la reine Maya, morte peu après sa naissance.

Selon les textes bouddhistes, à sa naissance, une prophétie annonçait qu’il deviendrait soit un roi puissant, soit un grand maître spirituel.

Il est instruit et éduqué dans le respect de l'hindouisme, loin de la souffrance et de la misère qui existent à l’extérieur du palais familial.

À 16 ans il épousa la jeune princesse Yasodhara qui lui donna un fils.

Siddhartha vivait dans le luxe du palais paternel jusqu'à son expérience avec les Quatre Signes (un homme âgé, un homme malade, un homme mort, un ascète religieux). Il comprit que tous ceux qu’il aimait, tout ce qu’il avait, disparaîtrait un jour car tout le monde est soumis à l’âge, la maladie, la mort. Mais il remarqua que l’ascète, bien que condamné aussi, restait serein. Celui-ci lui expliqua qu’il suivait le chemin de la réflexion spirituelle et du détachement, qu’il était donc indifférent à la perte.

Il prit aussi conscience de la misère dans laquelle vivait le peuple et une nuit, après avoir enfilé la robe d'un ascète, il quitta le palais. Il se tourna vers l’ascétisme et avec l’aide de grands maîtres, il pratiqua l’austérité et se concentra sur la méditation.

À 35 ans, s’asseyant sous un figuier, il promit de ne pas en partir avant d’avoir atteint la vérité ultime.

Il reconnut que la souffrance venait du fait de l’attachement des hommes à ce qu’ils sont, possèdent… alors que la vie n’est qu’évolution, transformation.

Il est le fondateur de la philosophie religieuse du bouddhisme.

Après une vie d’ascète et d’errance, Siddhartha Gautama, connu sous le nom de Bouddha, mourut vers 480 av J.C, à un âge très avancé.

 

 

>Très belle introduction de Marc de Smedt à son livre « Paroles du Bouddha ».

« Siddharta Gautama, qui sera appelé plus tard le Bouddha, l'Éveillé, est né il y a 2500 ans environ dans le nord de l'Inde, tout près de l'actuelle frontière du Népal, à Lumbini. On dit que son père était un roi : les fouilles archéologiques dans la région ont permis de découvrir que c'était en tout cas un seigneur, une sorte de chef de clan, celui des Shakyas. Il naquit donc dans une famille puissante, les Gautama, aux moyens d'existence nettement supérieurs à ceux du commun. La légende nous dit aussi que son père, soucieux d'une prédiction faite par un ermite au moment de la naissance de son fils, annonçant que celui-ci serait soit un grand roi, soit un grand sage, fit tout pour que cela soit évidemment la première partie de la prophétie qui se réalise. Le jeune prince Siddharta reçut donc une éducation guerrière et intellectuelle poussée, et son père fit tout pour lui éviter soucis et ennui. Danseuses, chasses, précepteurs, serviteurs l'occupent donc à plein temps. On le marie aussi à la jolie Yasodhara, fille d'un clan voisin qui lui donnera un fils. Mais tout cela ne fait pas son bonheur : il est en effet tourmenté et déprimé par l'existence de la maladie, de la misère, de la vieillesse et de la mort qui lui « ôtent toute fierté au sujet de cette vie que je menais » et dont il ressent la futilité. Alors, une nuit, il quitte le palais et sa famille, il s'enfuit loin de la vie facile pour chercher la vérité et essayer de comprendre le sens de l'existence. Il a trente ans. Il coupe sa longue chevelure, quitte ses vêtements luxueux pour une simple tunique et part suivre l'enseignement des sages du temps. Durant des années il pratique des techniques de yoga, il jeûne, il écoute des philosophies, mais sans apaiser sa soif de comprendre. Alors il décide de s'enfermer dans une grotte et d'y méditer jusqu'à découvrir le pourquoi des choses. Il y reste jusqu'à devenir une sorte de squelette halluciné qui se nourrit d'une graine par jour. Sans résultat. Dans un sursaut il sort de sa grotte pour ne pas y mourir comme un chien dans un trou, il se traîne jusqu'à un arbre où il s'adosse entre les racines pour, au moins, finir en plein jour. Et là, il entend un maître de musique s'installer avec ses élèves dans un bosquet proche. Le maître dit : « Pour qu'un luth fasse de la bonne musique, il faut qu'il soit bien accordé ; si les cordes sont trop lâches, le son est mou, si les cordes sont trop tendues, le son est discordant. Il faut trouver l'accord juste. » A ces paroles, Gautama a une véritable illumination. Il réalise qu'elles s'appliquent à son cas : prince, il menait une existence trop molle, déliquescente, et, vagabond errant, il mène une vie inutile qui le conduit aux portes de la déchéance, pour rien. Il comprend que la vérité est dans l'équilibre des forces et découvre ainsi le premier principe de ce qui deviendra le bouddhisme : la voie du juste milieu. Le corps et l'être doivent être harmonieusement accordés pour donner un juste mouvement et être utiles aux autres. Une nouvelle vie commençait pour lui : tout en reprenant vigueur il se recueillera encore longuement avant de se décider à enseigner ceux qui le désiraient dans ce qu'il a appelé le Noble Chemin, composé de huit préceptes qui peuvent nous servir encore aujourd'hui : la vision correcte, la parole correcte, l'action correcte, la vie correcte, l'effort correct, l'attention correcte et la méditation correcte. Il mourut à quatre-vingts ans : une nouvelle philosophie était née. Elle ne suscita jamais de guerres. » (Marc de Smedt, Paroles de Bouddha, Albin Michel, Carnets de sagesse.)

 

 

>Quelques pensées de Bouddha

 

« Toute conquête engendre la haine, car le vaincu demeure dans la misère. Celui qui se tient paisible, ayant abandonné toute idée de victoire ou de défaite, se maintient heureux. »

 

 

« Un homme peut bien dépouiller autrui, autant qu’il convient à se fins : mais dépouillé à son tour par autrui, tout dépouillé qu’il est, il le dépouille encore.

Tant que le fruit n’a pas mûri, le sot s’imagine : « Voici mon heure, voici mon occasion ! » Mais quand son acte a porté ses fruits, tout se gâte pour lui. Le tueur se fait tuer à son tour ; le vainqueur trouve quelqu’un pour le vaincre ; l’insulteur se fait insulter, le persécuteur a des tracas.

Ainsi par l’évolution de l’acte qui dépouille il est dépouillé à son tour. »

 

 

 

« Actuellement, ô brahmane, les gens sont enflammés de désirs illégitimes, accablés par leurs appétits dépravés, obsédés par de fausses doctrines. Étant ainsi, ils saisissent des glaives acérés et s’ôtent la vie les uns au autres, et beaucoup périssent. De plus, sur ces gens enflammés, accablés, obsédés, la pluie ne tombe pas régulièrement. Il est difficile d’avoir de quoi manger. Les récoltes sont médiocres, frappées de la moisissure, mal venues. Ainsi, beaucoup périssent. Telle est la raison, telle est la cause de l’apparente perte et croissance de l’humanité. Voilà pourquoi les villages ne sont plus des villages, les bourgs ne sont plus des bourgs, les villes ne sont plus des villes, et les régions campagnardes sont dépeuplées. »

 

 

« Faciles à voir sont les fautes d’autrui : celles de soi sont difficiles à voir. En vérité les fautes des autres, nous les passons au van comme la balle du grain, mais celles du soi nous les couvrons comme le rusé joueur cache le coup qui le ferait perdre. »

 

 

« Le temps est un grand maître, le malheur, c’est qu’il tue ses élèves. »

 

 

« Chaque matin nous renaissons à nouveau. Ce que nous faisons aujourd’hui est ce qui importe le plus. »

 

 

« Ne demeure pas dans le passé, ne rêve pas du futur, concentre ton esprit sur le moment présent. »

 

 

« Accepte de qui est, laisse aller ce qui était, aie confiance en ce qui sera. »

 

 

« Quand vous adorez une fleur, vous l’arrachez, mais quand vous aimez une fleur, vous l’arrosez tous les jours. Celui qui comprend cela, comprend la vie. »

 

Marc Smedt 

> Marc de Smedt

Né le 21 octobre 1946, est un écrivain et un journalise français, spécialiste des techniques de méditation et des sagesses du monde. Il est aussi éditeur.

Il dirige et codirige plusieurs collections chez Albin Michel : Carnets de sagesse, Paroles de, Espaces libres, Spiritualités Vivantes.

Il dirige aussi les Éditions du Relié.

Il est également Directeur de rédaction et de publication du magazine Nouvelles Clés (devenu Clés et qui a cessé son activité en 2016) qui est spécialisé dans l’exploration des traditions spirituelles qui peuvent aider chacun à faire le point sur les différentes sagesses, mais aussi sur la santé du corps et de l’esprit, sur l’écologie au sens large.

De 1970 à 1981, il a suivi l’enseignement du maître zen Taisen Deshimaru.

Il est membre du jury du prix Alexandra—David-Néel/Lama-Yongden.

 

 

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18 juin 2022 6 18 /06 /juin /2022 12:24

Cathédrale de Chartres (Vitrail de Charlemagne)

 

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MOYEN ÂGE : LES ABUS DE CERTAINS ARTISANS

DÉNONCÉS PAR UN PRÉDICATEUR ALLEMAND :

BERCHTOLD DE RATISBONNE

 

Berchtold de Ratisbonne (Manuscrit de Vienne, 1447)

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Berchtold (ou Berthold, Bertold) de Ratisbonne (en allemand Berthold von Regensburg) (vers 1220 – 1272) fut un religieux allemand du XIIIe siècle, connu et respecté, un prédicateur exceptionnel et recherché, un écrivain européen avant l’heure.

Après son noviciat à Ratisbonne, il commença rapidement à prêcher, d’abord à Ratisbonne, sa ville natale, puis très vite en itinérance, d’abord en Allemagne, puis dans toute l’Europe : Autriche, Suisse, France, Angleterre...

Sa forte personnalité et ses prédications renommées attiraient un public de plus en plus nombreux, à tel point que « les églises ne pouvaient les recevoir et il était forcé de parler d'une plate-forme ou d'un arbre en plein air », selon l’abbé Hermann de Niederaltaich, son contemporain (1200/1202-1275).

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Ses prêches abordaient surtout ce qui concernait les gens moyens, leurs préjugés, leur vie de tous les jours…

Berchtold de Ratisbonne dénonçait aussi les pratiques des artisans et marchands, pratiques qui avaient cours au moyen âge et qu’il jugeait inacceptables, déshonorantes, ce qui annonce une réorganisation des métiers dans les siècles à venir.

Il dénonçait l'usure et le commerce malhonnête, le monde des métiers et des corporations, bruyants et hors les règles de la bienséance, comme on le voit dans l’extrait ci-dessous.

Il dénonçait aussi les magistrats injustes, les impôts excessifs…

Son style nous apprend l’un de ses biographes, « clair et remarquablement dégagé de toute construction latine était fort apprécié du public… ».

 

***

Berchtold de Ratisbonne s’adresse à certaines corporations d’artisans en ces termes :

 

« De tous les fripons, vous êtes les premiers, vous qui travaillez dans le vêtement, les soies, la laine, la fourrure, les chaussures, les gants ou les ceintures. On ne peut en aucune façon se passer de vous. Il faut absolument que les hommes s'habillent. Votre devoir serait donc de les satisfaire par la conscience de votre travail, en vous abstenant de voler la moitié de l'étoffe ou de recourir à d'autres roueries telles que mêler du crin à votre laine ou l'étirer tellement que le client pense avoir acheté de la bonne étoffe, alors que vous l'avez rendue plus longue qu'elle ne devrait,... et vous faites d'une bonne étoffe quelque chose d'inutilisable. Aujourd’hui, à cause de votre fraude, personne ne peut trouver de bon chapeau; la pluie en traversera le bord et dégoulinera sur la poitrine. Même tromperie pour les chaussures, les fourrures, le corroyage. Vous vendez du vieux cuir en le faisant passer pour neuf et, quant au nombre de vos supercheries, personne ne le sait mieux que vous et votre maître, le diable !...

En second lieu viennent ceux qui travaillent avec des outils de fer. De tels artisans devraient tous être consciencieux et dignes de confiance dans leur tâche, qu'ils travaillent à la journée ou à la pièce, ainsi que le font beaucoup de charpentiers et de maçons. Lorsqu'ils travaillent à la journée, ils ne devraient pas rester volontairement désœuvrés pour multiplier d'autant le nombre de leurs journées. Et toi, si tu travailles à la pièce, ton devoir te dicte de ne pas expédier la tâche trop vite afin d'en être débarrassé plus tôt, si bien que la maison s'effondrera avant qu'un an ou deux soient écoulés. Tu dois t'appliquer à ce travail comme si c'était pour toi. Toi, maréchal-ferrant, tu ferreras un cheval d'un fer qui ne vaut rien et qui cassera avant que l'animal ait parcouru à peine un mille. Il en restera peut-être boiteux, ou bien le cavalier sera fait prisonnier ou perdra la vie. Tu es un démon et un apostat et ce sont les anges apostats que tu iras rejoindre. » (Berchtold de RATISBONNE in Maxime Roux, Textes relatifs à la civilisation matérielle et morale du Moyen âge)

 

Maréchal ferrant

 

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6 décembre 2020 7 06 /12 /décembre /2020 10:04

ÉRASME : CITOYEN DU MONDE AU SERVICE DE L’HUMANITÉ, DE LA CULTURE, DE LA PAIX (3)

Didier Érasme (1469 -1536)

Qui est Érasme ?

La singularité de sa forte personnalité fut soulignée par ses contemporains mais surtout par ses biographes des temps passés, comme de nos jours. Cela lui valut sans doute incompréhension, voire opposition ou forte animosité, mais, à l’inverse, chez d’autres, une forte adhésion à sa pensée, sa philosophie, sa vision des autres…

 

Érasme lui-même a su tisser des réseaux vivants, dynamiques, s’attacher des correspondants qui ont fidèlement servi sa cause, y compris au sein de l’institution ecclésiastique et théologique.

Il sut cependant se tenir à bonne distance entre les adulateurs zélés et les dogmatiques non moins zélés et garder jusqu’à la fin de sa vie cette neutralité respectueuses de tous, et surtout de sa ligne principale de conduite. En effet, il s’est toujours voulu au service de toute l’Humanité, quelles que soient les impatiences et les incompréhensions. Fidèle à ses convictions, il le demeura jusqu’au bout.

 

 

La fidélité à ses principes comme règle de vie

Un des traits de caractère parmi les plus remarqués chez Érasme, c‘est le refus de toute compromission quoi qu’il lui en coûte.
C’est sans doute ce trait de caractère qui l’amène à refuser la toge de cardinal que lui offre le Pape Paul III (1535).
Il n’y a rien d’étonnant à ces refus opposés au Pape, car la pensée d’Érasme reste effectivement l’une des plus singulières à plus d’un titre

Pour lui, en effet, l’homme c’est l’Homme Universel. « L’Homme Universel » formule maintes fois employée dans ses écrits et lors de ses conférences. Ceci signifiait pour lui, dans sa philosophie, comme dans son mode de vie, que l’homme où qu’il soit est relié à tous les hommes de tous les temps.

Sa pensée, par conséquent, dépasse le christianisme (bien qu’il soit chrétien lui-même), dépasse l’Europe pour prendre la mesure du monde.
L’Universel est son lieu de prédilection. Dans ces conditions, comment tenir dans les limites d’un dogme ?

 

 

 

Une vision universelle de l’homme et des choses

Luther dira plus tard de lui :

« Les choses de ce monde ont pour lui plus d’importance que les choses divines. »

Cette singularité d’Érasme, presque en toute chose, se justifie-t-elle dans l’époque précise (elle aussi si singulière — Oh combien !) par rapport à celle qui a précédé et celle qui va suivre la vie d’Érasme ?

Né en 1469 et mort en 1536, l’essentiel de sa vie se situe dans la période de la naissance et l’épanouissement de la Renaissance italienne et européenne, celle de l’Humanisme triomphant, qui rompt avec l’ancien système de pensée et de conception de l’humanité.

Mais, la Renaissance, c’est surtout une période de bouillonnement intellectuel et culturel sans précédent en Europe.

 

 

La revanche de l’individu sur le collectif et l’anonymat

Ce bouillonnement culturel, qui libère la pensée de l’individu, correspond également à un bouleversement social, politique…
C’est véritablement une période de transition qui ne cède en rien à celle que nous traversons : une période de transition, de chamboulement.
La période où a vécu Érasme correspond précisément à cette époque de bouillonnement qui, en plus, a vu s’élargir la place de l’Europe dans le monde.
En effet, l’élan pris par ce continent sur le reste du monde, ira s’amplifiant, pour culminer au 19e siècle, avec la « révolution industrielle », la colonisation pour quelques-unes des principales puissances européennes dans la deuxième moitié du 19e siècle.
Cette marche de l’Europe vers le reste du monde est ponctuée de dates mémorables.

 

L’Europe technicienne à l’assaut du monde

En même temps, partout sur le continent européen, les idées nouvelles fleurissent, bousculant les vieilles pensées, les vieilles cultures…

—1486 : Bartholomé Diaz est le premier Européen à atteindre le Cap de Bonne Espérance.
—1492 : Christophe Colomb atteint les îles américaines.
—1497 : Jean Cabot longe les côtes du Labrador et de Terre-Neuve.
—1498 : Vasco de Gama ouvre la route des Indes.
—1500 : Pedro Alvares Cabral découvre le Brésil.
—1522 : Fernand de Magellan, pour la première fois, a accompli le tour du monde.

 

 

 

Certes, Érasme n’a pas de part directe dans ces voyages de découvertes extraordinaires pour l’époque, mais comment ne pas partir de sa vision de l’Europe et du monde, de sa lutte incessante et acharnée pour libérer l’esprit des hommes, afin de laisser libre cours aux possibilités inouïes que chaque homme recèle.

Par ailleurs, s’il fallait chercher l’actualité de la pensée d’Érasme à la fin du 20e et au début du 21e siècle, des similitudes ne manqueraient certainement pas. Entre autres exemples, l’intérêt marqué pour la liberté de l’esprit, pour l’instruction par l’école, la condition des femmes, la recherche en médecine pour venir à bout d’épidémies ou pandémies…

 

 

John Colet (1467-1579)

Un legs immense
L’Universalisme

John Colet, un homme d'Église anglais, est un pionnier reconnu de la pédagogie, ne s’était sans doute pas trompé quand il prophétisait : « Érasme ne périra jamais ».
On pourrait ajouter que les idées d’Érasme n’ont jamais été aussi actuelles qu’en ce 21
e siècle.
Son œuvre désormais patrimoine de l’humanité est immense.

Érasme a beaucoup écrit et beaucoup publié : livres, correspondance (des milliers de lettres), colloques et conférences… chacun de ses livres, lettres et textes de conférences ou de colloques constitue pour la postérité une preuve palpable de son humanisme.

Quelques titres :

L’éloge de la folie.
Les adages .

Colloques.
Éloge de la médecine.

….

Il faut, dit Érasme, que l’idéal patriotique cède la place parce que trop étroit, à l’idéal européen puis international. « Le monde entier en notre patrie à tous ». Jusqu’à son dernier souffle il resta fidèle à son image, sa pensée, sa philosophie, sa conception de la religion. À cet égard, la dernière flèche qu’il décocha peu avant sa mort, fut destinée non à la religion ,,mais au fanatisme religieux qu’il n’a cessé de combattre tout au long de sa vie : « O ! Dieu ! Que d’instincts bestiaux se déchaînent en ton nom ! »

 

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29 novembre 2020 7 29 /11 /novembre /2020 09:00

 

ÉRASME : CITOYEN DU MONDE AU SERVICE DE L’HUMANITÉ, DE LA CULTURE, DE LA PAIX (2)

Didier Érasme (1469 -1536)

Qui est Érasme ?

Tout « prince des Humanistes » qu’il fût, Érasme n’eut pas que des admirateurs dans la vie, il eut des adversaires des plus tenaces, pour deux raisons principalement.

Les opposants les plus tenaces sont ceux qui n’ont jamais compris ni toléré son attitude de neutralité lors de la Réforme. Il faut se souvenir qu’Érasme, au terme de sa formation religieuse, fut ordonné prêtre. Même s’il obtint du Pape la dispense de porter la soutane, il reste aux yeux de ses contemporains catholiques, un des leurs. Qu’il n’intervienne pas lors de la scission pour les aider à l’emporter définitivement sur les « Protestants » reste pour eux une trahison.

Sa culture, ses qualités multiples, son autorité naturelle qui s’imposait à tous, faisaient en effet de lui la personnalité idoine pour l’emporter définitivement et sûrement sur ces « fauteurs de trouble » dans la foi catholique.
De même, ces « fauteurs de trouble », les Protestants, comptaient beaucoup sur les lumières d’Érasme, et le considéraient naturellement comme l’un des leurs.

Ni  les catholiques ni les protestants ne lui pardonnèrent ce qu’ils considéraient comme une trahison.

Érasme était lui-même conscient de sa position entre les deux partis, mais, avait les arguments appropriés pour

 

à la fois les comprendre et ne pas se ranger derrière eux. Il voulait avant tout rester fidèle à lui-même, à sa vision de la religion, à sa philosophie, de même qu’au mode d’existence qu’il avait choisi et auquel il resta fidèle jusqu’à sa mort.

Un homme de conviction
    Fidélité à la foi intérieure, à l’Homme, comme moyen d’accomplir sa mission pour le bien de tous

Selon ses biographes et ses écrits, le jeune humaniste s’est senti heurté à la fois dans ses aspirations et ses convictions profondes, ainsi que par la discipline monastique dont il gardera toute sa vie un souvenir honni.
Sa seule consolation, c’est, faute de vocation religieuse établie, de trouver dans le monastère où il fut formé à sa vie de futur ecclésiastique, la meilleure bibliothèque classique du pays.

Rien n’indique par ailleurs qu’il fut d’une piété ardente durant ses années de vie monastique. Il semble, d’après des lettres, que ce soit plutôt les beaux arts, la littérature latine et la peinture qui l’aient particulièrement occupé et séduit. Quoiqu’il en soit, il ne semble pas s’être totalement détaché malgré tout de l’objet principal de son entrée dans ce monastère, puisqu’il fut ordonné prêtre par l’évêque d’Utrecht, en 1492.

La première des fidélités c’est la fidélité à soi, à ses convictions

 

La dispense du port de la soutane fut vécue, semble-t-il, par Érasme comme une « véritable délivrance… on ne le vit plus dans ses habits sacerdotaux qu’à de rares occasions. »

Il faut parfois faire un effort pour se rappeler que cet homme à l’esprit libre et ouvert, à la plume acérée mais impartiale, appartient à l’état ecclésiastique.
Précisément, ce caractère libre, impartial, parut singulier à ceux qui lui reprochaient d’avoir « lâché son camp » face aux Protestants.

Cependant, quelques qualificatifs relevés au hasard, permettent de mesurer la sympathie quasi universelle et l’aura de sa personnalité, de même que la fascination exercée par Érasme sur le plus grand nombre de ses contemporains toute sa vie durant :

« Érasme, la personnification de la sagesse. », écrit un biographe.

Un autre écrit :

« Érasme, Doctor universalis »
« Érasme … prince des Sciences. »

Ou encore :

« Incomparable »
« Phoenix Doctorum »
« La Pythie de l’Occident »
« L’Homme universel »

Les raisons du consensus, du plébiscite

Faut-il rechercher dans son action, sa pensée et sa philosophie, les raisons de l’apothéose quasi unanimement reconnue du personnage ?

Les biographes d’Érasme sont unanimes sur le regard porté sur le personnage. Le trait sur lequel tous ont insisté de façon récurrente, c’est, avant tout, son goût des études, et aussi sa fidélité à ses idées qu’il croit au service de l’Humanité entière.
Pour presque tous ses biographes, Érasme « fut le premier grand intellectuel de dimension européenne et la personnalisation de toutes les aspirations spirituelles les plus profondes de son siècle. »

Il est qualifié de « premier véritable penseur et écrivain vivant de son œuvre et de son savoir, dont la renommée et l’importance dans le "combat des idées" préfigurent celle des philosophes du 18e siècle. »
D’aucuns établissent une filiation d’esprit avec quelques philosophes des Lumières, principalement J.J. Rousseaux, Diderot, et surtout Voltaire.

Tous, sans exception, consacrent de longs passages à sa rigueur morale, sa sensibilité humaniste, laquelle le porte spontanément vers les autres.

Le savoir et le cœur aux sources de l’Humanisme

Toute sa vie, Érasme se montre intraitable dans le combat contre le fanatisme religieux et l’intolérance sous toutes ses formes, dans la religion comme dans la vie de tous les jours.
En matière de religion, il prône le retour aux textes des Anciens et à une Bible sans mystères, définitivement dépouillée de ses scories qui sont source de malentendus liés aux interprétations des textes.

Ce qui caractérise le mieux Érasme, c’est le refus de toute compromission, particulièrement dans le domaine de la connaissance des textes et la pratique de la religion.

Enfin, Érasme est la première personnalité d’influence européenne à s’engager résolument en faveur de l’éducation pour tous les enfants, quelles que soient leurs conditions et leur origine sociale, et à plaider pour la condition des femmes.

Enfin Érasme s’est préoccupé de bien des questions d’ordre social comme d’ordre religieux, qui, sans doute lui valurent aussi quelques inimitiés fortes, telles que le mariage des prêtres, de même que ses réactions au sujet de maladies sexuellement transmissibles. Il chercha à attirer l’attention des autorités religieuses et civiles sur le danger que la propagation de ces maladies pourrait représenter dans le futur, si l’on n'y prenait garde (apparemment sans  beaucoup de succès).

 

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22 novembre 2020 7 22 /11 /novembre /2020 08:20

ÉRASME : CITOYEN DU MONDE AU SERVICE DE L’HUMANITÉ, DE LA CULTURE, DE LA PAIX (1)

Didier Érasme (1469 -1536)

Qui est Érasme ?

 

Érasme (Desiderius Erasmus Roterodamus) est un humaniste hollandais d’expression latine. Il est né à Rotterdam vers 1469 et mort à Bâle en 1536.
De « naissance obscure » disait-on à l’époque, Érasme connaît une enfance et une jeunesse sombre. Pour ses contemporains il n’a ni patrie, ni famille réelles. Il est sans origines en quelque sorte.
Ce nom qu’on lui connaît, Érasmus Roterodamus, il ne le tient ni d’un père, ni d’un ancêtre. C’est un nom d’emprunt qu’il s’est donné lui-même.

La date précise de sa naissance et les circonstances qui accompagnent celle-ci, sont entourées d’un profond mystère.
Est-on sûr qu’il est né en 1469 ? Des sources avancent 1466, d’autres 1467... Érasme lui-même est tenu pour responsable, en partie, de ce mystère. Plutôt effacé, taciturne, il se confiait encore moins, ce qui multipliait sans doute les rumeurs et épaississait le mystère concernant ses origines.

Erasmus serait né d’un prêtre et de la fille d’un médecin.
Ce qui semble acquis, est que cet enfant illégitime perd ses parents biologiques très tôt. Confié à des tuteurs, Érasme n’a que 17 ans quand ceux-ci se débarrassent de lui.
D’abord scolarisé dans une école tenue par les Frères de la vie commune, il entre, à 20 ans, au couvent des chanoines augustins de Steyn.

 

 

Un homme qui se donne un nom, une mission et un destin

Qu’importe ! S’il n’est guère bavard, Érasme sait ce qu’il veut. Il se destine en fait à une « mission » planétaire, au service de l’Humanité entière.
Mais, comment remplir une telle mission avec la tête et le cœur vides ?
Érasme, après ses premières études à l’école des Frères de la vie commune à Deventer, l’un des premiers foyers de l’Humanisme, aux Pays-Bas, entre au couvent des Augustins où il prononce ses premiers vœux.

Cependant, la vie monastique ne l’attire guère. Il consacrera désormais son temps à l’étude approfondie des Anciens et des Écritures.

Une bourse lui permet de poursuivre ses études à Paris, au collège Montaigu, puis précepteur au service d'un riche anglais, il part pour l’Angleterre où il rencontre des personnages influents de l’époque, en particulier Thomas More, dont il deviendra l’ami.
Commence alors pour Érasme des voyages, des rencontres, débats et confrontations d’idées partout en Europe. Sa vie devient une vie d’errance, consacrée à l’étude, à la réflexion sur tous les sujets : religieux, profanes, sur la morale, la paix…

« Je souhaite être un citoyen du Monde, appartenir à tous, ou plutôt, rester un étranger pour tous » écrit-il.

Il poursuivra jusqu’à sa mort, une vie errante à travers l’Europe, sans se fixer définitivement nulle part.
Tous cherchent à se l’attacher, aussi bien l’Angleterre, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas…, en vain.

À l’apogée de sa vie, son souhait est amplement exaucé ; il devient véritablement un humaniste érudit, au service du monde.
Mais, Érasme est, au fond, un grand solitaire, néanmoins jouant le rôle de conseiller et partenaire de tous.

Quand éclate, au sein de l’Église, la grave crise qui devait aboutir à la scission et à la naissance du protestantisme, il saura faire preuve d’une neutralité aussi étonnante que respectueuse des deux camps : catholique et protestant, alors que toute l’Europe chrétienne attend de lui sa position face à ces évènements.

À la question d’un responsable de l’Église catholique : « De quel parti êtes-vous ? », il répond : « Mon parti, c’est l’Homme. »

 

 

Neutralité bienveillante, respect de tous comme voie vers la paix des consciences ?

La demande faite au pape de le dispenser de porter de la soutane, au terme de ses études théologiques, était-elle un indice de cette « philosophie de vie » ?
En tout cas, cela semble parfaitement convenir à la manière de vivre qu’il avait souhaitée et qui lui avait tant réussi.

En effet, à l’apogée de sa vie, Érasme est considéré, en Europe, comme le « Prince des Humanistes ».

 

 

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20 octobre 2019 7 20 /10 /octobre /2019 08:36

L’AVENIR DE LA SCIENCE SELON ERNEST RENAN

Un philosophe dissèque la science d’aujourd’hui et de demain

Ernest Renan (1823-1892)

Ernest Renan (Tréguier 1823 – Paris 1892), philosophe, historien et écrivain français, toute sa vie, fit preuve d’une grande curiosité et d’une rigueur toute scientifique.
Il s’efforce de montrer — dans une bonne partie de son œuvre d’une grande diversité — comment la science libérale seule est capable de résoudre les problèmes humains.
Cette grande œuvre, reconnue pour sa rigueur et sa précision scientifique, de même que la qualité du style, assure à son auteur une réelle célébrité.
Au total, une œuvre dense, riche, instructive.
Ernest Renan entre à l’Académie française en 1878.

Qu’apporte la science à l’Homme
En bien ou en mal ?

« Ce n'est pas sans quelque dessein que j'appelle du nom de science ce que d'ordinaire on appelle philosophie. Philosopher est le mot sous lequel j'aimerais le mieux à résumer ma vie ; pourtant, ce mot n'exprimant dans l'usage vulgaire qu'une forme encore partielle de la vie intérieure et n'impliquant d'ailleurs que le fait subjectif du penseur solitaire, il faut, quand on se transporte au point de vue de l'humanité, employer le mot plus objectif de savoir. Oui, il viendra un jour où l'humanité ne croira plus, mais où elle saura ; un jour où elle saura le monde métaphysique et moral, comme elle sait déjà le monde physique ; un jour où le gouvernement de l'humanité ne sera plus livré au hasard et à l'intrigue, mais à la discussion rationnelle du meilleur et des moyens les plus efficaces de l'atteindre. Si tel est le but de la science, si elle a pour objet d'enseigner à l'homme sa fin et sa loi, de lui faire saisir le vrai sens de la vie, de composer, avec l'art, la poésie et la vertu, le divin idéal qui seul donne du prix à l'existence humaine, peut-elle avoir de sérieux détracteurs ?... »

 

Science et Religion : Lumières et rêves ?
Plus de lumières ou plus de rêves?

« Sans doute, si l'on s'en tenait à ce qu'a fait jusqu'ici la science sans considérer l'avenir, on pourrait se demander si elle remplira jamais ce programme, et si elle arrivera un jour à donner à l'humanité un symbole comparable à celui des religions. La science n'a guère fait jusqu'ici que détruire. Appliquée à la nature, elle en a détruit le charme et le mystère, en montrant des forces mathématiques là où l'imagination populaire voyait vie, expression morale et liberté. Appliquée à l'histoire de l'esprit humain, elle a détruit ces poétiques superstitions des individus privilégiés où se complaisait si fort l'admiration de la demi-science. Appliquée aux choses morales, elle a détruit ces consolantes croyances que rien ne remplace dans le cœur qui s'y est reposé. Quel est celui qui, après s'être livré franchement à la science, n'a pas maudit le jour où il naquit à la pensée, et n'a pas eu à regretter quelque chère illusion ? Pour moi, je l'avoue, j'ai eu beaucoup à regretter ; oui, à certains jours, j'aurais souhaité dormir encore avec les simples, je me serais irrité contre la critique et le rationalisme si l'on s'irritait contre la fatalité. Le premier sentiment de celui qui passe de la croyance naïve à l'examen critique, c'est le regret et presque la malédiction contre cette inflexible puissance, qui, du moment où elle l'a saisi, le force de parcourir avec elle toutes les étapes de sa marche inéluctable, jusqu'au terme final où l'on s'arrête pour pleurer. Malheureux comme la Cassandre de Schiller, pour avoir trop vu la réalité, il serait tenté de dire avec elle : Rends-moi ma cécité. Faut-il conclure que la science ne va qu'à décolorer la vie, et à détruire de beaux rêves ? »

La poésie plutôt que l’algèbre, la géométrie ou la dissection ?

« Reconnaissons d'abord que, s'il en est ainsi, c'est là un mal incurable, nécessaire, et dont il ne faut accuser personne. S'il y a quelque chose de fatal au monde, c'est la raison et la science. De murmurer contre elle et de perdre patience, il est mal à propos, et les orthodoxes sont vraiment plaisants dans leurs colères contre les libres penseurs, comme s'il avait dépendu d'eux de se développer autrement, comme si l'on était maître de croire ce que l'on veut. Il est impossible d'empêcher la raison de s'exercer sur tous les objets de croyance ; et tous ces objets prêtant à la critique, c'est fatalement que la raison arrive à déclarer qu'ils ne constituent pas la vérité absolue. Il n'y a pas un seul anneau de cette chaîne qu'on ait été libre un instant de secouer ; le seul coupable en tout cela, c'est la nature humaine et sa légitime évolution. Or, le principe indubitable, c'est que la nature humaine est en tout irréprochable, et marche au parfait par des formes successivement et diversement imparfaites.
C'est qu'en effet la science n'aura détruit les rêves du passé que pour mettre à leur place une réalité mille fois supérieure. Si la science devait rester ce qu'elle est, il faudrait la subir en la maudissant ; car elle a détruit, et elle n'a pas rebâti, elle a tiré l'homme d'un doux sommeil, sans lui adoucir la réalité. Ce que me donne la science ne me suffit pas, j'ai faim encore. Si je croyais à une religion, ma foi aurait plus d'aliment, je l'avoue ; mais mieux vaut peu de bonne science que beaucoup de science hasardée. S'il fallait admettre à la lettre tout ce que les légendaires et les chroniqueurs nous rapportent sur les origines des peuples et des religions, nous en saurions bien plus long qu'avec le système de Niebuhr et de Strauss. L'histoire ancienne de l'Orient, dans ce qu'elle a de certain, pourrait se réduire à quelques pages ; si l'on ajoutait foi aux histoires hébraïques, arabes, persanes, grecques, etc., on aurait une bibliothèque. Les gens chez lesquels l'appétit de croire est très développé peuvent se donner le plaisir d'avaler tout cela. L'esprit critique est l'homme sobre, ou, si l'on veut, délicat ; il s'assure avant tout de la qualité. Il aime mieux s'abstenir que de tout accepter indistinctement ; il préfère la vérité à lui-même ; il y sacrifie ses plus beaux rêves. Croyez-vous donc qu'il ne nous serait pas plus doux de chanter au temple avec les femmes ou de rêver avec les enfants, que de chasser sur ces âpres montagnes une vérité qui fuit toujours ? Ne nous reprochez donc pas de savoir peu de choses ; car vous, vous ne
savez rien. Le peu de choses que nous savons est au moins parfaitement acquis et ira toujours grossissant. Nous en avons pour garant la plus invincible des inductions, tirée de l'exemple des sciences de la nature. »

Entre la Science et la poésie, faut-il choisir ?
L’une doit-elle détruire l’autre ?
Ne peuvent-elles coexister dans le même cerveau, dans la même culture, se marier, se féconder et faire de beaux enfants ?

« Si, comme Burke l'a soutenu "notre ignorance des choses de la nature était la cause principale de l'admiration qu'elles nous inspirent, si cette ignorance devenait pour nous la source du sentiment du sublime", on pourrait se demander si les sciences modernes, en déchirant le voile qui nous dérobait les forces et les agents des phénomènes physiques, en nous montrant partout une régularité assujettie à des lois mathématiques, et par conséquent sans mystère, ont avancé la contemplation de l'univers, et servi l'esthétique, en même temps qu'elles ont servi la connaissance de la vérité. Sans doute les impatientes investigations de l'observateur, les chiffres qu'accumule l'astronome, les longues énumérations du naturaliste ne sont guère propres à réveiller le sentiment du beau : le beau n'est pas dans l'analyse ; mais le beau réel, celui qui ne repose pas sur les fictions de la fantaisie humaine, est caché dans les résultats de l'analyse. Disséquer le corps humain, c'est détruire sa beauté ; et pourtant, par cette dissection, la science arrive à y reconnaître une beauté d'un ordre bien supérieur et que la vue superficielle n'aurait pas soupçonnée. Sans doute ce monde enchanté, où a vécu l'humanité avant d'arriver à la vie réfléchie, ce monde conçu comme moral, passionné, plein de vie et de sentiment, avait un charme inexprimable, et il se peut qu'en face de cette nature sévère et inflexible que nous a créée le rationalisme, quelques-uns se prennent à regretter le miracle et à reprocher à l'expérience de l'avoir banni de l'univers. Mais ce ne peut être que par l'effet d'une vue incomplète des résultats de la science. Car le monde véritable que la science nous révèle est de beaucoup supérieur au monde fantastique créé par l'imagination. On eût mis l'esprit humain au défi de concevoir les plus étonnantes merveilles, on l'eût affranchi des limites que la réalisation impose toujours à l'idéal, qu'il n'eût pas osé concevoir la millième partie des splendeurs que l'observation a démontrées. Nous avons beau enfler nos conceptions, nous n'enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses. N'est-ce pas un fait étrange que toutes les idées que la science primitive s'était formées sur le monde nous paraissent étroites, mesquines, ridicules, auprès de ce qui s'est trouvé véritable. La terre semblable à un disque, à une colonne, à un cône, le soleil gros comme le Péloponnèse ou conçu comme un simple météore s'allumant tous les jours, les étoiles roulant à quelques lieues sur une voûte solide, des sphères concentriques, un univers fermé, étouffant, des murailles, un cintre étroit contre lequel va se briser l'instinct de l'infini, voilà les plus brillantes hypothèses auxquelles était arrivé l'esprit humain. Au delà, il est vrai, était le monde des anges avec ses éternelles splendeurs ; mais là encore, quelles étroites limites, quelles conceptions finies ! Le temple de notre Dieu n'est-il pas agrandi, depuis que la science nous a découvert l'infinité des mondes ? Et pourtant on était libre alors de créer des merveilles ; on taillait en pleine étoffe, si j'ose le dire ; l'observation ne venait pas gêner la fantaisie ; mais c'est à la méthode expérimentale, que plusieurs se plaisent à représenter comme étroite et sans idéal, qu'il était réservé de nous révéler, non pas cet infini métaphysique dont l'idée est la base même de la raison de l'homme, mais cet infini réel, que jamais il n'atteint dans les plus hardies excursions de sa fantaisie. Disons donc sans crainte que, si le merveilleux de la fiction a pu jusqu’ici sembler nécessaire à la poésie, le merveilleux de la nature, quand il sera dévoilé dans toute sa splendeur, constituera une poésie mille fois plus sublime, une poésie qui sera la réalité même, qui sera à la fois science et philosophie. »
                                                                                                                                                   Ernest Renan, L’Avenir de la Science.

 

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2 mai 2010 7 02 /05 /mai /2010 16:35

 k0311372  PEUT MIEUX FAIRE


          L'organisation américaine indépendante, le Pew Research Center, dont le siècle est à Washington, vient de combler un vide. Pour la première fois, une étude approfondie est réalisée sur l'islam dans le monde, le Mapping Global Muslam Population après une étude du même genre sur le christianisme dans le monde. 

          Cette étude livre le poids démographique des musulmans dans 232 pays et territoires (travail publié en octobre 2009).

          On y apprend entre autres informations, que, aujourd'hui, 0,5% des Américains, 4% des Européens de l'ouest et un peu moins de 20% des habitants de l'Afrique centrale et australe, sont musulmans.

Ce document nous livre également le poids des religions dans le monde : Juifs 0,2% ; chrétiens 32,2% ; musulmans 23,5 ; hindous 13,9% ; bouddhistes 5,9 ; bahaïs 0,1 ...

           Nous nous intéressons ici au christianisme et à l'islam en Afrique subsaharienne.

          Dans l'étude de l'organisation américaine, l'Afrique est créditée d'une note honorable dans la perception des rapports entre ces deux principales religions qui se partagent le continent. Leur coexistence révèle une certaine tolérance réciproque (quelques Etats exceptés où le fanatisme aveugle et l'obscurantisme créent une situation préoccupante, de nature à compromettre l'avenir).


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Chrétiens et musulmans font bon ménage

 

L'AFRIQUE EST L'UN DES CONTINENTS « les plus religieux » de la planète : 90% de ses habitants disent appartenir au christianisme ou à l'islam et le pratiquer assidûment. Un chrétien sur cinq et un musulman sur sept vit désormais en Afrique subsaharienne (dont la population est à 57% chrétienne et à 29% musulmane). En dehors de quelques accès de violence abondamment commentés, les deux religions cohabitent pacifiquement, sans qu'aucune ne progresse aux dépens de l'autre. C'est ce que révèle une enquête du centre de recherche américain Pew, menée auprès de 25000 personnes dans dix-neuf pays d'Afrique subsaharienne, de décembre 2008 à avril 2009, et publiée le 15 avril dernier*.

« Ce qui surprend, souligne Luis Lugo, qui a dirigé l'étude, c'est de voir à quel point les Africains, musulmans ou chrétiens, se montrent tolérants les uns envers les autres. »

Selon le pays d'enquête, 65% à 93% des personnes interrogées jugent les membres de l'autre communauté « tolérants et honnêtes », affirmant qu'ils doivent pouvoir « pratiquer leur foi en toute liberté ».

En moyenne, 60% des sondés souhaitent que leurs responsables « aient des valeurs religieuses ». Dans les dix-neuf pays étudiés, la moitié des musulmans pensent que c'est à la société et non aux femmes de décider si elles doivent ou non porter le voile. Quant à l'excision, très pratiquée dans les pays à majorité musulmane, elle est, au Nigeria et en Ouganda, plus répandue chez les chrétiens.

L'extrémisme religieux préoccupe plus de 40% des sondés, y compris celui qui s'exprime au sein de leur propre communauté. Quelques signes d'appréhension sont manifestes : 43% des chrétiens (57% au Cameroun et 70% au Tchad) considèrent que les musulmans « peuvent être qualifiés de violents », ce que pensent seulement 20% des musulmans à leur égard.

Enfin, si la plupart estiment que la criminalité, la corruption et le chômage sont « des problèmes plus sérieux » que les conflits religieux, 28% des personnes interrogées (58% au Nigeria et au Rwanda) avouent que ces derniers constituent un grave problème chez eux, et 20% soutiennent que les actes de violence pour défendre une religion sont « parfois ou souvent justifiés ».

(Publié dans Jeune Afrique, n° 18-24 avril 2010)

 

* Pays représentés dans l’étude : Afrique du Sud, Botswana, Cameroun, Tchad, Djibouti, RD Congo, Ethiopie, Ghana, Guinée-Bissau, Kenya, Liberia, Mali, Mozambique, Nigeria, Ouganda, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Zambie.

 

          Cette étude intéressante aurait pu être complétée par une autre consacrée spécifiquement à l'impact de ces religions sur les esprits et la vie des Africains.

            Laquelle des deux religions est moteur de progrès social et humain en Afrique ?

             Laquelle des deux promeut l'individu et tout particulièrement la femme africaine ?

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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 16:10

   110_F_6432561_ikF8ijoLa6IaozG8QKbzbFDYuTE9Q4uz.jpg        LA RELIGION AU SERVICE DU PROGRES HUMAIN ?

 

 Certains textes rafraîchissent la mémoire et apaisent l'esprit dans le fracas quotidien des controverses, tout particulièrement avec la résurgence de termes qui choquent et s'entrechoquent : intégristes, guerre sainte, fondamentalistes, djihadistes, terroristes...

           Concernant les religions en général, et les querelles religieuses, la croyance et l'incroyance, Voltaire n'a-t-il pas dit l'essentiel en si peu de mots dans sa prière à Dieu ?

            Ce n'est plus aux hommes que je m'adresse ; c'est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, et de tous les temps : s'il est permis à de faibles créatures perdues dans l'immensité, et imperceptibles au reste de l'univers, d'oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d'une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés « hommes » ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d'une toile blanche pour dire qu'il faut t'aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu'il soit égal de t'adorer dans un jargon formé d'une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l'habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d'un petit tas de la boue de ce monde et qui possèdent quelques fragments arrondis d'un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu'ils appellent « grandeur et richesse », et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu'il n'y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s'enorgueillir.

 

          Puissent tous les hommes se souvenir qu'ils sont frères !

 

           Toutes les religions en ce 21e siècle naissant ont un travail de ressourcement à faire. Aller à l'essence du message initial en le dépouillant des artifices qui l'obscurcissent ou le brouillent (source infinie d'incompréhension et de discorde entre les humains).

 

           Dans toute religion, dans tout texte sacré, il convient de voir l'homme avant le texte, ou l'homme avec le texte, mieux, l'homme au centre du texte. Non l'homme figé mais l'homme en mouvement, mû par la roue de l'Histoire et de son histoire, afin que la religion n'asservisse point, mais libère, qu'elle n'appauvrisse pas mais enrichisse chacun de l'amour de tous.

 

  DEC 073C

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21 mars 2010 7 21 /03 /mars /2010 17:44
livre 010QUEL ISLAM ?

L'islam est-il source de régression en Afrique ?

          Dire que l'islam « inculque l'esprit de fatalisme » mérite un commentaire.

          L'islam des premiers siècles jusqu'au XIIIe fut un ferment de dynamisme social et scientifique sans précédent dans l'histoire. Du VIIIe au XIIIe siècle, les savants musulmans dominent la création scientifique dans le monde entier. Ils sont curieux de toutes les connaissances scientifiques quelle que soit leur origine. Pendant six siècles, les meilleurs chercheurs au monde sont musulmans, qu'ils soient arabes, turcs, afghans ou persans, tous se passionnent pour la science et les découvertes des Anciens : Egyptiens, Grecs, Chinois, Indiens... sciences et découvertes qu'ils ne se contentent jamais d'imiter et d'adopter passivement mais qu'ils complètent, perfectionnent, adaptent et diffusent en Europe et dans le reste du monde.

          Les astronomes musulmans observent le mouvement de la lune et la position des étoiles. Ceux du khalife Al Mamun au XIe siècle mesurent les méridiens et évaluent l'arc à 111814 mètres. La mesure actuelle, effectuée par des savants contemporains est de 110938 mètres, ce qui confirme la qualité de ces hommes de science musulmans du XIe siècle.

          En médecine, les Arabes savent dès le IXe siècle diagnostiquer plusieurs maladies et pratiquer l'anesthésie ainsi que la ligature des artères. Les premières lunettes sont inventées. La curiosité des marchands arabes à travers le monde sert et enrichit les recherches des savants. Les inventions et découvertes en mathématique (algèbre, géométrie), en physique et en chimie sont nombreuses et importantes. La curiosité, l'esprit scientifique et l'esprit de recherche ainsi que le goût des expériences de toutes sortes se diffusent parmi les populations du monde musulman avant le XIIIe siècle.

          Le Coran lui-même constitue un véritable hymne à la connaissance en général et à la science en particulier. Il est ainsi à l'origine de la recherche scientifique et de cet essor prodigieux des sciences ; « Cherchez la science du berceau jusqu'à la tombe et même jusqu'en Chine » recommande une « sunna ». L'islam enseigne que l'homme est le gérant de l'Univers.

          Le christianisme lui aussi, dans son essence comporte une philosophie du progrès. La Bible demande aux Chrétiens de «conquérir et dominer la nature ». Selon ce livre saint, Dieu créa la terre et dit aux hommes : « Dominez-la ». La Bible recommande par ailleurs de se dépasser et de se perfectionner sans cesse.

          Pourquoi l’islam en Afrique ne serait-il pas ferment de progrès scientifique ? Pourquoi ne serait-il pas facteur du même dynamisme des connaissances ? Tous ces préceptes, ceux du Coran comme ceux de la Bible induisent la curiosité et le goût du savoir. La preuve est ainsi faite que science et religion ne sont pas contradictoires ; et un esprit curieux des choses et de la science ne peut être un esprit marqué par le fatalisme.

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