Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

14 avril 2024 7 14 /04 /avril /2024 09:53

Sophie Taeuber-Arp
Deux cercles, deux plans et lignes croisées

 

****

LA VISION DE L’ART DE GOTTFRIED HONEGGER

DANS SA LETTRE À SOPHIE TAEUBER

Sophie Taeuber-Arp sur le billet suisse de 50 francs.

*

Dans cette lettre Honegger aborde plusieurs aspects de l’art, l’art et l’argent, l’art dans le temps, l’art créé par des femmes, le combat des artistes…

 

***

 

« Très chère,

Hier à Zurich, on m'a rendu dans un magasin un billet sur lequel, chère madame, était gravé votre portrait... j'aimerais savoir par curiosité : vous a-t-on demandé votre permission ? Personnellement je trouve ce pseudo-hommage sur un billet suisse plus que discutable. D'autant que, jusqu'à présent, on n'a pas été tellement tendre avec vous dans ce pays. On vous a supprimé votre poste de professeur à l'École des arts décoratifs de Zurich, parce que vous étiez membre du Cabaret Voltaire. Ne l'oublions pas, dada était mal vu dans notre ville. Et voilà qu'on vous utilise pour faire honneur à la Suisse.

J'ai demandé à la vendeuse si elle savait qui était Ia dame sur le billet. La réponse fut : « Non, pas Ia moindre idée ». Elle ne connaissait pas non plus les autres « honorés » : Le Corbusier, Arthur Honegger, Alberto Giacometti — pour elle, tous des inconnus. Je trouve que la banque nationale devrait au moins fournir un minimum d'explication. Vraiment — notre culture de l'argent ne connaît plus de bornes. Aujourd'hui l'art est tout juste bon à servir de feuille de vigne à notre société de divertissement. L'art comme public relations. D'autant que vous ne réussissez à vendre que peu ou aucune de vos œuvres en Suisse. C'est Paris, Ia France qui vous a accueillie, tout comme Le Corbusier, Honegger, Giacometti qui tous y ont vécu et travaillé. C'est l'étranger qui vous a fait crédit, a reconnu l’importance de votre œuvre. À propos de reconnaissance : lorsque votre mari, Jean Arp, a voulu devenir citoyen dans notre Suisse, à Wegis au lac des Quatre-Cantons, sa demande a été rejetée. Les artistes deviennent trop souvent des assistés — une charge pour la commune.

De tels incidents et la situation pas brillante de l’art en général ont conduit mon ami Herbert Read, un incorruptible, à faire dans une lettre ce pénible constat : « Les artistes mènent un combat perdu d'avance dans notre civilisation technique et je ne vois pour eux aucun espoir. Le poète est devenu un anachronisme. Même un clown a plus de valeur que lui : il amuse ».

C'est ainsi et pourtant nous devons continuer à travailler, continuer à espérer, continuer à rêver. Qui sait, chère Madame, peut-être cette résistance publique nous rendra plus forts, nous endurcira. Parce que telle est la situation aujourd'hui, le courage d'éclairer, d'agir reste notre mission.

Notre société ne se sent bien que dans le passé. Là où ne se pose plus aucune question, où il n’y a plus d'inconnu. Le passé est comme une paire de lunettes de soleil qui rendrait supportable le présent aveuglant. Cette fuite hors de notre époque est pour moi un signe alarmant de résignation. On ne croit pas aux valeurs du présent.

Tiré d'un livre de Karl Gerstner, Les artistes et la majorité : « Finalement ça ne nous aide pas d'exorciser le passé. Nous n'avons plus besoin de Saint-Pierre de Rome... Il devrait être possible en esprit et avec les matériaux actuels d'atteindre au moins un niveau comparable à celui du passé et à l'héritage, et d'instaurer pour le présent : la culture avec des aspects entièrement démocratiques ».

C'est justement ce point de vue que personne ne veut aujourd'hui admettre. Or cette vérité est pourtant le sens profond de tout art.

Vous êtes en outre marginalisée parce que vous êtes une femme. À l'art des femmes colle toujours le soupçon d'« ouvrage de dame ». Ce qui a pour conséquence que les artistes femmes veulent trop souvent se donner des allures masculines. Mais laissons cela. Vos tableaux n’ont rien à voir avec cette question. Ils sont simplement là, l’art dans sa forme la plus pure. J’ai vu hier, ici, à Paris quelques-uns de vos travaux. J'ai été étonné de votre façon souveraine de donner à l'art concret une impulsion nouvelle et surprenante. En partant de l’angle droit, vous ouvrez la voie à un monde de liberté, un monde riche de possibilités d’expression insoupçonnées.

Amicalement. »

 

Sophie Taeuber-Arp (1889-1943)

 

--> Qui était Sophie Taeuber ?

Brève biographie

Sophie Taeuber (Sophie Henriette Gertrude) est une artiste, peintre, sculptrice et danseuse suisse, naturalisée française. Elle est née en 1889 à Davos (Suisse) et morte en 1943 à Zurich.

De père allemand et de mère suisse allemande, Sophie grandit dans un milieu où l’art est présent dans la vie de tous les jours.

À Saint-Gall, elle apprend le dessin décoratif et les techniques de la broderie et de la dentelle, puis étudie dans les « ateliers expérimentaux » de Hermann Obrist et de Wilhem von Debschitz, à Munich, où elle se forme à toutes les disciplines artistiques, y compris au travail sur bois et à l’architecture. En 1912-1913, elle apprend également le tissage à l’École des arts décoratifs de Hambourg. (Archives of women artists research).

Elle découvre la danse d’expression grâce à son amie Mary Wigman.

En 1915 elle s’installe à Zurich et rencontre Jean Arp, qu’elle épouse en 1922, et sera désormais connue sous le nom de Sophie Taeuber-Arp. Elle participe avec lui au mouvement dada.

Sophie Taeuber dit du mouvement dada : « Le mouvement dada est compliqué à expliquer, c’est même presque son but ! Il se compose de pièces de théâtre bruyantes, de lectures de poèmes qui n’ont aucun sens… De manière plus générale, dada est un mouvement mené par des artistes contre la bourgeoisie. Ces artistes protestent contre la culture de la société qui a, selon eux, mené à l’effroyable première guerre mondiale. »

1925 : Sa participation à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes la conduit à Paris, où le couple, qui obtiendra la nationalité française l’année suivante, côtoie les surréalistes. Leur maison-atelier devient, de 1929 à 1939, un foyer de rencontres artistiques internationales.

Grâce à son talent de danseuse, elle va danser au Cabaret Voltaire de façon anonyme car en même temps elle enseigne à l’École des arts appliqués de Zurich (1916-1929).

Pendant cette période elle réaliste une série de Têtes Dada qui font partie de ses œuvres les plus célèbres.

1927-1928, le couple s’installe à Clamart. Leur maison-atelier devient un foyer de rencontre artistiques internationales, de 1929 à 1939.

Elle rejoint les associations Cercle et Carré et Abstraction Création.

(1937-1939), S. Taeuber édite la revue multilingue Plastique jusqu’à la veille de la guerre. Elle est très concernée par la politique et essaie de renouer les liens entre les artistes dispersés.

Son mari et elle s’installent à Grasse, lors de l’exode ; là, ils réalisent des dessins à quatre mains avec Alberto Magnelli et Sonia Delaunay, dessins qui manifestent leur opposition au fascisme.

Le couple projette de s’installer au États-Unis, mais c’est un échec. Ils se réfugient alors en Suisse (novembre 1942).

1943, Sophie Taeuber meurt en 1943 peut-être « intoxiquée par le monoxyde de carbone émis par un poêle à gaz défectueux. » (Wikipédia) ou selon Gabriele Mahn « Sa mort reste une énigme »

Sophie Taeuber-Arp
Quatre espaces à croix brisée (1932)

Brève biographie de Gottfried Honegger : voir articles du blog :

  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Jean Arp (13-10-2021)
  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Léonard de Vinci (20-04-2022)
  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Sonia Delaunay (19-03-2023)

Gottfried Honegger (1917-2016)

Partager cet article
Repost0
30 mars 2024 6 30 /03 /mars /2024 08:32

LA VIE EN VERS

Un très beau poème de Sandrine Mage, poétesse contemporaine, sur l’éphémère de la vie.

(http://stereen.over-blog.com/2022/04/le-temps-qui-passe.html)

 

Et puis, plus rien...

Il y avait ce fruit juteux sur l’arbre de la vie

Que j’ai croqué un soir d’été, d’un élan rassuré ;

Il avait la peau douce et le cœur plein d’envies

Et le goût passionnel des caresses effleurées.

 

Il y avait cette fleur dans le nid de l’amour

Qui s’est envolée en lâchant ses pétales,

Libre, dans le souffle d’un nouveau jour,

Sereine, sur un chemin inspirant le graal.

 

Il y avait ces douleurs qui resteraient à quai

Quels que soient les efforts, les gestes, les pardons,

Les combats dans le vent que les nuits ont pleurés,

Les forces bâillonnées dans un cri d’abandon.

 

Il y avait toutes ces couleurs habillées d’éphémère,

Qu’on aurait voulu protéger dans un écrin ;

Il y avait tous ces rêves qui cherchaient la lumière,

Suspendus à l’horloge du temps, et puis... plus rien...

                                              (Sandrine Mage, Texte primé au concours de poésie, Commune de Beynat 19 Juin 2022- Thème « L’Ephémère »)

 

 

¤ Qui est Sandrine Mage ?

SANDRINE MAGE est originaire du Ségala côté Paternel et de Rocamadour, côté maternel; elle habite à Loubressac. Autrice contemporaine, elle aime les mots et écrit surtout de la poésie.

Poétesse, écrivaine, elle est aussi animatrice culturelle, créatrice de spectacles, conteuse, aussi bien pour les enfants que pour les adultes, notamment dans les EHPAD.

Elle n’a de cesse de découvrir de nouveaux  "territoires"  littéraires.

Elle vient de sortir mon 3è recueil de poésies "Brûlants Souvenirs" qu’on peut découvrir sur son blog :  http://sandrineartiste.centerblog.net/

Ce 3e recueil réunit quelques textes de ses deux précédents recueils qu’elle ne peut plus éditer et une quarantaine de poèmes inédits. Sandrine Mage dit à propos de ce recueil :

« Mes lecteurs me réclamaient quelques vers poétiques et mes précédents recueils étant épuisés, j’ai concocté cet ouvrage en attendant le prochain projet qui se voudra plus original. »

Pendant 8 ans et jusqu'en 2023 elle a été présidente de la Délégation Lotoise de la Défense de la Langue Française.

Maintenant elle a créé sa propre Compagnie : La plume de Sand, avec laquelle elle propose différents spectacles (Poétiques et musicaux, des spectacles de Noël...) et animations notamment en Ehpad.  (http://laplumedesand.fr/)

 

***

Ses ouvrages:

- Les mots pour le dire, 2006- Poésies
- Contes de Noël, 2010- Contes illustrés pour la jeunesse
- Les maux du poète, 2012- Poésies
- Un coquelicot sur un oreiller, 2018- Roman
- Entre Douceur et Tendresse- 2021Contes illustrés pour la jeunesse 
- Brûlants Souvenirs, mars 2024- Poésies

 

Partager cet article
Repost0
4 février 2024 7 04 /02 /février /2024 11:40

Fontaine (1917) de Marcel Duchamp

***

LA VISION DE L’ART DE GOTTFRIED HONEGGER

DANS SA LETTRE À MARCEL DUCHAMP

 

 

Dans cette lettre, Gottfried Honegger s’en prend violemment à l’art dévoyé. Aujourd’hui, d’après lui, tout n’est plus que jeu, tout est permis, tout est à vendre, à acheter. Notre société est devenue consumériste. L’individualisme et le culte du moi priment. On le voit avec les réseaux sociaux où les personnes se montrent et se « remontrent » sur tous les angles.

Honegger attend mieux de l’art.

 

 

« Très cher,

Dans une de vos lettres vous évoquiez Ludwig Wittgenstein. Comme vous l'avez constaté à juste titre, il a remis en question de la manière la plus radicale non seulement l'art, mais aussi tous les problèmes philosophiques. Il ne demande pas « Qu'est-ce que l'art », sa pensée tourne autour de la théorie du jeu. La langue comme un jeu, obéissant comme tous les jeux à des règles.

Les questions que je vous pose ne portent pas sur ce qui est radical. Ce qui m'intéresse c'est votre influence, l'influence de votre œuvre sur les jeunes artistes d'aujourd'hui. Ce qui était pour vous un manifeste, disons un refus de l'art officiel, est devenu l'art officiel. Ce qui était chez vous encore hésitant, ce qui était question, est devenu réponse. Finie la remise en cause de l'art, désormais tout est permis. Votre art a-t-il ouvert toutes les écluses ? Les pionniers, leurs points de vue et leurs théories sont aujourd'hui largement oubliés, dépassés, exposés dans les musées, cimetières pour tourisme de masse.

À Cassel, à Venise, partout domine une effervescence multicolore. Sans honte, sans règles, la pacotille mercantile est ennoblie, donnée pour de l'art. Le ready-made est in. Votre œuvre exerce sur les jeunes une étonnante fascination. Chez vous, cher Marcel Duchamp, l'habituel devient inhabituel, les rapports familiers avec la réalité sont arbitrairement inversés. Chez vous, cela paraît si naturel que cela semble aller de soi et que ça influence notre façon de voir.

J'insiste — je ne vois dans le cirque ready-made, aujourd'hui dominant, qu'une culture de divertissement. Le divertissement domine largement le « jeune art ». Même l'architecture, le design, la mode ont trop souvent peur de la forme. Bilbao est un succès public parce que le musée de Frank Gery est spectaculaire. Disneyland à l'extérieur, cimetière à l'intérieur, écrit le magazine Der Spiegel. Que la fonction détermine la forme extérieure, c'est aujourd'hui oublié.

 

Certes, vous n'avez pas prévu cette vulgarisation de l'art. Certes les dadaïstes, parce que mal compris, ont participé au relâchement de notre culture. Pour moi le présent a trop pollué, trop consommé, trop transformé en produits de consommation. On vole et on falsifie, on pratique le culte de l'art-marchandise, qui correspond tout à fait à notre société consumériste. Si l'art est miroir, témoin de son temps, pourquoi les gardiens de la culture ne le disent-ils pas haut et fort ? Si l'art contemporain était le reflet du libre marché, de la globalisation, l'art d'aujourd'hui aurait une signification politique. Malheureusement cela arrive trop rarement. A la biennale de Venise, de mon point de vue, le kitsch artistique officiel est élevé au mythique. Les textes pratiquent le culte du moi. L'individualisme, la trace de la personnalité originelle, connaît un succès mondial. A une époque où, chaque jour, des centaines de milliers d'hommes meurent de faim, à une époque où l'économie de monopole supprime toutes les garanties humaines et où les États en sont réduits au football, l'art se doit de prendre position. Il ne doit jamais et en aucun cas être un « amusement ». L'art est arme ou vision. L'art est politique, histoire d'une époque.

Ma question est : quelle est votre attitude vis-à-vis de l'informe, de l'infantilisme régnant ?

 

Est-il faux de penser que l'art actuel devrait être avant tout forme et système, que l'art devrait contribuer à un avenir plus humain, un avenir social ? Suis-je naïf, un vieil aveugle hors du coup quand je remets en question les foires d'art contemporain, les ventes aux enchères, le commerce de l'art tout entier ?

Nous le savons : « La laideur nous rend malades ». Un environnement détruit et dominé par la spéculation, associé à la folie de la consommation, est le terreau où se développent le vandalisme, la criminalité et la corruption. Une aliénation autiste se répand. Je lis : « Le dialogue des cultures et des religions doit prévaloir sur les alliances politiques et les coopérations économiques. Des analystes perspicaces, de Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss à l'économiste Amartya Sen, l'ont déjà pronostiqué comme un devoir de pacification. Certes ce dialogue est aujourd'hui plus compromis que jamais ».

 

Tatlin et vous, cher Marcel Duchamp, avez élaboré des concepts esthétiques qui — aussi opposés qu'ils soient — non seulement ne respectaient pas la relation existante entre création artistique et théorie de l'art mais la remplaçaient par leurs propres interrogations liées à l'époque.

Vous devez savoir que ce qui m'importe n'est pas le jugement de valeur mais la volonté de comprendre.

Dans l'attente de votre réponse. »

Marcel Duchamp (1887-1968)

 

***

(Henri, Robert) Marcel Duchamp est né en 1887 à Blainville-Crevon et mort en 1968 à Neuilly-sur-Seine. C’est un peintre, plasticien et homme de lettres français.

Son père, Justin Isidore Duchamp était notaire à Blainville et sa mère, Marie Caroline Lucie née Nicolle, était une musicienne accomplie.

Marcel est le petit-fils d’Emile Frédéric Nicolle, courtier maritime et artiste qui enseigna l’art à ses petits-enfants. Dans cette famille de 7 enfants il y avait plusieurs artistes : Raymond Duchamp-Villon : sculpteur, Jacques Villon et Suzanne Duchamp : peintres

 

Le premier tableau de Marcel Duchamp, Madeleine au piano, est exécuté alors qu’il est en 4e au collège.

Il poursuit de brillantes études au lycée de Rouen.

1904 : avec l’accord de son père, il s’installe à Montmartre, chez son frère, le peintre Jacques Villon. Il s’inscrit à l’académie Julian mais en part au bout d’un an à cause des cours théoriques. Il dessine beaucoup et assiste aux numéros de cabaret humoristiques.

 

1908, il commence à exposer au Salon d’Automne (Grand Palais), il est alors très marqué par les impressionnistes et en 1909 il expose au Salon des indépendants (Orangerie des Tuileries). Il peint alors des paysages. Il commence à vendre ses œuvres. Il expose aussi à Rouen.

Il rejoint ses frères à Puteaux où il fréquente des peintres cubistes (Albert Gleizes, Fernand Léger, Jean Metzinger, Roger de la Fresnaye) et aussi des poètes (Guillaume Apollinaire, Henri-Martin Barzun, Maurice Princet, Georges Ribemont-Dessaignes)

 

Pendant ces périodes, Marcel Duchamp explore différents style artistiques : cubisme, impressionnisme, fauvisme symbolisme.

 

1912, Marcel Duchamp se rend à Munich, où il revoit son ami Max Bergmann. Il entre en contact avec l’avant-garde munichoise. Puis il passe par Bâle, Dresde, Berlin ce qui le mène à étudier un nouveau contexte intellectuel, artistique et scientifique.

Il expose à la galerie La Boétie, à Paris, auprès d’autres artistes qui l’influencent également.

1913, il expose aux Etats-Unis.

En cette année il commence aussi à travailler à la bibliothèque Sainte-Geneviève (Quartier Latin) ce qui le rend autonome financièrement.

 

Vers 1913-1915, il s’écarte de la peinture avec les premiers ready-mades, (ready-made : un artiste s’approprie un objet manufacturé en le privant de sa fonction utilitaire et opère sur lui une manipulation sommaire (retournement, suspension, fixation au sol ou au mur…) puis il ajoute un titre, une date, une inscription avant de l’exposer dans un lieu culturel en tant qu’œuvre d’art).

Duchamp prend des articles ordinaires, prosaïques, et les place quelque part où leur signification d'usage disparait sous le nouveau titre et le nouveau point de vue. en arrachant un objet manufacturé à son contexte et en le plaçant dans un lieux inhabituel, Duchamp élève ces objets au rang d'oeuvre d'art par son simple choix en tant qu'artiste. Il marche ainsi une césure profonde avec toute la tradition artistique qui l'a précédé. il se rapproche ainis des dadaïstes mais il souhaite garder son indépendance, n'appartenir à aucun mouvement.

Il collabore à la revue "Le Surréalisme au Service de la Révolution" (1930-1933)

Parallèlement à son art, il s'intéresse aussi au cinéma. 1935 : il dépose le brevet des  "rotoreliefs".

1955 : il est naturalisé américain.

Dans les années 1960 il est considéré comme un artiste majeur du 20e siècle avec son invention des ready-made.

 

Marcel Duchamp n’appartient à aucun courant artistique précis. Il casse les codes artistiques et esthétiques de l’époque. N’ayant pas suivi de cours dans une école d’art, Marcel Duchamp peut être considéré comme un autodidacte.

 

Porte-Bouteilles (1914)

***

 

Vous pouvez retrouver une courte biographie de Gottfried Honegger dans les articles précédents :

Articles du blog

  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Jean Arp (13-10-21)
  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Léonard de Vinci (20-04-22)
  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Sonia Delaunay (19-03-23)

 

Gottfried Honegger (1917-2016)

 

 

Partager cet article
Repost0
14 janvier 2024 7 14 /01 /janvier /2024 10:28

 

FEMMES POÉTESSES

CONTEMPORAINES

Il n’est pas nécessaire d’être poète de métier ; on peut aimer la poésie et écrire des poèmes en dilettante avec beaucoup de talent et de sensibilité.

Voici deux poèmes écrits par des femmes faisant partie de l’association « Poésie et Nouvelles en Normandie » (Pont-Audemer), tirés de la revue « D'une rive à l'autre », n° 54.

 

 

Le poème ci-dessous est de Michelle Chevalier. L’originalité réside dans le mélange de « points : tricot, couture, ponctuation … » et du déroulement de la vie.

 

Mes amis se sont en allés

Morts au dur combat de la vie

Point à l'endroit, point à l'envers.

Tous ces amis sont des poètes

Au regard bon, au sourire clair

Point de feston, point à la ligne.

Ils reposent sous mes paupières

Chers amis que j'ai tant aimés

Sans point de croix ni de travers.

 

Ce deuxième poème est de Nelly POIRIER. Il est plein de sagesse et de bon sens. Vivons pleinement le moment présent ; il ne tient qu’à nous de faire de ce moment un moment de bonheur.

 

VOIX DE SAGES

« Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie »

(Pierre de Ronsard)

« Hier et demain sont deux jours sans emploi »

(Tenzin Gyatso, dalaï-lama)

 

 

Deux journées dans l’année où l'on ne peut rien faire,

L'une s'appelle Hier, l'autre est nommée Demain.

Il faut dès aujourd'hui se prendre par la main.

L'expérience d'Hier nous est bien nécessaire

Et, sans Demain, chercher des forces, serait vain,

Le rêve est mon moteur, bien plus fort que le pain

Mais pour aimer, créer, pour tout simplement vivre,

Goûter les joies du monde ou plonger dans les livres,

Le Sage et le Poète ont même sentiment :

Le seul moment, c'est Maintenant.

 

 

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2023 3 25 /10 /octobre /2023 09:25

SOURIONS UN PEU FACE AUX ALÉAS DE LA VIE EN CE MOMENT !

 

 

Si vous voulez oublier un peu les folies du monde ou vos propres difficultés, rien de mieux que de se plonger dans le livre de Jérôme Duhamel pour reprendre un peu d’énergie.

Voici quelques perles de l’école piochées dans le livre de Jérôme Duhamel « Les perles de l’école (Albin Michel).

Les élèves :

« -On ne doit pas crier à la cantine pour pas balancer des bactéries dans les nourritures.

-Moïse était le seul homme à avoir le droit de téléphoner directement à Dieu.

-Il paraît que Napoléon n’a mis que son cœur dans son tombeau aux Invalides et qu’après il a été mourir ailleurs…

 

*Ou encore

 

-Quand l’eau s’évapore, la casserole reste toute seule…

-Une bibliothèque, c’est comme un cimetière pour les vieux livres.

-L’oreille interne est une oreille qui permet d’entendre les bruits du cerveau.

-Dans le désert, les fleuves coulent à sec.

-Les nuages sont des sacs de vent remplis de pluie.

 

*Il fallait y penser !

 

Quand il y a une éclipse, la lune vient se cacher sur la terre.

-Calais est un village français de la banlieue de Londres.

-Le temps passe moins vite aux antipodes parce que les gens sont obligés de marcher plus doucement et en faisant bien attention parce qu’ils ont les pieds en haut et la tête en bas.

-Quand on lance le poids, il faut bien faire attention à ne pas partir avec…

 

Les professeurs ne sont pas en reste :

 

-Votre fils prétend avoir juste copié « un peu » sur son voisin… Son voisin s’appelle donc Victor Hugo et s’est fait plagier 4 pages entières par votre fils !

 

Et les parents non plus…

-Même à la maison mon fils est souvent absent et c’est pas pour ça qu’il m’amène des mots d’excuse…

 

Jérôme Duhamel est un journaliste, écrivain et éditeur français, né en 1949 et mort en 2015. Il est le petit-fils de l’écrivain Georges Duhamel et de Blanche Albane (actrice). Son père Bernard Duhamel était professeur de chirurgie et son oncle, Antoine Duhamel, compositeur. Lui-même est le filleul de François Mauriac (écrivain).

Quelques-uns de ses livres :

Les Perles des fonctionnaires

La Fête des perles

Le XXe siècle bête et méchant

C’était mieux avant

Le Bêtisier du XXe siècle

Grand inventaire du génie français en 365 objets.

...

 

Partager cet article
Repost0
14 octobre 2023 6 14 /10 /octobre /2023 08:17

 

LITTÉRATURE NÉGRO-AFRICAINE

OU

LITTÉRATURE AFRICAINE ?

Lilyan Kesteloot, Anthologie négro-africaine

   Le débat fut long et difficile pour définir avec précision, à la satisfaction de tous, la littérature née en Afrique, en lien avec la colonisation, notamment la colonisation européenne.
   Un constat : cette littérature est effectivement née avec la colonisation européenne : française, anglaise, portugaise, allemande, espagnole…


   Sans refaire le débat, il convient de signaler simplement l’apport de l’autrice, Lilyan Kesteloot, en ce domaine.
   Née en 1931, en Belgique, morte à Paris en 2018, elle fit des études supérieures dans des universités belges, études conclues par sa thèse monumentale : Anthologie négro-africaine, Histoire et textes de 1918 à nos jours.
   Elle enseigne ensuite dans des universités en Afrique : Cameroun, Mali, Sénégal, Guinée, Côte-d’Ivoire…

   Pour elle, toutes les littératures africaines ont un rapport direct avec la colonisation ou avec le contact des Noirs issus de la Traite, mais aussi de l’Histoire en général, exemple : la littérature originelle de l’Afrique, issue de la littérature orale africaine : contes, légendes...
   Selon elle, cette littérature a évolué ou évolue avec l’histoire de chaque pays africain de la colonisation à nos jours.

   Au début de la colonisation les lecteurs plébiscitaient les auteurs noirs ou blancs dont les écrits étaient consacrés à l’Afrique, puis sont privilégiés les auteurs qui s’attaquent aux colonisateurs et à l’esclavage, comme par exemple Senghor et la Négritude.   
   Les indépendances des pays colonisés constituent une autre étape, un autre genre d’écrivains et de lecteurs, avec une influence grandissante des Noirs américains sur leurs « frères colonisés ». C’est l’épisode du débat « panafricanisme avorté » et ses conséquences politiques »

Lilyan Kesteloot (1931-2018)

*

Écoutons Lilyan Kesteloot présenter sa vision de la « littérature africaine » dans l'introduction à son ouvrage : Anthologie négro-africaine, Histosire et textes de 1918 à nos jours, EDICEF.

*

« Pourquoi avons-nous adopté le titre d'Anthologie « négro-africaine » pour présenter l'ensemble des œuvres littéraires, tant orales qu'écrites, qui expriment la vision du monde, les expériences et les problèmes propres aux hommes noirs d'origine africaine ?

Pourquoi ne parlons-nous pas de littérature « nègre », ou mieux de littérature africaine ? Et pourquoi spécifie-t-on la race ? A-t-on jamais parlé de littérature blanche ou jaune ? Non. Mais il faut éviter l'équivoque qu'entraînerait le seul adjectif « africain ». Car on engloberait alors abusivement la littérature des Africains du Nord, qui, culturellement, appartiennent au monde arabe.

Pourquoi « négro-africain » est-il plus précis que « nègre », encore qu'on emploie couramment l'un pour l'autre ? Négro-africain indique une nuance géographique qui est aussi une référence culturelle importante : il ne s'agit pas des Noirs de Malaisie ou de Nouvelle-Guinée. Mais bien de ceux d'Afrique qui ont, au cours des siècles, développé une civilisation bien particulière que l'on reconnait entre toutes.

Nous considérons donc la littérature négro-africaine comme manifestation et partie intégrante de la civilisation africaine. Et même lorsqu'elle se produit dans un milieu culturellement différent, anglo-saxon aux U.S.A., ibérique à Cuba et au Brésil, elle mérite encore d'être rattachée à l'Afrique tant le résultat de ces métissages conserve les caractères de l'Afrique originelle. Ceci est plus sensible encore dans la musique : qui niera par exemple l'africanité du jazz ou des rythmes cubains ?

L'aire de la littérature négro-africaine recouvre donc non seulement l'Afrique au Sud du Sahara, mais tous les coins du monde où se sont établies des communautés de Nègres, au gré d’une histoire mouvementée qui arracha au Continent cent millions d'hommes et les transporta outre-océan, comme esclaves dans les plantations de sucre et de coton. Du Sud des Etats-Unis, des Antilles tant anglaises que françaises, de Cuba, de Haïti, des Guyanes, du Brésil, rejaillit aujourd'hui en gerbes l'écho de ces voix noires qui rendent à l'Afrique son tribut de culture : chants, danses, masques, proses, poèmes, pièces de théâtre ; dans tous les modes d'expression humaine s'épanouissent des œuvres marquées du génie de l'Afrique traditionnelle, et qui témoignent de la profondeur de ses racines autant que de la vigueur de ses greffes.

 

*

*La littérature orale traditionnelle

Dans la littérature négro-africaine nous distinguerons les œuvres écrites en langues européennes et la littérature orale qui se fait en langues africaines.

Cette dernière est de loin la plus ancienne, la plus complète et la plus importante. Ancienne car pratiquée depuis des siècles et transmise fidèlement par des générations de griots ou aèdes, dont les mémoires ne sont rien de moins — dans une civilisation orale — que les archives mêmes de la société.

Complète car cette littérature comprend tous les genres et aborde tous les sujets : mythes cosmogoniques, romans d'aventures, chants rituels, poésie épique, courtoise, funèbre, guerrière, contes et fables, proverbes et devinettes. Importante par son abondance, son étendue et son incidence sur la vie de l'homme africain. En effet, cette littérature orale n'a jamais cessé, même pendant la colonisation, d'animer les cours des chefferies, comme les veillées villageoises, ni de proliférer avec une liberté et une virulence échappant au contrôle des étrangers ignorant d'habitude les langues indigènes.

Quant à sa portée sur le public africain, il faut savoir, pour en juger, que cette littérature orale charrie non seulement les trésors des mythes et les exubérances de l'imagination populaire, mais véhicule l'histoire, les généalogies, les traditions familiales, les formules du droit coutumier, aussi bien que le rituel religieux et les règles de la morale. Bien plus que la littérature écrite, elle s'insère dans la société africaine, participe à toutes ses activités ; oui, littérature active véritablement, où la parole garde toute son efficacité de verbe, où le mot a force de loi, de dogme, de charme.

Et les chefs des nouveaux Etats indépendants sentent si bien le pouvoir de cette littérature, qu'ils n'hésitent pas à confier aux griots traditionnels le soin d'exalter leur politique ou leur parti.

Littérature plus vivante parce que non figée, et transmise directement du cerveau qui l'invente au cœur qui l'accueille ; plus ardente parce que recréée à chaque fois, au feu de l'inspiration ; plus souple parce qu'adaptée, exactement, au jour, au lieu, au public et aux circonstances.

Mais certes, il faut avouer que les littératures orales sont aussi plus fragiles, difficiles à consigner, à inventorier et à cataloguer. C'est d'ailleurs à cause de ce handicap qu'elles sont encore mal connues, et méconnues ; nous faisons le point sur l'état actuel de ce problème en fin de notre ouvrage.

 

*

*La littérature écrite moderne

Voilà aussi pourquoi ce livre porte surtout sur la littérature écrite. Ce qui ne veut pas dire que celle-ci soit sans intérêt, et qu’on l’aborde à défaut d’avoir accès à l’autre !

La valeur des écrivains négro-africains n’est d’ailleurs plus à démontrer. Des voix autorisées l’ont d’ores et déjà reconnue, et je songe à André Breton, Michel Leiris, Sartre, Armand Guibert, Jean Wagner, Georges Balandier, Claude Wauthier, Roger Bastide, Janheinz Jahn !

Mais à l’opposé de la littérature orale, cette littérature écrite est d’origine assez récente ; car elle n’est pas à confondre avec les œuvres que certains lettrés africains et antillais ont écrites de tout temps, à la manière française, anglaise, portugaise et même russe (comme Dumas, Pouchkine, etc.).

J’ai dit plus haut qu’une littérature est avant tout la manifestation d’une culture. On n’a donc pu parler de littérature négro-africaine qu’au moment où les livres écrits par les Noirs ont exprimé leur propre culture et non plus celle de leurs maîtres occidentaux. Or cette désaliénation de l’expression littéraire n’a pu se faire, chez les Noirs, qu’à la lumière d’une prise de conscience douloureuse de leur situation socio-politique.

C’est ce qui explique le caractère agressif de leurs œuvres, et leur prédilection pour certains thèmes : l’analyse des souffrances antiques et multiformes que la race endure comme un destin implacable, la révolte titanesque qu’elle prépare contre ses bourreaux, la vision d’un monde futur et idéal d’où le racisme serait banni et bannie l’exploitation de l’homme par l’homme, le retour enfin aux sources culturelles de l’Afrique-Mère, continent mythique certes, mais aussi très concrète matrice d’une Weltanschaung qui a profondément déterminé l’âme des peuples éparpillés aujourd’hui dans la vaste diaspora nègre.

La naissance de la littérature noire écrite s’est faite dans le déchirement, et cela est bien sensible dans le texte de W.E.B. Du Bois qui commence ce panorama. Dès le début de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler « le mouvement de la négritude », l’écrivain noir fut contraint de s’engager dans ce combat étrange que menait toute une race pour la conquête de sa liberté, voire de son statut d’homme.

La littérature nègre porte donc très nettement les stigmates de ce combat. C’est seulement ces toutes dernières années, alors que certaines parties du monde accèdent à une libération effective, que des œuvres, des problèmes raciaux viennent au jour : chants d’amour batanga, drames de jalousie du Ghana, comédies sur le mariage et la dot en pays ewondo — autant de symptômes qui indiquent que la négritude se débarrasse de l’obsession du racisme — quand on ne lui oppose plus le racisme.

La négritude redevient simplement la manière particulière aux Négro-Africains de vivre, de voir, de comprendre, d’agir sur l’univers qui les entoure ; leur façon bien à eux de penser, de s’exprimer, de parler, de sculpter, de raconter des histoires, de faire de la musique comme de faire de la politique, bref : caractéristique culturelle. La littérature africaine nous en transmet les multiples facettes et nous souhaitons qu’elle continue à se développer dans l’épanouissement de l’authenticité retrouvée.

 

*

*Littérature africaine ou littérature nationale ?

Est-ce à dire que les auteurs négro-africains n’ont plus d’autres problèmes que celui de la joie d’écrire ? Ce serait trop beau ! Entre tous, nous évoquerons trois de ces problèmes.

Tout d’abord, celui de l’unité culturelle de l’Afrique. Littérature nationale, tribale ou littérature africaine ? C’est un faux dilemme : pour faire plus « africain », certains sont tentés de rester dans les sentiers battus des thèmes bien éprouvés : souffrance nègre, colonialisme, néocolonialisme, Afrique des Ancêtres etc. et se perdent dans la banalité ! Il faudrait que les intellectuels aient plus de foi dans la civilisation africaine et ne redoutent pas d’y plonger. Car il y a plus d’« africanité » dans Soundiata de Tamsir Niane, dans Chaka de Thomas Mofolo, dans Trois prétendants, un mari de Guillaume Oyono, que dans les œuvres d’Edouard Glissant ou de Paul Dakeyo.

Comme le disait Gide : c’est en approfondissant le particulier qu’on accède au général. Ce n’est pas en criant « Seigneur, Seigneur » ou plutôt « Afrique, Afrique » que les orphées noirs retrouveront leur négritude s’ils l’ont perdue. Mais les intellectuels formés pour la plupart en Europe et coupés de leur milieu traditionnel ont à refranchir le fossé qui les en sépare, pour manifester valablement les Africains d’aujourd’hui.

Reste à savoir s’il importe pour l’écrivain négro-africain de manifester quelqu’un d’autre que lui-même ?

 

*

*La littérature engagée

Ceci nous amène à considérer le second problème que se posent les auteurs noirs. Dans quelle mesure la littérature doit-elle rester « engagée » ? Nous avons vu qu’à sa naissance, elle était d’emblée militante, ce qui lui donnait d’ailleurs cette exceptionnelle unité qu’à très bien fait remarquer le malgache Rabemananjara. « La vérité est que, sous l’impératif de notre drame, nous parlons malgache, arabe, wolof, bantou, dans la langue de nos maîtres. Parce que nous tenons le même langage, nous arrivons à nous entendre parfaitement de Tamatave à Kingston, de Pointe-à-Pitre à Zomba. »

Nul ne songera à nier la force et le relief que prit ainsi la littérature nègre dès ses débuts. Mais ce demi-siècle d’unanimité combattante peut commencer de peser sur la plume des jeunes. Plusieurs songent et s’essayent à une expression plus individualiste, à un lyrisme plus personnel. Et il est préférable en effet de se cantonner dans son petit moi que de jouer les grandes orgues de l’unanimité nègre sans y croire. Tous les jeunes — et même les anciens — n’ont plus la conviction qui animait encore les Maunick et les Tchicaya. Mais le passé encore proche risque d’exercer le diktat de l’« engagement » obligatoire.

Et ici nous rappellerons qu’en dépit de tous les impératifs extérieurs, l’art et la poésie n’obéissent à la contrainte qu’an prix de l’inspiration. Que la seule obligation péremptoire à laquelle l’artiste est tenu de se soumettre est l’engagement en lui-même, à savoir : l’authenticité. Et qu’on ne pourra garder grief à J. Nzouankeu ni à Nyunai, à Camara Laye ni à Birago Diop, parce qu’ils ne soulèvent pas de problèmes sociaux, raciaux, politiques, mais se contentent d’explorer leur folklore quotidien ou les labyrinthes de leur esprit inquiet.

La question de l’engagement se règle dans la conscience de chacun et n’est pas un critère esthétique. De même, il ne suffit pas de mettre en vers ses bonnes intentions pour faire un bon poème.

 

Il reste que l’artiste qui arrive à exprimer l’âme de sa collectivité tout en coïncidant parfaitement avec lui-même, est sans doute plus représentatif, à l’intérieur d’une littérature, d’une culture. Il reste aussi que, dans la tradition africaine, l’artiste assumait un rôle social qu’il n’a plus en Europe. Et dans la mesure où l’écrivain noir se soucie de « retour aux sources », il ne peut manquer d’être sensible à ce rôle traditionnel que jouait et jour encore le griot ou le conteur à l’égard de son groupe.

 

*

* Langues européennes ou langues africaines?

Le troisième problème majeur qui se pose aux écrivains noirs est celui de la langue. Il est assez simple de comprendre pourquoi ils ont commencé à écrire dans les langues étrangères. Comme l’a justement dit J-P Sartre, ils ont utilisé la langue de leurs colonisateurs — « ne croyez pas qu’ils l’aient choisie » — et ce, pour se faire plus largement entendre. De plus les masses africaines ne sachant pas lire, on ne les aurait pas atteintes beaucoup plus en écrivant dans leurs langues. Enfin les éditeurs européens ne s’intéressaient évidemment qu’à des œuvres écrites en langues européennes. Et il est vrai que ce sont le français, et l’anglais qui ont permis aux intellectuels colonisés d’exposer leurs problèmes devant le monde entier, et il n’est pas question qu’ils renoncent à ces langues de communication internationales, à la francophonie entre autres.

Mais aujourd’hui se créent des maisons d’éditions au Nigéria, au Ghana, au Kenya, au Cameroun. Aujourd’hui, grâce à l’alphabétisation intensive, un public africain populaire s’est constitué et s’accroît sans cesse. Aujourd’hui la littérature écrite n’est plus le monopole des universitaires ayant fait leurs études en Europe. Des Africains d’instruction primaire se mettent à écrire, de plus en plus nombreux, et dans un français douteux ou un anglais voisin du pidgin. On ne peut dès lors s’empêcher de penser que ceux qui ont du talent s’exprimeraient mieux dans leurs langues maternelles. Le cas le plus flagrant est celui d’Amos Tutuola : si je reconnais volontiers avec J. Jahn et Raymond Queneau que l’univers de ce planton de Lagos est rempli de la mythologie africaine la plus authentique, je regrette aussi, avec les lettrés nigérians, la bâtardise d’un langage qui n’est plus anglais, ni africain. Tutuola écrivant en yoruba ferait des merveilles, c’est certain, et nous donnerait des œuvres plus authentiques encore plus purement nègres, que l’on pourrait toujours traduire par la suite comme on l’a déjà fait pour le célèbre Chaka (1933) du southo Thomas Mofolo.

Enfin faut-il encore insister sur l’irréparable perte que constituerait, pour les culture africaines, l’abandon des langues nationales ? Tout un domaine de la sensibilité de l’homme ne peut s’extérioriser que dans sa langue maternelle. C’est la part inviolable, particulière, intraduisible de toute culture. L’homme africain ne peut renoncer à ses idiomes traditionnels sans ressentir une amputation grave de sa personnalité.

Ce mouvement de retour aux langues africaines est d’ailleurs largement amorcé surtout dans les pays de colonisation anglaise : au Nigéria où l’on écrit et enseigne le yoruba et le haoussa jusqu’à l’université, dans l’Est africain (Kenya, Uganda, Tanganyika), se développe toute une littérature écrite en Kiswahili. Ne pourrait-on donc imaginer la formation de littératures wolof, bambara, peule, bamileke, ewondo, kikongo, dont les œuvres écrites rejoindraient l’antique courant oral pour former un vaste ensemble de littératures européennes composées cependant de langues nationales aussi différentes que le français, le russe, l’allemand, l’italien, l’anglais, l’espagnol et j’en passe ?

Certains intellectuels africains ont compris cette nécessité et, sans abandonner le français, ils écrivent aussi en peul, comme Hampaté Ba, en kinyaruanda comme Alexis Kagame, en wolof comme Cheik Ndao et Assane Sylla.

 

*

*Le pari cultuel de l'Afrique

 

La survie des langues africaines dépendra essentiellement du crédit que les Africains eux-mêmes leur accorderont.

Ceci  est aussi vrai pour la survie de la civilisation africaine toute entière. Survie nécessaire sans laquelle jamais aucune indépendance politique, aucun développement économique, ne pourra lever le préjugé qui pèse encore aujourd'hui sur le "barbare" sur le primitif, sur l'évolué, le "singe des blancs". Ce préjugé s'amplifie lorsque l'Africain moderne adopte sans réserve le mode de vie européen, les philosophies, l'art même de l'Europe : cela prouve qu'il n'avait rien de bien valable à conserver n'est-ce pas? C'est donc aussi la justification à posteriori de l'action coloniale!

Tel est le pari culturel qu'il importe que l'Afrique gagne. De telle sorte que soit vérifiée cette profession de foi d'Alioune Diop, fondateur de la revue Présence Africaine

« Incapables de nous assimiler à l'Anglais, au Français, au Belge, au Portugais   de laisser éliminer au profit d'une vocation hypertrophiée de l'Occident certaines dimensions originales de notre génie  nous nous efforcerons de forger à ce génie des ressources d'expression adaptées à sa vocation dans le XXe siècle. » »

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
14 mai 2023 7 14 /05 /mai /2023 10:21

 

DEUX PETITS POÊMES RAFRAÎCHISSANTS

 

 

La chanson du rayon de lune.

 

Sais-tu qui je suis ? — Le rayon de lune.

Sais-tu d'où je viens ? — Regarde là-haut.

Ma mère est brillante, et la nuit est brune ;

Je rampe sur l'arbre et glisse sous l'eau ;

Je m'étends sur l'herbe et cours sur la dune ;

Je grimpe au mur noir, au tronc du bouleau,

Comme un maraudeur qui cherche fortune.

Je n'ai jamais froid, je n'ai jamais chaud.

                                                                                             (Guy de Maupassant, Des vers, Albin Michel)

 

Guy de Maupassant (1850-1893)
par Nadar

 

> Courte biographie

Guy de Maupassant, (1850-1893) est un écrivain et un journaliste littéraire français. Il est né à Tourville-sur-Arques et mort à Paris, après avoir sombré dans la folie.

 

Son père est originaire de Lorraine. Homme volage, il épouse une jeune fille normande, Laure Le Poittevin, une amie de Gustave Flaubert qui est le filleul du père de Laure.

Laure est une femme très cultivée. Elle aime beaucoup les classiques, notamment Shakespeare.

1856, naît Hervé, frère de Guy, la famille vit alors près du Havre. Mais en 1859, elle s’installe à Paris et Guy est scolarisé au lycée impérial Napoléon.

1860, Laure et ses enfants s’installent à Étretat, après s’être séparée de son mari.

 

Maupassant passe le reste de son enfance à Étretat, dans une grande bâtisse du 18e s. que sa mère a acquise avant son mariage. Il vit entre mer et campagne, dans l’amour de la nature et des sports en plein air.

À 13 ans il est pensionnaire de l’institution ecclésiastique d’Yvetot. C’est là qu’il commence à écrire des poèmes. De cette époque il garde une grande hostilité envers la religion.

Il continue ses études au lycée de Rouen où il est bon élève ; il continue la poésie et participe également aux pièces de théâtre.

1868, son baccalauréat en poche, il étudie le droit à Paris mais la guerre va contrarier ses plans.

À 20 ans, Maupassant s’enrôle comme volontaire dans la guerre franco-prussienne.

Après la guerre il s’installe définitivement à Paris. Il travaille un an au ministère de la Marine comme « employé aux écritures non rémunéré ». Puis il passera 10 ans comme commis à la Marine puis au ministère de l’Instruction publique, grâce à Flaubert.

Le soir il travaille à ses œuvres littéraires.

 

Approché par Catulle Mendès pour devenir franc-maçon, Maupassant a cette phrase :

« Je veux n’être jamais lié à aucun parti politique, quel qu’il soit, à aucune religion, à aucune secte, à aucune école ; ne jamais entrer dans une association professant certaines doctrines, ne m’incliner devant aucun dogme, devant aucune prime et aucun principe, et cela uniquement pour conserver le droit d’en dire du mal. »

Pour se distraire, il aime faire du canot sur la Seine en charmante compagnie. Il mène une vie joyeuse, mais en 1877 on lui diagnostique la syphilis dont il mourra.

Il fréquente des écrivains tels, Flaubert, Edmond de Goncourt, Mallarmé, Tourgueniev, Zola, et beaucoup d’autres.

De 1880 à 1890, la période la plus féconde de Maupassant, il publie 6 romans et plus de 300 nouvelles et quelques récits de voyage.

Été 1881, il voyage en Algérie et Tunisie pour le journal Le Gaulois pour comprendre le sentiment anti-français. Il publie plusieurs articles « Lettres d’Afrique » sous le pseudonyme « un colon » ou « un officier » dans lesquels il critique la politique coloniale de la France. Il note les injustices et dysfonctionnements de la colonisation.

Maupassant publie aussi sous le pseudonyme « Maufrigneuse » un certain nombre d’ouvrages.

Dans les dernières années de sa vie, il a de plus en plus d’hallucinations et souffre de troubles visuels qui le handicapent beaucoup. Il s’isole de plus en plus, souffre de paranoïa. Physiquement il est décharné, se sent de plus en plus mal. Il essaie de se suicider en 1892, à la suite de quoi il est interné à Paris, dans la clinique du docteur Blanche. Il meurt de paralysie générale, après 18 mois d’inconscience presque totale, le 6 juillet 1893.

 

> Ses œuvres principales, romans et recueils de nouvelles, théâtre, poèmes, récits de voyages

Une vie, Bel Ami, Pierre et Jean, Boule de Suif, Le Horla, Fort comme la mort…

La Maison Tellier, Mademoiselle Fifi, Contes de la Bécasse, Clair de lune, contes du jour et de la nuit, le Horla…

Histoire du vieux temps, À la feuille de rose, maison turque…

Des vers, des vers et autres poèmes

Au soleil, Sur l’eau, La Vie errante…

 

La chute d'un gland.

 

Au pied d'un chêne et sur un vert gazon

Se reposait une belette,

Quand un gland détaché par le froid aquilon

Vient tomber d’aplomb sur sa tête.

 

Elle s'éveille, et, tremblante d'effroi,

De ce lieu dangereux s'enfuit à perdre haleine,

Criant au rat des champs qu'elle regarde à peine :

« Là-bas, là-bas, vient de tomber sur moi

La branche énorme d'un gros chêne ».

 

Le rat n'eut garde d’aller voir.

Il dit à deux lapins, broutant sur la colline,

Qu'un gros chêne venait de choir

Sur la belette, sa voisine.

 

Les lapins en le racontant

Y mêlent des éclairs et le feu du tonnerre.

Un écureuil qui les entend

Y joint un tremblement de terre.

 

Bref, les faits, les détails, l'un par l'autre appuyés

S'étaient, le lendemain, si bien multipliés

Qu'à trente milles à la ronde

Tous les animaux effrayés

Dans la chute d'un gland voyaient la fin du monde.

                                                             (Guillaume Viennet, Fables)

 

 

Courte biographie

VIENNET GUILLAUME (JEAN-PONS-GUILLAUME VIENNET) (1777-1868) est un poète et dramaturge français, membre de l’Académie française mais aussi un homme politique.

 

Viennet est né à Béziers. Après des études secondaires au collège de Béziers, ses parents le destinaient à devenir ecclésiastique mais à 19 ans il choisit l’armée et entre comme lieutenant en second dans l’artillerie de marine. Il est envoyé à Brest puis Lorient.

1797, dès sa première sortie, son vaisseau l’Hercule, est attaqué par les Anglais et l’équipage, réduit de moitié, est fait prisonnier. Viennet reste prisonnier pendant 7 mois à Plymouth. Pour passer le temps et se consoler des rigueurs de la détention, il s’adonne à la poésie et monte des pièces de théâtre à bord de sa prison maritime.

Il recouvre la liberté grâce à un échange de prisonniers et réintègre son corps d’origine.

1812, il vient à Paris où il s’adonne à l’écriture.

1813, il fait la campagne de Saxe en tant que capitaine et fut décoré de la main de Napoléon, à la bataille de Bautzen. Mais à la bataille de Leipzig il est fait prisonnier et ne rentre en France qu’avec la Restauration.

Il devient aide de camp du général de Montélégier (aide de camp du duc de Berry).

Après des péripéties politiques il n’a plus d’emploi et se consacre à l’écriture et au journalisme. Il collabore à différents journaux jusqu’à ce qu’il soit admis, grâce à Gouvion Saint-Cyr, dans le corps royal d’état-major.

Pendant ce temps il continue son activité littéraire et musicale.

1823, nommé chef d’escadron à l’ancienneté, il est rayé des cadres en 1827, suite à la publication de son Épitre aux chiffonniers pour la liberté de la presse.

1812, il est élu député (2e arrondissement de l’Hérault, Béziers).

1830, Viennet est élu à l’Académie Française

Il poursuit ses travaux littéraires jusqu’à son dernier jour ; il s’éteint au Val-Saint-Germain, près de Dourdan en 1868.

 

Quelques œuvres

Épitres, Clovis, Le Siècle de Damas, le Château de Saint-Ange, Les Serments, Fables, Le Chêne et ses commensaux, L’Os à ronger, Richelieu, la Franciade, Souvenirs de la vie militaire de Jean Pons Guillaume Viennet, de l’Académie française (1777-1819), Journal de Viennet, pair de France, témoins de trois règnes, 1817-1848.

 

Guillaume Viennet (1777-1868)

Partager cet article
Repost0
19 mars 2023 7 19 /03 /mars /2023 09:09

Sonia Delaunay, lithographie

***

LA VISION DE L’ART DE GOTTFRIED HONEGGER

DANS SA LETTRE À SONIA DELAUNAY

***

Gottfried Honegger (1917-2016)

*

Gottfried Honegger, né et mort à Zurich (1917-2016), est un peintre, graphiste publicitaire et collectionneur suisse.

Il a vécu et travaillé à Paris, Zurich, Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes)…

1938 : il fonde un atelier de graphisme, de décoration et de photographie.

Entre 1939 et 1960, il séjourne dans différents pays puis revient en France en 1960, où il utilise l’informatique pour des dessins programmés par ordinateur.

Honegger réalise des Tableaux-reliefs aux formats monumentaux.

Il est reconnu comme l’un des piliers de l’art concret (mouvement artistique de tendance abstraite).

Il travaille sur le principe des variations à partir d'un seul et même thème.

 

Il pense que la beauté peut changer le monde. Pour lui, l’art a une fonction sociale, ce qui le conduit à concevoir un outil pédagogique : Le Viseur. Cet instrument est destiné à l’apprentissage du regard pour l’enfant : améliorer la perception des couleurs, des formes, du rythme. En 2015, Honegger avait initié des activités plastiques pour les enfants handicapés.

Il est convaincu que «l'excès d'images virtuelles paralyse notre conscience», il s'inquiète de l'addiction des jeunes aux écrans, allant parfois jusqu'à la folie.

 

Il réalise les vitraux des quatorze baies supérieures de la nef de la cathédrale de Liège, avec Hervé Loire, maître verrier de Chartres. (2014).

En 2000, avec sa dernière épouse, Sybil Albers-Barroer, il fait la donation de leur collection d’art (500 œuvres de 160 artistes) à l’État français.

Sonia Delaunay, portrait (vers 1912)

*

"Lettre à Sonia Delaunay

 

Très chère,

 

Je me souviens, Robert Delaunay m'a écrit autrefois : « Aussi longtemps que l'art actuel ne se libérera pas de l'objet, il restera description, littérature, esclave de l'imitation ».

Effectivement, chère Sonia, vous avez prouvé par votre œuvre qu'un art libéré du « contenu » ouvrait les portes du ciel. Vos tableaux, il faut les percevoir en ouvrant grand les oreilles. La musique des couleurs et le rythme des formes caressent nos yeux, font atteindre le sublime.

J'ai eu envie de vivre et de m'approprier le monde de la même manière que votre art se déploie. A quelle source d'espoir puisent votre espoir, votre joie, votre courage de vivre ? Vous débordez, vous composez un chant de couleurs que je n'oublierai jamais.

Les couleurs, n'est-ce pas, il faut les écouter.

 

Lorsque je vous ai rendu visite, j'ai appris à connaître votre personnalité. Vous avez fait la paix avec l' »être ». L'humain contient l'inhumain, dites-vous, ce fait aussi a besoin de la lumière de l'art. Oui, nous avons besoin de l'art, pour tenir tête à la cruauté du quotidien. L'art est peut-être notre ange gardien, celui qui le suit vit dans la beauté et la vérité.

Je vous ai écoutée avec un grand intérêt raconter votre immigration à Paris. Je suis moi-même quelqu'un qui souffre de l'absence de patrie. Ici, à Paris, je suis un étranger, en Suisse, où je suis né, je suis un Suisse de l'extérieur.

Cette non-appartenance a certainement déterminé la forme et le contenu de mon travail.

L'art, vous avez raison de le dire, est toujours imprégné du lieu du crime, de la culture dans laquelle l'artiste vit et travaille. Hans Hartung, par exemple, quand il immigra à Paris, était un expressionniste allemand. Aujourd'hui, devenu cent pour cent français : c'est un informel.

 

En Europe, cette diversité culturelle nous permet — et pas seulement à l'artiste — de trouver notre biotope, notre identité. Je pense que la diversité culturelle est notre capital européen. La diversité des langues, des mœurs, des traditions correspond à la diversité de nos caractères, à notre histoire. La perte de cette richesse conduit à l'uniformité, à l'égalisation, à la perte d'identité.

Vous m'avez raconté que le poète Maxime Gorki, un ami intime de Staline, le dictateur, a suggéré de faire du russe la langue nationale. Visiblement Staline a repoussé cette idée en arguant qu'il perdrait le pays natal, l'odeur de sa langue maternelle.

Il est pour moi incompréhensible que les politiques actuels puissent envisager avec tant de légèreté l'appauvrissement culturel de la nouvelle Europe. Et pourtant Robert Schuman, le père spirituel de l'Europe, a écrit : « L'Europe avant d'être une alliance militaire ou une entité politique doit être une communauté culturelle ».

 

Votre œuvre prouve que de la rencontre d'une Russe et d'un bourgeois français naissent des fleurs nouvelles et des fruits insoupçonnés. Vous apportiez la couleur, Robert, la forme, et l'inséparable tout fut un enfant européen. Vous représentiez ce qui dans l'avant-garde russe était révolutionnaire : le spirituel ; la liberté était la contribution française de Robert Delaunay. Vous comprenez maintenant pourquoi je suis inquiet. Le libre marché, la puissance économique des monopoles, la mondialisation, la bourse, la consommation de masse, tout cela et plus encore affadit, étouffe pour toujours la prodigieuse richesse culturelle européenne. Ce qui a mis mille ans à se développer est menacé par un néo-libéralisme aveugle. Ce serait à nous les intellectuels de protester, d'éclairer, d'apporter notre concours à la nouvelle Europe.

« La santé de la nouvelle Europe repose sur deux conditions : chaque pays doit avoir sa culture propre et les différentes cultures doivent connaître et reconnaître leur parenté intérieure », Eliot.

« Le pluralisme - c'est-à-dire l'égalité des droits, le vivre ensemble protégé par des garanties fondamentales et la possibilité d'une pluralité de groupes sociaux au sein d'une communauté étatique — a été reconnu de plus en plus clairement comme l'une des caractéristiques d'une démocratie libérale », Sontheimer.

Nous n'avons qu'une alternative : soit la prédominance totale de l'économie dans tous les domaines de la vie, la consommation de masse, l'aliénation et l'anonymat par refus de l'art, soit une politique culturelle qui ne favorise pas les arts de façon centrale mais régionale, qui rend possible d'accroître nos expériences, de renforcer la créativité et la liberté individuelle de chacun de nous.

Certains indices me donnent à penser qu'aujourd'hui une minorité a pris conscience d'un appauvrissement culturel. Je rêve d'une exposition dans laquelle on pourrait montrer la diversité de l'art en Europe. Il n'y a rien de plus beau que d'expérimenter la différence des cultures. À cela s'ajoute que dans un monde qui devient de plus en plus standardisé, les identités culturelles sont vitales pour notre bien-être.

Chère Sonia, je me réjouis de notre prochaine conversation."

***

« Même en dehors du fauvisme, Sonia appartient, par la couleur de ses premiers tableaux à l'espèce des grands fauves. Sa force de création est instinctive comme la puissance animale. » (Jacques Damase)

 

***

SONIA DELAUNAY (Sonia Ilinitcha Stern), qui se considérait avant tout comme française et plus encore, comme parisienne « Je ne me sens bien qu'en France, et encore pas partout. Avant tout l’Île de France, c’est ce que j’aime le plus », est née en 1885, en Ukraine, dans une juive. Son père est ouvrier. À 5 ans, elle est adoptée par son oncle, avocat à Saint-Pétersbourg. Elle vit alors dans un milieu cultivé et passe ses vacances à l’étranger. Elle parle français, allemand, découvre les arts.

En 1903, elle est envoyée à Karlsruhe (Allemagne) où elle étudie de dessin

1905, elle arrive à Paris où elle s’installe dans une pension au quartier latin avec d’autres jeunes filles russes.

Elle suit les cours de l’Académie de la Palette.

Très vite elle travaille seule et part à la découverte de Paul Gauguin, Pierre Bonnard, André Derain et Vuillard qui exposent à la galerie Bernheim et qui ont fondé le fauvisme. Nouveau style qui enthousiasme Sonia mais qu’elle veut dépasser.

 

1907 : son premier tableau fauve, Philomène. Cette période est très importante pour elle. Elle y laisse éclater son goût des couleurs vives. Ces couleurs vont réveiller, plus tard, la tendance »sombre » dans laquelle Robert s'enferme. Mais sous l'influence de Sonia, il se relance dans des couleurs plus franches.

 

1907-1908 : Sonia apprend la gravure. Elle rencontre le collectionneur et galeriste allemand, Wilhelm Uhde quelle épouse en 1908.

Elle commence ses premières « tapisseries-broderies », et à la galerie Uhde, elle rencontre Robert Delaunay, Picasso, Derain, et George Braque.

 

1910 : après avoir divorcé de Uhde, elle épouse Robert Delaunay. Ils reçoivent beaucoup et font la connaissance de Kandinsky Vassily.

1911 : naissance de leur fils Charles.  Sonia réalise sa première œuvre abstraite avec du textile : une couverture pour son fils, un assemblage de coupons de diverses couleurs vives, selon la tradition ukrainienne. Elle joue avec les couleurs comme dans sa peinture, fait des collages, des reliures de livres en papier et déchets de tissus. Elle peint des coffrets, des abat-jour, des voilettes…

1912 : Apollinaire donne  au mouvement pictural fondé par les Delaunay, le nom d’Orphisme.

 

Sonia et Robert Delaunay ont surtout travaillé ensemble sur la recherche de la couleur pure et du mouvement des couleurs simultanées, une tendance qui a inspiré d'autres peintres après eux,

 

De plus en plus orientée vers l’art abstrait, elle crée en 1946 le Salon des réalités nouvelles pour promouvoir l'abstraction.

Elle laisse derrière elle une œuvre abondante qui comprend des tissus imprimés, des livres d'artistes, des robes de haute couture…

Plaque Sonia et Robert Delaunay, 16 rue de Saint-Simon, Paris 7e

***

Commentaire

Déjà en 2003, dans cette lettre, Gottfried Honegger, soulève un problème qui, on le voit aujourd’hui, en 2023, s’est accentué.

L’anglais s’impose partout. Une certaine catégorie de personnes ne veut s’exprimer qu’en anglais (snobisme, manque de connaissance de la langue française… ?)

  • Chanteurs
  • Créateurs d’entreprises
  • Médias

À la radio nationale, on n’entend plus que des chansons en langue anglaise, même si les auteurs sont français, allemands…

Les nouvelles entreprises situées en France portent des noms anglais.

Dans les médias : vocabulaire franglais, anglais, même si la majorité des Français ne comprend rien.

On oublie le vocabulaire français, si riche, on oublie la syntaxe, la grammaire françaises (que de fautes n’entend-on pas, ne voit-on pas dans les médias.

Les entreprises françaises avec des noms anglais, n’incitent pas la majorité du peuple à les contacter.

 

Petit à petit, les jeunes générations, baignant dans cette atmosphère, appauvrissent leurs connaissances en français et bientôt ne sauront plus parler correctement leur langue maternelle.

Sommes-nous condamnés, à plus ou moins long terme, à nous exprimer dans une langue mondiale ou européenne appauvrie, uniformisée, dans une pensée unique.

 

Par contre, le métissage est positif, il apporte de la richesse culturelle, du sang neuf, grâce aux gens venus d’ailleurs et évite ainsi à une société de se scléroser.

Nous apprenons les uns des autres, nous nous enrichissons mutuellement.

Une langue européenne, voire mondiale est utile pour mieux nous comprendre sur notre planète, mais en plus des langues nationales, voire régionales.

 

Avec les progrès, la modernisation (tout cela est utile, voire indispensable) nous avons perdu beaucoup de savoir-faire, beaucoup de vocabulaire aussi.

 

En fait, la pensée s’appauvrit ; s’impose à nous un schéma de pensée universelle, standard, mais très simplifié.

Édith Schuss, L'Anémone rouge

 

 

Partager cet article
Repost0
14 mars 2023 2 14 /03 /mars /2023 15:25

 

HAMADOUM TANDINA

Le portrait Peulh

 

 

> Qui sont les Peulhs

Les Peulhs, qu’on appelle aussi Fulbhés, Pular… selon les régions, sont un peuple de l’ouest africain jusqu'au Tchad (dans une quinzaine de pays) et notamment du Mali comme l’auteur du poème ci-dessous.

C’est un peuple nomade qui vit essentiellement d’élevage.
La dispersion des Peulhs, leur mobilité, a favorisé les échanges et les métissages avec les autres populations subsahariennes.
Ils comptent de nombreux groupes, mais tous ont un socle commun : la langue peule, la compétence pastorale, la religion musulmane et une tendance à l’endogamie.
Les Peulhs se désignent eux-mêmes par le nom Pullo (prononcé Poulloh), le pluriel étant Fulbé.

La langue et les traditions peules sont transmises oralement par les personnes âgées et surtout les femmes, par l’intermédiaire de légendes, de chants, de comptines.
Les  femmes et aussi les griots transmettent ainsi l’histoire de leur peuple, ses exploits, ses vertus.

 

 

> HAMADOUM TANDINA, lui-même peul, nous trace le portrait poétique du Peulh :

 

 

« LE PORTRAIT PEULH


Conducteur de troupeaux,
Droit, svelte, élancé,
Tel un Don Quichotte
Sur sa fière monture,
On le dit orgueilleux
Et même fanfaron,
Dédaigneux et hautain
Pour tout celui qui n'est pas lui.
Mais il se sent noble,
Raffiné, policé
Et délié d'esprit.
Or, ce fils de la terre
A l'échine courbée
Accuse le pasteur
Qui jamais ne s'incline.
Bel esclave musclé,
Pur athlète d'airain,
Ton rôle est de suer
Pour féconder la glèbe.
Quant à ce fils du vent, le Peulh,
Sa maison un chapeau,
Son outil un bâton,
Toujours seul, mais libre
Et loin des lois humaines.
Il marche sans se presser
Parmi les larges plaines.
L'hermite silencieux
Rêve d'amour, d'honneur.
Il voudrait que son nom
Coure de bouche en bouche.
Qu'il soit dit et redit
Comme un écho sans fin,
Il voudrait que son cœur
Soit malade à mourir.
Pour cette femme idole,
Aimée comme un bijou.
Maîtresse, prison non !
Passion qui pousse au loin.
Tiré par le destin
D'une route sans borne,
Poullo chevauche un pur-sang
Dont la crinière folle
Ondulant dans le vent
Lui susurre tout bas.
Si tu t'arrêtes Peulh,

Ce n'est que pour mourir...

 

 

> Voici, ci-dessous, brève autobiographie d’Hamadoum Tandina, écrite par lui-même :

 

« Je suis malien, originaire de Goundam. De mère peulh du Tioki central et de père Sonrhaï du type arabo-berbère, je suis né pendant les années brûlantes de la seconde guerre mondiale, le 2 juin 1943 à Goundam.

J'ai tôt été sevré d'affection. Jeune, mon père me confia à mes grands-parents maternels à Saya, dans un petit village peulh, loin des équations, où j'ai eu à tenter mes premiers pas d'homme.

Mes premières occupations de gardien de chevreaux, m'ont aidé à découvrir, à défaut des hommes, la nature qui embaume et les animaux qui me passionnent. J'ai également appris à me recueillir tout seul derrière le village, au pied de la colline Fati, au bord du lac Horo, et bien souvent sur un arbre à la recherche d'horizons éloignés.

Inscrit à l'école à l'âge de sept ans, ma scolarité ne dura que quatre ans. De retour à Saya, tout semblait m'accueillir et l'on pouvait me rencontrer au pied de la colline, au bord du lac, bonnet tordu, lèvres rougies de kola, doigts engorgés de bagues, un pagne rouge autour du cou, les chaussures effilées et le chapeau en laisse, derrière un troupeau de vaches laitières. Après quelques quatre années de bergerie qui m'ont conduit dans les entrailles des bourgoutières du Delta central, j'ai échangé mon bâton pastoral contre des livres scolaires pour former ma personnalité.

Commis dactylographe au cercle de Goundam, puis agent-technique au Service civique rural à Bamako depuis décembre 1960, je devais servir successivement comme chef de camp du même service à Diré, à Sévaré, à Koro, puis Douentza où un concours de l'enseignement fit de moi un moniteur (novembre 1963) puis un instituteur par voie d'examen professionnel dans les années 1968. Pendant ma carrière d'enseignant, j'ai servi pendant deux ans comme maître d'internat au lycée technique (1969-1970); de retour dans l'enseignement, je devais servir à Finkolo-Niéna, Karakala (Sikasso), puis Massigui de Djoïla où je présentais ma démission de 9 octobre 1975.

Depuis, je me suis donné à mes poésies et je voudrais animer les écoles au Mali, en Afrique et dans le reste du monde.

[…]

 Mécanographe, réparateur de machines de bureau, je nourris ma famille avec mon tournevis. Ma poésie, c'est ma chanson, l'expression de mon cœur, tantôt enchanté par la nature ou l'amour, tantôt meurtri par le souvenir d'une enfance malheureuse où les injustices du destin. » Hamadoun Tandina        

Poèmes maliens

Partager cet article
Repost0
25 septembre 2022 7 25 /09 /septembre /2022 09:16

 

VILLE OU VILLAGE ?

 

 

Autrefois (au 20e siècle), les jeunes surtout, quittaient la campagne pour s’installer en ville (cf. la chanson de Jean Ferrat La Montagne).

Aujourd’hui, après le Covid, c’est le chemin inverse que beaucoup suivent en retournant s’installer à la campagne.

 

Voici de beaux textes parlant de la campagne ou de la ville.

 

 

>> UN PAUVRE VILLAGE DE MONTAGNE

 

"On arrive, et le chemin devient une espèce de rue très étroite où passe tout juste un mulet chargé ! Elle s'en va tout de travers, toute tordue par des façades qui avancent ou bien qui reculent…

D'un côté de la rue, par l'effet de la pente, les maisons sont en contrebas, montrant seulement leur toit ; de l'autre, au contraire, elles se dressent tout entières et semblent d'autant plus hautes.

On trouve d'abord la fontaine qui est creusée dans un gros tronc, où l'on voit toujours des femmes qui lavent. A côté, il y a le four qui ouvre à l'air sa gueule noire dans un tas de pierres qui penchent, mal façonnées ; c'est là qu'on cuisait le pain de là-haut, noir et dur. Un peu plus loin, il y a la chapelle ; elle est blanche et toute petite, elle servait du temps où l'église n'était pas bâtie ; à présent, elle ne sert plus. Elle a bien toujours une petite cloche pendue dans une espèce de clocheton qui branle tout entier et qui craque sitôt qu'on commence à sonner ; mais à présent, dans la chapelle, ils mettent les cibles pour les exercices de tir, la pompe, la civière, et les araignées sont venues, qui ont fait leurs toiles au plafond.

[...] Tout le reste du village, c'est des maisons. Elles se suivent le long du chemin, un peu penchées, s'appuyant de l'épaule comme si elles avaient sommeil Il y a des petits enfants partout, assis ou qui se roulent par terre ; on voit, par les portes ouvertes dans l'intérieur des cuisines, et c'est parfois un escalier ou un haut perron de pierre où un homme se tient debout, mais des montagnes tout est caché, et rien non plus ne se voit du ciel qu'en haut, entre les toits, un autre petit chemin bleu.

Alors, on arrive à la maison du juge, la plus belle de toutes… Puis, tout à coup, les pentes reparaissent, les pâturages, les rochers : c’est qu'on est arrivé au bout du village. Il cesse soudain : point de maison isolée ; les vents sont trop forts, elles auraient peur, et peur aussi des grandes neiges. Elles ont fait entre elles comme une alliance, se prêtant aide et protection."

                                    (C.F. Ramuz, Le village dans la montagne, Editions Bernard Grasset.)

 

 

>> LA VILLE EUROPEENNE

 

[…]

 

"C'était donc cela, une grande ville européenne : des maisons blanches ayant leurs murs et leurs grilles sur le même alignement, des avenues bordées d'arbres et baignées d'ombre, des rues qui, toutes, fuyaient, coupées à angle droit par d'autres rues semblables, plus ou moins longues, plus ou moins larges ?... C'était cela : l'église, dont la flèche aiguë s'effile vers le ciel, le cercle avec ses tennis et ses pelouses, l'hôpital, son parc et ses allées sablées, l'école et le tumulte de ses voix enfantines aux heures de récréation, la gare enfin avec son bruit métallique, ses sifflets grinçants et le halètement de ses machines et puis, d'autres monuments encore, également entourés de verdure, et pareillement troués de fenêtres alignées le long des façades ?"

[…]

                                                              (Jean d’Esme, Thi-Bâ, Editions de France)

 

 

>> "CONNAIS-TU MON BEAU VILLAGE ?

 

Connais-tu mon beau village

Qui se mire au clair ruisseau ?

Encadré dans le feuillage,

On dirait un nid d’oiseau.

Ma maison, parmi l’ombrage

Me sourit comme un berceau.

Connais-tu mon beau village,

Qui se mire au clair ruisseau ?

 

Loin du bruit de la grand-ville,

A l’abri du vieux clocher,

Je cultive un champ fertile,

Un jardin près d’un verger ;

Sans regret ni vœu stérile,

Mon bonheur vient s’y cacher,

Loin du bruit de la grand-ville,

A l’abri du vieux clocher.

 

Quand ta voix, cloche argentine,

Retentit dans nos vallons,

Appelant sur la colline

Les bergers et leurs moutons

Moi, joyeux, je m’achemine

En chantant vers mes sillons,

Quand ta voix, cloche argentine,

Retentit dans nos vallons."

                                                 (F. Bataille, Les trois Foyers, Juven Editions.)

 

 

 Brève biographie des auteurs :

 

Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947)

***

>> Le premier texte est de C.F. Ramuz

Charles Ferdinand Ramus (1878-1947), écrivain et poète suisse, est né à Lausanne en 1878. Son père tenait une épicerie coloniale et de vin. Sa mère affichait une certaine proximité avec l’église protestante libre.

Jeune, Ramuz vit à Lausanne puis à Cheseaux-sur-Lausanne et poursuit ses études dans des établissements vaudois.

Après l’école primaire, Ramus entre au Gymnase classique de Lausanne et réussit sa « maturité » en 1896. Puis il passe une licence de lettres à l’université de Lausanne en 1900. Ensuite il enseigne au collège d’Aubonne.

Il marque un intérêt pour la littérature et les disciplines artistiques et écrit ses premiers poèmes en 1896 lors d’un voyage à Karlsruhe et prends alors la résolution de devenir écrivain.

A 20 ans il part pour Paris, son objectif étant d’y poursuivre sa formation en préparant une thèse de doctorat dont le sujet porte sur l’œuvre du poète français Maurice Guérin. Jusqu’en 1904 les débuts parisiens de Ramuz sont difficiles et solitaires et il abandonne rapidement son projet de thèse.

Ramuz est en fait transformé au contact des lettres classiques françaises et commence à y découvrir son rapport à la « langue vaudoise », une forme de français marquée par un rythme et des intonations particuliers.

Il passe de longs séjours à Paris entrecoupés de vacances en Suisse et s’affirme en tant que Vaudois.

 

Après l’abandon de ses études, Ramuz écrit ses premiers textes.

  • Le Petit Village (poésie)
  • Aline (roman)

 

A partir de 1904 Ramuz partage son temps entre Paris, la Suisse romande et des voyages.

A Paris il fréquente le salon d’Edouard Rod qui l’aide à publier son roman « Aline ». Il fréquente également de nombreux écrivains et artistes suisses ou français : Charles-Albert Cingria, René Auberjonois, Henry Spiess, Adrien Bovy, André Gide…

Il collabore à la « Gazette de Lausanne », le « Journal de Genève », la « Bibliothèque universelle » et crée la revue « La Voile latine ».

Il reçoit le Prix Goncourt et le Prix Rambert

 

En 1913, il épouse Cécile Cellier, artiste peintre et en 1914 la famille quitte définitivement Paris pour s’installer à Lausanne où Ramuz continue sa carrière littéraire.

Ramuz s’intéresse aussi à d’autres formes artistiques : la peinture, la musique. A partir de cette époque son style s’affirme et évolue, ses thèmes sont plus sombres et spirituels : la mort, la fin du monde, le mal, la guerre ou les miracles.

Cependant ses écrits sont peu prisés du public et de la critique et Ramuz est progressivement isolé.

 

Quelques ouvrages parmi les nombreuses œuvres de Ramuz

  • 1903 : Le Petit Village
  •  1907 : Les Circonstances de la Vie
  • 1911 : Aimé Pache
  •  1915 : La Guerre dans le Haut-pays
  • 1917 : Le Règne de l’esprit malin
  • 1917 : La Guérison des maladies
  • 1927 : La Beauté sur la Terre

****

Jean d’Esme (1894-1966)

***

>> Le deuxième texte est de Jean d’Esme

Jean d’Esme, journaliste et écrivain français, de son vrai nom Jean Marie Henri d’Esmenard, vicomte, est né en 1894 à Shanghai et mort en 1966 à Nice.

Son père, fonctionnaire des douanes en Indochine était originaire de La Réunion.

Jean fait ses études à Paris et en 1914 entre à la section indochinoise de l’École coloniale.

Il s’oriente vers le journalisme et prend le pseudonyme de Jean d’Esme. 

Il travaille à la rédaction ou la direction des journaux Je sais tout, Le Matin et L’Intransigeant.

Puis Jean d’Esme devient un spécialiste du roman colonial dont le plus connu est Les Dieux rouges, roman fantastique qui se passe en Indochine.

1936 : il tourne La Grande Caravane, film sur le voyage d’une caravane vers les mines de sel de Bilma.

Directeur de Paris-Soir, il part pour un reportage en Espagne ; là, il est emprisonné par les troupes franquistes pour avoir filmé dans les zones interdites.

 

1941 : il réalise le film Quatre de demain, à Ramatuelle, à la demande du Secrétariat à la jeunesse du Gouvernement de Vichy. Thème du film : l’histoire d’un village français qui reprend confiance malgré la défaite, et ce grâce à la visite d’un groupe de scouts des Compagnons de France.

Esme écrit beaucoup de livre pour enfants dans la collection Bibliothèque verte (Hachette).

 

Jean d’Esme est

  • membre de l’Académie des sciences d’outre-mer
  • président de la Société des Écrivains maritimes et coloniaux
  • président de la Société des gens de lettres

 

A La Réunion, un collège à Sainte-Marie, porte son nom.

 

Jean d’Esme fut un écrivain prolifique.

 

Quelques ouvrages parmi ses écrits très nombreux :

  • Thi-Bâ
  • Les Dieux Rouges
  • L’Homme des sables
  • Les Maîtres de la Brousse
  • Les Chevaliers sans éperons
  • La Grande Horde
  • Leclerc
  • De Gaulle
  • Les Chercheurs de mondes

****

Frédéric Bataille (1850-1946)

***

>> Le 3e texte est un poème de Frédéric Bataille

 

Frédéric Bataille, poète et fabuliste français (Comtois), enseignant et mycologue, est né à Mandeure dans le Doubs en 1850 et mort à Besançon en 1946.

Issu d’une famille de paysans protestants, il est formé au métier d’instituteur à l’École modèle de Montbéliard.

Libre penseur et républicain, il déplaît aux parents d’élèves, malgré ses qualités pédagogiques.

1881, il est admis à la Société des gens de Lettres, puis en 1884, enseigne au lycée Michelet à Vanves.

 

Il se lance alors dans l’étude des champignons et cuisine.

1899, il entre à la Société mycologique de France et se révèle un mycologue exceptionnel. Il rédige plus de 40 mémoires dans le bulletin de la SMF et quelques uns dans le Bulletin de la Société d’Histoire naturelle du Doubs.

Il est décoré : Chevalier de la Légion d’Honneur et  Officier de l’Instruction Publique.

Il devient vice-président de la Société mycologique de France et acquiert une certaine renommée.

1905 : prix de l’Académie des Sciences.

A partir de 1908 il se consacre presque exclusivement à l’étude des champignons de sa région.

 

Quelques ouvrages :

  • Le Pinson de la Mansarde
  • Poèmes du soir
  • Les Trois Foyers
  • Pages d’Automne
  • Anthologie de l’Enfance
  • Monographie des Amanites et Lépiotes
  • Monographie des Astérosporés
  • Flore analytique des morilles et des helvelles
  • Flore monographique des Hydnes terrestres
  • Les réactions macrochimiques chez les champignons

 

Ces textes nous plongent dans la beauté de la nature, nous ressourcent, en contraste avec la ville plus oppressante pour beaucoup.

Et vous, Chers lecteurs, qu’en pensez-vous ?

 

 

Partager cet article
Repost0