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3 janvier 2021 7 03 /01 /janvier /2021 09:44

HYMNE À LA VIEILLESSE

« NOS VIEUX... »

 

Un beau poème trouvé sur internet.
Personne ne peut échapper au cycle de la vie : on naît, on vit, on meurt.
D’abord on est enfant, adulte,  puis vient la vieillesse et la mort.
Malgré tout la vie est belle et mérite d’être vécue.

 

« NOS VIEUX...

Ils ont dans le regard, les yeux chargés d’histoire.
Nos vieux sans le vouloir, ils sont notre mémoire.
Ils ne se plaignent pas, ils en ont trop connu.
Ils revivent en silence tout ce qu’ils ont vécu...
Les vieux, eux, ont connu parfois plusieurs guerres.
S’ils en ont survécu, il fallait tout refaire !

Un à un, ils sont partis, les êtres les plus chers.
Un vieux a moins d'amis, quand il les enterre.
Ils ont connu le temps où l’on prenait le temps,
Le temps de se parler le dimanche après messe.
Pas besoin de tout croire, c’était juste une adresse.
Où l’on prenait le temps d’être ensemble un moment.
Ils ont connu l’époque où le plus important
Était de réparer ce qui s'était cassé.

Quand ils se sont mariés, ils se l'étaient jurés.
Même dans la tempête, de ne pas s’abandonner.
Nos vieux, s’ils s’aiment encore, c’est beaucoup de tendresse.
C’est une main sur la joue qui se pose en caresse.
Ils ont dans le regard, les mots qu’on ne dit pas.
Le vide qu’il y aura quand l’autre s’en ira...
Un vieux c’est merveilleux, si on le laisse dire.
On voit briller ses yeux, de tous ses souvenirs...
Il a croqué la vie, la regarde aujourd’hui !
Mais nous transmet aussi ce qu’il en a appris.

Souvent ils râlent c’est vrai, parfois sont incompris.
Pourtant ça ne coûte rien, une porte que l’on tient.
Un vieux ça pleure aussi, de trop de solitude.
Avec des lendemains, remplis d’incertitudes.
Pourtant c’est beau un vieux, quand on passe le voir.
Il y a dans son regard tellement de choses à revoir.
Nos vieux c’est le passé, c’est aussi l’avenir.
...Il ne faut pas oublier… qu’un jour on va aussi vieillir... »

                      Pascal Auteur  (https://www.facebook.com/liberetoideteschaines/posts/3582017878550449/ )

 

 

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20 décembre 2020 7 20 /12 /décembre /2020 08:44

PAUL VALÉRY, SCRUTATEUR AVISÉ DU XXe SIÈCLE

Regard sur le monde actuel

Paul Valéry (1871-1945)

Paul Valéry (Sète, 1871- Paris, 1945) est un écrivain  français prolixe, auteur d’une œuvre fort riche.

De la poésie, il passe à l’art, à la musique, aux mathématiques, tout en s’intéressant à la philosophie, à la connaissance de soi et du monde. « Les carnets » sont un reflet de cet éclectisme caractéristique de son œuvre couronnée par des distinctions prestigieuses : Grand  officier de la Légion d’Honneur, Prix Louis-Barthou…

Paul Valéry, écrivain engagé (en politique et au sein d’associations de bienfaisance) fut Résistant pendant l’Occupation lors de la 2e Guerre mondiale. Il fut marqué par l’occupation du pays et de la capitale, qui porta préjudice à sa carrière.

Ses essais traduisent ses inquiétudes sur la pérennité de la civilisation et sur le progrès « machiniste » et matériel en général, mais surtout sur l’avenir de l’Homme.

« La liberté est une sensation. Cela se respire. L'idée que nous sommes libres dilate l'avenir du moment. Elle fait s'éployer à l'extrême dans nos poitrines je ne sais quelles ailes intérieures dont la force d'enlèvement enivrant nous porte. Par une ample, fraîche, profonde prise de souffle à la source universelle où nous puisons de quoi vivre un instant de plus, tout l'être délivré est envahi d'une renaissance délicieuse de ses volontés authentiques. Il se possède. Il fait jouer en lui tous les ressorts de ses espoirs et de ses projets. Il recouvre l'intégrité de sa parole. Il peut parler à tous comme il parlait à soi. Il ressent tout le prix de ses pas qui ne trouvent plus de barrières ni de consignes sur leurs voies, et il regarde en souriant de braves femmes qui se hâtent et s'efforcent d'exploiter, à coups de petites scies, une hideuse forêt de chevaux de frise pour en faire de simples bûches.

Tout cet appareil de défense brisé, broyé, vidé, ces débris de casemates vaines, ces chars disloqués, percés et que l'on dépèce, ces édifices criblés de coups, blessés par les explosions, entamés par le feu, imposent l'idée d'une puissance extraordinaire, surgie de la vie même, contre laquelle les obstacles calculés à loisir, les prévisions les plus minutieuses, l'armement le plus redoutable aux mains des hommes les plus déterminés, le béton, les engins automatiques, les défilés souterrains, et tout ce que la volonté la plus dure sait imaginer et créer pour maîtriser une révolte, ne peuvent prévaloir. Nous avons vu et vécu ce que peut faire une immense et illustre ville qui veut respirer. Et voici que ce mot si vague, l’ ÂME, prend un sens admirable.

 

Nous autres civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles. (Paul Valéry)

 

Mais, par le fait même qu'il se ressaisit, l'esprit retrouve tous ses droits et les exerce contre ce moment même qui les lui rend. Il n'est point de douceur de vivre ou de revivre qui le doive enchaîner. Il faut bien que se ranime en lui sa loi supérieure, qui est de ne pas s'abandonner à l'instant et de ne pas se livrer tout à sa joie. Il faut aussi qu'il se garde des effets de choc ou d'éblouissement que produisent sur l'intelligence les événements énormes. Les événements ne sont que l'écume des choses. Les réflexions que l'ont fait sur eux sont fallacieuses, et les prétendues leçons qu'on tire de ces faits éclatants sont arbitraires et non sans danger. Nous savons ce que nous ont coûté, en 1940 comme en 1914, les « enseignements » des guerres précédentes. Il suffît, du reste, de songer à l'infinité des coïncidences que tout « événement » compose pour se convaincre qu'il n'y a pas à raisonner sur eux ; ceux qui en raisonnent ne peuvent le faire que moyennant des simplifications grossières et les analogies verbales et superficielles qu'elles permettent.

Mais l’esprit, aujourd’hui, doit préserver toute sa lucidité. Si l’intelligence française possède les vertus de clarté que l’on dit, jamais occasion plus pressante de l’exercer ne lui a été offerte. Il s’agit d’essayer de concevoir une ère toute nouvelle. Nous voici devant un désordre universel d’images et de questions. Il va se produire une quantité de situations et de problèmes tout inédits, en présence desquels presque tout ce que le passé nous apprend est plus à redouter qu’à méditer. C’est d’une analyse approfondie du présent qu’il faut partir, non pour prévoir les événements sur lesquels, ou sur les conséquences desquels, on se trompe toujours, mais pour préparer, disposer ou créer ce qu’il faut pour parer aux événements, leur résister, les utiliser. Les ressources des organismes contre les surprises et les brusques variations du milieu sont d’un grand exemple. »

Je ne puis développer à présent ces considérations à peine indiquées et me borne à répéter ce que j’ai dit assez souvent : Prenons garde d’entrer dans l’avenir à reculons... C’est pourquoi je n’aime pas trop que l’on parle de reconstruire la France : c’est construire une France que j’aimerais que l’on voulût. »  ( PAUL VALÉRY, Regards sur le monde actuel et autres essais, Folio essais.)                                   

 

Les nations ont le sort qu’elles se font. Rien d’heureux ne leur vient du hasard.
(Paul Valéry)

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13 décembre 2020 7 13 /12 /décembre /2020 07:32

MÉDITONS

RENÉ PHILOMBÉ,
L’HOMME QUI TE RESSEMBLE

René Philombé (1930-2001)

René Philombé (pseudonyme de Philippe Louis Ombédé) (1930-2001)) est un écrivain camerounais, auteur d’une œuvre monumentale qui touche à tous les genres littéraires. Il fut à la fois romancier, poète, essayiste, dramaturge, journaliste…
Il semble que la littérature lui ait plus rapporté que la politique dans laquelle il s’était aussi engagé.
À cheval entre deux cultures, littérature française et mouvement de la négritude, il est à la fois nationaliste et marxiste.
Son œuvre d’une infinie variété est le reflet à la fois de sa vie et de son regard sur les hommes, aussi bien dans son pays qu’en Europe et dans le monde.

Cette œuvre si riche fut couronnée par des prix littéraires :
—prix du meilleur conte du Comité d’expression culturelle de la France d’outre-mer.
—prix Mottart de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.
—prix Fonlon Nichols de l’African Literature Association.

Parmi cette œuvre immense quelques titres qui reflètent la richesse de la pensée de l’auteur, de son expérience des hommes.

Araignée disgraciée.
Lettres de ma cambuse.
La Voix des poètes camerounais.
Petites gouttes de chant pour créer l’homme.
Les trouble-fêtes d’Africapolis.
Le livre camerounais et ses auteurs.

En définitive, son œuvre s’assimile à un regard affuté sur la vie, les hommes et le monde.

« L'homme qui te ressemble »

J'ai frappé à ta porte
j'ai frappé à ton cœur
pour avoir bon lit
pour avoir bon feu
pourquoi me repousser?
Ouvre-moi mon frère !..
.

Pourquoi me demander
si je suis d'Afrique
si je suis d'Amérique
si je suis d'Asie
si je suis d'Europe ?
Ouvre-moi mon frère !.
..

 

Pourquoi me demander
la longueur de mon nez
l'épaisseur de ma bouche
la couleur de ma peau
et le nom de mes dieux
Ouvre-moi mon frère !
...

Je ne suis pas un noir
Je ne suis pas un rouge
Je ne suis pas un jaune
je ne suis pas un blanc

mais je ne suis qu'un homme
Ouvre-moi mon frère !...

 

      Ouvre-moi ta porte
Ouvre-moi ton cœur
car je suis un homme
l'homme de tous les temps
l'homme de tous les cieux
l'homme qui te ressemble 

                                    René PHILOMBÉ, Petites Gouttes de chant pour créer l'homme

 

 

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8 novembre 2020 7 08 /11 /novembre /2020 16:11

POÉSIE ENGAGÉE

Léon-Gontran Damas, Hoquet

 

« Hoquet

Et j'ai beau avaler sept gorgées d'eau
trois à quatre fois par vingt-quatre heures
me revient mon enfance dans un hoquet secouant
mon instinct
tel le flic le voyou
Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en

Ma mère voulant d'un fils très bonnes manières à table
les mains sur la table
le pain ne se coupe pas
le pain se rompt
le pain ne se gaspille pas le pain de Dieu
le pain de la sueur du front de votre Père
le pain du pain
Un os se mange avec mesure et discrétion
un estomac doit être sociable
et tout estomac sociable se passe de rots
une fourchette n'est pas un cure-dents
défense de se moucher
au su
au vu de tout le monde
et puis tenez-vous droit
un nez bien élevé ne balaye pas l'assiette
Et puis et puis
et puis au nom du Père
du fils
du Saint-Esprit
à la fin de chaque repas
Et puis et puis
et puis désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en

Ma mère voulant d'un fils mémorandum
si votre leçon d'histoire n'est pas sue
vous n'irez pas à la messe dimanche avec
vos effets de dimanche
Cet enfant sera la honte de notre nom
cet enfant sera notre nom de Dieu
Taisez-vous
vous ai-je dit qu'il vous fallait parler français
le français de France
le français du Français
le français français

Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en

Ma mère voulant d'un fils
fils de sa mère
Vous n'avez pas salué voisine
encore vos chaussures de sales
et que je vous y reprenne dans la rue
sur l'herbe ou sur la Savane
à l'ombre du monument aux morts
à jouer
à vous ébattre avec untel
avec untel qui n'a pas reçu le baptême

Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en

 

Ma mère voulant d'un fils très do
très ré
très mi
très fa

 

très sol
très si
très do
ré-mi-fa
sol-la-si
do
Il m'est revenu que vous n'étiez encore pas
à votre leçon de violon
un banjo
vous dites un banjo
comment dites-vous
un banjo vous dites bien un banjo
Non monsieur
vous saurez qu'on ne souffre chez nous
ni ban
ni jo
ni gui
ni tare
les
mulâtres ne font pas ça

laissez donc ça aux nègres. »
                                   
Léon-Gontran Damas, Pigments, Guy Lévi-Mano, 1937, Réédition Présence africaine, 1962.

Léon-Gontran Damas, né à Cayenne (Guyane) en 1912, mort à Washington en 1978, est un écrivain, poète et homme politique français.
Issu d’un père guyanais et d’une mère martiniquaise, le jeune Léon-Gontran appartient à une famille créole aisée.
Cependant il s’engagea pleinement aux côtés de Léopold Sedar Senghor et Aimé Césaire dans la création, l’animation et l’émergence du Mouvement de la Négritude, dont il fut un des chantres reconnus pour son dynamisme et sa création littéraire, tout particulièrement deux œuvres : Pigments et Retour de Guyane.

 

Sa formation, son éloquence firent de lui un partenaire apprécié de la négritude.
Après de brillantes études secondaires à Cayenne, il poursuit des études universitaires en droit et en langues (russe, japonais, baoulé (une des principales langue de Côte d’Ivoire) à l’École des langues orientales à Paris, où il rencontre de nombreux intellectuels et artistes noirs, tous militants de la reconnaissance des valeurs de la culture noire, incarnée par le négritude.

 

Avec Senghor et Césaire notamment il prend position contre l’assimilation et critique la colonisation.
Cette lutte inspire son œuvre littéraire dont la Revue du Monde noir (1931-1932) puis Veillées noires, contes nègres de Guyane…

 

Ses acticités littéraires bien fournies ne l’empêchent pas de s’engager brièvement en politique. Député de la Guyane de 1948 à 1951.  Il est proche du Parti communiste et à la section française de l’Internationale ouvrière.
Il effectue de nombreux voyages en Afrique « pour faire connaître et promouvoir les cultures africaines, afin de faire émerger un sentiment d’appartenance à une identité africaine. »

Léon-Gontran Damas (1912-1978)

 

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4 octobre 2020 7 04 /10 /octobre /2020 06:46

MÉDITONS

JOHN DONNE
NUL HOMME N’EST UNE ÎLE

John Donne (1572-1631)

John Donne (1572-1631) : poète et prédicateur anglais sous le règne de Jacques 1er.
Élevé dans une famille catholique, il se convertit à l’anglicanisme en 1590.
Sa mère était la fille de l’écrivain et poète John Heywood et d’Elizabeth Rastell, petite-nièce de Sir Thomas More.
Il est considéré comme le chef de file de la poésie métaphysique. Son œuvre est variée : poèmes d’amour, sonnets religieux, épigrammes, élégies, chansons, sermons, traductions du latin.

Nul homme n'est une île…

« Qui ne tend l’oreille à une cloche qui sonne pour n’importe quel événement ?

Mais qui peut l’éloigner de la cloche qui fait passer une part de lui-même hors de ce monde ?

Nul homme n’est une île, complète en elle-même ;

Chaque homme est un morceau du continent, une part de l’ensemble ;

Si un bout de terre est emporté par la mer, l’Europe en est amoindrie,

Comme si un promontoire l’était, comme si le manoir de tes amis ou le tien l’était.

La mort de chaque homme me diminue, car je suis impliqué dans l’humanité.

N’envoie donc jamais demander pour qui la cloche sonne : elle sonne pour toi. »

John Donne, Méditations en temps de crise, « Méditation XVII » (1624), traduction de Franck Lemonde © Rivages, 2002

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27 septembre 2020 7 27 /09 /septembre /2020 07:38

.  ;

UN PEU DE POÉSIE PAR CES TEMPS DIFFICILES

Maurice Carême, né 12 mai 1899 à Wavre et mort le 13 janvier 1978 à Anderlecht,
poète et écrivain belge de langue française

.  ;

PONCTUATION

- Ce n’est pas pour me vanter,
Disait la virgule,

Mais, sans mon jeu de pendule,
Les mots, tels des somnambules,
Ne feraient que se heurter.

- C’est possible, dit le point.
Mais je règne, moi,
Et les grandes majuscules,
Se moquent toutes de toi,
Et de ta queue minuscule.

- Ne soyez pas ridicules,
Dit le point-virgule,
On vous voit moins que la trace
De fourmis sur une glace.
Cessez vos conciliabules,
Ou tous deux, je vous remplace !

                                                                                                                                                          Maurice Carême, Au Clair de la lune.

 

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7 juin 2020 7 07 /06 /juin /2020 07:20

 

JEAN-JACQUES ROUSSEAU : ÉMILE, DE L’ENFANT AU CITOYEN

Les principes d’une éducation conforme à la nature pour le bonheur de l’individu et de la société

J-J Rousseau (1712-1778)

Quoique original et solitaire, J-J. Rousseau fut un des principaux acteurs de la philosophie des Lumières, auprès de Diderot, Voltaire… un de ceux dont les idées ont le plus influencé l’action des révolutionnaires de 1789.
Original, car contrairement au groupe des autres philosophies français, il s’est toujours opposé aux notions de progrès et de civilisation.
Quasiment toute son œuvre découle de cette vision de l’homme, de la société et de l’évolution du monde. Conception originale qui se trouve toute entière dans cette litote :

« Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme. »

Autrement dit, « l’homme naît bon, la société et la civilisation le corrompent » ou encore « l’homme est né libre et partout il est dans les fers ».
Émile sera éduqué selon les principes de Rousseau, l’objectif étant de créer l’« homme naturel ».
Pour cela, il faut protéger l’enfant contre l’influence néfaste de la civilisation.
Pour Rousseau, cette éducation doit se faire à la campagne, à l’abri de tout contact avec la société, en laissant à l’enfant la liberté, qui doit se former par sa propre expérience.
Contrairement à la méthode prônée par les autres philosophes du 18e siècle qui recommandent une formation scientifique de qualité, Rousseau s’attache à la formation morale, aux qualités de cœur, à l’honnêteté, à la vertu…
Enfin, bien qu’Émile soit élevé à la campagne, le but de son éducation, c'est d’en faire un bon père de famille sociable, honnête, un citoyen modèle.

[NB : Quelques parents, qui appliquèrent à la lettre les principes d’éducation préconisés par Rousseau, furent déçus des résultats.]

« Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix. » (J-J. Rousseau)

« Laissez mûrir l’enfance dans les enfants »

"Quand je me figure un enfant de dix à douze ans, sain, vigoureux, bien formé pour son âge, il ne me fait pas naître une idée qui ne soit agréable, soit pour le présent, soit pour l'avenir : je le vois bouillant, vif, animé, sans souci rongeant, sans longue et pénible prévoyance, tout entier à son être actuel, et jouissant d'une plénitude de vie qui semble vouloir s'étendre hors de lui. Je le prévois dans un autre âge, exerçant le sens, l'esprit, les forces qui se développent en lui de jour en jour, et dont il donne à chaque instant de nouveaux indices ; je le contemple enfant, et il me plaît ; je l'imagine homme, et il me plaît davantage ; son sang ardent semble réchauffer le mien ; je crois vivre de sa vie, et sa vivacité me rajeunit."

 « Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd, pour ainsi dire tout ce qu’il possède. » (J-J. Rousseau)

"L'heure sonne, quel changement ! À l'instant son œil se ternit, sa gaieté s'efface ; adieu la joie, adieu les folâtres jeux. Un homme sévère et fâché le prend par la main, lui dit gravement ; « Allons, Monsieur », et l'emmène. Dans la chambre où ils entrent j'entrevois des livres. Des livres ! Quel triste ameublement pour son âge ! Le pauvre enfant se laisse entraîner, tourne un œil de regret sur tout ce qui l'environne, se tait, et part, les yeux gonflés de pleurs qu'il n'ose répandre, et le cœur gros de soupirs qu'il n'ose exhaler.

Ô toi qui n'as rien de pareil à craindre, toi pour qui nul temps de la vie n'est un temps de gêne et d'ennui ; toi qui vois venir le jour sans inquiétude, la nuit sans impatience, et ne comptes les heures que par tes plaisirs, viens, mon heureux, mon aimable élève, nous consoler par ta présence du départ de cet infortuné ; viens... Il arrive, et je sens à son approche un mouvement de joie que je lui vois partager. C'est son ami, son camarade, c'est le compagnon de ses jeux qu'il aborde ; il est bien sûr, en me voyant, qu'il ne restera pas longtemps sans amusement ; nous ne dépendons jamais l'un de l'autre, mais nous nous accordons toujours, et nous ne sommes avec personne aussi bien qu'ensemble.

Sa figure, son port, sa contenance, annoncent l'assurance et le contentement ; la santé brille sur son visage ; ses pas affermis lui donnent un air de vigueur ; son teint, délicat encore sans être fade, n'a rien d'une mollesse efféminée ; l'air et le soleil y ont déjà mis l'empreinte honorable de son sexe ; ses muscles, encore arrondis, commencent à marquer quelques traits d'une physionomie naissante ; ses yeux, que le feu du sentiment n'anime point encore, ont au moins toute leur sérénité native, de longs chagrins ne les ont point obscurcis, des pleurs sans fin n'ont point sillonné ses joues. Voyez dans ses mouvements prompts, mais sûrs, la vivacité de son âge, la fermeté de l'indépendance, l'expérience des exercices multipliés. Il a l'air ouvert et libre, mais non pas insolent ni vain : son visage, qu'on n'a pas collé sur des livres, ne tombe point sur son estomac ; on n'a pas besoin de lui dire : « Levez la tête » ; la honte ni la crainte ne la lui firent jamais baisser.

Faisons-lui place au milieu de l'assemblée : Messieurs, examinez-le, interrogez-le en toute confiance ; ne craignez ni ses importunités, ni son babil, ni ses questions indiscrètes. N'ayez pas peur qu'il s'empare de vous, qu’il prétende vous occuper de lui seul, et que vous ne puissiez plus vous en défaire."

« Il n’y a pas de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat. »  (J-J. Rousseau)

« N’attendez de l’enfant que la vérité naïve et simple, sans ornement, sans apprêt, sans vanité. Il vous dira le mal qu’il a fait ou celui qu’il pense, tout aussi librement que le bien. »

"N’attendez pas non plus de lui des propos agréables, ni qu’il vous dise ce que je lui aurai dicté ; n’en attendez que la vérité naïve et simple, sans ornement, sans apprêt, sans vanité. Il vous dira le mal qu’il a fait ou celui qu’il pense, tout aussi librement que le bien, sans s'embarrasser en aucune sorte de l'effet que fera sur vous ce qu'il aura dit : il usera de la parole dans toute la simplicité de sa première institution [...].
Il ne sait ce que c'est que routine, usage, habitude ; ce qu'il fit hier n'influe point sur ce qu'il fait aujourd'hui : il ne suit jamais de formule, ne cède point à l'autorité ni à l'exemple, et n'agit ni ne parle que comme il lui convient. Ainsi n'attendez pas de lui des discours dictés ni des manières étudiées, mais toujours l'expression fidèle de ses idées et la conduite qui naît de ses penchants."

« Toute méchanceté vient de la faiblesse ; l’enfant n’est méchant que parce qu’il est faible. » (J-J. Rousseau)

"Vous lui trouvez un petit nombre de notions morales qui se rapportent à son état actuel, aucune sur l'état relatif des hommes : et de quoi lui serviraient-elles, puisqu'un enfant n'est pas encore un membre actif de la société ? Parlez-lui de liberté, de propriété, de convention même ; il peut en savoir jusque-là, il sait pourquoi ce qui est à lui est à lui, et pourquoi ce qui n'est pas à lui n'est pas à lui : passé cela, il ne sait plus rien. Parlez-lui de devoir, d'obéissance, il ne sait ce que vous voulez dire ; commandez-lui quelque chose, il ne vous entendra pas ; mais dites-lui : « Si vous me faisiez tel plaisir, je vous le rendrais dans l’occasion » ; à l'instant il s'empressera de vous complaire, car il ne demande pas mieux que d'étendre son domaine, et d'acquérir sur vous des droits qu'il sait être inviolables. Peut-être même n'est-il pas fâché de tenir une place, de faire nombre, d'être compté pour quelque chose ; mais s'il a ce dernier motif, le voilà déjà sorti de la nature, et vous n'avez pas bien bouché d'avance toutes les portes de la vanité [...].

Il est parvenu à la maturité de l'enfance, il a vécu de la vie d'un enfant, il n'a point acheté sa perfection aux dépens de son bonheur; au contraire, ils ont concouru l'un à l'autre. En acquérant toute la raison de son âge, il a été heureux et libre autant que sa constitution lui permettait de l'être. Si la fatale faux vient moissonner en lui la fleur de nos espérances, nous n'aurons point à pleurer à la fois sa vie et sa mort, nous n'aigrirons point nos douleurs du souvenir de celles que nous lui aurons causées ; nous nous dirons : Au moins il a joui de son enfance ; nous ne lui avons rien fait perdre de ce que la nature lui avait donné. " (Rousseau, Émile ou De l’éducation)

« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir. »  (J-J. Rousseau)

 

Paul SCHUSS, Plaisir d'un soir d'été

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29 mars 2020 7 29 /03 /mars /2020 07:40

QU’EST-CE QUE L’ART POUR ÉTIENNE SOURIAU ?

Quand un philosophe, féru d’art et d’esthétique, présente l’objet de sa passion

Étienne Souriau (1892-1979)

Étienne Souriau, philosophe français, professeur spécialiste de l’esthétique des Arts. Après sa sortie de l’École Normale Supérieure, il enseigne la philosophie au lycée. Après la soutenance de sa thèse de Doctorat en 1925, il est nommé à l’Université d’Aix-en-Provence, puis à Lyon, enfin à la Sorbonne.
Le professeur Souriau écrit parallèlement et produit une œuvre abondante, d’une grande richesse sur l’art et l’esthétique de l’art.
Quelques écrits parmi cette œuvre sont le reflet de la passion de leur auteur : philosophie et esthétique de l’art :

  • L’Abstraction sentimentale
  • Pensée vivante et perfection formelle
  • L’avenir de l’esthétique
  • Avoir une âme
  • L’instauration philosophique
  • Les Différents modes d’existence
  • La correspondance des Arts
  • Les Deux Cent mille Situations dramatiques

Directeur de la Revue nationale d’Esthétique, il fut un des créateurs de la filmologie française.
Élu à l’Académie des Sciences Morales et Politiques en 1958, il eut parmi son jury un certain général Charles de Gaulle.

« L’art est le plus beau des messages ». (Claude Debussy)

Définition et fonctions de l’Art

« Il est un certain travail, parfaitement distinct de tous les autres travaux auxquels s'adonne l'humanité agissante. Ce travail est essentiellement caractérisé par de fait, qu'il est entièrement mû — suscité, contrôlé, finalisé — par la vision soit imaginative soit perceptive de la chose déterminée qui doit sortir de ce travail. C'est là une attitude mentale toute spécifique de la création artistique. Elle est dominante et impérieuse dans l'âme des plus grands artistes durant qu'ils œuvrent.

Cette même attitude, on la retrouve dans la genèse plus humble, plus manouvrière, d'une poterie, d'une dinanderie, d'une orfèvrerie ; dans celle plus vaste dans l'espace, mais non guère différente en essence, d'un monument architectural. Enfin elle apparaît encore, bien que plus mentale et ordonnatrice qu'efficiente et concrète, dans les combinaisons du chef de fabrication, lorsqu'il songe à déterminer l'aspect de l'objet fabriqué que son usine répandra largement sur le marché. Quoiqu'elle en soit bien loin alors, elle est encore essentiellement analogue à celle du primitif qui confectionne péniblement des "magies" au fond d'une caverne. Partout où on la trouve, on reconnaît une grande parenté affective et pratique entre toutes les activités qu'elle dirige. Là où elle est absente, disparaît toute consanguinité avec l'art, toute possibilité d'assimilation avec l'activité des grands artistes. Et les travaux où elle est absente forment des essences sociales très nettes, parfaitement définissables, constituant effectivement ces grandes spécialisations de l'action humaine qu'on a coutume d'opposer à l'art.
C'en est assez pour que nous soyons en droit de prendre comme spécifique de l'art ce caractère de tendre essentiellement à créer des choses. »
(Étienne Souriau, L'avenir de l'Esthétique).
 

« L’art, c’est le reflet que renvoie l’âme humaine éblouie de la splendeur du beau. » (Victor Hugo)

« Un de mes amis est au piano. J'attends. Voici les trois premières mesures de la Pathétique. Bien que la porte ne se soit pas ouverte, quelqu'un est entré. Nous sommes trois ici : mon ami, moi et la Pathétique.

Ainsi, caractérisant par ce trait l'art, nous pourrions dire, d'une sorte empirique sans doute et presque terre à terre en apparence, en réalité suffisante et approfondissable : les arts, ce sont, parmi les activités humaines, celles qui sont expressément et intentionnellement fabricatrices de choses, ou plus généralement d'êtres singuliers, dont l'existence est leur fin. Le potier rustique veut l’existence d'une douzaine de pots vulgaires ;le céramiste grec, celle de l'amphore de Canosa ; Dante, celle de la Divine Comédie, et Wagner, celle de la Tétralogie. Leur labeur s'explique et s'expose entièrement par ces mots.

On présente souvent les choses autrement. On croit indispensable de faire intervenir, dans la définition de l'art, l'idée du beau. Mais c'est troubler le fait capital, par l'adjonction d'une circonstance subsidiaire, d'ailleurs équivoque et vague.

Le mot d' "art", dit le Vocabulaire technique et critique de la philosophie, désigne (au sens où il s'oppose à la technique) "toute production de la beauté par les œuvres d'un être conscient". Soit. C'est se référer à des idées courantes. Elles n'en sont pas moins désastreuses. N'insistons pas sur cette idée de conscience, destinée à éliminer l'œuvre de nature. (Et pourquoi préjuger que la nature ne peut être, en aucune façon, artiste ? D'autre part, ne signale-t-on pas souvent quelque chose d'inconscient dans l'opération du génie ? Faut-il mettre à part le génie dans l'homme qui fait œuvre d'art ?) C'est surtout la définition de l'art par une finalité vers le beau que nous trouvons téméraire, bien que presque universelle. »

« L’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme ». (André Malraux)

« Qu'a voulu l'auteur de la 25° Mazurkas ? A-t-il voulu le beau en général, cette qualité générique et vague, commune à mille êtres, à mille œuvres ? A-t-il voulu, plus spécialement, le beau en tant qu'il s'oppose au sublime, au joli, au tragique, au gracieux, au poétique ? Non-sens. N'a-t-il pas voulu, expressément et exactement, le charme unique et singulier propre à la 25e Mazurka ? N'a-t-ii pas voulu ces grâces, ces morbidesses, ces séductions, ces émouvances ou, si l'on veut, ces énervances qui font d'elle un être à part (malgré l'air de famille) non seulement parmi tous les êtres musicaux, non seulement dans l'œuvre de Chopin, mais parmi les 51 mazurkas ?

Or cette puissance particulière d'émouvoir est moins la raison d'être que le plus vif des témoignages d'existence de cet être unique, placé là devant nous et, par cette présence, si capable d'engendrer émoi ou amour, attesté plus réel que bien d'autres créatures vagues de ce monde de fantômes nommé plus spécialement le réel... » (Étienne Souriau, La Correspondance des arts, 1947)).

 

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22 mars 2020 7 22 /03 /mars /2020 10:05

 

COMMENT DÉFINIR L’ART ?
POUR BAUDELAIRE, L’ART EST L’ASPIRATION À UNE BEAUTÉ SUPÉRIEURE

 

Charles Baudelaire (1821-1867)

Charles Baudelaire, écrivain, poète français, est né d’un sexagénaire disciple des philosophes du 18e siècle.
Sa mère, veuve en 1827, se remarie l’année suivante avec le colonel Aupick (futur général et ambassadeur sous l’empire créé par Napoléon III, neveu de Napoléon Ier).
Révolté par ce mariage, le jeune Charles ne s’entend pas avec son beau-père. Il est mis en pension à Lyon (alors qu’il est parisien de naissance). Il en éprouve de « 
lourdes mélancolies », un « sentiment de destinée éternellement solitaire ».
Ce qui ne l’empêche guère de compter parmi les écrivains les plus féconds, les plus célèbres du 19e siècle, et de la littérature française.
Il commence sa carrière par la critique d’art, fonction dans laquelle il excelle également en nous gratifiant de beaux textes aux thèmes variés, avant des œuvres majeures comme
Les Fleurs du Mal, le Spleen de Paris, les Paradis artificiels

Pour Baudelaire l’art et la poésie se rencontrent dans leur principe et leur nature.
Peut-on les enseigner ?

L'hérésie de l'Enseignement

« Une foule de gens se figurent que le but de la poésie est un enseignement quelconque, qu'elle doit tantôt fortifier la conscience, tantôt perfectionner les mœurs, tantôt enfin démontrer quoi que ce soit d'utile...

La poésie, pour peu qu'on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d’enthousiasme, n'a pas d'autre but qu'Elle-même ; elle ne peut pas en avoir d'autre, et aucun poème ne sera si grand, si noble, si véritablement digne du nom de poème, que celui qui aura été écrit uniquement pour le plaisir d’écrire un poème.

Je ne veux pas dire que la poésie n'ennoblisse pas les mœurs, — qu'on me comprenne bien, — que son résultat final ne soit pas d'élever l'homme au-dessus du niveau des intérêts vulgaires ; ce serait évidemment une absurdité. Je dis que, si le poète a poursuivi un but moral, il a diminué sa force poétique ; et il n'est pas imprudent de parier que son œuvre sera mauvaise. La poésie ne peut pas, sous peine de mort ou de défaillance, s'assimiler à la science ou à la morale ; elle n'a pas la Vérité pour objet, elle n'a qu'Elle-même. »  (Baudelaire, L'art Romantique XVII – 3).

« L’art et la parole sont les deux organes du progrès. L’un fait communier les cœurs, et l’autre les pensées. » (Romain Rolland)

L'art : aspiration à une Beauté supérieure

« C'est cet admirable, cet immortel instinct du beau qui nous fait considérer la terre et ses spectacles comme un aperçu, comme une correspondance du Ciel. La soif insatiable de tout ce qui est au-delà, et que révèle la vie, est la preuve la plus vivante de notre immortalité. C’est à la fois par la poésie et à travers la poésie, par et à travers la musique, que l'âme entrevoit les splendeurs situées derrière le tombeau ; et, quand un poème exquis amène les larmes au bord des yeux, ces larmes ne sont pas la preuve d'un excès de jouissance, elles sont bien plutôt le témoignage d'une mélancolie irritée, d'une postulation des nerfs, d'une nature exilée dans l'imparfait et qui voudrait s'emparer immédiatement, sur cette terre même, d'un paradis révélé.

Ainsi, le principe de la poésie est strictement et simplement l'aspiration humaine vers une Beauté supérieure, et la manifestation de ce principe est dans un enthousiasme, une excitation de l'âme, — enthousiasme tout à fait indépendant de la passion qui est l'ivresse du cœur, et de la vérité qui est la pâture de la raison. » (Baudelaire, L'art Romantique XVII – 3).

« L’art est l’expression la plus noble du génie humain. » (Jean-Marc Bernard)

 

Correspondances

La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

L'homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l'observent avec des regards familiers.

 

Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

 

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,

Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,

— Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

 

Ayant l'expansion des choses infinies,

Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
(Baudelaire, Les Fleurs du Mal)

« L’art est une "arme" de distinction face à la barbarie. » (Philippe Geluck)

La Modernité : le fantastique réel de la vie

« Beau est toujours, inévitablement, d'une composition double, bien que l'Impression qu'il produit soit une ; car la difficulté de discerner les éléments variables du beau dans l'unité de l'impression n'infirme en rien la nécessité de la variété dans sa composition. Le beau est fait d'un élément éternel, invariable, dont la quantité est excessivement difficile à déterminer, et d'un élément relatif circonstanciel, qui sera, si l’on veut, tour à tour ou tout ensemble, l'époque, la mode, la morale, la passion. Sans ce second élément, qui est comme l'enveloppe amusante, titillante, apéritive, du divin gâteau, le premier élément serait indigestible, inappréciable, non adapté et non approprié à la nature humaine. Je défie qu'on découvre un échantillon quelconque de beauté qui ne contienne pas ces deux éléments. (...)

La Modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable, il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien. (...) pour que toute modernité soit digne de devenir antiquité, il faut que la beauté mystérieuse que la vie humaine y met involontairement en ait été extraite… » (Baudelaire, Curiosités Esthétiques Le Peintre de la vie moderne XIII)

« L’amour et l’art touchent les sens de tout être. Ils affectent notre conscience dans le provisoire comme dans l’éternel. » (Alain)

Voir aussi les articles du blog : « L’Art et la nature selon Baudelaire 1-2-3 ».

 

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15 décembre 2019 7 15 /12 /décembre /2019 08:47

ARTS, CULTURES ET CIVILISATIONS
L’ART, UNE LANGUE UNIVERSELLE, ICI ET AILLEURS

L’oralité dans nos cultures

Vincent Monteil

 

« Tout petit, j'écoutais le conte Khassonké de "Samba le lâche", que le courage de sa jeune femme oblige à surmonter sa peur. Je n'ai donc jamais pensé à mettre en doute l'existence et la valeur de la littérature orale africaine.

Et j'en doute moins que jamais, maintenant que je vis en Afrique noire, que je vais de Dakar à Lagos, ou d'Abidjan à Niamey. Partout, la pulsation sourde des tam-tams me transmet le rythme de la parole et du chant. Partout, la bouche d'ombre crée le verbe, aussi sûrement que la main sculpte le bois. Pourquoi si justement admirer l'art nègre, et négliger en même temps la voix qui sourd d'un masque d'ébène ? Pourquoi ce préjugé tenace, qui nous fait tenir pour bâtarde l'oralité ? N'y aurait-il de lettres qu'écrites ? Littéralement, bien sûr : mais pourquoi monter la garde au pied de la lettre ? Comme si tout le monde n'avait pas commencé par dire, par raconter, avant d'écrire ! Comme si notre constante — et trop souvent exclusive — référence classique, les anciens Grecs eux-mêmes, n'était pas passée par là ! Avant le IVe siècle de notre ère, les œuvres immortelles, l'"Iliade" et l'"Odyssée", ont circulé d'abord de bouche à oreille, et Homère n'était-il pas, à sa manière, comme une espèce de griot ?...

La littérature orale africaine, est vivante, parce qu'elle est orale et parce qu'elle est populaire. Elle est l'instrument et l'expression d'une culture, c'est-à-dire d'un humanisme, d'une mesure de l'homme. Elle nous apporte, à nous, hommes d'Europe, une source de vie, de fraîcheur et de rythme, d'intuition, d'accord de la terre et des hommes, une sagesse immémoriale et authentique. On parle toujours de ce que "la civilisation chrétienne occidentale" a pu donner, à l'Afrique, de techniques, de savoir et de pouvoir. Mais on oublie trop souvent que le courant n'est pas à sens unique : il y a échange perpétuel, entre le donner et le recevoir.

Il est temps, il est grand temps, de récolter, d'enregistrer, de fixer par l'écriture, de publier et de traduire les trésors de la littérature orale africaine. Il est temps que l'enseignement s'en empare,... »

Vincent Monteil, Soldat de fortune, Ed. Grasset.

Charles Vildrac

 

...sa beauté tendue au monde

La victoire vraie d'une race

Est dans sa beauté tendue au monde ;

Est dans le vouloir, la façon qu'elle a

D'aimer et d'élever sa vie ;

Dans le génie des artisans,

La patience des paysans,

L'enseignement des sages ;

Et dans l'art qui contient le sol et le ciel.

Charles Vildrac, Chants du Désespéré, Ed. Gallimard..

Dia Tidiane

 

Africain, écoute ta musique

Africain, mon frère, écoute ta musique.

Elle est la voix de tes dieux, celle de tes ancêtres, quand le soir au cours de nos veillées nos griots, après un moment de profond recueillement, jouent sur leur guitare l'air d'un Tara. Toute la brousse, en ce moment-là, frémit et se tait ; les arbres séculaires se souviennent du temps où encore des divinités innombrables veillaient sur la jeune et pure Afrique.

Africain, mon frère, écoute ta musique.

Dia Tidiane (Revue Europe)

 

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