Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

7 juin 2020 7 07 /06 /juin /2020 07:20

 

JEAN-JACQUES ROUSSEAU : ÉMILE, DE L’ENFANT AU CITOYEN

Les principes d’une éducation conforme à la nature pour le bonheur de l’individu et de la société

J-J Rousseau (1712-1778)

Quoique original et solitaire, J-J. Rousseau fut un des principaux acteurs de la philosophie des Lumières, auprès de Diderot, Voltaire… un de ceux dont les idées ont le plus influencé l’action des révolutionnaires de 1789.
Original, car contrairement au groupe des autres philosophies français, il s’est toujours opposé aux notions de progrès et de civilisation.
Quasiment toute son œuvre découle de cette vision de l’homme, de la société et de l’évolution du monde. Conception originale qui se trouve toute entière dans cette litote :

« Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme. »

Autrement dit, « l’homme naît bon, la société et la civilisation le corrompent » ou encore « l’homme est né libre et partout il est dans les fers ».
Émile sera éduqué selon les principes de Rousseau, l’objectif étant de créer l’« homme naturel ».
Pour cela, il faut protéger l’enfant contre l’influence néfaste de la civilisation.
Pour Rousseau, cette éducation doit se faire à la campagne, à l’abri de tout contact avec la société, en laissant à l’enfant la liberté, qui doit se former par sa propre expérience.
Contrairement à la méthode prônée par les autres philosophes du 18e siècle qui recommandent une formation scientifique de qualité, Rousseau s’attache à la formation morale, aux qualités de cœur, à l’honnêteté, à la vertu…
Enfin, bien qu’Émile soit élevé à la campagne, le but de son éducation, c'est d’en faire un bon père de famille sociable, honnête, un citoyen modèle.

[NB : Quelques parents, qui appliquèrent à la lettre les principes d’éducation préconisés par Rousseau, furent déçus des résultats.]

« Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix. » (J-J. Rousseau)

« Laissez mûrir l’enfance dans les enfants »

"Quand je me figure un enfant de dix à douze ans, sain, vigoureux, bien formé pour son âge, il ne me fait pas naître une idée qui ne soit agréable, soit pour le présent, soit pour l'avenir : je le vois bouillant, vif, animé, sans souci rongeant, sans longue et pénible prévoyance, tout entier à son être actuel, et jouissant d'une plénitude de vie qui semble vouloir s'étendre hors de lui. Je le prévois dans un autre âge, exerçant le sens, l'esprit, les forces qui se développent en lui de jour en jour, et dont il donne à chaque instant de nouveaux indices ; je le contemple enfant, et il me plaît ; je l'imagine homme, et il me plaît davantage ; son sang ardent semble réchauffer le mien ; je crois vivre de sa vie, et sa vivacité me rajeunit."

 « Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd, pour ainsi dire tout ce qu’il possède. » (J-J. Rousseau)

"L'heure sonne, quel changement ! À l'instant son œil se ternit, sa gaieté s'efface ; adieu la joie, adieu les folâtres jeux. Un homme sévère et fâché le prend par la main, lui dit gravement ; « Allons, Monsieur », et l'emmène. Dans la chambre où ils entrent j'entrevois des livres. Des livres ! Quel triste ameublement pour son âge ! Le pauvre enfant se laisse entraîner, tourne un œil de regret sur tout ce qui l'environne, se tait, et part, les yeux gonflés de pleurs qu'il n'ose répandre, et le cœur gros de soupirs qu'il n'ose exhaler.

Ô toi qui n'as rien de pareil à craindre, toi pour qui nul temps de la vie n'est un temps de gêne et d'ennui ; toi qui vois venir le jour sans inquiétude, la nuit sans impatience, et ne comptes les heures que par tes plaisirs, viens, mon heureux, mon aimable élève, nous consoler par ta présence du départ de cet infortuné ; viens... Il arrive, et je sens à son approche un mouvement de joie que je lui vois partager. C'est son ami, son camarade, c'est le compagnon de ses jeux qu'il aborde ; il est bien sûr, en me voyant, qu'il ne restera pas longtemps sans amusement ; nous ne dépendons jamais l'un de l'autre, mais nous nous accordons toujours, et nous ne sommes avec personne aussi bien qu'ensemble.

Sa figure, son port, sa contenance, annoncent l'assurance et le contentement ; la santé brille sur son visage ; ses pas affermis lui donnent un air de vigueur ; son teint, délicat encore sans être fade, n'a rien d'une mollesse efféminée ; l'air et le soleil y ont déjà mis l'empreinte honorable de son sexe ; ses muscles, encore arrondis, commencent à marquer quelques traits d'une physionomie naissante ; ses yeux, que le feu du sentiment n'anime point encore, ont au moins toute leur sérénité native, de longs chagrins ne les ont point obscurcis, des pleurs sans fin n'ont point sillonné ses joues. Voyez dans ses mouvements prompts, mais sûrs, la vivacité de son âge, la fermeté de l'indépendance, l'expérience des exercices multipliés. Il a l'air ouvert et libre, mais non pas insolent ni vain : son visage, qu'on n'a pas collé sur des livres, ne tombe point sur son estomac ; on n'a pas besoin de lui dire : « Levez la tête » ; la honte ni la crainte ne la lui firent jamais baisser.

Faisons-lui place au milieu de l'assemblée : Messieurs, examinez-le, interrogez-le en toute confiance ; ne craignez ni ses importunités, ni son babil, ni ses questions indiscrètes. N'ayez pas peur qu'il s'empare de vous, qu’il prétende vous occuper de lui seul, et que vous ne puissiez plus vous en défaire."

« Il n’y a pas de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat. »  (J-J. Rousseau)

« N’attendez de l’enfant que la vérité naïve et simple, sans ornement, sans apprêt, sans vanité. Il vous dira le mal qu’il a fait ou celui qu’il pense, tout aussi librement que le bien. »

"N’attendez pas non plus de lui des propos agréables, ni qu’il vous dise ce que je lui aurai dicté ; n’en attendez que la vérité naïve et simple, sans ornement, sans apprêt, sans vanité. Il vous dira le mal qu’il a fait ou celui qu’il pense, tout aussi librement que le bien, sans s'embarrasser en aucune sorte de l'effet que fera sur vous ce qu'il aura dit : il usera de la parole dans toute la simplicité de sa première institution [...].
Il ne sait ce que c'est que routine, usage, habitude ; ce qu'il fit hier n'influe point sur ce qu'il fait aujourd'hui : il ne suit jamais de formule, ne cède point à l'autorité ni à l'exemple, et n'agit ni ne parle que comme il lui convient. Ainsi n'attendez pas de lui des discours dictés ni des manières étudiées, mais toujours l'expression fidèle de ses idées et la conduite qui naît de ses penchants."

« Toute méchanceté vient de la faiblesse ; l’enfant n’est méchant que parce qu’il est faible. » (J-J. Rousseau)

"Vous lui trouvez un petit nombre de notions morales qui se rapportent à son état actuel, aucune sur l'état relatif des hommes : et de quoi lui serviraient-elles, puisqu'un enfant n'est pas encore un membre actif de la société ? Parlez-lui de liberté, de propriété, de convention même ; il peut en savoir jusque-là, il sait pourquoi ce qui est à lui est à lui, et pourquoi ce qui n'est pas à lui n'est pas à lui : passé cela, il ne sait plus rien. Parlez-lui de devoir, d'obéissance, il ne sait ce que vous voulez dire ; commandez-lui quelque chose, il ne vous entendra pas ; mais dites-lui : « Si vous me faisiez tel plaisir, je vous le rendrais dans l’occasion » ; à l'instant il s'empressera de vous complaire, car il ne demande pas mieux que d'étendre son domaine, et d'acquérir sur vous des droits qu'il sait être inviolables. Peut-être même n'est-il pas fâché de tenir une place, de faire nombre, d'être compté pour quelque chose ; mais s'il a ce dernier motif, le voilà déjà sorti de la nature, et vous n'avez pas bien bouché d'avance toutes les portes de la vanité [...].

Il est parvenu à la maturité de l'enfance, il a vécu de la vie d'un enfant, il n'a point acheté sa perfection aux dépens de son bonheur; au contraire, ils ont concouru l'un à l'autre. En acquérant toute la raison de son âge, il a été heureux et libre autant que sa constitution lui permettait de l'être. Si la fatale faux vient moissonner en lui la fleur de nos espérances, nous n'aurons point à pleurer à la fois sa vie et sa mort, nous n'aigrirons point nos douleurs du souvenir de celles que nous lui aurons causées ; nous nous dirons : Au moins il a joui de son enfance ; nous ne lui avons rien fait perdre de ce que la nature lui avait donné. " (Rousseau, Émile ou De l’éducation)

« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir. »  (J-J. Rousseau)

 

Paul SCHUSS, Plaisir d'un soir d'été

Partager cet article
Repost0

commentaires