SOUVENIR D’ÉCOLE D’UNE ENFANT PENDANT LA GUERRE
Ce poème est tiré de la revue « D’une rive à l’autre » ; revue de l’Association « Poésie et Nouvelles en Normandie ».
Revue n° 68.
Le thème de cette revue : « Souvenirs d’École ».
« Chez Louise
C'était un matin un peu gris
Ma mère jeta dehors un œil surpris
Et puis elle est rentrée très vite
J'ai demandé sans doute : « c'est qui ? »
« il y a les allemands »
Ils étaient là le long de la route
Rangés sur le bas coté
Les camions bâchés ; les jeeps vert de gris
A perte de vue
Ils étaient arrivés pendant la nuit
On avait rien entendu.
Les Allemands occupèrent les écoles
Privée et publique
Qui généralement se faisaient la nique
Aux murs des portraits d'Hitler, leur idole.
Pour nous c'était comme des vacances
Nos classes s'étaient transportées
Dans les arrières salles de cafés
Nous avions bien de la chance
Dans le bourg il y avait une quantité
-douze ou treize bistrots -chacun sa spécialité.
Dans le « café charcuterie » de Louise
Aux bretelles de tablier croisées dans le dos.
Le matin il arrivait qu'on puise
Nos forces dans les fumets de pâté
Ou de saucisse en traversant la salle saupoudrée
De sciure de bois fraîche
Ce qu'enseignait madame Garlantézec
Ne paraissait pas trop revêche
Malgré sa main leste
Elle était un peu pète sec.
Nous savions bien que c'était la guerre
Nous avions entendu le sinistre tocsin
Et vu les pleurs de nos mères
Quelques mois plus tôt.
Nos pères étaient prisonniers de guerre
Et ne reviendraient pas de si tôt.
On recevait des taloches
La tuberculose sournoise enlevait nos proches
Le cochon criait sous le couteau
Du charcutier qui l'égorgeait.
I1 y avait des jours où nos sabots de bois
Étaient à la fête allez savoir pourquoi !
Je me souviens d'un certain mercredi
Pendant la pause de midi
Nous étions appuyées au muret au bord de la route
Un paquet de fillettes - presque toutes -
Qui chantions des chansons à boire
Les repas de communion ou de mariage
Sont des sources notoires
De ce genre de dévergondage
Ce qui devait arriver arriva
Notre maîtresse sut dans l'heure
Que nous avions fait scandale et brouhaha;
Ce qui était enjeu, son honneur
Et l'honneur de l'école publique
Aux yeux des habitants du village
Les punitions n'étaient pas automatiques.
Dans notre vieille école il y avait bien le nettoyage
Mais chez Louise ! pas possible, Alors ?
Alors nous irions ramasser les doryphores. »
Adrienne GARNIER, in D’une rive à l’autre.
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« PS : tâche très ingrate, munies d'une boite de conserve nous ramassions les doryphores, leurs larves oranges et les feuilles de pommes de terre où étaient collés les œufs dans les grands champs désignés par les paysans, Nous ramenions notre récolte à la mairie qui s'occupait de la détruire. »
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