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26 janvier 2014 7 26 /01 /janvier /2014 09:02

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UNE CULTURE D’ANCIEN RÉGIME (1)


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gif anime puces 025République et dynastie

 

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Les Français ne semblent pas totalement émancipés de l'esprit d'Ancien Régime qui imprègne encore profondément leurs réflexes les plus anodins. La France est ainsi agitée en ses profondeurs de spasmes monarchiques qui entrent parfois en conflit avec une pratique épurée des principes républicains. Un sevrage s'impose afin de dégager la voie vers la plénitude démocratique. Cette imprégnation monarchique se manifeste de différentes manières dont les plus sensibles sont, d'une part l’« intouchabilité » du chef quel qu'il soit, y compris le petit chef d'entreprise par rapport à ses subordonnés : la personne du chef jouissant ainsi du privilège que confèrent le sacre et l'onction divine est, par conséquent, comme telle, intouchable. D'autre part, l'esprit dynastique se transpose dans la vie politique. En France, certains individus sont au-dessus des institutions. C'est l'inverse dans les pays anglo-saxons lesquels ont, de ce fait, une culture plus authentiquement démocratique.

 

 

 

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gif anime puces 025Verrous et obstacles : le confort de l’élection

 

A l'origine des maux actuels de la société française : chômage, exclusion, morosité généralisée, rancœurs rentrées, deux tares essentielles, qui constituent autant de verrous et de goulots d'étranglement, obstacles majeurs à une évolution positive pacifiée vers la modernisation sociale et politique.

 

La première de ces tares réside dans la professionnalisation excessive de la politique qui s'apparente parfois au carriérisme. Ainsi, on entre en politique comme on entre en religion, à vie. On y entre à 20 ans et on n'en sort plus. L'âge et le déclin des capacités physiques et intellectuelles n'y changent rien. On y entre à 20 ans parce que papa y est. Mais on n'y est pleinement heureux que lorsque, comme papa, on cumule des fonctions et des mandats inconciliables par la diversité et la lourdeur des charges qu'ils supposent, comme à la fois le mandat de député au Parlement national et celui de député au Parlement européen, de président de région et de maire, ou à la fois ministre de la République, président de Conseil général ou régional ou ministre et maire d'une grande agglomération et en même temps chef de parti [...] Qu'importe, les titres et le nombre de mandats cumulés comptent plus que la rigueur dans l'action et l'efficacité ; on s'installe insensiblement dans la vénalité des offices.

 

 Le risque majeur de ce système de consanguinité politique, c'est la dégénérescence civique, le crétinisme politique, l'essentiel de l'action étant consacré à la préservation du pré-carré et des avantages qu'il confère, matériels ou d'ordre social, sans souci de compétence ni de sens de l'intérêt public. Élu maire, député, président, on veut demeurer maire, député, président... à vie. Ainsi installé dans la durée et le confort de l'élection, on en oublie qu'on est élu pour servir, non pour être servi ou se servir, aucun système d'évaluation des résultats en cours ou en fin de mandat n'étant prévu. L'esprit de caste et l'hérédité politique se lient ainsi à l'esprit monarchique pour cultiver la routine et la stagnation sociale. Jadis, à Athènes (notre commune initiatrice à la démocratie) au Ve siècle av. J.C., aux citoyens rassemblés sur l'Agora, on posait la question : Qui veut, qui peut donner un avis utile à sa patrie ? Chacun alors pouvait s'engager à briller au service de la cité ou se taire. Ne peut-on revenir à cette sagesse simple et primitive ? Que ne s'engage en politique que celui qui est porteur d'un projet pour la nation, qui veut se mettre au service exclusif des citoyens, sans calculs ni arrière-pensées.

 


gif anime puces 025Le mandarinat

 

La deuxième tare, tout aussi spécifiquement française s'incarne dans le système de formation des Grandes Ecoles. Ce système en soi n'a rien de répréhensible. Il est bon et légitime qu'un pays ait des élites bien formées et compétentes. La République a aussi besoin d'une élite qui accède aux sommets, non par le sang ou la fortune, mais par le mérite. Cependant, le mandarinat qu'il génère n'est pas de nature à favoriser le mouvement général de la société et l'ouverture des horizons. A la sortie de ces écoles de l'élite, une fois le diplôme conquis, à 22 ans, ce bâton de maréchal, après avoir ouvert tous les sésames de l'excellence, permet à son détenteur de s'installer à vie aux postes de commande où il se barricade dans sa tour d'ivoire, dans la suffisance et la domination. Il n'en ouvre la porte désormais que pour accueillir son homologue de promotion (ou ses protégés) qui, comme lui, est sorti du même moule et armé du même bâton de maréchal, à 22 ans, et rivé aux premiers postes de commande de l'Etat, sphinx parmi les sphinx.

  

Cette autre monarchie de droit divin, tout comme la fonction politique ou élective à vie, peut être de nature à engendrer sinon le mépris systématique à l'égard des autres, du moins une distanciation de fait par rapport à la masse de la population. La cohésion sociale peut en souffrir. Ces deux castes, la caste politique et la caste technocratique et intellectuelle règnent sans partage sur l'État au moyen de formules cabalistiques hermétiques au plus grand nombre des citoyens. Comment une société et une nation peuvent-elles avancer avec aisance quand la tête est ainsi coupée du reste du corps ? La conjonction des deux dynasties, celle de la politique et celle des hauts cadres issus des Grandes Ecoles, joue contre la mobilité sociale.

 

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gif anime puces 025La devise ?

 

Et la devise de la République : Liberté, Egalité, Fraternité ? Comment parler aux Français de valeurs républicaines quand on ne leur a pas enseigné la République, la chose de tous ? Comment leur parler de principes républicains quand on n'est pas soi-même l'incarnation de la République ? Comment parler de civisme politique ou social quand il manque la pédagogie de l'exemple ? Si crise il y a actuellement en France, elle est moins économique que politique et civique. Ce serait plutôt celle de la pratique politique. Elle est, par déduction, sociale et morale. Elle procède d'un manque d'horizon et de repères pour la grande masse des citoyens et débouche sur une interrogation sur le sens de la politique et la place des hommes politiques dans la société. Dans l'incapacité de la classe politique à comprendre les Français et à se faire comprendre d'eux, à parler le langage juste et clair, bref, dans son inaptitude à la pédagogie sociale, réside la source de ce mal-être généralisé. C'est toute la politique et la pratique politique qui mériteraient d'être renouvelées en profondeur. Mais comment rénover la politique dans ce pays sans renouveler les hommes ? A quoi bon renouveler les hommes sans rénover les idées ? L'urgence, sans aucun doute, c'est le changement des comportements : politiques et sociaux.

 

(Tidiane Diakité, France que fais-tu de ta République ?, L’Harmattan, 2004) 

 

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commentaires

A
<br /> <br /> <br /> Bravo pour le dernier article, intitulé "Une culture d'Ancien Régime". C'est bien vu<br /> et malheureusement vrai. Encore que sous l'Ancien Régime,   il y avait des risques plus grands pour les responsables: on décapitait ceux qui avaient échoué (voir Lally-Tollendal) ou on<br /> faisait mourir dans les geôles ceux qui avaient déplu (voir Fouquet).  A.R.<br /> <br /> Cordialement.<br /> <br /> <br /> A.R.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
<br /> <br /> Merci pour ce commentaire tout à fait pertinent. Amitiés. TD<br /> <br /> <br /> <br />