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2 juin 2019 7 02 /06 /juin /2019 09:59

SOS RACISME : RAPPORT SUR LA DISCRIMINATION AU LOGEMENT
RÉGION PARISIENNE (1)

Peut-on lutter contre ce phénomène ?
Peut-on l’éradiquer ?
À Quelles conditions ?
Réalité ou utopie ?

« Une étude " Les discriminations dans l’accès au logement à Paris : une expérience contrôlée", menée par la fédération TEPP du CNRS, porte sur les offres à la location privée dans Paris intra-muros, qu’elles soient publiées par des agences immobilières ou directement par les propriétaires sur des sites de mise en relation de particuliers (Le Bon Coin, ParuVendu etc.)
[…]
Les conclusions sont sans appel : un candidat perçu comme étant d’origine maghrébine a en moyenne un tiers de chances en moins de recevoir une réponse à sa demande. Pire encore, lorsque ce même candidat mentionne son statut de fonctionnaire, marquant ainsi une stabilité financière, son taux de réponses reste inférieur à celui d’un candidat perçu comme d’origine « française ancienne », ne précisant rien sur sa situation (15,5% contre 18,7%). A contrario, une personne au patronyme « français ancien » indiquant sa stabilité financière atteint un taux de réponses de 42,9% !Il apparaît dans cette étude que les personnes issues des pays d’Afrique  subsaharienne sont celles qui ont le moins de chances d’obtenir une réponse favorable à leur demande…
[…]
Il est urgent d’éveiller les consciences et que les pouvoirs publics prennent enfin toutes les mesures nécessaires afin de mettre un terme à ces discriminations qui touchent bon nombre de nos citoyens ! »  (https://sos-racisme.org/discrimination-au-logement-un-rapport-edifiant).

Préliminaires : sur la forme
Les racines du « Mal »
     Anthologie multiséculaire de l’ignorance ou du mépris gratuit ?

     Regards croisés de personnalités ou d’auteurs  inspirés par le sujet.

 

Propos de James Baldin, écrivain noir-américain (1924-1987) dans la Revue le  Un, no°170

« La glorification d'une race et le dénigrement corollaire d'une autre ou d'autres a toujours été et sera toujours une recette de meurtre. Ceci est une loi absolue. Si on laisse quelqu'un faire subir un traitement particulièrement défavorable à un groupe quelconque d'individus en raison de leur race ou de la couleur de leur peau, on ne saurait fixer de limites aux mauvais traitements dont ils seront l'objet et puisque la race entière a été condamnée pour des raisons mystérieuses il n'y a aucune raison pour ne pas essayer de la détruire dans son intégralité. »

Le célèbre anthropologue, Claude Lévi-Strauss écrit dans « Race et culture » :

« Parler de contribution des races humaines à la civilisation mondiale pourrait avoir de quoi surprendre, dans une collection de brochures destinées à lutter contre le préjugé raciste. Il serait vain d'avoir consacré tant de talent et tant d'efforts à montrer que rien, dans l'état actuel de la science, ne permet d'affirmer la supériorité ou l'infériorité intellectuelle d'une race par rapport à une autre, si c'était seulement pour restituer subrepticement sa consistance à la notion de race, en paraissant démontrer que les grands groupes ethniques qui composent l'humanité ont apporté, en tant que tels, des contributions spécifiques au patrimoine commun. Mais rien n'est plus éloigné de notre dessein qu'une telle entreprise qui aboutirait seulement à formuler la doctrine raciste à l'envers. Quand on cherche à caractériser les races biologiques par des propriétés psychologiques particulières, on s'écarte autant de la vérité scientifique en les définissant de façon positive que négative. »

Robert Solé (journaliste et écrivain) s’interroge :

« Pourquoi dit-on d'un Noir qu'il est un "homme de couleur" Senghor s'en indignait dans un poème cinglant. À l'homme blanc, il lançait en substance : moi, je suis noir en toutes circonstances, mais, toi, tu deviens rouge au soleil, bleu quand tu as froid, jaune quand tu es malade... Bizarrement, on dit "homme de couleur" alors que, pour la plupart des gens, le noir n'en est pas une. C'est d'ailleurs l'un de ses rares points communs avec... le blanc. Pour le reste, tout les oppose dans la culture occidentale, et la balance est loin d'être égale. Le blanc évoque la propreté, la pureté, l'innocence, la virginité. C'est la couleur des anges du paradis, des robes de mariée et des machines à laver. Le noir, lui, est associé au deuil, aux ténèbres, au démon. L’État islamique n'a pas contribué à le servir en l'adoptant pour son drapeau. Cette couleur reste néanmoins un symbole d'autorité et d'élégance : les hommes politiques en font leur costume officiel, même après l'abandon du chapeau haut de forme. Les stylistes vous diront cependant que noir et blanc "se marient bien". Pour des rayures, rien ne vaut l'alliance de ces deux extrêmes, fièrement exhibée par le zèbre. Des photographes et des cinéastes sont attachés au "noir et blanc", qui leur permet de jouer avec les ombres et la lumière, sachant qu'il comporte mille nuances de gris. Née de leur fusion, cette dernière couleur, métissée, tout en subtilité, se distingue radicalement  de ses deux géniteurs. C’est l'envers du manichéisme, le contraire du tout ou rien.\ Dans Les Cerfs-volanst (1980), Romain Gary s’exclamait. " Le blanc et noir, il y en a marre. Le gris,  il n'y a que ça d'humain." »

Pour André Malraux « les fascistes au fond, croient toujours à la race de celui qui commande ».

D’autres regards, d’autres tableaux du Noir du temps de la colonisation, 19e-20e siècle

« Il suffit de cataloguer les arguments forgés pour les besoins de la cause.
Leroy-Beaulieu fait appel à l’âme même des collectivités humaines qui doivent, sans relâche, élargir leur horizon,
écrit Paul Louis, dans son ouvrage Le colonialisme (1905), où il cite le géographe et théoricien de la colonisation française sous la IIIe République.
Les devoirs de gens policés, vis-à-vis de ceux qui ne le sont pas, ou qui le sont moins, ont été des centaines de fois, invoqués. Les groupements politiques de l’Europe occidentale ou centrale, qui jouissent d’une Constitution, de certaines libertés, d’un semblant d’ordre public, qui ont réussi à assurer la sécurité des routes et purger des forêts des bêtes fauves, ont des obligations strictes et inéluctables à l’égard des tribus d’Océanie ou d’Afrique.
Peuvent-ils permettre que des roitelets fauchent des milliers de vies humaines, que les missionnaires soient exterminés, que les trafiquants (européens) soient attirés dans d’abominables guet-apens ?
La civilisation que nous avons reçue en dépôt des Grecs et des Romains, nous ne saurions la garder immobile, inféconde entre nos mains. […] Nous manquerions à notre tâche la plus sacrée, si nous n’allions pas supprimer sur la côte de Guinée [nom communément employé en France du 16 au 19e siècle pour désigner l’Afrique noire], les massacres traditionnels, ou abolir la traite esclavagiste sur les Grands Lacs africains. 
»

Paul Leroy-Beaulieu (1843-1916)

Paul Louis résume comme suit la pensée et les théories de coloniaux plus « radicaux » :
« 
Pour justifier ce programme on a façonné la théorie d’expansion, de "races supérieures et inférieures".
Le Blanc est l’homme supérieur ; aucun autre type d’être vivant ne pourrait être comparé à lui. De même qu’il a domestiqué le cheval, le chameau et le chien, de même, il mettra en tutelle tous les hommes qui ne sont pas blancs. Une volonté providentielle les a destinés à servir, à peiner pour autrui, à travailler sans être récompensés. »

L’esclavage fut, de tout temps, un sujet de prédilection pour convaincre les populations européennes du bien -fondé de la colonisation ainsi que la domination du continent africain, particulièrement à partir du milieu du 19e siècle.
Ainsi « 
toutes les nations ont voté des lois qui libèrent les esclaves et qui prohibent la traite. Et pourtant, de temps à autre, le scandale éclate ; on apprend brusquement que des trafiquants exercent encore leur profession, au Soudan, à Lagos, au Cameroun… Dans les dernières années, les tribunes de tous les parlements, en Europe, ont retenti d’accusations qu’on rejetait d’abord, avec dédain et qui, en réalité, étaient bien justifiées.
Lorsque l’esclavage ne sévit pas sous son aspect ancien, il revêt une forme nouvelle. La corvée, le travail obligatoire, peu ou pas rétribué, reconstituent une classe de serfs pressurés et abrutis, qui n’ont même pas la sécurité de leurs aînés, parce qu’ils ne représentent pas ostensiblement une valeur marchande.
Le Nègre est libre en principe, aussi libre que le citoyen français ou que l’électeur anglais, en fait il est toujours assujetti…
" (idem)

Certains regards sur les Noirs font preuve de plus d’originalité, telle cette vision des Africains confrontés aux difficultés du sous-développement, vision relevée dans des copies d’élèves de 11 à 13 ans, invités par un questionnaire approprié, à réfléchir aux moyens d’aider les populations du continent, à sortir du sous-développement (année 1992).
Certaines réponses exprimées de bonne foi, ne manquent pas de piquant.

« Il faut leur apprendre à manger. »
« Il faut leur apprendre à lire. »
« Il faut leur apprendre à travailler… »
« Il faut leur apprendre à se laver bien, sinon ils seront malades et comme ils sont pauvres, ils n’ont pas d’argent pour acheter des médicaments ; alors, s’ils sont malades tout le temps et qu’ils n’ont pas d’argent pour acheter des médicaments, ils ne pourront plus travailler pour se développer. 
»


Pour d’autres théoriciens de la colonisation en Afrique, les avis sont encore plus tranchés, explicites.
Ainsi, pour
Friedrich Hegel (1770-1831), philosophe, allemand de l’histoire, l’Afrique n’a pas d’histoire :
« Ce continent n’est pas intéressant du point de vue de sa propre histoire, mais par le fait que nous voyons l’homme dans un état de barbarie et de sauvagerie qui l’empêche encore de faire partie intégrante de la civilisation. L’Afrique, aussi loin que remonte l’histoire, est restée fermée, sans lien avec le reste du monde ; c’est le pays de l’or, replié sur lui-même, le pays de l’enfance qui, au-delà du jour de l’histoire consciente, est enveloppé dans la couleur noire de la nuit »

Friedrich Hegel (1770-1831)

De tous les portraits et rapports concernant les peuples d’Afrique noire, de la fin du 19e siècle au début du 20e, le rapport connu sous le nom de Rapport Challaye, apparaît le plus documenté, le plus minutieux et le plus rigoureux.
Membre de la
Mission Brazza, le professeur agrégé de philosophie, Félicien Challaye (1875-1867) fut chargé par l’État d’étudier les mesures appropriées pour l’enseignement dispensé aux indigènes du Congo (en réalité toute la région d’Afrique centrale sous la domination française).

Le professeur enquêteur jugea d’emblée, dès les premiers contacts avec les populations, d’accorder une place de choix à l’étude de la psychologie de ces indigènes, ce qui l’amena à s’intéresser à tous les aspects de leur quotidien : aux rapports familiaux, à la religion, aux pratiques diverses : relation d’amitié, d’amour, à l’art…
On apprend ainsi le rapport du peuple congolais au temps :

« L’habitude joue un grand rôle dans la vie monotone du noir : il tend à répéter mécaniquement, instinctivement, indistinctement ses actes passés, mais il est peu favorisé au point de vue de la vraie mémoire (la mémoire des images et des idées) : ses souvenirs sont vagues et confus. Il a peine à évoquer les images changeantes des temps écoulés ; il mêle à ce qu’il se rappelle ce qu’il imagine, et se laisse prendre lui-même à ses propres fictions. Il ignore jusqu’à son âge.
Se souvenant mal de ce qui a été, il est incapable de se représenter à l’avance ce qui sera. Ainsi, l’exclusive sensation présente et de tyrannique désir de jouissance immédiate chasse de ces petites âmes le souvenir du passé et l’attente de l’avenir.
On comprend alors que les Noirs du Congo n’aient aucune sentimentalité propre, ni art, ni science, ni véritable religion.

[…]

Cependant, si le Noir manque généralement de bienveillance, il a un assez claire sentiment de justice, accepte facilement une punition qu’il estime méritée. »

 

À la question : les peuples congolais sont-ils en mesure d’être soumis aux mêmes programmes d’enseignement qu’en métropole, le rapporteur précise :

« N’ayant pas d’écriture, ils n’ont même, pour ainsi dire, pas de littérature orale. Pas d’architecture, pas de peinture, pas de dessin.
Les seules manifestations d’ordre esthétique qu’on trouve chez eux, c’est la danse, sorte de mimique érotique, et la musique instrumentale et vocale, primitive et monotone.
La science leur est encore plus étrangère que l’art. Comme les animaux eux-mêmes, ils généralisent instinctivement, sous l’influence des nécessités pratique.
 »

Et Lucien Challaye conclut :

« N’ayant aucune idée de la liaison causale des phénomènes, ils sont incapables de sciences expérimentales, physique, chimie, biologie. N’ayant aucune tradition, dépourvus de toute curiosité désintéressée, ils ne peuvent comprendre le sens ni la beauté de l’histoire. »

Enfin, ultime verdict « cruel » :

« On pourrait à la rigueur leur faire répéter des mots, des phrases, des formules : on n’arrivera pas à les leur faire comprendre […]. La médiocrité de leur intelligence empêchera longtemps de leur transmettre des connaissances générales théoriques et désintéressées. ».

Léopold II, roi  des Belges, veut, lui, "civiliser" les Noirs du Congo par le travail:

" Il est nécessaire - assure-il- avec une race constituée de cannibales,d'utiliser des méthodes propres à secouer leur paresse et à leur apprendre le caractère sacré  du travail".

 

Enfin, pour Richard Nixon, président des États-Unis de 1968 à 1974 : « Les Noirs sont incapables de se gouverner. […]. Connaissez-vous un "pays noir" qui a été bien gouverné ? »

Quant aux Chinois, le président américain précise : « Les Chinois sont le peuple le plus compétent de la planète. »

Cette anthologie d’ignorance ou de mépris, littérature abondante et variée fut pour l’essentiel peu favorable aux Noirs, malgré quelques notables exceptions.

Petites questions indiscrètes

- Pourquoi une telle littérature et de tels propos généralement défavorables aux Noirs ont-ils pu traverser intacts les siècles, sans prendre la moindre ride ?
- Quel autre peuple au monde que les Noirs d’Afrique, a-t-il connu pareil « notoriété » ?
Car comme les Noirs d’Afrique, les Chinois, eux aussi, furent au 19e siècle, objet de mépris, dominés et spoliés par les Européens.
Comment explique-t-on la distance qui sépare aujourd’hui, les chinois et les Africains, notamment au point de vue scientifique, économique, technique… ?

Connaît-on, aujourd’hui un seul historien ou intellectuel africain qui ait tenté une analyse critique, rigoureuse et objective, c’est-à-dire constructive de toute cette anthologie ou littérature produite par des auteurs étrangers au continent ?
Une telle œuvre, d’Africains, à caractère pédagogique, destinée à faire connaître le continent par ses fils, faciliterait certainement la rencontre d’autres peuples. L’immense majorité des observateurs ou auteurs étrangers qui ont écrit sur les Africains ne se sont jamais rendus sur ce continent ; ils ont, de ce fait, porté sur ces peuples un regard autocensuré, source de malentendu, surtout d’erreurs  voulues ou inconscientes.
La minorité de ceux qui se sont rendus en Afrique ont sans doute rencontré des Africains, mais certainement pas l’« âme africaine ». Les générations qui les suivent sont ainsi victimes d’une forme d’« intoxication intellectuelle », toujours de mise de nos jours, qui complique parfois les rapports humains, et faussent ainsi bien des perspectives. Autant d’occasions manquées.
Et je nous épargne le spectacle dégradant, ainsi que les images si marquantes des fameux zoos humains des 19e et début 20e siècles.

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