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9 juin 2019 7 09 /06 /juin /2019 08:11

SOS RACISME : RAPPORT SUR LA DISCRIMINATION AU LOGEMENT
RÉGION PARISIENNE (2)

Comment sortir du trou de l’Histoire ?
Le savoir et la volonté de rédemption

« Une étude " Les discriminations dans l’accès au logement à Paris : une expérience contrôlée", menée par la fédération TEPP du CNRS, porte sur les offres à la location privée dans Paris intra-muros, qu’elles soient publiées par des agences immobilières ou directement par les propriétaires sur des sites de mise en relation de particuliers (Le Bon Coin, ParuVendu etc.)
[…]
Les conclusions sont sans appel : un candidat perçu comme étant d’origine maghrébine a en moyenne un tiers de chances en moins de recevoir une réponse à sa demande. Pire encore, lorsque ce même candidat mentionne son statut de fonctionnaire, marquant ainsi une stabilité financière, son taux de réponses reste inférieur à celui d’un candidat perçu comme d’origine « française ancienne », ne précisant rien sur sa situation (15,5% contre 18,7%). A contrario, une personne au patronyme « français ancien » indiquant sa stabilité financière atteint un taux de réponses de 42,9% !Il apparaît dans cette étude que les personnes issues des pays d’Afrique  subsaharienne sont celles qui ont le moins de chances d’obtenir une réponse favorable à leur demande…
[…]

Il est urgent d’éveiller les consciences et que les pouvoirs publics prennent enfin toutes les mesures nécessaires afin de mettre un terme à ces discriminations qui touchent bon nombre de nos citoyens ! »
 
(https://sos-racisme.org/discrimination-au-logement-un-rapport-edifiant).

Préliminaires : sur la forme
      Préjugés et stéréotypes
      Les causes et les moyens d’en sortir, ou de les sublimer

Tous les peuples, y compris les peuples d’Europe, ont connu des préjugés et stéréotypes fabriqués par d’autres, à leur intention. Ils sont généralement connus, mais même s’ils sont anciens, ils n’ont aucun effet négatif ou dévalorisant, de nos jours, pour ceux qui en sont l’objet.
La France en connait quelques-uns de bien savoureux.
Qui ignore le titre de « 
mangeurs de grenouilles » ?
De même ceux-ci :

« —Tu savais que d’après un sondage, un tiers des Français croit encore que le Soleil tourne autour de la Terre ?
—Ah ? et les deux autres tiers ?
—Ils croient que le Soleil tourne autour de la France… »

« Mais le Français est surtout arrogant. Ce trait de caractère semble être une constante chez le Français d'aujourd'hui. Paul, étudiant à Shanghai, estime que les étrangers trouvent les Français "arrogants, individualistes, négligents". Même son de cloche chez Yves, expatrié en République tchèque : "Pour les Tchèques, la France est un grand pays, mais qui se croit plus grand qu'il n'est." »

« Tu veux faire de l'argent ? C'est très simple. Achète un Français. Mais, attention. Tu l'achètes au prix que tu estimes juste, pas au-delà. Et ensuite, tu le revends au prix qu'il pense valoir. »  (Marie Treps, Oh là là ces Français !)
                                                                                                                                

Il en existe bien d’autres.

Goethe (1749-1832)

L’écrivain allemand, Goethe, considéré par tous ses biographes comme le plus francophile des Allemands, brosse un tableau contrasté des Français :
« Aimable, vif, intelligent, cultivé, éminemment sociable et courtois, doué d'un sens pratique avisé et ne perdant jamais le contact avec la réalité, clair par son esprit et dans sa façon de présenter ses idées, ingénieux à les vulgariser, le Français a tous les défauts de ses qualités. Léger, frivole, superficiel, inconstant, hanté jusqu'à la manie par le souci de plaire, n'agissant jamais par désintéressement, donnant le pas à l'agrément sur la vérité, à la forme sur le fond, à la convention sur la nature, dépourvu d'idéalisme, toujours ballotté entre les idées ou les partis extrêmes, infatué de lui-même et de sa culture, incapable d'estimer ce qui n'est pas lui, méfiant et dédaigneux à l'égard de tout ce qui est étranger, esclave de son Paris, de ses traditions nationales... »

 

Cependant, Goethe dans son jugement, semble justifier plus loin le qualificatif de francophile qui lui fut attribué toute sa vie lorsqu'il s'exclame :

« Comment aurais-je pu écrire des chants de haine, sans haine !

Comment, alors que civilisation et barbarie sont pour moi si importantes, aurais-je pu haïr une nation qui est au nombre des plus civilisées de la terre, et à qui je dois une si grande part de ma propre culture ? »

 

Mais, quel Français normalement constitué, peut se déclarer aujourd’hui, victime, ou souffrir, de ces stéréotypes devenus sujet de plaisanterie, sans autre conséquence ?
Pour les Africains en revanche, les préjugés sont encore plus anciens et toujours vivants, dévalorisants pour ceux qui les subissent. Si ces préjugés sont pléthores, il y en a deux qui datent de la nuit des Temps et font toujours le plus mauvais effet pour ceux qui en sont victimes.

 

Le premier concerne le sexe du Noir : tout particulièrement sa longueur, qui date de l’Antiquité, et qui fait toujours recette. Claude Galien (vers 131 après J.C. et 201 après J.C.), médecin grec, la plus grande figure de la médecine antique après Hippocrate, un des grands fondateurs des principes de base de la médecine européenne pendant plusieurs siècles, n’a-t-il pas défini le Noir par ces quelques traits physiques, selon lui caractéristiques de la race : la longueur démesurée du sexe, l’activité sexuelle débordante, et la grande hilarité ?
Certains, aujourd’hui encore, cherchent à vérifier ces propos vides de sens.

Le deuxième préjugé, parmi ceux dont sont qualifiés les Noirs, c’est l’anthropophagie. Léopold II, roi des Belges, qualifie les Congolais de « race de cannibales » au 19e siècle.

La nouvelle tunique de Nessus ?

Ce qui différencie les Africains des autres peuples à cet égard, c’est le fait, que les préjugés, en plus de leur permanence, ont tellement pénétré ceux pour qui ils ont été fabriqués, qu’ils finissent par y croire, par les intégrer, ou tout au moins, à les utiliser contre des peuples voisins.

Je me souviens que quand nous étions jeunes, nous croyions que les habitants de deux pays voisins mangeaient de la chair humaine, se mangeaient entre eux. La légende affirmait que, précisément pour cette raison, il n’y avait pas de cimetière dans ces pays, puisque les morts étaient aussitôt mangés.
Or, après mes études supérieures, j’ai enseigné dans ces deux pays, et j’ai pu vérifier qu’il y avait bien des cimetières comme partout ailleurs, et qu’on y enterrait bien les morts.Mais avant mon départ, des proches et amis avaient tenté vainement  de m e dissuader d'y aller.
J’ai moi-même assisté à plusieurs enterrements pendant mon séjour.

Mais, quelle ne fut pas ma stupéfaction lorsque j’appris dans chacun de ces pays, que les habitants de mon pays d’origine mangeaient leurs morts !

Je crus comprendre la raison de la permanence de ces « mensonges » fabriqués depuis si longtemps.
La première leçon que cela me permit d’apprendre, est que les Africains, pour la plupart victime de leur ignorance, sont dénués de tout sens critique dans leur éducation, avatar de l’éducation traditionnelle qui ignore « 
la preuve » ; par conséquent, on ne la recherche pas .On ne pose pas de question, on ne se pose pas de question. On affirme, c’est tout. C’est le destin, la fatalité. On ne vérifie pas, c’est décidé, et c’est ainsi. Comment peut-on vérifier, chercher des preuves, quand on ne sait ni lire, ni écrire…De plus, le fatalisme, cette plaie incurable, apparemment, écrase l’esprit, stérilise la pensée, et rend inapte au progrès scientifique, au progrès tout court.

Réflexion qui me permit de comprendre le sens profond de ces propos d’Emmanuel Mounier pour qui les colonisateurs européens sont responsables de ce qu’ils appellent chez les Africains « des complexes d’infériorité », car ces derniers finissent par intégrer l’essentiel des stéréotypes et préjugés dévalorisants que leurs maîtres colonisateurs leurs ont accolés. Ils finissent ainsi par se dévaloriser eux-mêmes, non seulement face aux Blancs, mais entre eux.

« La plupart des Noirs ont honte d’être noirs, une honte secrète qu’ils ne font pas leur, mais qui hante jusqu’à leur fierté. Nous leur avons donné cette honte. Nous avons le devoir de la leur enlever », assure Mounier.

Personnellement, je n’ai jamais compris, ni admis ce principe de hiérarchie lié au hasard de la naissance, cette loterie selon laquelle, on est maître ou esclave selon qu'on est né au Nord ou au Sud. En revanche, je crois à la valeur individuelle, de celui qui fait des efforts pour se construire, s’élever au-dessus de sa condition, sans mépriser les autres.
L’homme "supérieur", c'est celui qui se distingue par un quotient d’Humanité  et d'humanisme élevé.
Autre certitude que nous pouvons tirer de ce constat : sans esprit critique, le cerveau n’est qu’un organe mort, éteint, inopérant, qui ne peut fonctionner à la hauteur de ses immenses potentialités.
L’esprit critique stimule la pensée libre, la curiosité, source de la créativité, de l’innovation. Elle est à l’origine de la science moderne, c’est-à-dire, du raisonnement inductif et déductif.

Et la Chine ?
      Objet de réflexion ?
      Source d’inspiration ?

Comment donc expliquer le spectaculaire bond de la Chine vers le sommet du monde, au moment-même où l’Afrique de son côté, semble au mieux piétiner, au pire, entamer une marche accélérée vers les bas-fonds de l’Histoire ?
De fait, quand les « chinoiseries » des 17e et 18e siècles, deviennent pour les Chinois du 21e siècle, des produits de haute technologie, sophistiqués, qui sèment l’effroi dans les rangs de ceux-là mêmes qui n’avaient que mépris et stéréotypes dégradants pour l’Empire du milieu.
Le Dragon s’est réveillé, et, fièrement dressé sur ses pattes, nargue ses détracteurs d’hier de sa puissance commerciale, technologique, économique …

Comment briser les cages d’enfermement ?

Comment comprendre cette spectaculaire ascension technique, économique et scientifique de la Chine d’aujourd’hui, en omettant ses splendeurs passées, jusqu’au 19e siècle, date de la confrontation avec les Européens ?
Comment l’expliquer en oubliant sa splendeur culturelle, sous la dynastie Qing (1644-1912), son apport à la culture universelle bien avant cette dynastie : l’invention de la poudre, de la boussole, l’apport à l’écriture… ?

Bref, comment expliquer la Chine d’aujourd’hui en omettant son savoir ancien et moderne ?

De quelles armes disposent les Africains d’aujourd’hui pour briser toutes les « cages » dans lesquelles ils sont enfermés depuis le 16e siècle au moins ?
Qui d’autre que les Africains eux-mêmes pour s’atteler à cette tâche de réhabilitation, de rédemption et de quête de respect ? Peut-on réussir et relever de si lourds défis sans l’instruction, la formation, surtout la volonté ferme de réussir l’escalade de tant d’Annapurna ?

Qui d’autre que les Africains ?

Emmanuel Mounier (1905-1950)

Un grand Humaniste peu connu

Emmanuel Mounier, philosophe et écrivain français, agrégé de philosophie, fut influencé par les idées et l’œuvre de Charles Péguy. Il conçut l’idée de réaliser une synthèse entre le christianisme et le socialisme. Sa vie durant il ne cessa de mettre en pratique, en toute circonstance, cette doctrine qu’il nomma le « personnalisme » parce qu’elle affirme « le prima de la personne sur les considérations matérielles et matérialistes ».

Il fonda la revue Esprit en 1932.

Lors de sa longue tournée africaine en 1947, Emmanuel Mounier fut outré de constater les conditions de vie indignes imposées aux 2 millions de natifs du Liberia, « République libre et indépendante » (1847), par d’anciens esclaves noirs américains, transférés dans cette région d’Afrique par quelques philanthropes blancs afin qu’ils puissent enfin être définitivement libres.
Ces 18000 nouveaux arrivés eurent vite fait de réduire leurs frères de couleur à un esclavage pire que ce qu’ils ont vécu eux-mêmes aux États-Unis.
Ce constat qui heurta profondément les idées humanistes de Mounier, lui inspira la réflexion suivante :
« 
Je veux seulement montrer —et le Liberia le montre avec éclat— que beaucoup de griefs que nos amis noirs font au Blanc, ne sont pas des actes Blanc contre Noir mais Fort contre Faible. »

En d’autres termes, en analogie avec le sujet de cet article, si les Noirs avaient disposé, comme les Chinois ou d’autres, de la même puissance scientifique, technologique, économique… auraient-ils été victimes de discrimination au logement en région parisienne, comme le suppose le rapport de SOS Racisme ?
Autrement dit, c’est parce qu’on est faible, qu’on est discriminé. Non pas forcément parce qu’on a telle ou telle couleur de peau mais parce qu’on est faible, parce qu’on est pauvre…

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