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9 mai 2009 6 09 /05 /mai /2009 16:59

                                     

LES "IMMIGRES" FRANCAIS EN AFRIQUE AUX XVII ET XVIIIe SIECLES (3)

          Au Sénégal

          Les religieux ne sont pas non plus ignorés par ces rapports. Nombre d'entre eux sont l'objet de copieux rapports parfois aussi curieux que pittoresques. Tel celui-ci adressé au Ministre de la Marine (Archives Nationales : la concession du Sénégal) par l'abbé Demanet. Ce dernier se plaint du gouverneur de Gorée, M. Poncet, pour ne pas avoir "la table gratis chez lui" ce qui l'a amené à pourvoir à son entretien personnel et à celui de son église par les moyens qu'il a jugé bon d'utiliser. 

          Un autre rapport réfute les allégations de l'abbé :
          
         
Avant de détruire les prétentions peu fondées de cet ecclésiastique, on pense qu'il est nécessaire de mettre ici sous les yeux de Monseigneur les détails de sa conduite.
          Lorsque M. Demanet s'est embarqué sur le solide "Capitaine Rozier", ses excès de vin lui ont fait
tenir tant de propos indécents et sédicieux que M. Poncet a été obligé de le mettre en prison. Devenu libre, il s'est adonné au plus grand libertinage, et s'est associé avec de mauvais sujets dont quelques-uns ont été justiciés. Cet ecclésiastique a poussé un jour l'indécence jusqu'à vouloir forcer un soldat ivre mort à recevoir le viatique ; étant lui-même pris de vin, il a eu dispute dans cette occasion avec un sergent qui l'engageait à se retirer.
           Le chirurgien major de la colonie ayant fait appeler l'abbé Demanet pour administrer un soldat qui était à l'extrémité, il s'y rendit, et ne croyant pas le malade dans le cas urgent d'être administré, il s'est contenté de dire des horreurs au chirurgien et s'en est allé sans remplir les devoirs de son ministère ; le malade est mort le lendemain.

          Le document fort accablant pour l'ecclésiastique poursuit la charge :

         
M. Demanet avait institué une confrérie sous le nom de Sacré-Coeur, elle n'était composée que des plus jolies mulâtresses de l'île. Il disait la messe tantôt sous une tente, sur une barrique de beurre, de lard ou d'eau-de-vie et quelquefois dans sa chambre sans précautions et sans arrangement. Son tarrif pour les baptêmes et les enterrements était porté si haut que les habitants s'abstenaient de ces actes de religion ... Un jour il voulut user de quelques familiarités avec une fille qui vivait avec M. Poncet ; piqué du refus de cette fille, il lui donna des coups ... M. Poncet lui ayant fait des reproches, il lui dit : "votre p... m'a dit des sottises, je lui ai f... un soufflet, je vous en ferai autant à vous-même si le cas vous arrivait."

          L'abbé se livrait également au trafic de marchandises aux dépens de la Compagnie, nous apprend le mémoire suivant :

         
M. Demanet ayant été envoyé dans les comptoirs pour les inspecter, il lui a été délivré des marchandises du Roy pour traiter 12 captifs qu'il a vendus à son profit ; ses excès dans le vin et son libertinage l'ont fait mépriser des naturels du pays.

          Dans les Archives on relève de nombreux cas semblables comme cette déposition datée de février 1726 qui met en cause un autre ecclésiastique, l'abbé d'Arquenaux, qui, armé de pistolets et de sabres, se rendit la nuit dans le magasin de la Compagnie à Saint-Louis pour y prendre de force "deux barils d'eaut-de-vie".
          Les conditions matérielles d'existence des religieux français sur la côte d'Afrique en général, sans excuser la conduite de ces ecclésiastique pourrait dans une certaine mesure l'expliquer et peut-être atténuer les charges qui pèsent si souvent contre eux dans de nombreux mémoires. Cependant des prêtres au-dessus de tout soupçon déploraient les agissements de leurs confrères, tel l'excellent abbé Bullet qui écrivit au Ministre des Colonies :

          Je suis le moins utile dans le poste ; toute mon occupation est de dire la messe, les fêtes et les dimanches. Je n'ai que 7 Blancs qui se disent catholiques et qui n'usent de mon ministère que pour la messe".


        
Et il demanda son rappel, tant il était outré des "laideurs" dont il était environné. Ses ouialles et les autres Blancs ne songeaint " qu'au vin, au jeu, aux femmes, au commerce clandestin. André Brüe, gouverneur du Sénégal, fournit à la fois une explication et un jugement :

          Pour peu qu'ils soient lunatiques, maniaques, ou hypocondriaques, ce climat-ci leur renverse la cervelle.





     N'hésitez pas à faire vos remarques ou à poser des questions.


 

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