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28 novembre 2022 1 28 /11 /novembre /2022 10:24

HUMEUR ET HUMOUR (1)

**

LES FRANÇAIS EN PROIE

À

UNE NOUVELLE ÉPIDÉMIE ?

 

 

Deux vieux amis, tous deux enseignants retraités, Jean-Jacques, le Français et Alioune, ressortissant de l’Afrique de l’Ouest.

Jean-Jacques a longtemps enseigné la psychologie dans plusieurs universités africaines.

Alioune, quant à lui a aussi enseigné longtemps en Afrique, puis en France.

Ils devisent sur quelques traits caractéristiques du tempérament français ainsi qu’on le voit dans le dialogue ci-dessous.

 

 

Jean-Jacques : Les Français apparaissent en général comme des gens qui vivent perpétuellement sur la défensive, prisonniers de leur ego, ce qui amène chacun à vivre dans son monde au lieu de vivre dans le monde. Ceci ne favorise ni l'ouverture, ni la communication.

Alioune : Je plains les Français, atteints d'un mal qui sévit sous forme d'épidémie en passe de devenir endémie : le stress, le mal du siècle, qui ronge la population du pays. Mal nouveau qui menace tous les pays développés du monde — semble-t-il — mais dont la France constitue incontestablement le pays d'élection et de prédilection, ce qui se traduit par un record de consommation de médicaments, précisément d'antidépresseurs et autres tranquillisants ou somnifères. 

Personnellement, j'ai connu une famille dans mon voisinage (alors que j'habitais une ville du centre-est de la France) qui se situait — si j'en jugeais par les apparences — largement dans la tranche sociale la plus aisée du pays. Par une occasion fortuite, j'eus l'honneur d'être reçu à dîner dans cette famille. L'occasion me fut ainsi donnée de l'observer dans des conditions idéales. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que tout le monde y était malade parce que atteint du stress. Le chef de famille, P D G. d'une moyenne entreprise internationale assez bien cotée, avait le stress parce que les statistiques du mois qui venait de s'écouler indiquaient un léger fléchissement du chiffre d'affaires de son entreprise. Sa secrétaire (également conviée à dîner ce jour) m'a certifié que le mois précédent, il était en proie au même mal parce que ce même chiffre avait progressé au point de faire l'objet des louanges d'une revue économique spécialisée. Le P D G. redoutait alors la concurrence.

La maîtresse de maison souffrait également du stress parce que le bulletin scolaire du petit dernier, élève de cinquième au collège, n'était pas très brillant. Elle était en même temps rongée du même mal parce que sa fille aînée avait un flirt un peu poussé avec un jeune chômeur du quartier.

Quant aux enfants, ils étaient encore plus atteints que leurs parents. Le plus jeune parce qu'il fallait se lever tôt chaque matin (à sept heures trente) pour aller au collège dans la voiture conduite par le « chauffeur de papa ». Quant à la fille, le stress qui la rongeait depuis de longs mois avait pour origine le regard peu approbateur de son père qu'elle croisait chaque fois que ses petits copains, invités à la maison, faisaient du bruit ou buvaient de l'alcool un peu plus que de raison.

Enfin, selon la maîtresse de maison, le chien et le chat étaient, à leur tour, malades du stress tout simplement parce que leurs maîtres étaient victimes de ce mal.

J.J. : Cette famille ne constitue pas une exception. Ceux qui parlent le plus de stress n'en sont pas toujours les vraies victimes. J'en connais plusieurs qui leur ressemblent. Pis, je mets quiconque au défi de me citer un seul foyer de ce pays dont un membre n'est pas, n'a pas été ou ne sera pas un jour ou l'autre atteint de ce mal ravageur qu'est le stress. Et c'est sans espoir, sans remède... 

A. : Mais si ! Il faut tuer le mal. 

J.J. : Penses-tu. C'est comme l'hydre de la légende ; coupez une tête, il en repoussera aussitôt deux, cinq, dix !  

A. :C'est vrai que la nature a horreur du vide. Je vois une solution au mal, à mon sens radicale.

J.J. : Laquelle ?

A. : Emasculer le stress.

J.J. : Par quel moyen ?

A. : La pédagogie. La thérapie du rire, le rire vrai, naturel, communicatif, car les Français — semble-t-il — ne rient plus que cinq minutes en moyenne par jour contre vingt il y a cinquante ans. Plutôt le rire que les antidépresseurs ou autres béquilles chimiques.

J.J. : Excellent. Il est grand temps de se pencher sur le mal en effet ; on en arrive au point où les Français deviennent incapables d'humour, cette « politesse du désespoir ! ». Et lorsqu'on est incapable d'humour élémentaire, la haine n'est pas loin. Or, on ne construit rien de beau, de grand sur la haine. La haine, avec la violence qui la symbolise, est un facteur de désagrégation sociale. J'ai été témoin direct ou indirect de quelques scènes caractéristiques à cet égard.

Un touriste anglais circulant sur une route départementale du centre de la France constate que le coffre de la voiture qui le précède, conduite par un Français, est ouvert et qu'il s'en échappe divers objets qui jonchent la chaussée. Il croit bon d'avertir ce conducteur au moyen d'appels de phares et de grands signes de la main. Brusquement, le Français arrête sa voiture, sans chercher à comprendre, sort un fusil, le montre à celui qui l'avertit en le menaçant et proférant des injures grossières.

L'humeur de certaines personnes en est au point où elle interdit de leur être serviable car tout geste de sympathie devient de facto casus belli.

Je fus aussi témoin de cette autre scène où, à une intersection, un automobiliste ne respectant pas l'obligation d'arrêt au stop, faillit provoquer un grave accident. Pour l'éviter, celui à qui revenait la priorité de passage avertit le premier au moyen d'un coup de klaxon. C'est alors que l'automobiliste fautif bondit de son véhicule qu'il arrêta en catastrophe, se jeta sur celui qui avait — dans son droit — usé du klaxon et le cribla de coups de poing d'une fureur bestiale. Comment qualifier ce geste sinon de geste dicté par la haine ?  

A. : La haine est un sentiment qui use et qui enlaidit.

 

***

J.J. : Et que dire des deux faits divers suivants tels que rapportés par le quotidien Ouest-France ?

« Accès de violence entre automobilistes

Un pistolet sur la tempe

Grosse frayeur pour un jeune automobiliste rennais dans la nuit de jeudi à vendredi. Pour avoir roulé trop lentement, il a été rattrapé par l'automobiliste trop impatient qui le suivait et... s'est trouvé avec un pistolet sur la tempe.

Il était 0h30, jeudi soir, rue Legraverend, à sens unique. Au volant de sa voiture, un étudiant se dirige vers le centre-ville. Il a quatre passagers à bord. Il cherche une place de stationnement pour faire un créneau et roule donc très lentement. Trop lentement doit penser le conducteur d'une Renault qui survient derrière lui.

Dans cette dernière voiture, deux hommes sont assis à l'avant et deux femmes à l'arrière. Le conducteur manifeste son impatience par des jeux de phare, des coups de klaxon répétés, le poing menaçant puis entreprend finalement de doubler. Arrivé à la même hauteur, le passager avant à côté du chauffeur pointe un pistolet à grenailles vers l'autre automobiliste qui prend peur et ralentit.

Les deux hommes armés font une queue de poisson et s'arrêtent pour immobiliser les cinq étudiants. Le conducteur, qui a repris le pistolet à son passager descend de sa voiture et se dirige rapidement vers l'autre voiture. Il braque le pistolet à bout touchant sur la tempe gauche de l'automobiliste et profère des insultes. Puis avec la crosse de l'arme, il brise la vitre de la portière gauche, la faisant voler en éclats. Il repart furieux, remonte dans sa voiture et démarre en trombe laissant les cinq étudiants très choqués. ...» (Ouest-France, 4 mai 1996)

 

Et cet autre fait divers ?

« Il emmène l'automobiliste énervée ... sur son capot

Un mois de prison pour les coups

Garder son calme en voiture. Le tribunal a voulu, hier, donner une leçon aux automobilistes trop violents. Un mois de prison ferme pour avoir porté des coups à une femme un peu énervée.

Le 8 janvier à 17h, une jeune femme circule rue Alphonse Guérin. Elle a à son bord deux jeunes enfants. Soudain une R14 quitte un stop sous son nez. Visiblement, la R14 a tout juste eu le temps de passer. Mme P. ne l'entend pas ainsi. Vexée, furieuse, elle joue de ses phares, frappe son volant, fait des gestes.

Le conducteur de la R14, M. C. 25 ans tout aussi nerveux veut montrer à la dame que lui non plus ne s'en laisse pas compter. Il ralentit, roule à 10km/h, ce qui énerve encore plus la conductrice. Jusque là rien de trop grave.

Mais les choses s'accélèrent quand les voitures s'arrêtent. Selon Mme P. M. C. descend de sa voiture, la saisit au collet et la jette à terre. Elle se relève, se place devant la R14 qui démarre. Elle a juste le temps de sauter sur le capot et... de s'accrocher aux essuie-glaces.

L'énervement collectif

La voiture roule et, quelques dizaines de mètres plus loin, s'arrête dans le parking du vélodrome. Coup de frein, glissement à terre de la passagère clandestine.

Ce n'est pas fini ! M.C. quitte à nouveau son volant et rattrape Mme P. qui comprenant enfin que la situation tourne mal s'enfuit en criant au secours. Saisie par les cheveux, elle encaisse un coup de poing au visage et des coups de pied. M.C. lui prend la jambe et la tord.

Mme P. s'en tire avec une fracture du nez, une entorse à la cheville et une plaie à la lèvre... J.G » (Ouest-France 7 janvier 1993).

**

Il est assez curieux qu'en France on ait perdu à ce point le goût de se parler pour se comprendre. Qu'on ne se donne pas cette peine élémentaire de se parler pour faire savoir et pour dire ce qu'on veut, ce qu'on ne veut pas. Que soient tombés si bas le devoir et le sens de l'élémentaire courtoisie. Que tout, entre Français, se règle par des injures et des coups.

          Que signifie donc ce retour inexorable à la morale des cavernes ? 

A. : Une main ouverte tendue est toujours préférable à un poing fermé. Il est tout de même étonnant que les choses les plus simples ne puissent pas se dire simplement. Ces faits divers nous laissent la fâcheuse impression d'une atmosphère de guerre civile permanente entre Français. Comment peut-on en arriver à cette extrémité dans un pays civilisé ? La réflexion de J. Fouché en 1815 « on croirait que la France renferme deux nations aux prises l'une avec l'autre » serait-elle encore d'actualité aujourd’hui ?

J.J. : C'est une France de la haine.  

A. : Non. Une nation de haine ne peut être une grande nation. Or, la France est une grande nation. Sais-tu que la France est le deuxième pays au monde où l'on adopte des enfants étrangers, c'est-à-dire une nation parmi les toutes premières au monde qui acceptent d'accueillir de petits enfants étrangers en mal d'amour et ce, sans distinction d'origine géographique ni de couleur de peau ? Comment expliquer un tel geste sans une forte dose de générosité de cœur et d'âme, et sans cet humanisme à toute épreuve ? 

J.J. : C'est effectivement là une question à poser et à méditer. S'agirait-il alors de cette haine courtoise qui n'exclut nullement les élans de générosité sincères, ni la solidarité vraie aux heures critiques ?

A. : Je crois qu'il se passe pour les Français ce qu'il est loisible de constater au niveau de chaque famille. Je pense qu'en France on s'aime, mais qu'on ne se le dit pas où qu'on ne sait pas se le dire. Raymond Aron, parlant de la France la qualifie de « société de satisfaction querelleuse » à moins que ce ne soit tout simplement une société de discorde fraternelle permanente. C'est peut-être aussi tout cela.

J.J. : Je crois trouver un autre facteur d'explication de cette humeur morose des Françaises et des Français, de cette semi-guerre civile franco-française, dans l'impact de plus en plus visible de l'argent sur notre société et sur ses valeurs. C'est là à mon sens un sujet de préoccupation certain...

 

 

(Suite prochainement)

 

 

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commentaires

P
Gandhi avait pour coutume de faire rire les gens stressés et malades pour les soigner.
Répondre
Effectivement ! C'est une bonne méthode et peu coûteuse ! Amitiés. TD