Un peu de douceur en ce début de printemps
ÉTUDE DE CHAT
De Maurice Rollinat
Longue oreille, des crocs intacts, de vrais ivoires,
Le corps svelte quoique râblu,
Son beau pelage court et gris à barres noires
Lui faisant un maillot velu ;
Des yeux émeraudés, vieil or, mouillant leur flamme
Qui, doux énigmatiquement,
Donnent à son minois le mièvre et le charmant,
D'un joli visage de femme.
Avec cela rôdeur de gouttières, très brave,
Fort et subtil, tel est ce chat,
Pratiquant à loisir le bond et l'entrechat,
Au grenier comme dans la cave.
Aujourd'hui depuis l'aube, ayant bien ripaillé
Au vieux château qui le vit naître,
Il est, sur son fauteuil poudreux et dépaillé,
Accroupi devant la fenêtre.
Il pleuvasse un peu, mais pour ce craintif de l'eau
L'ondée a trop de violence ;
Il reste au gîte, y fait son ronronnant solo
Dans la musique du silence.
Confit en sa mollesse, il peine à s'étirer,
Piète, sort sa griffe, la rentre ;
Pour le moment, sans puce, et gavé son plein ventre
Il n'a plus rien à désirer.
Une poussière ayant picoté son nez rose,
Il éternue, et comme un loir,
Il s'étend paresseux, chargé de nonchaloir,
Et genoux pliés se repose.
L'œil mi-clos, rêvassant plutôt qu'il ne sommeille,
Gardant l'ouïe et l'odorat,
Il guigne le grillon du mur, flaire le rat,
Écoute ronfler une abeille.
Le temps passe, à la fin, de sieste en somnolence,
Il s'endort, puis, se réveillant,
Se rendort de nouveau, se réveille en bâillant,
Tant qu'il sort de son indolence.
Il toussote, se mouche et se désassoupit,
Bombe son échine et la creuse
En redressant sa queue alerte, toute heureuse
D'avoir terminé son répit.
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