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10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 08:57

L’Afrique partagée (1885)

L’IMMIGRATION AFRICAINE EN FRANCE : MUTATION DU VOCABULAIRE ET DU REGARD (2)

Au pays de « nos ancêtres les Gaulois »
Quand la« marée noire » est là !
Tous les chats sont gris

La mutation du vocabulaire et du regard

Bref aperçu historique

Des Trente Glorieuses à nos jours, quoi de neuf pour les immigrés africains en France ?
Les immigrés africains anciens et nouveaux, tous gris, désormais uniformes : le nivellement.
Il échappe à beaucoup qu’il y a autant d’immigrés que d’histoires, de personnalités, de regards, que différence ne signifie pas hiérarchie, de même que couleur de peau ne signifie pas uniformité.
Par ailleurs, un  immigré (migrant !), fût-il étranger, a aussi sa part d’humanité.

Dès la fin des Trente Glorieuses, vers 1974-1975, s’opère un changement radical dans les conditions d’’entrée en France des ressortissants d’Afrique.
Avant cette date, pour un ressortissant de l’Afrique française (ex-colonies), une simple carte d’identité valide suffisait pour entrer en France, y compris par avion.
À partir des années 1975-1980, un passeport, signé par les autorités du pays de départ suffisait pour se rendre en France.
Mais de puis les années-1980-1990, le passeport doit obligatoirement comporter le visa de l’ambassade de France.

Des conditions d’accès nouvelles. Un vocabulaire et un regard nouveaux

Toute une mutation du vocabulaire suit :

-l’immigré devient le migrant, le réfugié, l’exilé, le clandestin, indésirable, suspect (qui doit baisser le front et raser les murs).
Ainsi réduit à la clandestinité, même parfois avec des papiers en règle, et faisant preuve d’une conduite à tout point irréprochable, avec une conscience aiguë du respect des règles du pays d’accueil, le migrant est suspect, car dans l’imaginaire de beaucoup, il est  chargé  de tous les maux et de toutes les tares.
Si la chance lui sourit, il devient « l’indésirable utile », voué aux tâches les moins gratifiantes, taillable et corvéable à merci, sans droits ni recours.
Cela étant, objectivement, aucun pays ne peut être contraint d’accueillir sur son sol, ceux qu’il ne veut ou ne peut pas recevoir (à l’exception de quelques cas spécifiques, généralement définis par les instances internationales), depuis que les frontières (au sens moderne du terme) existent. C’est précisément une des fonctions de la frontière physique depuis le Moyen Age.
Telle est la loi que tout migrant devrait avoir assimilée.

Faut-il forcer ces frontières malgré tout ? C’est-à-dire, les franchir sans l’accord du pays de destination ?
Chaque pays reçoit ou non des migrants selon son histoire, ses réalités et ses critères propres. Cela fait partie de ses prérogatives de souveraineté.

Collection L'Inacceptable

« La collection "L'Inacceptable" s'ouvre à celles et ceux, oiseaux aux plumes froissées, qui veulent dénoncer et contribuer à combattre la sauvagerie ordinaire du peuple de la Terre, celui-là même que l'on dit civilisé.

Pratiques odieuses, irresponsables, imbéciles, devenues normales et acceptables, barbarie érigée en dogmes... l'homme sait justifier l'injustifiable. L'Humain se doit de ne pas l'accepter.

Ouvrir les yeux et dire non.

Vaincre toutes les formes de dictatures, les manipulations, le non-respect du vivant, l'ignorance et la lâcheté ordinaires.

Donner à voir, hausser les consciences individuelles et collectives, c'est ce à quoi, humblement, mais avec détermination, cette collection voudrait contribuer.

Ouvrons les yeux.

Osons croire que le meilleur est à venir.

Rêvons, en pleine conscience, et ... Espérons en demain. »

Note de l’éditeur
« Si ce livre entre dans la collection "L'Inacceptable", ce n'est pas que l'immigration soit en elle-même... inacceptable, ceci est une évidence.

Ce qui nous fait l'intégrer, à côté de livres axés sur des pratiques à nos yeux inacceptables, c'est le traitement imposé à certains humains dans l'irrespect le plus total des Droits de l'Homme.

L'immigration et l'intégration sont des questions difficiles et complexes et il est illusoire de croire en des solutions toutes faites.

D'une part, les accueillants et les accueillis ont tous des droits et des devoirs les uns envers les autres, d'autre part il existe des limites imposées par l'économie, la politique et le social.

"L'Inacceptable" se situe ici dans le non-respect de l'autre, quand les notions de partage, de justice et de morale sont bafouées par des intérêts triviaux dans une relation dominant-dominé. »

« Des Africains en France ? Oui, mais des sujets français, des indigènes

La Première Guerre mondiale ouvrit la porte de la France aux Africains qui arrivèrent massivement pour la première fois sur le sol français. Ce fut l'occasion pour un grand nombre de Français de voir de près des Africains et de découvrir que la France avait un Empire colonial des plus vastes qui s'étendait sur tous les continents : Afrique, Amérique, Asie, Océanie et que, dans ce vaste Empire vivaient des Noirs, des Jaunes, des Arabes.
Mais, il existait aussi des soldats coloniaux dans l'armée française bien avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale : un corps spécial, les "tirailleurs" noirs de l'armée (les tirailleurs - fantassins - indigènes algériens existaient depuis 1842). Les premières unités de soldats noirs furent créées au Sénégal dès 1857 par le gouverneur Louis Faidherbe. D'autres unités furent par la suite formées dans d'autres territoires d'Afrique noire. En 1900, toutes ces unités de soldats noirs de l'armée française furent incorporées dans l'armée coloniale sous la même appellation de "tirailleurs sénégalais", même si les soldats qui composaient ce corps étaient issus d'autres territoires que le Sénégal, c’était la majorité.
Avant d'être utilisées en Europe, ces troupes noires ont participé à toutes les guerres de conquêtes coloniales du
XIXe siècle dont elles étaient le fer de lance, encadrées par des soldats français. »

Tirailleur sénégalais

« Et aujourd'hui ? Pourquoi la France malgré tout ?

"Nos ancêtres les Gaulois"

L'utilisation de la main-d'œuvre issue des colonies en temps de guerre n'avait rien de conjoncturel. Elle se poursuivit après le Second Conflit mondial. Seules les modalités s'adaptèrent aux évolutions économiques, institutionnelles et politiques.
Dès 1941-1942, l'emploi de cette main-d'œuvre spécifique fut la règle aussi bien en zone libre qu'en zone occupée. Les Indochinois et les Nord-africains furent particulièrement utilisés mais aussi les travailleurs issus de l'AOF et AEF. Pendant toute la durée de la guerre et les années qui suivirent la Libération, leur utilisation fut aussi nécessaire que strictement réglementée. Les Archives départementales d’Ille et Vilaine (entre autres), recèlent de nombreux documents émanant aussi bien de l' "État français" que du gouvernement de la IV
e République ,précisant avec vigilance et minutie les modalités de l'emploi de la main-d'œuvre venue des colonies.
Il est stipulé dans un document du même ordre daté du 7 juin 1943 émanant du Ministère d'État au Travail adressé aux Préfets régionaux et départementaux et concernant l'emploi de "
travailleurs indigènes indochinois", que "ces indigènes ne seraient pas inquiétés dans le cas où ils seraient trouvés porteurs d'un contrat de travail pour l'Allemagne ou travaillant dans une entreprise allemande". »

Tirailleur sénégalais

Et l’école française d’Afrique ?

« Si les indépendances instaurent des nations et des nationalités africaines, le passé n'est pas aboli pour autant, il s'incruste profondément et durablement dans les esprits et dans les cœurs. De ce point de vue, la colonisation française est loin d'être une simple parenthèse sans lendemain. Avant les députés, les ministres africains, les soldats et les travailleurs africains en France, il y eut surtout l'école.

 

Au commencement était l'école.

Il est un fait qu'il ne faut ni nier ni oublier et dont l'impact est immense. C'est qu'en toute chose, dans l'enseignement dispensé au sein de ces écoles de "seconde catégorie", celles des petits Africains, les Français apparaissaient comme le "modèle" par excellence, modèle à suivre aussi bien pour la langue (qui avait le suprême avantage d'être une langue écrite) que la culture, la science, la technique... De plus, la France apparaissait surtout comme la bienfaitrice universelle de ses colonies. Toute cette idéologie coloniale étant véhiculée par les manuels, les images, les symboles, mais aussi les chants scolaires.

Or, les souvenirs ne meurent pas, ils dorment.

Ces chants, peu à peu, se substituaient dans les têtes et dans les cœurs aux berceuses des mamans africaines, chants et images qui imprégnèrent fortement les jeunes esprits africains.

Ce sont là quelques mobiles occultés, refoulés, de l'immigration africaine en France.

 

Émigrer, c'est partir pour être. Partir est à la fois une culture et une nécessité. Le retour parmi les siens confère respect et considération. A ces traits culturels anciens se sont superposées d'autres motivations. La première est sans aucun doute l'émergence, au lendemain des indépendances africaines, de régimes dictatoriaux qui incitent au départ. Ensuite, les difficultés économiques génératrices de pauvreté et de misère sont une autre motivation. Aujourd'hui, c'est donc essentiellement le besoin de sécurité qui met les hommes en mouvement : sécurité économique, morale, politique.

A force d'entendre parler de leurs ancêtres les Gaulois, les Africains ont envie d'aller voir à quoi ressemblent ces ancêtres. Cette boutade d'un sociologue ghanéen est riche de sens et de sous-entendus. Qu'est-ce qui peut donc bien attirer ces étrangers immigrants ressortissants des anciennes colonies d'Afrique en ce début de XXIe siècle en France où on leur signifie qu'ils n'y sont pas attendus ? Ce qui les y attire est certainement la conséquence de l'arrivée chez eux de certains étrangers à une période de leur histoire des siècles plus tôt, tout particulièrement de la deuxième moitié du XIXe au milieu du XXe siècle. Dans ce flux d'anciens colonisés vers la France, deux phases se distinguent nettement à l'analyse des motivations. "France" a été et reste pour ces anciens colonisés ou leurs descendants le mot magique qui leur chante dans la tête, avant comme après les indépendances africaines, et qui ne peut donc laisser indifférent. Aller en France pour pouvoir ensuite dire un jour "je suis allé en France" constitue en soi, encore de nos jours, pour beaucoup, un objectif. Cette magie du mot "France" envoûte littéralement et met l'esprit en transe. Aller en France ou être allé en France force le respect et l'admiration. C'est une carte de visite équivalant à un passeport qui ouvre l'accès à un échelon social supérieur. »

« "Quand un enfant entend parler à l'école de nos ancêtres les Gaulois,  il entre dans un monde culturel aliénant par rapport à sa propre culture. On lui parle de la Reine d'Angleterre et on lui apprend davantage sur les Gaulois que sur sa propre ethnie. Ses aspirations le poussent vers l'Occident... L'Occident tire avantage de cette aliénation culturelle. Pourquoi les produits de l'Hexagone sont-ils si présents dans les anciennes colonies françaises ? s'interroge l’auteur de l’article. Question à laquelle il répond : en raison de l'identification des Africains à la culture d'origine de ces marchandises. Et de poursuivre : l'Occident ne peut à la fois accepter les avantages de cette aliénation (l'exportation de sa culture et de ses produits) et en refuser les inconvénients, l'attrait exercé sur les migrants"[Vivant Univers, n°543, mai-juin 2001, p15].
 En effet, le déversement sur les populations africaines de produits occidentaux de toutes sortes au lendemain des indépendances, ainsi que d'images racoleuses de sociétés de consommation, le tout facilité par la révolution des transports et celle des médias ( aujourd’hui, internet et les réseaux sociaux), constitue pour ces populations des sources de tentation qui les submergent.
Outre l'aspect culturel ou le prestige intellectuel, le titre de "Patrie des Droits de l'Homme" fait de la France la destination naturelle de tous ceux qui se sentent menacés dans leur existence ou dans leur liberté. Mais où en est la France en matière d'accueil et d'intégration des immigrés ? »En ce domaine d’une importance capitale, une clarification des textes, des règles et des actes  pour les pays de départ des migrants, comme pour les intéressé eux-mêmes, de mêmes que pour les Français, ‘impose.

                                            Voir Tidiane Diakité, L’Immigration n’est pas une Histoire sans paroles, Ed. Les Oiseaux de Papier.

 

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