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14 octobre 2018 7 14 /10 /octobre /2018 07:33

AFRIQUE : LES PRINCIPALES ENTRAVES À L’ÉMERGENCE (7)

26 juillet 2007 : le « discours de Dakar » du président Sarkozy, une déclaration de guerre à l’Afrique ?

Lors de sa première visite officielle en Afrique, après son élection, le nouveau président français a tenu, dans un amphithéâtre bondé de l’université Cheikh Anta Diop, à Dakar, capitale du Sénégal, un discours devant un parterre de personnalités politiques du pays, d’intellectuels et de nombreux étudiants ; discours demeuré célèbre sans doute  par son contenu, mais aussi par les remous provoqués dans le cercle d’intellectuels africains.

 

Un casus belli ?

(Discours de M. Nicolas SARKOZY, Président de la République, prononcée à l'Université de Dakar.)

« Dakar, Sénégal, le 26 juillet 2007

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de remercier d'abord le gouvernement et le peuple sénégalais de leur accueil si chaleureux. Permettez-moi de remercier l'université de Dakar qui me permet pour la première fois de m'adresser à l'élite de la jeunesse africaine en tant que Président de la République française.

Je suis venu vous parler avec la franchise et la sincérité que l'on doit à des amis que l'on aime et que l'on respecte. J'aime l'Afrique, je respecte et j'aime les Africains.

Entre le Sénégal et la France, l'histoire a tissé les liens d'une amitié que nul ne peut défaire. Cette amitié est forte et sincère. C'est pour cela que j'ai souhaité adresser, de Dakar, le salut fraternel de la France à l'Afrique toute entière.

Je veux, ce soir, m'adresser à tous les Africains qui sont si différents les uns des autres, qui n'ont pas la même langue, qui n'ont pas la même religion, qui n'ont pas les mêmes coutumes, qui n'ont pas la même culture, qui n'ont pas la même histoire et qui pourtant se reconnaissent les uns les autres comme des Africains. Là réside le premier mystère de l'Afrique.

Oui, je veux m'adresser à tous les habitants de ce continent meurtri, et, en particulier, aux jeunes, à vous qui vous êtes tant battus les uns contre les autres et souvent tant haïs, qui parfois vous combattez et vous haïssez encore mais qui pourtant vous reconnaissez comme frères, frères dans la souffrance, frères dans l'humiliation, frères dans la révolte, frères dans l'espérance, frères dans le sentiment que vous éprouvez d'une destinée commune, frères à travers cette foi mystérieuse qui vous rattache à la terre africaine, foi qui se transmet de génération en génération et que l'exil lui-même ne peut effacer.

Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, pour pleurer avec vous sur les malheurs de l'Afrique. Car l'Afrique n'a pas besoin de mes pleurs.

Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, pour m'apitoyer sur votre sort parce que votre sort est d'abord entre vos mains. Que feriez-vous, fière jeunesse africaine de ma pitié ?

Je ne suis pas venu effacer le passé car le passé ne s'efface pas.

Je ne suis pas venu nier les fautes ni les crimes car il y a eu des fautes et il y a eu des crimes.

Il y a eu la traite négrière, il y a eu l'esclavage, les hommes, les femmes, les enfants achetés et vendus comme des marchandises. Et ce crime ne fut pas seulement un crime contre les Africains, ce fut un crime contre l'homme, ce fut un crime contre l'humanité toute entière.

Et l'homme noir qui éternellement « entend de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit de l'un d'entre eux qu'on jette à la mer ». Cet homme noir qui ne peut s'empêcher de se répéter sans fin « Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ». Cet homme noir, je veux le dire ici à Dakar, a le visage de tous les hommes du monde.

Cette souffrance de l'homme noir, je ne parle pas de l'homme au sens du sexe, je parle de l'homme au sens de l'être humain et bien sûr de la femme et de l'homme dans son acceptation générale. Cette souffrance de l'homme noir, c'est la souffrance de tous les hommes. Cette blessure ouverte dans l'âme de l'homme noir est une blessure ouverte dans l'âme de tous les hommes.

Mais nul ne peut demander aux générations d'aujourd'hui d'expier ce crime perpétré par les générations passées. Nul ne peut demander aux fils de se repentir des fautes de leurs pères.

Jeunes d'Afrique, je ne suis pas venu vous parler de repentance. Je suis venu vous dire que je ressens la traite et l'esclavage comme des crimes envers l'humanité. Je suis venu vous dire que votre déchirure et votre souffrance sont les nôtres et sont donc les miennes.

Je suis venu vous proposer de regarder ensemble, Africains et Français, au-delà de cette déchirure et au-delà de cette souffrance.

Je suis venu vous proposer, jeunes d'Afrique, non d'oublier cette déchirure et cette souffrance qui ne peuvent pas être oubliées, mais de les dépasser.

Je suis venu vous proposer, jeunes d'Afrique, non de ressasser ensemble le passé mais d'en tirer ensemble les leçons afin de regarder ensemble l'avenir.

Je suis venu, jeunes d'Afrique, regarder en face avec vous notre histoire commune.

L'Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur. On s'est entretué en Afrique au moins autant qu'en Europe. Mais il est vrai que jadis, les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances, les coutumes de vos pères. Ils ont dit à vos pères ce qu'ils devaient penser, ce qu'ils devaient croire, ce qu'ils devaient faire. Ils ont coupé vos pères de leur passé, ils leur ont arraché leur âme et leurs racines. Ils ont désenchanté l'Afrique.

Ils ont eu tort.

Ils n'ont pas vu la profondeur et la richesse de l'âme africaine. Ils ont cru qu'ils étaient supérieurs, qu'ils étaient plus avancés, qu'ils étaient le progrès, qu'ils étaient la civilisation.

Ils ont eu tort.

Ils ont voulu convertir l'homme africain, ils ont voulu le façonner à leur image, ils ont cru qu'ils avaient tous les droits, ils ont cru qu'ils étaient tout puissants, plus puissants que les dieux de l'Afrique, plus puissants que l'âme africaine, plus puissants que les liens sacrés que les hommes avaient tissés patiemment pendant des millénaires avec le ciel et la terre d'Afrique, plus puissants que les mystères qui venaient du fond des âges.

Ils ont eu tort.

Ils ont abîmé un art de vivre. Ils ont abîmé un imaginaire merveilleux. Ils ont abîmé une sagesse ancestrale.

Ils ont eu tort.

Ils ont créé une angoisse, un mal de vivre. Ils ont nourri la haine. Ils ont rendu plus difficile l'ouverture aux autres, l'échange, le partage parce que pour s'ouvrir, pour échanger, pour partager, il faut être assuré de son identité, de ses valeurs, de ses convictions. Face au colonisateur, le colonisé avait fini par ne plus avoir confiance en lui, par ne plus savoir qui il était, par se laisser gagner par la peur de l'autre, par la crainte de l'avenir.

Le colonisateur est venu, il a pris, il s'est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail.

Il a pris mais je veux dire avec respect qu'il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu fécondes des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir. Je veux le dire ici, tous les colons n'étaient pas des voleurs, tous les colons n'étaient pas des exploiteurs.

Il y avait parmi eux des hommes mauvais mais il y avait aussi des hommes de bonne volonté, des hommes qui croyaient remplir une mission civilisatrice, des hommes qui croyaient faire le bien. Ils se trompaient mais certains étaient sincères. Ils croyaient donner la liberté, ils créaient l'aliénation. Ils croyaient briser les chaînes de l'obscurantisme, de la superstition, de la servitude. Ils forgeaient des chaînes bien plus lourdes, ils imposaient une servitude plus pesante, car c'étaient les esprits, c'étaient les âmes qui étaient asservis. Ils croyaient donner l'amour sans voir qu'ils semaient la révolte et la haine.

La colonisation n'est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique. Elle n'est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n'est pas responsable des génocides. Elle n'est pas responsable des dictateurs. Elle n'est pas responsable du fanatisme. Elle n'est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n'est pas responsable des gaspillages et de la pollution.

Mais la colonisation fut une grande faute qui fut payée par l'amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait autant.

La colonisation fut une grande faute qui détruisit chez le colonisé l'estime de soi et fit naître dans son cœur cette haine de soi qui débouche toujours sur la haine des autres.

La colonisation fut une grande faute mais de cette grande faute est né l'embryon d'une destinée commune. Et cette idée me tient particulièrement à cœur.

La colonisation fut une faute qui a changé le destin de l'Europe et le destin de l'Afrique et qui les a mêlés. Et ce destin commun a été scellé par le sang des Africains qui sont venus mourir dans les guerres européennes.

Et la France n'oublie pas ce sang africain versé pour sa liberté.

Nul ne peut faire comme si rien n'était arrivé.

Nul ne peut faire comme si cette faute n'avait pas été commise.

Nul ne peut faire comme si cette histoire n'avait pas eu lieu.

Pour le meilleur comme pour le pire, la colonisation a transformé l'homme africain et l'homme européen.

Jeunes d'Afrique, vous êtes les héritiers des plus vieilles traditions africaines et vous êtes les héritiers de tout ce que l'Occident a déposé dans le cœur et dans l'âme de l'Afrique.

Jeunes d'Afrique, la civilisation européenne a eu tort de se croire supérieure à celle de vos ancêtres, mais désormais la civilisation européenne vous appartient aussi.

Jeunes d'Afrique, ne cédez pas à la tentation de la pureté parce qu'elle est une maladie, une maladie de l'intelligence, et qui est ce qu'il y a de plus dangereux au monde.

Jeunes d'Afrique, ne vous coupez pas de ce qui vous enrichit, ne vous amputez pas d'une part de vous-même. La pureté est un enfermement, la pureté est une intolérance. La pureté est un fantasme qui conduit au fanatisme.

Je veux vous dire, jeunes d'Afrique, que le drame de l'Afrique n'est pas dans une prétendue infériorité de son art, sa pensée, de sa culture. Car, pour ce qui est de l'art, de la pensée et de la culture, c'est l'Occident qui s'est mis à l'école de l'Afrique.

L'art moderne doit presque tout à l'Afrique. L'influence de l'Afrique a contribué à changer non seulement l'idée de la beauté, non seulement le sens du rythme, de la musique, de la danse, mais même dit Senghor, la manière de marcher ou de rire du monde du XXème siècle.

Je veux donc dire, à la jeunesse d'Afrique, que le drame de l'Afrique ne vient pas de ce que l'âme africaine serait imperméable à la logique et à la raison. Car l'homme africain est aussi logique et raisonnable que l'homme européen.

C'est en puisant dans l'imaginaire africain que vous ont légué vos ancêtres, c'est en puisant dans les contes, dans les proverbes, dans les mythologies, dans les rites, dans ces formes qui, depuis l'aube des temps, se transmettent et s'enrichissent de génération en génération que vous trouverez l'imagination et la force de vous inventer un avenir qui vous soit propre, un avenir singulier qui ne ressemblera à aucun autre, où vous vous sentirez enfin libres, libres, jeunes d'Afrique d'être vous-mêmes, libres de décider par vous-mêmes.

Je suis venu vous dire que vous n'avez pas à avoir honte des valeurs de la civilisation africaine, qu'elles ne vous tirent pas vers le bas mais vers le haut, qu'elles sont un antidote au matérialisme et à l'individualisme qui asservissent l'homme moderne, qu'elles sont le plus précieux des héritages face à la déshumanisation et à l'aplatissement du monde.

Je suis venu vous dire que l'homme moderne qui éprouve le besoin de se réconcilier avec la nature a beaucoup à apprendre de l'homme africain qui vit en symbiose avec la nature depuis des millénaires.

Je suis venu vous dire que cette déchirure entre ces deux parts de vous-mêmes est votre plus grande force, et votre plus grande faiblesse selon que vous vous efforcerez ou non d'en faire la synthèse.

Mais je suis aussi venu vous dire qu'il y a en vous, jeunes d'Afrique, deux héritages, deux sagesses, deux traditions qui se sont longtemps combattues : celle de l'Afrique et celle de l'Europe.

Je suis venu vous dire que cette part africaine et cette part européenne de vous-mêmes forment votre identité déchirée.

Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, vous donner des leçons.

Je ne suis pas venu vous faire la morale.

Mais je suis venu vous dire que la part d'Europe qui est en vous est le fruit d'un grand péché d'orgueil de l'Occident mais que cette part d'Europe en vous n'est pas indigne.

Car elle est l'appel de la liberté, de l'émancipation et de la justice et de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Car elle est l'appel à la raison et à la conscience universelles.

Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.

Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès.

Dans cet univers où la nature commande tout, l'homme échappe à l'angoisse de l'histoire qui tenaille l'homme moderne mais l'homme reste immobile au milieu d'un ordre immuable où tout semble être écrit d'avance.

Jamais l'homme ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin.

Le problème de l'Afrique et permettez à un ami de l'Afrique de le dire, il est là. Le défi de l'Afrique, c'est d'entrer davantage dans l'histoire. C'est de puiser en elle l'énergie, la force, l'envie, la volonté d'écouter et d'épouser sa propre histoire.

Le problème de l'Afrique, c'est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l'éternel retour, c'est de prendre conscience que l'âge d'or qu'elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu'il n'a jamais existé.

Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance.

Le problème de l'Afrique, c'est que trop souvent elle juge le présent par rapport à une pureté des origines totalement imaginaire et que personne ne peut espérer ressusciter.

Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de s'inventer un passé plus ou moins mythique pour s'aider à supporter le présent mais de s'inventer un avenir avec des moyens qui lui soient propres.

Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de se préparer au retour du malheur, comme si celui-ci devait indéfiniment se répéter, mais de vouloir se donner les moyens de conjurer le malheur, car l'Afrique a le droit au bonheur comme tous les autres continents du monde.

Le problème de l'Afrique, c'est de rester fidèle à elle-même sans rester immobile.

Le défi de l'Afrique, c'est d'apprendre à regarder son accession à l'universel non comme un reniement de ce qu'elle est mais comme un accomplissement.

Le défi de l'Afrique, c'est d'apprendre à se sentir l'héritière de tout ce qu'il y a d'universel dans toutes les civilisations humaines.

C'est de s'approprier les droits de l'homme, la démocratie, la liberté, l'égalité, la justice comme l'héritage commun de toutes les civilisations et de tous les hommes.

C'est de s'approprier la science et la technique modernes comme le produit de toute l'intelligence humaine.

Le défi de l'Afrique est celui de toutes les civilisations, de toutes les cultures, de tous les peuples qui veulent garder leur identité sans s'enfermer parce qu'ils savent que l'enfermement est mortel.

Les civilisations sont grandes à la mesure de leur participation au grand métissage de l'esprit humain.

La faiblesse de l'Afrique qui a connu sur son sol tant de civilisations brillantes, ce fut longtemps de ne pas participer assez à ce grand métissage. Elle a payé cher, l'Afrique, ce désengagement du monde qui l'a rendue si vulnérable. Mais, de ses malheurs, l'Afrique a tiré une force nouvelle en se métissant à son tour. Ce métissage, quelles que fussent les conditions douloureuses de son avènement, est la vraie force et la vraie chance de l'Afrique au moment où émerge la première civilisation mondiale.

[…] »

Quel message le président français a-t-il précisément voulu faire passer à l’attention du continent et de sa jeunesse ?

De tout ce long discours, une seule phrase semble avoir été objet de cristallisation, voir de rancœur :

« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. »

Cette petite phrase est promise à un destin sans doute surdimensionné. Peut-on en faire une analyse complète et aussi objective en la sortant de l’ensemble du discours, ou du contexte ?

Le « discours de Dakar » a inspiré à un collectif d’historiens africains un ouvrage intitulé « Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine » et qui, comme son titre le laisse supposer, avait pour objet essentiel de rappeler à l’auteur du discours que l’Afrique avait bien une histoire.

Sans préjuger du fond, l’initiative en soi est à saluer, car rares sont les occasions où des historiens d’Afrique noire se retrouvent pour publier collectivement un ouvrage sur le passé du continent.

Dans la confrontation avec l’Europe au 19e siècle, les peuples d’Afrique furent vaincus, occupés, dominés, colonisés.

Comme toujours dans l’histoire des peuples, l’histoire du  vaincu est écrite par le vainqueur. Il est donc heureux que ce vaincu d'hier apporte sa vision de son propre passé, sans filtre ni intermédiaire.

Dans ce cas précis cependant, l’ouvrage collectif en question se confondant avec le commentaire d’un discours, j’estime que ce commentaire – quelle qu’en soit la qualité – doit être conforme à l’esprit et à la lettre des objectifs de l’auteur. Est-ce le cas ?

"Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine"

 

Commentaires

      Procès ?

Je ne suis pas de ceux qui jugent et condamnent avant de connaître et comprendre, quelle que soit la personne en cause, quelle que soit la circonstance.

Et, lorsqu’au bout de ma réflexion, je ne trouve toujours pas motif à faire des louanges ou à blâmer, je m’abstiens de juger, surtout de condamner, en reconnaissant mes limites.

Qu’a-t-il voulu signifier, l’auteur de ce discours ?

A-t-il voulu affirmer, comme d’autres avant lui, que l’Afrique n’avait pas d’histoire ?

L’idéal aurait été, en l’occurrence, d’entrer en rapport avec l’auteur pour lui demander d’expliciter sa pensée et de faire ensuite l’exégèse de la petite phrase.

N’ayant pas eu cette possibilité, il ne me reste plus que des conjectures, sous réserve de l’avis de meilleur connaisseur de la pensée de l’auteur.

Celui-ci a-t-il voulu dire que l’homme africain, l’Afrique en l’occurrence, a perdu la maîtrise de son destin depuis plus de cinq siècles ?Ou bien, a-t-il voulu signifier que l’Afrique compte, à ce jour, peu de Prix Nobel ?, et peu ou pas d’inventions techniques ?

Je le pense aussi. En effet, quand on connaît l’histoire de ce continent, principalement sa destinée et son évolution du 15e siècle au début du 21e, comment ne pas constater que l’Afrique et les Africains ont été (et sont absents) du gouvernail du « navire monde ».

Mais, est-ce le sens précis de cette petite phrase ? Car, de prime abord, tous les peuples du monde sont – et ont été dans l’Histoire.  La question c’est : « Quelle histoire, et à quelle place ? » Cela peut-il se discuter ?

Il y a deux façons d’être dans l’Histoire pour un peuple, l’Histoire étant ce vaste navire-monde qui avance sans cesse sur l’Océan du temps, transportant l’Humanité à son bord, divisée en deux grandes parties distinctes :

ceux qui sont sur le pont et qui composent l’équipage qui fait avancer le vaste Navire-Monde à travers les lieux et les siècles.

ceux qui sont dans les soutes, à fond de cale, ligotés et bâillonnés (de leur fait, ou du fait d’autrui), qui avancent avec le navire, mais sans prendre le gouvernail, sans capacité de choisir la direction ni de décider de la marche générale du navire. Ils sont loin de ceux qui impriment leurs marques, ceux qui font l’histoire, contrairement à ceux qui sont dans la soute et qui subissent l’histoire.

Mais, pour chaque peuple, cette position (sur le pont ou dans la cale) n’est pas définitive, fixée pour l’éternité. Chaque peuple a la faculté de changer de place ou de position au cours de l’histoire, de s’emparer ou non du gouvernail du monde ou de l’Histoire.

Où étaient l’Afrique et les Africains dans le navire de l’Histoire hier, du XV au XIXe siècle, du XIX au XXe siècle, et quelle place y occupent-ils aujourd’hui  en ce début de XXIe siècle ?

 

Dès lors, j’avoue ne toujours pas comprendre à ce jour, l’émoi que cette phrase à suscité parmi le cercle d’intellectuels et de politiques africains et français.

Non pas que le discours dans son entier, ne suscite quelques réserves de ma part :

discours beaucoup trop long.

nombreuses répétitions et anaphores.

               -Jeunes d’Afrique…

               -Je suis venu vous dire…

               -Je ne suis pas venu vous dire…

               -Ce que veut l’Afrique…

               -Ce que veut la France…

De plus, un ton par trop magistral qui sent le maître ou le professeur émérite, seul détenteur de la bonne parole et du mot juste.

À cela s’ajoutent quelques erreurs d’appréciation concernant l’évolution de l’Afrique en ce 21e siècle, le tout exprimé avec une pointe d’infantilisation et de condescendance.

 

Évaluation

Les auteurs du livre « Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine » et commentateurs du discours de Dakar ont-ils évalué l’effet produit par leur ouvrage sur les Africains d’une manière générale, et accessoirement sur les Français ?

À qui ce livre était-il destiné, aux Africains ? Aux Français ?

A-t-il rehaussé leur niveau de connaissance de l’Afrique, de son passé, de même que des rapports entre peuple de France et peuples d’Afrique ?

Quel était l’objectif précis des auteurs ? A-t-il été atteint ?

 

L’essentiel n’est-il pas plutôt : Comment rendre à l’Africain respect, respectabilité, dignité, en réduisant au minimum, à défaut de les gommer définitivement, les images si dévalorisantes pour l’honneur de l’Afrique et des Africains ?Cet objectif peut-il être atteint sans la volonté  des intéressés ?

 

 

 

 

 

 

En Afrique, le trafic d’enfants naît de la misère

« En Afrique, le trafic d’enfants naît de la misère

Le 17 avril, l’Etireno, un navire nigérian qui avait tenté, en vain, de rallier le Gabon, accostait, sous les feux des médias, à Cotonou avec une trentaine d'enfants à bord. L'enquête vient de confirmer qu'il s'agissait bien d'un trafic de petits esclaves. Le mal gangrène l'Afrique de l'Ouest. Il plonge ses racines dans la misère de millions de familles.

COTONOU (correspondance). -L'affaire Etireno a fait grand bruit. On a parlé de 250 enfants entassés sur ce rafiot nigérian, ballotté entre différents ports du golfe de Guinée. Lorsque l’Etireno a finalement accosté, le 17 avril, à Cotonou, la police béninoise n'a découvert à son bord «que» vingt-trois enfants, âgés de 5 à 14 ans, et dix-sept jeunes, âgés de 17 à 25 ans. Après une enquête menée en collaboration avec l'Unicef et Terre des Hommes, les autorités viennent d'aboutir à la conclusion qu'il s'agissait bien d'un trafic de main-d'œuvre.

Des femmes à la tête du trafic

Le phénomène, qui touche la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest, a pris, ces dernières années, des proportions inquiétantes. Partout, la misère est le fertile terreau sur lequel se développe le trafic. Ainsi, au Bénin, un des principaux pays pourvoyeurs d'enfants travailleurs, les départements du sud, confrontés à l'appauvrissement des terres et à la raréfaction du poisson, attirent les trafiquants. En revanche, dans les deux départements du nord-est, producteurs de coton, les paysans ont besoin de main-d'œuvre dans les champs. Les trafiquants n'y viennent pas.

Le «commerce » a deux visages. Le premier porte celui de femmes béninoises résidant au Gabon qui reviennent au pays chercher des fillettes pour les placer auprès de familles gabonaises. Le second, beaucoup plus élaboré, implique plusieurs «opérateurs», dont l'acteur principal reste le trafiquant. Trois fois sur quatre, c'est encore une Béninoise du Gabon. Pourquoi le Gabon? Fort de ses ressources pétrolières, politiquement stable, ce petit pays d'Afrique de l'Ouest dispose du revenu par habitant le plus élevé de la région.

Tout commence avec les recruteurs. Généralement originaires du département, ils descendent dans les villages et embobinent les parents avec des promesses dorées. « Les parents n'ont pas le sentiment de vendre leur enfant, explique Alain Adihou, un économiste béninois qui a étudié le trafic. Ils ne veulent souvent que le bien de leur progéniture et lui permettre de tenter sa chance ailleurs. Ils peuvent même supplier le trafiquant de prendre l'enfant et s'endetter pour financer le voyage.» Les deux tiers des enfants concernés sont des filles

Entrent alors en scène les passeurs ou «facilitateurs». Grâce à la complicité de fonctionnaires, ils font établir de faux papiers. Les enfants changent parfois d'identité pour faciliter leur sortie vers le Togo ou le Nigeria. Là, ils sont confiés à des «convoyeurs», spécialistes du transport clandestin par la haute mer. Les conditions de voyage, sur des navires en mauvais état, sont dangereuses. Tous les passagers n'arrivent pas à destination. Ceux qui meurent sont jetés à la mer.

Vendus et revendus

Les enfants qui parviennent finalement au Gabon sont récupérés par d'autres intermédiaires, agents du trafiquant Ils sont cachés, le temps de se reposer, de recevoir des soins, d'apprendre le français «à la gabonaise» et à «bien se comporter». Le trafiquant les place ensuite auprès de familles gabonaises. Il passe collecter régulièrement les salaires des jeunes travailleurs. C'est à cette étape qu'il rentabilise son «affaire». Ces enfants servent dans le commerce, l'agriculture, la pêche ou les travaux domestiques. Pour certains d'entre eux, le Gabon n'est qu'une étape. Dès que l'occasion se présente, leur «tuteur» les revend en Guinée équatoriale, au Liban, voire en France. »

Jérôme ADJAKOU BADOU (Ouest-France, 03/05/2001)

 

 

 

 

 

 

 

 

L’esclavage continue en Mauritanie

 

 

 

 

 

 

Migrants africains : Au secours, l’Europe !

Chacun des documents ci-dessus, à lui seul, fait plus de dégâts à l’image de l’Afrique et des Africains que la petite phrase extraite du discours de Dakar.

En même temps qu’un surcroît de volonté de rédemption, de volonté de se relever quand on est à terre, l’Afrique aurait aujourd’hui plus que jamais, besoin d’un surcroît d’orgueil et d’un sens aigu de l’honneur, pour préserver sa dignité, et soigner son image depuis si longtemps en souffrance, maculée, sinon abîmée.

Dans cette tâche de renaissance à soi, quelle est la part dévolue aux Africains eux-mêmes, aux intellectuels africains auxquels revient sans doute un rôle d’une importance capitale. Il serait hautement souhaitable, à ce égard, que d’autres Africains, historiens, ou non, unissent de la même manière, leur intelligence, leur savoir-faire, leurs compétences multiples, mais, avant tout, leur capacité d’indignation, pour dénoncer, avec force, l’incurie, l’indifférence coupable et intolérable des responsables du continent au sort des jeunes victimes des affres de la migration sauvage.

Intellectuels d’Afrique, soyez médecins. Revêtez votre blouse de praticiens. Allez au-delà du livre collectif « Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine » pour relever ou aider à relever les lourds défis qui assaillent le continent. Sauvez-le de ses dirigeants.

Engagez-vous sans réserve, tout particulièrement dans la croisade du livre et de la lecture, partout sur le continent, dans la savane, dans la forêt, dans le désert… pour ouvrir et libérer les esprits, l’Homme.

Lire, c’est éclore, sortir de soi, grandir, ouvrir grandes les portes du monde afin de s’emparer des clés du Monde et de l’Univers, prendre toutes les clés  du possible, pour ouvrir  toutes les portes du savoir, afin de connaître et se connaître.

Car lire et écrire, c’est bâtir le monde, c‘est vivre et faire vivre. 

                                                                                                                   

 

 

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commentaires

M
Comme vous je pense que le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar était beaucoup trop long et plein de maladresses, mais, comme vous, je n’y ai vu aucune intention d’insulter mes frères africains.
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Merci beaucoup pour ce commentaire. Cordialement. TD
M
Comme vous je pense que le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar était beaucoup trop long et plein de maladresses, mais, comme vous, je n’y ai vu aucune intention d’insulter mes frères africains.
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M
Comme vous je pense que le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar était beaucoup trop long et plein de maladresses, mais, comme vous, je n’y ai vu aucune intention d’insulter mes frères africains.
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