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2 septembre 2018 7 02 /09 /septembre /2018 07:37

AFRIQUE : LES PRINCIPALES ENTRAVES À L’ÉMERGENCE (1)

L’éducation traditionnelle. La culture du suivisme et ses avatars

Quand la hiérarchie des âges mène à la tyrannie de l’âge

L’ancien, le plus âgé, a toujours raison ; quoiqu’il dise, quoi qu’il fasse.

Si le respect dû « au plus âgé, aux anciens », à l’aîné, est une excellente chose à préserver, ce principe ne doit en aucune manière signifier l’abdication de la personnalité, de la pensée, de la volonté de l’individu. Or, c’est malheureusement le cas. Toute remise en cause du point de vue, de l’action de l’aîné, est généralement perçue comme une offense à l’âge, inconcevable, un outrage, mieux un sacrilège intolérable.

C’est précisément cette culture du « suivisme » qui est en cause dans bon nombre de cultures en Afrique.

À la tyrannie de l’âge se greffe en bien des cas, la dictature du groupe, face auquel l’individu doit s’effacer : se taire, gommer sa personnalité, sa pensée, son point de vue, voire ses sentiments et ses goûts.

On se tait, on baisse la tête et on suit – que dis-je ! on regarde la nuque de l’aîné, qui lui aussi regarde la nuque de  plus âgé que lui, … jusqu’au premier de cordée qui, lui, regarde la nuque de l’aïeul disparu depuis longtemps.

En fait, toujours suivre un plus âgé que soi.

 

Des déterminants socioculturels puissants qui freinent la marche vers l’émancipation de l’individu

Dans un tel système, l’individu, écrasé, est comme vidé de lui-même, de ses sentiments, ses réalités, de ce qui fait sa singularité. Dans ce système d’éducation, qui sort du rang est mal perçu, pire ostracisé par les siens. Aucun écart par rapport à la marche « coutumière » du groupe n’est toléré.

Système de nivellement social qui ne permet à l’individu ni initiative, ni rêve, ni audace, ni volonté ou capacité de dépassement de soi. C’et le grand sommeil (ou l’enfermement) de l’esprit, de la pensée, de l’intelligence.

Or, un individu libre et épanoui rend la collectivité performante et épanouie. À défaut, c’est le règne de la stagnation et de la médiocrité collective.

Dans un tel système, la démocratie n’est pas une évidence, car la démocratie suppose liberté de l’individu, liberté de choix et d’expression, toutes choses à l’opposé d’une quelconque hiérarchie des âges.

Précisément, dans les sociétés où prédomine cette « culture de suivisme », où les individus sont vidés d’eux-mêmes, la notion de droits de l’Homme est ignorée. Or, comment dissocier ce qui constitue l’essence de la démocratie : droit, liberté d’opinion, liberté d’expression…du respect scrupuleux de l’individu, de ce qui fait sa personnalité intime.

D’où la marche chaotique et poussive de la démocratie de nos jours dans nombre de pays africains. Tout simplement parce qu’il manque dans ces pays, une culture démocratique.

La culture du suivisme : des avatars multiples

Or, la mondialisation de l’information, des modes… crée aussi une mondialisation des modes de vie, de pensée et d’aspiration.

Si les jeunes Africains bénéficient de cette forme de mondialisation amplifiée par internet et les réseaux sociaux, ils se heurtent à un poids écrasant qui plombe chez eux toute velléité d’émancipation réelle.

Des sociétés dominées par la tradition

    Les " Vieux ", source de savoir

 

« La société africaine traditionnelle se caractérise essentiellement par la famille et la tradition. La règle, c'est la famille au sens large. Elle comprend tous les descendants d'un même ancêtre. La règle, c'est aussi que tous ses membres restent étroitement unis par une solidarité sans faille et par des règles ou codes dont la transgression peut être facteur de graves désordres.

Quand cette famille élargie devient très nombreuse, elle forme un clan dont les membres tout en étant dispersés restent unis par les mêmes liens de solidarité. L'autorité au sein de la famille et du clan est exercée exclusivement par le groupe. Chaque clan a son chef qui est toujours l'homme le plus âgé.

Si seul le chef de clan détient l'autorité au sein du groupe, il n'a rien cependant d'un monarque absolu. Il est toujours assisté d'un conseil de famille qui regroupe les hommes les plus âgés. Dans les affaires importantes concernant le groupe familial, lorsqu'il faut décider et trancher, le conseil obligatoirement consulté, se réunit sous la direction du chef. Chaque membre s'exprime et donne son avis dans un ordre convenu. Le chef expose le motif de la réunion puis la parole circule toujours dans le même sens, du moins âgé au plus âgé. Chacun donne son point de vue mais c'est la parole du chef qui clôt l'assemblée, les membres du conseil se ralliant à la sagesse de l'aîné. En aucun cas le chef n'impose son avis. Il écoute et conclut par des paroles qui sont la synthèse de toutes les opinions exprimées. Le chef, dans la tradition, c'est celui qui sait écouter. Il a l'autorité mais sans autoritarisme. Le chef traditionnel (qui est le plus âgé), le sage, est à distinguer du détenteur du pouvoir de commandement, politique ou militaire.

Lorsque la réunion concerne le seul groupe familial, après des délibérations il arrive que les hommes informent la plus âgée des femmes des décisions prises, à charge pour elle d'en instruire les autres. Dans certaines traditions les femmes les plus âgées sont conviées aux réunions et donnent leur avis. Dans d'autres elles y assistent mais en simples spectatrices sans avoir le droit d'émettre un avis.

Et quand la réunion concerne le clan, seuls les chefs de famille (élargie) y sont invités sous la direction du plus âgé. La circulation de la parole se fait selon le même schéma que lors des réunions familiales. Toujours du « plus jeune » (souvent plus que cinquantenaire) au plus âgé. Chacun attend son tour ; ce protocole tacite ne souffre aucune exception. Dans cette hiérarchie de la parole, celle des plus vieux a toujours plus de poids que celle des cadets qui ne doivent en aucun cas interrompre les aînés. Les femmes sont rarement invitées aux réunions des chefs du clan. Mais ces traditions varient d'une région à l'autre, d'une culture à l'autre même si le schéma ci-dessus décrit est le plus largement partagé. Ce qui vient d'être ainsi décrit est surtout vérifié en Afrique de l'Ouest, ailleurs dans le continent les pratiques peuvent être différentes. » (Source : Tidiane Diakité, L’Afrique expliquée, Réponses aux questions des jeunes, Ed. Cultures Croisées, 2006)

 

Le poids de l’irrationnel sur l’esprit et la conscience

Autre facteur de taille, qui opprime l’individu, l’esprit et rend aléatoire toute volonté et toute capacité d’émancipation.

Au nom de ce poids de l’irrationnel sur l’esprit et la conscience, on invente dans certains pays du continent, des « enfants sorciers » qu’on opprime, brutalise, y compris par leurs géniteurs. De même, en certains pays, on traque les albinos, qu’on terrifie, martyrise, qu’on sacrifie, qu’on supprime et dont des parties du corps apporteront à leurs bourreaux, richesses et succès électoral…

Le dialogue récent entre un jeune auteur malien et un journaliste français, est à cet égard révélateur.

Le journaliste lui décerne des félicitations pour sa récente publication :

- Vous voilà devenu un vrai écrivain.

- Oui, mais, je fais attention aux interdits. Je veux éviter des ennuis avec les anciens. Je ne veux pas les fâcher...

L’éducation traditionnelle africaine ignore par ailleurs les notions de minorité et majorité par l’âge biologique ou par l’état civil. L’individu demeure toujours mineur tant qu’il y a, dans la famille ou le groupe familial (ou le clan), quelqu’un de plus âgé que lui.

En définitive, quoique généreuse par bien des aspects, cette éducation ne favorise ni l’expression du libre arbitre, ni l’éveil à l’esprit critique. Voltaire n’y trouverait pas sa place.

Ainsi, à la tyrannie de l’âge se joint le poids de l’irrationnel, pour transformer certains pays en une véritable prison morale et mentale que bien des jeunes essaient de fuir parfois, au péril de leur vie, en tentant d’aller loin, vers l’Europe, l’Asie, l’Amérique latine, Israël… surtout, quand la pauvreté ou la misère s’y rajoute, de même que la carence de l’éducation et de la formation.

Quel salut pour les jeunes ?

Pour l’Afrique ?

Que faire ? Comment ?

 

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