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11 mars 2018 7 11 /03 /mars /2018 08:47

QUE SAVONS-NOUS DE L’IMMENSITÉ DES TÉNÈBRES DE L’UNIVERS ?

Fragilité de l’homme face à l’épais mystère de l’Inconnu.

La Science ?

Louis de Broglie

Louis (duc de) de Broglie (1892-1987). Mathématicien, physicien et grand chercheur français. À l’origine de la mécanique quantique. Prix Nobel de physique en 1929.

 

« La science : une petite clairière ? »

« Quelle que soit la variété des conceptions et des tendances qui interviennent dans les spéculations théoriques, un fait capital s'impose à notre admiration : c'est le prodigieux agrandissement de nos connaissances sur le monde physique qui résulte de cet immense travail et qui s'accroît sans cesse à un rythme qui va s'accélérant. Il est bien loin le temps où, au XVII siècle, la découverte du microscope optique permettait aux hommes d'apercevoir pour la première fois ce qui se passe à l'échelle du dixième et du centième de millimètre et de compléter ainsi dans le sens de la petitesse les données insuffisantes de nos sens. Non seulement des procédés nouveaux, microscope électronique ou contraste de phase, nous permettent maintenant de voir des objets dont les dimensions dépassent à peine le millionième de millimètre, mais la Physique atomique nous a fait connaître, par des méthodes il est vrai plus indirectes mais fort certaines, les phénomènes qui ont leur siège dans la périphérie des atomes, c'est-à-dire qui se déroulent à l'échelle du dix millionième ou du cent millionième de millimètre. Puis est venue la Physique nucléaire qui étudie les phénomènes dont les noyaux des atomes sont le théâtre dans des régions de l'espace dont les dimensions sont inférieures au millionième de millionième de millimètre. Voilà bien pour les connaissances humaines, si l'on peut accoupler ainsi des mots qui semblent se contredire, un énorme agrandissement dans le sens de la petitesse ! »

 

Plus l’homme de science sait, plus il s’estime ignorant.

     La science le convainc de sa petitesse

« Dans le sens de la grandeur, c'est une autre science, l'Astronomie, qui est venue nous révéler l'immensité des espaces stellaires, grâce à elle, nous savons aujourd'hui que certaines nébuleuses à peine visibles dans les plus puissants télescopes sont à des distances de notre Terre telles que la lumière qu'elles nous envoient met plus de cent millions d'années à nous parvenir, et cela bien que la lumière parcoure trois cent mille kilomètres par seconde. La Physique a d'ailleurs beaucoup contribué à rendre possibles ces vertigineuses évaluations des dimensions de l'univers stellaire, car c'est toujours par l'intermédiaire de la lumière que nous connaissons les astres et ce sont les physiciens qui ont analysé les propriétés de la lumière et permis ainsi aux astronomes de déchiffrer les messages qu'elle nous apporte du fond des insondables abîmes du firmament étoilé. »

 

Au centre de la forêt obscure, entre l’infiniment petit et l’infiniment grand

« En présence d'un tel accroissement de nos connaissances dont le rythme va sans cesse en s'accélérant, ne pourrait-on pas croire que bientôt le monde physique n'aura plus de secrets pour nous ? Ce serait là tomber dans une bien grande erreur : chaque progrès de nos connaissances pose plus de problèmes qu'il n'en résout et dans ce domaine chaque nouvelle terre découverte nous fait entrevoir d'immenses continents encore inconnus.

Dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, une belle fresque due à Puvis  de Chavannes nous montre dans une vaste clairière des personnages, un peu stylisés selon la manière habituelle de l'artiste, qui représentent l'humanité se livrant aux plus hautes et aux plus belles joies de l'intelligence, les Lettres, les Sciences et les Arts ; mais, tout autour de cette tache de lumière, la limite ténébreuse d'une vaste forêt, cerne la clairière et nous indique symboliquement que, malgré les plus brillantes conquêtes de notre pensée, nous restons de toute part environnés par le mystère des choses.

Oui, nous sommes placés au centre d'une immense et obscure forêt. Peu à peu, nous avons défriché autour de nous un peu de terrain et nous avons créé une petite clairière. Et maintenant, grâce aux progrès de la science, nous en reculons sans cesse, et de plus en plus rapidement les limites. Cependant, toujours nous retrouvons devant nous cette orée mystérieuse de la forêt, de la forêt impénétrable et sans bornes de l'Inconnu. »

Louis de Broglie « Sur les sentiers de la science »

 

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