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15 octobre 2017 7 15 /10 /octobre /2017 07:08

LA MUSIQUE, UNE LANGUE UNIVERSELLE : L’HYMNE À LA JOIE. BEETHOVEN COMMENTÉ

La musique, instrument de rencontre des cœurs et créatrice de fraternité universelle.

Ludwig van Beethoven. Compositeur allemand (1770-1827)

Beethoven, considéré comme un génie de la musique classique, d’une précocité étonnante, a donné son premier concert à l’âge de 8 ans.

Il est également considéré comme l’héritier de Mozart et précurseur du romantisme allemand. Sa surdité dès l’âge de 26 ans ne l’empêcha pas d’être le génie qu’il fut.

L’œuvre de Beethoven présentée et commentée par un autre grand de la musique classique, Richard Wagner

Richard Wagner. Compositeur allemand (1813-1883)

Richard Wagner présente les 4 premiers mouvements de la neuvième symphonie

Premier mouvement

Un combat — au sens le plus magnifique du mot — de l'âme luttant pour la conquête de la joie contre l'oppression de cette force hostile qui s'insinue entre nous et le bonheur terrestre : tel semble bien être le motif fondamental de ce premier mouvement. Le thème principal, qui dès le début, émerge, puissant et nu, comme d'un voile qui le dérobait à nos esprits inquiets, trouverait, je crois, son interprétation, sans que soit trahi le sens général du poème musical, dans ce vers de Goethe :

Renonce, tu le dois, il faut que tu renonces.

Nous croyons voir deux vigoureux lutteurs qui, l'un et l'autre invincibles, semblent se soustraire au combat. Des éclaircies nous permettent, par instants, d'entrevoir le sourire mélancolique et doux du bonheur qui paraît nous chercher ; nous luttons pour sa possession, mais, au moment de l'atteindre, l'ennemi perfide et puissant s'interpose et son aile ténébreuse nous recouvre de son ombre. Ainsi, tout regard, même lointain, jeté sur ces prémices de bonheur est aussitôt voilé et nous retombons dans un sombre accablement, mais qui bientôt va se transformer en un nouvel élan audacieux, en une lutte renaissante contre le démon hostile à notre joie. Ainsi, attaque impétueuse, résistance, effort, désir ardent, espoir, approche du succès, nouvelle défaillance, nouvelle tentative, nouveau combat, telles sont les perpétuelles alternances de cet admirable morceau...

A la fin du mouvement, ce sombre désespoir que la joie ne peut effleurer atteint au paroxysme et semble envelopper l'univers. On dirait que dans sa majesté terrible et grandiose, il va s'emparer de ce monde que Dieu créa... pour la Joie.

Deuxième mouvement

Une volupté sauvage nous saisit dès les premiers rythmes de ce second mouvement : nous entrons dans un monde nouveau, où nous nous sentons emportés jusqu'au vertige, jusqu'à l'étourdissement. C'est comme si, poussés par le désespoir, nous fuyions devant lui, à la poursuite d'un bonheur nouveau, inconnu, au prix d'efforts éperdus, alors que l'ancien bonheur, qui naguère nous illuminait de son sourire lointain, nous paraît hors de portée et complètement aboli. ...

Un nouveau thème s'impose soudain ; et devant nous se déroule une de ces scènes de joie terrestre et de bien-être délectable : dans le thème très simple et qui revient à tout instant, semble s'exprimer en une gaîté un peu fruste, une naïveté, une allégresse facile, et nous sommes tentés de nous reporter, ici encore, à un passage de Goethe où il évoque un contentement pareillement dénué d'envolée

Pour le peuple, ici, chaque jour est une fête ;

Avec un peu de bonne humeur et beaucoup d'agrément

Chacun tourne en une ronde étroite...

Troisième mouvement

... C'est comme un souvenir, se réveillant en nous — le souvenir du premier, du plus pur des bonheurs. ...

Avec ce souvenir revient également cette douce nostalgie qui se manifeste dans sa plénitude au deuxième thème de ce mouvement et que nous ne pourrions mieux interpréter que par ces paroles de Goethe

Un désir ineffable et doux

Me poussait à travers forêts et prairies,

Et avec mille larmes brûlantes,

Je sentais naître pour moi un monde.

Ce thème apparaît comme le désir de l'amour, auquel répond de nouveau, mais cette fois en un rythme expressif plus vif et plus orné, le premier thème, prometteur d'espérance, et d'une apaisante douceur. ...

Ainsi, le cœur encore frémissant paraît vouloir, avec une douce opiniâtreté, écarter ces consolations ; mais leur suave puissance est plus forte que notre orgueil, qui fléchit enfin ; nous nous jetons vaincus dans les bras de ces doux messagers du bonheur le plus pur :

Retentissez encore, douces harmonies du ciel ;

Une larme jaillit, la Terre m'a reconquis.

Oui, le cœur blessé semble guérir, reprendre des forces et se soulever avec une résolution virile que nous croyons reconnaître vers la fin du morceau dans la marche presque triomphale. Toutefois, cette exaltation n'est pas exempte de quelques échos des orages passés ; mais à chaque retour de l'ancienne souffrance s'oppose aussitôt cette douce puissance magique, avec ses consolations nouvelles, toujours apaisantes, et devant elle enfin, cependant que s'évanouit la lueur des derniers éclairs, l'orage se dissipe et s'éloigne.

[…]

 

Quatrième mouvement

Dès le début (et c'est la transition du troisième au quatrième mouvement), jaillit comme un cri strident ...

Avec ce début du dernier mouvement, la musique de Beethoven prend un caractère infiniment plus expressif : elle abandonne le caractère de musique instrumentale pure, qu'elle a conservé durant les trois premiers mouvements et qui se manifeste par une expression indécise et qui n'aboutit pas. La suite du poème musical exige impérieusement une conclusion — et une conclusion qui ne peut s'exprimer que par la parole humaine.

Admirons comment le maître prépare l'intervention de la parole et de la voix humaine (que l'on attendait impérieusement) par cet émouvant récitatif de basses instrumentales. Ce récitatif dépasse presque déjà les bornes de la musique absolue et emporte par une adjuration véhémente et pathétique l'adhésion des autres instruments à la rencontre desquels il s'avance ; il finit par devenir lui-même un thème de chant qui, évoluant dans la simplicité de sa ligne, et comme animé d'une joie triomphale, entraîne avec lui les autres instruments et s'élève à une hauteur sublime. C'est là, semble-t-il, la suprême tentative pour exprimer par la musique instrumentale seule un bonheur parfait et sûr, bien défini et que rien ne peut troubler. Mais l'élément indomptable ne paraît pas s'accommoder des limites qui lui sont assignées. ... C'est alors qu'une voix humaine, avec la claire et sûre expression de la parole, s'insinue au milieu des instruments déchaînés, et nous ne savons pas ce que nous devons le plus admirer de l'inspiration hardie ou de la grande naïveté du Maître, lorsqu'il fait crier par cette voix aux instruments :

Amis, non, pas ces accents. Entonnons maintenant

Des chants plus plaisants et plus joyeux.

A ces mots, la lumière se fait dans le chaos ; une expression définie, certaine, se manifeste, dans laquelle, portés par l'élément maîtrisé de la musique instrumentale, nous pouvons entendre clairement et distinctement ce qui doit apparaître, après la recherche douloureuse de la joie, comme un bonheur sublime et décisif...

Des accents belliqueux, exaltants, se rapprochent. Nous croyons voir passer une troupe de jeunes hommes dont l'héroïsme joyeux s'exprime par ces vers :

Joyeux comme les soleils qui volent

Par la voûte splendide des deux,

Suivez, frères, votre route,

Rayonnants comme le héros qui marche, à la victoire.

Cela amène une sorte de lutte joyeuse, exprimée par les instruments seuls : nous voyons les jeunes gens qui se précipitent vaillamment à ce combat, dont le trophée sera la joie, et nous nous sentons portés une fois de plus à invoquer Goethe :

Celui-là seul mérite la liberté comme la vie

Qui doit chaque jour la conquérir.

La victoire, dont nous ne doutions pas, est acquise : le sourire de la joie est la récompense de tant d'efforts vigoureux. Elle éclate en cris d'allégresse dans la conscience du bonheur nouvellement conquis :

Joie, belle étincelle divine,

Fille de l’Elysée,

Nous pénétrons, enivrés de tes feux,

 O Céleste, dans ton sanctuaire, etc. ...

Maintenant, dans la plénitude de la joie, le cri de l'amour humain universel jaillit des cœurs exaltés ; dans un enthousiasme sublime, après avoir embrassé le genre humain tout entier, nous nous tournons vers le grand Créateur de la Nature, en qui, avec une claire conscience, nous proclamons notre foi fervente ; et, dans un élan de ravissement sublime, nous avons le sentiment que nos regards parviennent jusqu'à lui à travers l'éther azuré qui se déchire :

Millions d'êtres, embrassez-vous !

Au monde entier ce baiser !

Frères, au-dessus de la tente étoilée

Doit habiter un Père tout de bonté.

Vous prosternerez-vous, millions d'êtres ?

Pressens-tu le Créateur, ô monde ?

Cherche-le au-dessus de la tente étoilée.

C'est par delà les étoiles qu'il doit habiter.

C'est comme si nous étions poussés par la révélation à cette croyance exaltante que tout homme est né pour la joie :

Millions d'êtres, embrassez-vous !                                                          

Au monde entier ce baiser ! ...

Richard Wagner , Beethoven, Ed. Gallimard.

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