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12 février 2017 7 12 /02 /février /2017 08:34

 

L’ÉGLISE ET L’ESCLAVAGE : UN BIEN OU UN MAL ?

 

 

Une lente évolution au cours des siècles, du moyen âge au 19e siècle

Un système hérité

– Qu’en pense l’Église ?

– Que dit l’Église ?

– Que fait l’Église ?

 

Ces questions sont posées et entendues tout au long des siècles, du moyen âge au 19e siècle. En s’affirmant, l’Église catholique découvre l’institution esclavagiste en tant que système social et économique hérité du monde gréco-romain. Elle ne cherche pas à élaborer une doctrine propre qui définisse sa position.

De plus, l’Église s’aligne naturellement sur les écrits des Pères qui vont servir de guide aux chrétiens, principalement les enseignements de Saint-Augustin, à partir du 5e siècle.

Pour Saint-Augustin, l’esclavage est la « sanction des péchés des hommes ». Pour lui, en effet « La cause première de l’esclavage est le péché qui a soumis l’homme au joug de l’homme, et cela n’a pas été fait sans la volonté de Dieu qui ignore l’iniquité et a su répartir les peines comme salaire des coupables ». (Citation tirée de la « Cité de Dieu » de Saint-Augustin).

Les papes suivent la voie

Plusieurs papes se sont illustrés dans la défense de la pratique esclavagiste, particulièrement la traite des Noirs.

Ainsi, en 1442, le pape Eugène IV approuva les expéditions du prince Henri (du Portugal) en Afrique (par la bulle Illius  qui).

De même, dans les années 1450, les papes Nicolas V et Calixte III exprimèrent leur vivre approbation de la traite atlantique par trois autre bulles. Nicolas V notamment légalise la traite en 1454. Des religieux ont possédé des esclaves noirs. Certains, parmi eux, ont participé à la traite.

Des voix discordantes

Il y eut cependant des ecclésiastiques rebelles au sein de l’Église, des protestataires, parfois véhéments, qui se firent entendre et manifestèrent parfois bruyamment leur désapprobation de la ligne suive par plusieurs papes. Parmi les protestataires les plus virulents par leurs écrits et leurs prêches, le dominicain espagnol Thomas de Mercado, le jésuite Frei Miguel Garcia. Ce dernier protesta vivement, horrifié de « découvrir que son ordre possédait des Africains, à ses yeux illégalement asservis ».

Si ces voix et critiques, fortes, mais isolées, rencontrèrent peu d’écho, elles permirent néanmoins une réflexion au plus haut niveau de l’Église. En réalité, cette réflexion a débuté bien avant le 15e siècle, en deux étapes essentiellement : avant le 15e siècle et à partir de la fin du 15e siècle avec le début de la traite atlantique.

La première étape concerne l’esclavage en général, et l’esclavage des chrétiens en particulier, sous forme d’un appel à la conscience des propriétaires d’esclaves. Les papes affirment que « les esclaves chrétiens et leurs maîtres sont également les enfants du même Dieu ».

Et, en 1537, le pape Paul III met pour la première fois « sur le même plan, les droits fondamentaux des chrétiens et ceux des peuples non-chrétiens ».

Ces affirmations s’accompagnent parfois d’actions concrètes pour libérer des esclaves chrétiens ou pour réduire leurs souffrances, où qu’ils se trouvent dans le monde.

Il est à noter cependant qu’au 15e siècle (octobre 1462), au tout début de la traite atlantique, le pape Pie II, dans sa lettre « Rubicensens » à l’évêque de la Guinée portugaise, condamna la traite des Noirs avec énergie. Mais, cette énergique condamnation resta sans effet.

Esclaves et esclaves ?

Si l’Église n’a jamais été indifférente au sort des esclaves chrétiens, par contre elle semble avoir toujours eu du mal à se définir par rapport à l’esclavage des Noirs en général et la traite atlantique en particulier : la deuxième étape.

La question du baptême justifie-t-elle cette hésitation ?

En effet, des papes semblent avoir appuyé leur approbation de la traite des Noirs sur cet argument, longtemps utilisé par les marchands et les planteurs européens des îles, selon lequel ce commerce avait pour but et avantage la conversion des Noirs à la religion catholique, seul moyen de sauver leur âme., et de les soustraire à la barbarie de leurs congénères sur le continent ; en somme,l’heureuse occasion de sauver leur tête et leur âme.

Des rois, furent séduits par cet argument, comme Louis XIII qui autorisa la traite des Noirs en 1642, après avoir longtemps refusé d’engager la France dans ce commerce, et en interdisant l’entrée d’esclaves sur le sol de France (à condition qu’il soit immédiatement libéré).Autre avantage pour le royaume,les planteurs français des îles disposeront d'une main -d'oeuvre servile régulière, condition de leur prospérité à terme; ce qui est bon pour l'économie du pays.

Là aussi, des serviteurs de l’Église protestèrent, tel le dominicain Fray Alonso de Montutar, archevêque de Mexico, qui s’employa à démontrer l’absurdité de cet argument  d’évangéliser les Noirs transportés en Amérique par un contre-argument de poids, adressé au roi d’Espagne en 1560.

Il faisait ainsi remarquer au roi « qu’il serait plus logique d’aller prêcher les Saintes Évangiles en Afrique, plutôt que de justifier la traite par le souci de la conversion des Noirs en Amérique ».

Enfin, au sein même de la papauté, il y eut quelques « dissidences » au sujet de la traite et de l’esclavage des Noirs. Ainsi, le pape Urbain VIII, dans une lettre au nonce du Portugal, en 1639, condamna fermement l’esclavage et menaça d’excommunier ceux qui le pratiquaient.

Un siècle plus tard, en 1741, le pape Benoît XIV lui emboîte le pas en interdisant à son tour l’esclavage et la traite.

 

 

XIXe siècle : l’Église acteur déterminant de l’abolition de l’esclavage

C’est à partir du Congrès de Vienne en 1815 (où les puissances européennes condamnèrent la traite et préconisèrent son abolition), que concrètement et de façon irréversible, l’Église et les papes s’engagèrent dans une « croisade » contre l’esclavage et la traite des Noirs. Mais, c’est surtout en 1839 que le pape Grégoire XVI condamna officiellement et énergiquement le commerce et le transport d’esclaves africains.

Pendant tout le 19e siècle, l’élan missionnaire né en Europe, axa son action sur l’Afrique prioritairement, à la fois pour participer à cette lutte contre la traite, mais aussi contre l’esclavage traditionnel pratiqué sur ce continent. Ainsi, par un curieux retournement, les Écritures saintes qui furent utilisées pour justifier ou tolérer l’esclavage, furent également invoquées pour combattre ce triste fléau humain.

 

 

Noé et ses fils ; La malédiction de Cham

 

 

Ancien Testament : la Genèse (IX, 20-27)

      La malédiction de Cham justifie-t-elle l’esclavage des Noirs ?

      Les propos d’un spécialiste de la question

« Noé, explique la Genèse (IX, 20-27), homme de sol, commença à planter une vigne. Il but du vin, s'enivra et se dénuda au milieu de sa tente. Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père et en fit part à ses deux frères au-dehors. Sem et Japhet prirent un manteau et le mirent, à eux deux, sur leur épaule, puis marchèrent à reculons et couvrirent la nudité de leur père. Leur visage étant tourné en arrière, ils ne virent pas la nudité de leur père. Noé s'éveilla de son vin et apprit ce que lui avait fait son plus jeune fils. Il dit :: "Maudit soit Canaan ! Il sera pour ses frères l'esclave des esclaves !" Puis il dit : "Béni soit Iahvé, le Dieu de Sem, et que Canaan lui soit esclave ! Qu'Elohim dilate Japhet et qu'il habite dans les tentes de Sem ! Que Canaan leur soit esclave !" »

Jusqu'au XIe siècle, cette histoire, qui avait conservé un caractère très abstrait, n'avait jamais été vraiment associée à une quelconque couleur ou race. Il faut préciser également qu'avant le véritable essor de la traite les représentations de l'Afrique et des Africains en Europe n'étaient pas encore péjoratives.

Les Rois mages noirs, dans les scènes de la nativité, étaient alors représentés de manière neutre. En Europe du Nord, les statues et peintures figurant saint Maurice, le martyr thébain qui, vers le milieu du XIIIe siècle, était devenu un saint germanique présidant à la christianisation des Slaves et des Magyars, le montraient avec des traits négroïdes.

Les musulmans furent les premiers à recourir à la « malédiction de Cham » pour justifier l'esclavage des populations noires. Ils furent suivis par les commentateurs européens.

Dans l'histoire originelle, on l'a vu, la faute retombait plutôt sur Canaan : les Cananéens, en effet, étaient les esclaves des Israélites.

Mais, finalement, dans la Genèse, c'était Cham qui avait fauté... Faire des Noirs les descendants de Cham permettait donc de s'appuyer sur les textes sacrés pour légitimer leur asservissement.

Ce furent ensuite des créoles d'origine espagnole (Buenaventura de Salinas y Cordova et Léon Pinelo) qui, afin de légitimer la traite atlantique, cherchèrent au XVIIe siècle à s'en servir.»

0. P.-G

 

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