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THÉODORE LEBRETON. L’ART AU SERVICE DE LA PAIX DE L’ÂME, CONTRE L’ADVERSITÉ
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Consolation de l’enfant pauvre du 19e siècle
Consolation de l'enfant pauvre
Tiens, regarde, petit frère
Ce que j'apporte à ma mère !
C'est de l'or... N'y touche pas !
Vois, mes deux mains en sont pleines
C'est que, pendant deux semaines,
J'ai bien fatigué mes bras.
C'est qu'à présent j'ai la taille
Où chez le pauvre on travaille.
Où l'on occupe son temps.
Le jeu n'est plus de mon âge ;
Je suis un homme à l'ouvrage :
Depuis un mois j'ai sept ans.
Avant que le jour paraisse,
On me dit : point de paresse ;
Bien vite il faut t'éveiller.
Moi, je m'éveille sur l'heure.
Et puis jamais je ne pleure
Pour m'en aller travailler.
A l’heure où tu dors encore,
Moi qui vois venir l’aurore,
Après un bien long chemin,
A l’atelier je dois être,
Ou la férule du maître
Me ferait saigner la main.
Au métier où l'on m'attache,
Tous les matins j'ai ma tâche ;
Pour ne point m'en détourner.
Tant que n'est point achevée
Cette première corvée,
Le maître me fait jeûner.
C’est ainsi que, de l’année
Je passe chaque journée,
Et quelques fois aussi, moi,
Je regrette, petit frère,
Le temps où, près de ma mère,
Je me jouais avec toi.
Mais, aussi, lorsque je pense
Au jour qui me récompense,
Quand ce jour que j’aime à voir
Reparaît chaque quinzaine,
Je dis, oubliant ma peine :
Je serai riche ce soir.
Tiens, regarde, petit frère
Ce que j'apporte à ma mère !
C'est de l'or... N'y touche pas !
Vois, mes deux mains en sont pleines
C'est que, pendant deux semaines,
J'ai bien fatigué mes bras.
Avec autant de richesse,
Pour nous la pauvreté cesse.
Tu ne feras plus semblant
De manger un mets trop fade :
Le jeûne te rends malade ;
Pour toi j’aurai du pain blanc.
Je veux que ma sœur Estelle
Au jour de fête soit belle
Comme la fille d'un roi.
Je veux qu'elle ait, le dimanche,
Beau bonnet et robe blanche,
Pour promener avec moi.
Je veux, avant toute chose,
Que ma mère se repose ;
Dès ce soir je lui dirai :
Ne va plus à ta journée ;
En repos, toute l'année,
Mère, je te nourrirai !
Tiens, regarde, petit frère
Ce que j'apporte à ma mère !
C'est de l'or... N'y touche pas !
Vois, mes deux mains en sont pleines
C'est que, pendant deux semaines,
J'ai bien fatigué mes bras.
Théodore Lebreton, Nouvelles heures de repos d'un ouvrier, 1842.
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Théodore Lebreton (1803-1883)
Né à Rouen d’un père journalier et d’une mère blanchisseuse, il entra à l’âge de 7 ans dans une fabrique d’indiennes où il travailla pendant 30 ans.
Il a appris à lire et à écrire par lui-même. Dès l’âge de 14 ans, il commença à économiser parcimonieusement pour parfaire son éducation.
Il fut attiré par la poésie et la volonté de témoigner sur le sort des ouvriers, surtout celui des enfants. Son premier recueil de poésie parut en 1836.
La ville de Rouen, lui offrit un poste de bibliothécaire.
Poète chrétien, Lebreton dénonçait dans ses textes, la misère ouvrière qui l’avait beaucoup marqué, et l’évolution de la condition ouvrière. Il n’y voyait de remède que dans la mort.
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L’évolution de la condition ouvrière en France
Principales étapes de la réglementation du travail en France milieu 19e au milieu 20e siècle
1841 – Loi limitant le travail des enfants dans l’industrie et l’interdisant au-dessous de 8 ans.
1864 – Reconnaissance du droit de grève.
1868 – Tolérance des syndicats.
1884 – Reconnaissance légale des syndicats.
1892 – Limitation du temps de travail :
10 heures par jour pour les 13-16 ans.
11 heures par jour pour les 16-18 ans, avec un maximum de 60 heures par semaine.
11 heures par jour de travail pour les femmes dans les usines.
1898 – Loi sur les accidents du travail : les frais de soins sont à la charge du patron.
1905 – Réduction à 8 heures de travail dans les mines.
1906 – Loi établissant un repos hebdomadaire.
1919 – Journée de travail limitée à 8 heures, dans toutes les branches.
1936 – Semaine de 40 heures et 2 semaines de congés payés par an.
1945 – Sécurité sociale et comité d’entreprise.
1950 – Création du SMIG (salaire minimum garanti)
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