Louis XIV (1638-1715)
LOUIS XIV ET SES CONTEMPORAINS DANS LE REGARD DES PEUPLES DE LA CÔTE AFRICAINE (1)
Le fatalisme, puissant facteur de dissolution de la volonté et d’aliénation de l’esprit
Le Roi-Soleil
Louis XIV (1638-1715), règne personnel : 1661-1715.
Louis XIV et l’Afrique noire
Louis XIV, surnommé en France le « Roi-Soleil », ou le « Grand Roi », était connu et surnommé en Afrique le « plus grand Empereur de l'Univers».
Connu en Afrique sans doute autant qu’en Europe pour des raisons différentes, c’est bien Louis XIV qui a ouvert le chemin de l’Afrique noire, de même que ses portes aux Français de son temps.
Dans son palais séjournaient régulièrement de jeunes Africains qu’il avait adoptés et baptisés (tel le fameux Aniaba, premier capitaine noir de l’armée française, qui reçut du roi le commandement du régiment de Picardie où il brilla dans l’exercice de sa fonction).
Sans Louis XIV et sa « politique africaine », il n’y aurait certainement pas eu d’« Empire français d’Afrique », ni d’ « Afrique française », aux 19 et 20e siècles.
Les routes menant d’Europe à l’Afrique noire furent alors sillonnées par les « envoyés spéciaux » du roi dépêchés auprès de ses homologues africains, puis par les marchands et les voyageurs indépendants, de même que les aventuriers de tout acabit, les missionnaires aussi, ces derniers indissociables de la politique du roi, et son ambition (non assouvie) d’évangéliser tout le continent. Enfin les explorateurs suivis des conquérants coloniaux de la IIIe République au XIXe siècle.
Les historiens français sont les grands absents de cette liste de Français sur les routes d’Afrique noire, sous Louis XIV et ses proches successeurs.
Il y eut très peu de spécialistes français de la « politique africaine » du Roi Soleil, qui manque par conséquent à l’historiographie française.
Mathéo, ambassadeur du roi d’Ardres
« Louis l’Africain »
Le regard porté par les Africains sur Louis XIV et ses contemporains détermine naturellement celui porté par les sujets du Grand roi sur le continent africain et ses peuples. Il s’agit par conséquent de « regards croisés », champ plus vaste et plus riche de savoir.
Ce regard français est particulièrement acéré, incisif et fouineur, fouillant jusque dans les recoins de la vie des peuples et l’intimité des familles et des individus, des traditions et cultures.
Somme toute regard fourmillant de détails plus ou moins teintés de parti pris, du reste partagé, mais souvent judicieux et précieux.
« Pour Lacroix, « les habitants de la côte de Sierra Leone font débauche d'eau-de-vie et donnent tout ce qu'ils ont pour en avoir ».
Mais c'est surtout le couple qui retient le plus son attention.
Les plus riches, quelle que soit leur origine sociale, sont ceux qui disposent du plus grand nombre de biens sous forme de produits européens, et qui font des présents de cette nature ; ce sont aussi les plus considérés sur l'échelle sociale. Cela explique que la composition de la dot comporte une bonne part de produits européens dès le milieu du 17e siècle, et cela ira en s'amplifiant tout au long du 18e.
"La dote consiste ordinairement en trois choses :
Quelques ornements, comme un collier de corail, des bagues, etc. ; quelques marchandises d'Europe, comme des habits et des étoffes ; et un coffre pour les enfermer.
Lorsqu'un homme s'éprend d'une femme, il envoie des présents à son père et à sa mère ; si ceux-ci acceptent les présents, le mariage se fait ; sinon, on renvoie [le prétendant]. Les pères font aussi souvent des présents à leur fille ; mais il n'est pas avantageux aux hommes de les recevoir ; parce que, si une femme ainsi riche conçoit de l'amour pour quelque autre que son mari, le pauvre homme n'ose pas s'en plaindre aux parents de sa femme et beaucoup moins la maltraiter. S'il le fait on en vient d'abord à faire comparaison de ce qu'il a reçu de sa femme avec ce qu'il lui a donné. On lui reproche son ingratitude ; en un mot, qui est pauvre a toujours tort, en Guinée comme en France. Cependant, les filles riches, c'est-à-dire celles à qui leurs pères peuvent faire de grands présents, ne laissent pas d'être fort recherchées." » (Tidiane Diakité, Louis XIV et l’Afrique noire, Arléa, 2013. (Prix Robert Cornevin, Académie Des Sciences d’Outre-mer).
« Quant à l'Afrique noire, le regard porté sur les peuples et les mœurs demeure contrasté, avec quelques convergences remarquées. La première porte sur le statut de la femme. Il apparaît de façon insistante, dans les différents récits et relations de voyage, que la condition de la femme est toujours inférieure à celle de l'homme (à quelque rares exceptions), au nord, en Sénégambie, comme au sud, en côte de Guinée.
Pour la première région, dans un chapitre dense, intitulé Résumés des observations des premiers voyageurs du XVIIe siècle sur les usages dominants et les caractères communs aux différents peuples de la Sénégambie, la condition des femmes est ainsi décrite :
"Le mari d'une femme adultère est en droit de la vendre comme esclave, ou de la chasser sans aucune indulgence, avec tous les enfants qu'il a d'elle. Entre les enfants, il est libre de retenir ceux qui sont assez grands pour lui rendre quelques services ; et, par la suite, il peut rappeler les autres, à mesure qu'ils deviennent capables de lui être utiles. Mais, si sa femme est enceinte au moment du crime, il est obligé, pour la vendre ou la répudier, d'attendre qu'elle soit délivrée.
Malgré la rigueur de ces lois, la plupart des nègres se trouvent honorés que les Blancs de quelque distinction daignent coucher avec leurs femmes, leurs sœurs et leurs filles. Ils les offrent souvent aux principaux officiers des comptoirs." »
« Les travaux pénibles du ménage sont le lot des femmes.
"Non seulement elles préparent les aliments, mais elles sont chargées de la culture des graines et du tabac, de broyer le millet, de filer et sécher le coton, de fabriquer les étoffes, de fournir la maison d’eau et de bois, de prendre soin des bestiaux ; enfin, de tout ce qui appartient à l'autre sexe dans des régions mieux policées. Elles ne mangent jamais avec leurs maris. Tandis que les hommes passent leur temps dans une conversation oisive, ce sont les femmes qui veillent à les protéger des moustiques, à leur servir la pipe et le tabac.
Quoique cette subordination soit établie pour un long usage, un mari ne néglige rien pour l'entretenir. [...] Un mari fatigué d’une femme a toujours la liberté de s'en défaire. [...] Mais, si le roi fait présent d'une femme à quelque seigneur de sa cour, il n'y a pas de prétexte qui autorise le mari à l'abandonner, quoique le prince ait toujours le droit de la reprendre.
Entre les nègres mahométans, il y a des degrés de parenté qui ôtent la liberté de se marier. Un homme ne peut épouser deux sœurs. Le roi du Cayor, Latir-Fal Soucabé, qui avait violé cette loi, reçut en secret la censure et les reproches des marabouts. "
Enfin, la plupart des voyageurs français du temps de Louis XIV soulignent un autre trait, selon eux caractéristique des hommes comme des femmes de la côte africaine :
"Le travail ne surpasse jamais leurs besoins. Si leur pays n’était extrêmement fertile, ils seraient exposés tous les ans à la famine, et forcés de se vendre à ceux qui leur offriraient des aliments. Ils ont de l'aversion pour toute sorte d'exercices, excepté la danse et la conversation, dont ils ne se lassent jamais."
Un autre fait unanimement relevé par tous les voyageurs concerne la notion du temps, la mesure du temps, et tout particulièrement le calcul de l'âge individuel. Ce fut une réelle découverte et un objet d'étonnement qui transparaît dans tous les récits. Le premier réflexe des Français étant de questionner sur l'âge des personnes qu'ils rencontraient, jeunes et vieux, ils s'étonnaient toujours de voir la surprise des Africains devant cette question, comme si on la leur posait pour la première fois de leur vie :
"Quand on demande quel âge ont leurs enfants, ils répondent : il est né quand tel directeur est arrivé de France, ou quand il est reparti pour la France, ou encore quand il a beaucoup plu et que les récoltes ont été abondantes, quand la foudre est tombée sur le grand arbre au milieu du village."
Cette absence de sens précis de l'état civil des personnes constitua une véritable énigme pour les Français.
Si quelques aspects de la vie et des mœurs des sociétés africaines font l'unanimité chez les contemporains de Louis XIV voyageant ou séjournant en Afrique, de nombreuses contradictions sont également relevées. Ces contradictions témoignent de l'extrême diversité des peuples, des sociétés et des cultures. » (Tidiane Diakité, Louis XIV et l’Afrique noire, Arléa, 2013, déjà cité).
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