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20 février 2011 7 20 /02 /février /2011 09:41

Papillons-69Une aspiration vitalePapillons-28

Les mouvements de contestation, plus exactement les révoltes, voire les révolutions, qui se propagent dans les pays arabomusulmans comme une traînée de poudre depuis le début de cette année 2011, en surprennent plus d'un. Or, ces mouvements, qui ont tous comme motif principal le manque de liberté, sont conformes aux besoins vitaux de l'homme. C'est l'objectif conscient ou inconscient à l'origine des révoltes et des révolutions, parfois couplé au refus de l'injustice et des inégalités.

La liberté est une aspiration naturelle des hommes, de tout temps. Liberté, justice, droits, sont en effet les ingrédients qui composent la vie. Ce besoin vital n'est propre à aucun peuple en particulier, ni à aucune région du monde. Il est universel, même si des régimes contre nature, des tyrannies et des systèmes fondés sur l'oppression parviennent à brider cette aspiration pendant un temps plus ou moins long. Le naturel finit toujours par reprendre le dessus. 

L'anomalie, c'est précisément que des peuples vivent brisés, des decennies sinon des siècles durant, par des régimes qui ne reconnaissent ni justice ni droits, murés dans un absolutisme aveugle qui se nourrit de l'ignorance et de la faiblesse des peuples. 

Le 14 juillet 1789 en France, après le 30 janvier 1649 et le 12 novembre 1688 en Angleterre, ou le 4 juillet 1776, date à laquelle les treize colonies anglaises se transformèrent en Etats-Unis d'Amérique,  et bien avant tout cela la célèbre révolte de Spartacus en 71 avant J.C., ou comme le 24 octobre 1917 en Russie, ne sont pas des exceptions dans l'Histoire. C'est la manifestation en des temps et des lieux différents de ce même besoin vital.

La démocratie, qui en est l'émanation, est également aujourd'hui une aspiration universelle des peuples. C'est un tourbillon qui fera son tour du monde et des peuples, quoi qu'il arrive, et contre lequel il est vain de se dresser.

Les événements de Tunisie, d'Egypte, aujourd'hui, et sans aucun doute en d'autres pays demain, en sont une vivante illustration.

Et en Afrique subsaharienne ?

Dans cette région, le mouvement n'aura certainement pas la même allure qu'en Tunisie ou en Egypte. Il y a bien une spécificité de l'Afrique noire à cet égard (un article y sera consacré ultérieurement).

Une enquête réalisée, de 1994 à 2001, dans plusieurs pays subsahariens par l' "Agence des Etats-Unis pour le développement international" (USAID) portant sur "la démocratie et la bonne gouvernance", aboutit à des conclusions qui sont une preuve supplémentaire de l'aspiration des peuples africains à autre chose qu'au déni perpétuel des droits.

Il ressort de cette enquête que les Africains définissent la démocratie comme le meilleur des systèmes de gouvernement, mais pas leurs responsables politiques. Une écrasante majorité des personnes interrogées plébiscitent la démocratie et le multipartisme. Une majorité encore plus forte condamne la dictature et les régimes militaires. En Ouganda, 89% des sondés rejettent un gouvernement de militaires, 53% se déclarent hostiles au système du parti unique. Ces résultats sont quasiment identiques à ceux enregistrés dans d'autres pays du continent lors de la même enquête.

La seule question, c'est, quand le vent de la démocratie qui se lève déjà ça et là, se transformera en ouragan pour balayer ces dynosaures politiques indécrotables, tenants d'un autocratisme absolu, digne de temps désormais révolus.

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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 18:13

cheval 118 Un remède de cheval qui tue le malade

A partir de 1990, au lendemain de la chute du mur de Berlin et de l'éclatement du bloc de l'Est, l'aide internationale à l'Afrique changea subitement de cap. Hier, elle était "gratuite", massive, ouverte à tous sans condition, sans contrôle ni exigence de résultats.

Dès 1990, le langage des Occidentaux à l'égard de l'Afrique s'enrichit de nouveaux vocables : conditionnalités, bonne gouvernance, droits de l'homme, l'aide étant désormais liée à une série de conditions, ce virage prit les Africains de court.

Langage et attitude radicalement opposés à ceux en usage du temps de la guerre froide. Un tel langage et un tel comportement n'auraient-ils pas permis à l'Afrique de gravir quelques échelons du développement depuis les indépendances, en prenant d'emblée ses responsabilités.

Les institutions internationales, FMI et Banque mondiale en tête, reçurent mission de mettre en application la nouvelle donne, afin de récupérer les dettes consenties par les bailleurs de fonds et en même temps assainir la gestion des gouvernements. Même si cette politique s'est quelques peu assouplie depuis quatre à cinq ans, ses effets demeurent en Afrique.

 

Les conséquences économiques, mais surtout sociales et humaines des conditionnalités sont dramatiques en Afrique. Elles le sont d'autant plus que dorénavant, sur la scène mondiale, le FMI est au premier rang pour faire accepter aux pays qui lui sont soumis, les règles de l'économie de marché. « L'absence de modèle cohérent alternatif à l'heure où le principal modèle rival s'est effondré lui rend la tâche plus aisée. D'ailleurs, les pays de l'Est en quête d'un accès à l'économie de marché ont tous fait la démarche vers le FMI qui s'est imposé à eux comme il s'était imposé aux pays en développement lors de la crise de la dette. Il n'y a plus guère de choix entre l'acceptation du système ou la marginalisation car, refuser le FMI, c'est refuser l'ensemble des rouages publics ou privés de l'économie financière (système bancaire, aides publiques etc.). Le FMI a acquis en quelque sorte un « monopole curatif » car il est le seul à avoir une vision d'ensemble et la « clef » d'une discipline derrière laquelle s'abritent les autres bailleurs de fonds ».

En d'autres termes, les États africains se retrouvent les mains liées face à la volonté et aux oukases du FMI sans recours ni alternative. Mais le véritable drame pour eux, c'est qu'ils n'ont ni les moyens techniques, ni les capacités intellectuelles de répondre aux conditionnalités imposées.

C'est comme si l'on demandait à des peuples vivant au néolithique de se projeter sans transition dans l'ère du thermonucléaire et des satellites spatiaux ! Le plus étonnant dans la politique des conditionnalités du FMI comme des autres, c'est qu'aucune période transitoire de formation et d'accompagnement n'est prévue. On demande au Burkina-Faso, sans préparation préalable, de se hisser au niveau du Canada, et au Niger à celui du Japon, en soumettant tout le monde aux mêmes règles et aux mêmes normes, aux mêmes critères de performance et d'évaluation. A quoi peut-on donc s'attendre dans ces conditions comme incidence des nouvelles conditionnalités et autres restructurations sur la vie des populations africaines ? La communauté internationale qui se penche au chevet de l'Afrique aurait-elle oublié que les Africains n'ont jamais été véritablement ni initiés, ni formés à la gestion d'eux-mêmes ? La bulle où la colonisation les avait enfermés depuis le début du XIXe siècle, en les coupant du monde, ne leur permettait ni d'observer le fonctionnement de ce monde, ni de penser leur propre vie et leur propre réalité. Bulle de la colonisation où, infantilisés et déresponsabilisés à souhait, les Africains n'avaient ni autonomie, ni existence propre, ni identité, individuelle et collective, ignorés du monde et ignorés d'eux-mêmes. Une médaille d'or remportée aux jeux olympiques par un athlète ressortissant d'une colonie française ou britannique d'Afrique était une médaille française ou britannique, saluée sur le podium par l'hymne national français ou britannique. Par conséquent, les Africains n'entendaient ou ne voyaient que ce que leurs maîtres colonisateurs voulaient bien leur faire entendre ou voir : c'est-à-dire peu de chose. Et dès que cette bulle fut percée, ces peuples africains se retrouvèrent aussitôt enveloppés par une autre bulle, un cocon, celui de la guerre froide, qui leur permettait certes d'entrevoir le reste du monde, mais un monde enjolivé par l'argent facile déversé par chaque bloc pour les attirer  et qui brouillait leur perception d'eux-mêmes. Embués dans les manteaux des conseillers techniques occidentaux ou de ceux des pays de l'Est, étourdis et distraits d'eux-mêmes, ils assistèrent, témoins passifs, à la marche du monde, restant sur le bord de la route du progrès.

De ce fait, ils ne purent ni penser véritablement le monde, ni entreprendre une introspection salutaire. La colonisation et la guerre froide ont vidé les Africains d'eux-mêmes. Ils se sont mis à imiter mécaniquement l'Est ou l'Ouest, comme dépossédés d'eux-mêmes, sans référence à leurs réalités propres : culturelles, économiques, humaines. Ainsi quoique les chaînes de la sujétion coloniale fussent brisées au début des années soixante, les Africains n'en étaient pas moins assujettis et le demeurent depuis la chute du mur de Berlin en 1989. Ceci explique sans doute qu'ils se retrouvent aujourd'hui pieds et poings liés face aux organismes internationaux qui veulent bien se charger de gérer leur vie à leur place. Mais à quel prix ?

Pour un grand nombre de ces nouveaux Etats, l'accession à l'indépendance ne fut précédée de cette maturation de l'idée de nation, ni de la pensée économique, ni d'un projet social, l'urgence étant alors de chasser l'occupant européen pour prendre le train de l'indépendance qui traversait l'Afrique de l'est à l'ouest, du nord au sud).

Ainsi embarqués sans projet politique véritable ni ambition sociale, sans vision claire du développement, les Africains s'installaient dans une indépendance qui s'apparentait dès lors à une aventure sans perspectives précises. Tout ce qui suivit : les coups d'État, la corruption institutionnalisée, l'irresponsabilité à tous les échelons de l'État, l'incompétence insigne, de même que la mauvaise gestion et les guerres civiles, s'explique en partie par cette impréparation et cette « immaturation » politique, par le caractère fortuit des indépendances en Afrique subsaharienne. Ce passé continue de peser sur le présent et d'hypothéquer le futur. Les Africains ne sont pas les conducteurs du train des indépendances, mais ses simples passagers, qui n'ont ni la maîtrise du départ, ni celle de la destination.

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16 janvier 2011 7 16 /01 /janvier /2011 10:16

099-CDe l'endormissement au réveil douloureux

 

 

L'ère des indépendances en Afrique et l'émergence politique des nouveaux États africains coïncida avec le contexte international de guerre froide. Ce fut incontestablement une période déterminante dans le processus de développement de ces pays. Ce n'est qu'à partir des années soixante qu'on peut parler d'aide à l'Afrique au sens propre. L'une des principales caractéristiques de la période, c'est l'« internationalisation » de l'Afrique qui, soudain propulsée sur la scène d'un monde idéologiquement coupé en deux, ne sut ni prendre conscience d'elle-même ni trouver sa marque de façon résolue, politiquement ou économiquement. Ainsi ballottée d'Est en Ouest, sans traditions politiques ni bases économiques sûres, l'Afrique se laissa bercer à l'ombre de l'aile de chacun des deux blocs. Il s'est ensuivi une perte de conscience de soi et un long endormissement qui portait en germes des lendemains difficiles.

Les anciennes puissances coloniales d'Europe ont été ainsi dépossédées de l'unique clef de l'unique entrée de leurs anciennes possessions. Le temps du monopole sur les colonies est désormais révolu, de même le pacte colonial qui garantissait l'exclusivité des rapports métropole-colonies. Ces colonies, leur chasse gardée d'hier, ont désormais mille portes ouvertes aux quatre vents, au monde : aux États-Unis comme au Canada, à l'Australie comme à la Chine, au Danemark et à Israël comme à Cuba, au Brésil... La chasse gardée d'hier est devenue la chasse ouverte d'aujourd'hui, la chasse à courre de la guerre froide. L'aide devient internationale. Les offres et les capitaux affluent, eux aussi des quatre coins du monde et pénètrent par tous les pores de l'Afrique, comme autant de soporifiques. C'est sous ce flot de sollicitude et de devises que l'Afrique entrera lentement, imperceptiblement dans un sommeil sans rêves.

Au sein du bloc soviétique, sous la dictée de Moscou, les différents pays qui le composent se livrent à une surenchère de l'aide sans conditions, de prêts sans contrepartie, de dons sans droit de regard, aux États africains fraîchement souverains. Aussi bien la Hongrie que l'Union soviétique elle-même, aussi bien la Pologne que la Bulgarie ou la RDA... tous participeront sans compter au grand ballet bien réglé de l'aide financière, de l'assistance technique et du don.

La Chine populaire, pour s'émanciper davantage de la tutelle de Moscou, et comme pour en donner les preuves, procéda, à partir de 1961, à une intensification sans précédent de son aide à l'Afrique, autre occasion pour elle de prendre le dessus sur sa grande rivale du bloc communiste. Des monuments grandioses furent érigés dans plusieurs capitales africaines, des routes ouvertes, des ponts construits, fruit de la sollicitude chinoise. Aux assauts d'amabilité et d'amitié de la Chine communiste répondaient sur le continent africain, les démonstrations de générosité et d'attention bienveillante de la Chine nationaliste.

De son côté, le bloc de l'Ouest ne fut pas en reste, États-Unis en tête, parfois par Banque mondiale et Fonds Monétaire International interposés, tentait de tirer la couverture à lui, en tentant d'étouffer la conscience africaine sous un flot de devises et d'appâts.

Ainsi, alors que le monde entier se voyait propulser par un élan de croissance et de prospérité économique pendant la période dite des trente glorieuses (de 1945 à 1975), l'Afrique sommeillait, profondément, sous les ailes déployées du monde développé, bercée de discours mielleux et gavée de sucreries empoisonnées.

La guerre froide fut pour beaucoup, responsable indirectement du retard de l'Afrique, contrairement à ce qu'on serait tenté de croire. En flattant les Africains et leurs dirigeants au moyen de l'aide facile sans contrepartie, les deux blocs ont endormi leur conscience, les détournant de leurs réalités et d'une réflexion salutaire sur eux-mêmes et sur l'état de l'Afrique. Les motivations premières des pays développés des deux blocs, principalement les États-Unis et l'Union soviétique, n'étaient pas de promouvoir un développement véritable du continent africain (ils l'auraient pu s'ils l'avaient voulu car ils en avaient les moyens), mais de gagner le maximum d'espace politique et idéologique possible, tout en s'assurant la maîtrise des ressources naturelles. La longue guerre civile angolaise à partir 1975 en est – parmi d'autres – une illustration parfaite ; chacun naviguant dans ce bourbier entre les dirigeants de l'Angola et les maquis de l'Unita, à la fois sur les tableaux politique et idéologique et surtout sur le tableau économique, autour des puits de pétrole et des mines de diamant du pays. Entre-temps, les dirigeants officiels et les maquisards de l'Angola, dans leur affrontement fratricide, font sombrer leurs populations et leur pays dans les affres de la misère et du sous-développement tandis que les fournisseurs d'armes, à l'Est comme à l'Ouest, tels des sangsues, pompaient les richesses du pays, s'engraissaient du sang de ses habitants et s'endormaient, la conscience tranquille, au sommet de leurs montagnes de dollars, se réveillaient et bâillaient en s'écriant « vive l'Angola ! ».Les Soviétiques, en débarquant en Afrique jurèrent de laver l'outrage fait au continent par les colonialistes occidentaux exploiteurs ; ils le laissèrent en ruines, exsangue et désemparé.

Quels pays occidentaux et du bloc communiste se souciaient des droits de l'homme ? On a même entendu affirmer que la démocratie n'était pas faite pour l'Afrique, parce que denrée trop chère pour ses habitants. Aucun Africain n'a relevé le propos et porté la contradiction ; ni les intellectuels et ni les dirigeants. Preuve s'il en est de l'hypnose opérée sur la conscience africaine par la magie des protagonistes de la guerre froide qui, en remplissant l'escarcelle des dirigeants africains, fussent-ils les pires dictateurs et les plus véreux, ne leur laissaient qu'une seule consigne, veiller docilement sur leurs peuples asservis et sur les intérêts des maîtres (de l'Est ou de l'Ouest). On caressait l'élite africaine dans le sens du poil, afin que tout soit lisse et doux, léthargique et muet à souhait, au moyen de propos lénifiants et de pratiques corruptrices.

La durée d'un tel système où tout le monde était gagnant, hormis les peuples africains et l'Afrique, du début des années 60 au début des années 90, permit d'enfouir au plus profond la conscience et la capacité de réaction des Africains. L'habitude de la passivité intellectuelle et l'appât du gain facile sont source de corruption, donc vecteur de gangrène sociale et de sous-développement. C'est cette culture de la passivité qui nourrit l'esprit de mendicité, celui de la main tendue et induit la mercantilisation des consciences qui constitue aujourd'hui le noyau du mal africain.

Les principaux dirigeants des deux blocs (Est et Ouest) en gommant systématiquement de leurs préoccupations et de leurs projets d'aide à l'Afrique toute référence aux droits de la personne ont-ils aidé les Africains à préparer leur avenir ? Ainsi le bouffon sanguinaire Idi Amin Dada fut adoubé par la Grande Bretagne afin qu'il massacre en toute tranquillité son peuple et pollue l'Afrique. De même l'Empereur en carton, Jean Bedel Bokassa, fut intronisé par la France avec pompe et éclat, comme fut adulé Mobutu, l'homme aux mains rouges de sang pour qui les États-Unis, la France, la Belgique, avaient, des années durant, des attentions toutes particulières.

Comment concevoir une telle surdité et justifier une si flagrante cécité de la part d'États qui ont fondé leur identité sur la démocratie et fait du respect des droits de l'individu l'une des valeurs centrales de leur système politique et social ? Cynisme d'État ou conviction sincère de l'inadaptabilité de la démocratie à l'Afrique et au tempérament africain ? Quant au fond, comment peut-on écarter tout un continent de l'une des caractéristiques essentielles de la civilisation ? La démocratie a-t-elle une couleur ? Doit-elle être blanche ou ne pas être ?

                 (Tidiane Diakité, L'Afrique et l'aide ou comment s'en sortir, L'Harmattan)

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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 15:35

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Conférence du 06/12/2010, Loudéac (Côtes d'Armor)

Je réponds à la 2e question posée lors du débat de qualité qui a conclu cette conférence. 

Question 2 : M. ... si par un coup de baguette magique, vous étiez aujourd'hui élu président de tel pays d'Afrique, quelles seraient vos trois premières actions prioritaires ?

Question aussi pertinente qu'inattendue !

Cette probabilité n'est ni dans mes souhaits, ni dans mes rêves. Mais, la question étant posée, l'auditoire attend une réponse. Il faut donc lui en donner une, à partir de mes convictions.

L'action prioritaire, la première de toutes, c'est oeuvrer au changement des mentalités. Ce n'est pas une action qui s'accomplit en un jour, ni en une année.

Qu'est-ce à dire ?

Promotion de l'éducation au sens large, en tout premier lieu l'enseignement scolaire qui passe par une refonte profonde des programmes et des méthodes, lesquels seront adaptés aux réalités et aux besoins du pays avec la nécessaire ouverture au monde. Des programmes dans lesquels élèves et étudiants se reconnaissent, qui leur permettent de connaître leur environnement immédiat et lointain. 

L'alphabétisation fonctionnelle des adultes constitue un autre volet de cette éducation. Education, c'est aussi l'éducation à la santé, à l'environnement, au sens de la loi sans lequel il n'y a ni droit, ni justice car sans le respect de la loi, rien de durable ne se construit.

La deuxième action prioritaire porte sur l'agriculture : une agriculture rénovée grâce à l'attention portée aux agriculteurs, à leur formation, à leur équipement et à leur valorisation. Cela afin de pouvoir nourrir toutes les populations. Une agriculture qui valorise les produits du pays, donne le goût des produits locaux, et qui, au-delà de la satisfaction des besoins nationaux, vise la qualité pour soutenir la confrontation avec tous les produits du monde sur tous les marchés du monde. 

Bref, cette action vise à remédier aux faiblesses traditionnelles de l'agriculture par la formation, la recherche, la modernisation de l'outillage, qui inclut le respect de l'environnement, c'est-à-dire des hommes et de leur avenir. Il s'agit aussi d'apprendre à produire ce que l'on consomme, et consommer ce que l'on produit.

La troisième action prioritaire enfin, c'est la construction de l'Etat. Faire que chaque citoyen se reconnaisse dans l'Etat et puisse dire : "l'Etat c'est moi", afin d'atténuer l'impact de l'action prédatrice des fonctionnaires et agents du service public, lesquels auront conscience que frauder, tricher, détourner, dissimuler, en un mot voler l'Etat, c'est se nuire à soi-même et aux autres, compromettre le bien-être et l'avenir de tous. C'est donc respecter les lois et règles qui sont les assises de l'Etat et sans lequel aucune communauté ne peut s'épanouir.

Construire l'Etat pour construire la Nation afin que l'identité nationale l'emporte définitivement sur l'identité ethnique ou l'identité du terroir.

Bref, ces 3 premières actions prioritaires doivent servir de levier qui portera d'autres actions. Elles visent à donner à tous les citoyens, sans exclusive, la fierté d'être, c'est-à-dire la fierté et le goût de vivre chez eux, sur leur terre, de vivre ensemble pour construire ensemble le présent et le futur pour tous.

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15 décembre 2010 3 15 /12 /décembre /2010 10:43

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Progrès technique vaut-il civilisation ?

Civilisation ou civilisations ?

Conférence du 06/12/2010, Loudéac (Côtes d'Armor)

Je réponds ici à deux questions parmi toutes celles qui m'ont été posées au cours du débat qui a suivi mon exposé. Ces deux questions auraient sans doute mérité un développement un peu plus approfondi que ne permet le temps limité d'une conférence.

1ère question : Dans son discours de Dakar, prononcé le 26 juillet 2007, le président Sarkozy a dit que "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire", qu'en pensez-vous ?

Il y a le discours dans son ensemble, puis cette phrase qui en est extraite. Il m'est difficile de répondre à cette question à l'état brut car, j'ignore le fond de la pensée de l'auteur. Qu'a-t-il voulu dire précisément ? Faute d'une telle clarification, je ne peux que m'interroger.

- A-t-il voulu faire allusion au retard de l'Afrique dans le domaine technique sur le monde "développé", industrialisé ? A-t-il voulu insinuer que les brevets d'invention africains sont inexistants ?

- A-t-il voulu dire que l'Afrique reste aux marges de l'Histoire, aux marges de la mondialisation, peu visible et peu audible ?

- Ou bien cette phrase signifie-t-elle que les Africains, par rapport aux Européens, comptent peu d'hommes de renom ayant marqué le cours de l'Histoire dans différents domaines ?

Faute d'éclaircissements, cette phrase reste pour moi une énigme. Comment donc répondre à la question posée ?

Des spécialistes dans leur domaine, affirment que l'Afrique est le "berceau de l'Humanité". Mais cela importe peu ici. Les Africains sont dans l'Histoire depuis très longtemps si l'on entend par Histoire les contacts, les échanges, les heurts entre peuples qui font avancer le monde. 

Les racines de l'affirmation selon laquelle "l'Africain n'est pas assez entré dans l'Histoire" sont sans doute à rechercher dans la perception des Africains par les Européens au XIXe siècle. Un des fondements de ce jugement réside non pas dans les premiers contacts (XVe XVIe siècles) mais dans les premières implantations européennes en Afrique, autrement dit de l'intensification des rapports entre Africains et Européens au XIXe siècle : exploration, colonisation, exploitation, domination. 

Or, précisément, le début du XIXe siècle constitue cette période de l'histoire où l'Afrique dans son ensemble a perdu son lustre d'antan, son étoile ayant cessé de briller. Depuis la fin du XVIe siècle, elle se trouve en état de "décomposition" croissante : démographique, sociale, économique et culturelle.

D'une part, les grands empires soudanais puissants et prestigieux, contemporains du Moyen Âge européen, du VIIe au XVIe siècle : Ghana, Mali, Gao ... se sont éteints les uns après les autres. Le royaume du Congo, dont la richesse et l'organisation impressionnèrent les navigateurs portugais du XVe siècle, n'est plus que l'ombre de lui-même. Des constructions politiques de moindre envergure dans toutes les régions d'Afrique ont duré jusqu'au XIXe siècle, et seront confrontées à la conquête coloniale qui leur fut fatale.

Autre élément d'explication :

Au XIXe siècle, à l'heure de la confrontation majeure entre Européens et Africains, les civilisations africaines sont fortement ébranlées, les sociétés et les pouvoirs profondément déstructurés par la traite des Noirs, la traite atlantique s'ajoutant à la traite orientale, arabe et musulmane, jusqu'au XIXe siècle.

L'Afrique ne fut donc en marge ni de l'Histoire, ni de la mondialisation. La 1ère mondialisation, celle des XVe et XVIe siècles, vit un noeud de relations complexes (commerce triangulaire) se tisser entre Amérique, Afrique, Europe. L'Afrique fut de ce fait bel et bien au centre du monde, mieux, point de rencontre de continents et d'intérêts nationaux divers.

L'Afrique est par ailleurs en contact régulier avec le monde méditerranéen et le Moyen-Orient depuis le VIIIe siècle. Comme on le voit, l'Afrique ne fut pas épargnée par la vague des Grandes Découvertes qui procédèrent au décloisonnement du monde en général.

Mais le spectacle affligent présenté par ce continent aux Européens au XIXe siècle, constitue sans doute la "matrice" de tous les stéréotypes, clichés et préjugés tenaces les plus dévalorisants d'hier et d'aujourd'hui. Le constat de l'absence de culture écrite (non d'écriture) fit conclure que les Africains au sud du Sahara n'avaient pas d'histoire ni de civilisation : des "sauvages arriérés" qu'il fallait ramener à la lumière.

Ces stéréotypes et jugements hâtifs, nés de l'ignorance et de la méconnaissance des peuples africains, nourris par des "travaux" ou réflexions de scientifiques ou voyageurs européens du XIXe siècle, ont contribué à creuser un "fossé mental" profond entre Africains et Européens. 

Cependant, depuis le premier tiers du XXe siècle, historiens, ethnologues, géographes ou administrateurs coloniaux (Lyautey ou Savorgnan de Brazza entre autres) ont eu le souci, la patience et la volonté d'étudier les peuples africains ; cela les amena à la découverte puis à la connaissance de leurs cultures, de la richesse et la variété de leurs civilisations. Les travaux ainsi que les témoignages de ces esprits ouverts ont permis de rectifier nombre de visions erronées du passé. Mais le poids de ces visions est tel qu'un effort intellectuel et une volonté d'ouverture d'esprit affirmée s'imposent afin d'émerger de l'épaisseur des stéréotypes et préjugés multiséculaires particulièrement pesants.

Il appartient aujourd'hui aux Africains, mieux qu'à quiconque, de renverser les vieilles images des siècles passés et de remettre le regard sur l'Afrique à l'endroit.

L'Afrique en marge du monde ?

La présence de l'Afrique au monde s'est d'abord manifestée par le transfert d'Africains dans les différentes parties de la planète. Cela commence bien avant la traite atlantique. Dans l'Antiquité, des captifs noirs sont utilisés en Grèce. Durant le Haut moyen âge, les circuits de trafic de Noirs en direction de l'Indonésie, de la Chine et de l'Inde notamment sont bien connus. A partir du IXe siècle, les Arabes, puis les Ottomans se livrent à un important commerce d'esclaves noirs qui se perpétue jusqu'au XIXe siècle.

De l'esclavage à la colonisation, l'Afrique s'est mêlée au monde. Comment écrire aujourd'hui l'histoire contemporaine de la Grande-Bretagne, de la France, du Portugal... en occultant leurs rapports avec l'Afrique ? Comment extraire l'histoire de l'esclavage des Noirs, donc la marque de l'Afrique, de l'histoire des Etats-Unis ? De l'histoire économique, de la démographie, de la société, de l'art, du sport, de la musique des Etats-Unis ? Que resterait-il de cette histoire sans cette marque africaine ? Peut-on extraire l'apport de ces Noirs d'Amérique de l'impact culturel, artistique, sportif des Etats-Unis sur le reste du monde ? Quel pays au monde peut se targuer d'échapper, de près ou de loin à cette influence américaine à travers le sport et la musique qui sont autant de marques indirectes de l'Afrique ?

Il n'est pas jusqu'à la bombe atomique d'Hiroshima et de Nagasaki, de sinistre mémoire qui ne soit involontairement et indirectement associée à l'Afrique, l'uranium qui a servi dans la fabrication de cette bombe provenant de ce continent, plus précisément du site uranifère de Shinkolobwe (considéré comme le plus riche du monde) au Congo ex-Zaïre (RDC). Dans le même ordre d'idée, qui a jamais évalué la part des pierres précieuses et autres produits africains dans la confection des produits de la technologie de pointe, des ordinateurs aux éléments de l'aérospatiale, dans la fabrication de bijoux et de cosmétiques ? Et les produits alimentaires à base de matières premières en provenance d'Afrique ? On peut étendre la réflexion en évoquant la place de l'Afrique dans le développement des sciences, de l'anthropologie, l'épidémiologie, la démographie, l'économétrie... L'histoire de l'Europe, de l'Amérique et de l'Asie serait à réécrire si elle devait être amputée de sa part africaine, officielle et officieuse.

Que tous les édifices et monuments dans toutes ces villes d'Europe, d'Amérique et d'Asie qui sont bâtis sur le profit tiré du contact de l'Afrique du 7e au 20e siècle, direct ou indirect, soient subitement démolis !

Que tous les pays d'Europe anciens possesseurs de colonies en Afrique qui ont bénéficié des ressources du continent ainsi que du travail forcé imposé aux populations notamment pendant la grande crise économique des années 1930 restituent la valeur numéraire de ces profits à l'Afrique

Que toutes les entreprises multinationales qui ont exploité et continuent d'exploiter ce continent ainsi que les Africains payés au rabais en vue du développement de leur économie, remboursent au prix juste !

Que tous ceux en Europe, en Amérique et en Asie qui exploitent ou ont exploité des travailleurs africains déclarés ou non déclarés remboursent l'équivalant du salaire juste !

Que les sociétés étrangères qui encombrent et polluent l'Afrique de leurs produits invendables ou interdits de vente chez elles ou ailleurs dédommagent les Africains à la hauteur du préjudice subi !

(Extrait de : Tidiane Diakité, Appel à la Jeunesse africaine, L’Harmattan)

 

[ Réponse à la question 2 : à suivre]

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5 décembre 2010 7 05 /12 /décembre /2010 10:06

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La démocratie du clan et du ventre           

Chronique d'une élection présidentielle à l'ivoirienne

 

 


Côte d'Ivoire : Laurent Gbagbo joue la tension

Le sortant empêche la proclamation des résultats de la présidentielle. Pour les partisans de son adversaire, Alassane Ouattara, le Président refuse la défaite.

 

     On aurait dû connaître, hier soir, le nom du président ivoirien. La Commission électorale indépendante avait jusqu'à minuit (1 h en France) pour annoncer qui, de Laurent Gbagbo, le chef de l'État sortant, ou de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara a remporté le second tour de l'élection présidentielle, disputé dimanche. En théorie du moins. Car le camp Gbagbo semble décidé à retarder l'échéance. À quelques minutes de la fin du délai, la Commission électorale a indiqué qu'elle continuait à travailler et demandé aux Ivoiriens d'être « patients ».

 

      Mardi soir déjà, une première tentative de la CEI avait tourné court : son porte-parole s'apprêtait à donner lecture de résultats partiels, dans six des douze provinces du pays, lorsqu'un partisan de Laurent Gbagbo lui a arraché la feuille des mains et l'a ostensiblement chiffonnée, criant au « hold-up électoral ». Les journalistes présents étaient fermement congédiés, alors que la gendarmerie, acquise au Président, encerclait le bâtiment.

      « Nous n'avons pas perdu »

     Selon Pascal Affi N'Guessan, le directeur de campagne de Laurent Gbagbo, les partisans d'Alassane Ouattara ont voulu précipiter l'annonce de ces résultats, avant qu'un consensus soit établi. Dans le camp d'Alassane Ouattara, qui a élu domicile, sous solide escorte, dans un hôtel du nord d'Abidjan, on affectait la décontraction.

    Des résultats officieux seraient largement favorables à l'ancien Premier ministre. Ouattara était arrivé second du premier tour, avec 32% des voix contre 38 % à Laurent Gbagbo. Dimanche, il aurait récupéré l'essentiel des suffrages d'Henri Konan Bédié, arrivé troisième le 31 octobre, avec 25%.

     Hier soir, le feuilleton électoral tournait au vinaigre. Sûr de son fait, Alassane Ouattara réclamait que la CEI « proclame immédiatement les résultats provisoires » et demandait à son « frère Laurent Gbagbo » de respecter le résultat quel qu'il soit.

    « Nous n'avons pas perdu », rétorquait Pascal Affi N'Guessan. Le camp du Président réclame l'annulation du vote dans les provinces du Nord contrôlé par la rébellion des Forces nouvelles. Ses électeurs se seraient vu barrer l'accès aux urnes. Le représentant de l'Onu estime, pourtant, que le vote s'est « globalement déroulé dans un contexte démocratique ».

     Laurent Gbagbo semble jouer la tension. Il pourrait miser sur le Conseil constitutionnel, seul habilité à valider les résultats : celui-ci est dirigé par un membre de son parti, Paul Yao Ndré. Hier soir, Nicolas Sarkozy, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-Moon, réclamaient avec insistance la publication des résultats. La Communauté internationale redoute que la Côte d'Ivoire, coupée en deux depuis la tentative de putsch de 2002, ne replonge dans la violence et l'instabilité.

(Article de Ouest-France, 02/12/2010)

Côte d'Ivoire élection

       Spectacle surréaliste, inédit dans les annales de l'histoire de la démocratie. 

   Une commission électorale indépendante physiquement empêchée de proclamer les résultats d'une élection présidentielle démocratique, financée à coups de millions par la communauté internationale.

         Un  opposant à la proclamation de ces résultats arrache des mains du porte-parole de ladite commission, la feuille des résultats, la froisse avant de la déchirer ! Ce faisant, ce n'est pas une feuille de procès verbal d'élection qu'il froisse et déchire, mais la démocratie et la république.

        Dans ces conditions, les mots "suffrage universel", "respect du peuple et des lois", "Constitution"... "démocratie" enfin, n'ont plus le moindre contenu et sont, de ce fait, à rayer purement et simplement du lexique politique national.

        Cette  violation grossière de la légalité institutionnelle en dit long sur la culture démocratique en Afrique d'une manière générale.

       Face à cet outrage sans nom fait au suffrage universel et à la démocratie, le silence des chefs d'Etat africains et celui de l'Union africaine sont assourdissants. Les premières réactions les plus indignées proviennent d'ailleurs, des Nations unies, de l'Union européenne et des Etats-Unis.

      En  Afrique, certains n'ont aucun sens de l'image qu'ils donnent au reste du monde, ni du souci de la respectabilité.

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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 10:33

0001.gif  La démocratie à l'épreuve du réflexe ethnique et de l'esprit "moutonnier"

 

          Le suivisme ethnique et le poids de la coutume, en particulier celui de "l'oracle" des Anciens, militent contre la culture démocratique.

          L'ethnie, c'est le groupe. En Afrique, on ne suit pas son chemin, on suit le groupe. La voix de l'Ancien, c'est l'oracle divin qui vaut souvent pour seule vérité. L'Ancien, paré de la vertu de l'âge, du haut de ses ans, dicte la voie à suivre. Et tout le monde suit.

          Les élections confinent à la guerre ethnique, dénaturant ainsi le sens même du mot démocratie, et viciant ses vertus. Il est beaucoup question de "votes ethniques" lors de l'élection présidentielle, aujourd'hui en Côte d'Ivoire (28 novembre 2010), le Nord contre le Sud, l'ethnie bété du sud contre l'ethnie dioula du nord. Idem pour l'élection présidentielle de novembre 2010 en Guinée, qui opposa, non des programmes portés par deux candidats, mais l'ethnie peule contre l'ethnie malinké, avec, dans chacun de ces pays, la fracture sociale qui en résulte et son lot de morts, victimes de confrontations violentes.

        Lorsque la confrontation ethnique tient lieu de débat électoral, la démocratie est en danger. Au sein de chaque ethnie, c'est le chef (c'est-à-dire le plus âgé) qui donne le ton. Cela ne constitue pas seulement une faiblesse de la démocratie, mais bien une maladie de l'Afrique indépendante.

           À quoi cela sert-il d'avoir une tête et un cerveau si l'on ne peut s'en servir ? Si l'on a pour toute conscience que l'oracle du "Vieux" et l'oukase du groupe ? Le quotidien burkinabè "Le Pays", rend compte en ces termes de cette tare de la démocratie en Afrique, parlant des chefs traditionnels et de leur rôle de "guide électoral" :

          Comme si c'était à eux que revenait le droit de décider du choix de leurs sujets, de décider en lieu et place de ces gens. [...]

       Dans la quête aux voix des membres de sa (sic) communauté, ces chefs n'usent pas de persuasion et ne s'embarrassent pas d'argumentaire. Très souvent, ils somment purement et simplement leurs sujets de voter pour tel ou tel candidat. Cela ne cadre guère avec la liberté de choix que requiert la démocratie, mais ce rôle de locomotive joué par les chefs traditionnels qui convoient le "bétail" électoral est loin d'être spécifique à la Côte d'Ivoire. C'est un problème qui touche d'autres pays africains.

          Écrasé par le groupe et mentalement neutralisé par les chefs ou vieux, l'individu-citoyen n'a qu'une alternative : ou il suit le groupe, ou il signe son arrêt de mort sociale.

La principale oeuvre politique à accomplir demeure plus que jamais l'édification de la Nation, c'est-à-dire la communion de différents peuples (ou ethnies) dans un idéal commun et une volonté partagée de vivre ensemble pour bâtir ensemble un présent solidaire fondé sur des valeurs partagées.

         Transcender les clivages ethniques et les actions centrifuges, c'est l'oeuvre de salut public à laquelle il convient de s'atteler en priorité, et qui, pour être menée à bien, suppose au préalable, l'existence (ou la construction) d'un État digne de ce nom, par un personnel politique digne, à la hauteur des enjeux.

           La démocratie, c'est la liberté, le respect de l'autre, pour l'union et la concorde, non la guerre civile permanente dévoreuse de vies humaines.

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5 septembre 2010 7 05 /09 /septembre /2010 09:15

                              L'AFRIQUE FACE A SON DESTIN

  

  

k1011215Le cinquantenaire de l'indépendance offrait à l'Afrique l'occasion d'un regard lucide non seulement sur la période 1960-2010, mais aussi sur le parcours entamé depuis les premiers contacts avec l'Europe au milieu du 19e siècle (en dehors du temps de la traite atlantique).

  

1- Les arrière-arrière-grands-parents : La génération précoloniale.

Avant ces contacts, comment vivaient ces générations de l'âge précolonial, c'est-à-dire nos arrière-arrière-grands-parents ?

- Comment évoluaient-ils dans leur environnement ?

- Comment se gouvernaient-ils ?

 

2- Les arrière-grands-parents : la génération des premiers contacts avec les Européens : 1840-1890.

Ceux qui vécurent le temps des explorateurs et des missionnaires européens.

- Quels échanges ?

- Quelle fut la nature et les effets de ces échanges ?

- Quelle fut la nature de ces contacts en général, leur impact ?

 

3- La génération de la période coloniale : 1890-1960.

- Comment est-on passé de l'exploration à la colonisation, c'est-à-dire de l'indépendance à la dépendance ? Comment cela a-t-il été possible ?

- Quels échanges, quels changements ?

Au nom du Pogrès, notion importée par le colonisateur, l'univers africain subit une métamorphose quasi complète qui n'épargna aucun élément, ni sous terre, ni sur terre. La flore et la faune reflétèrent les premières marques de cette transformation profonde : un big-bang à l'échelle du continent.

Les territoires et les terres furent ratissés, mesurés, découpés et orientés vers la production... au nom de cette divinité : le Progrès.

Les hommes et les femmes subirent les mêmes effets dans leur corps et leur esprit. L'Eglise et l'école imprimèrent les mêmes marques sur le physique et le mental. Les traditions millénaires s'effritèrent, des langues ancestrales périclitèrent, leur usage restreint ou interdit en certains lieux, bientôt oublié de beaucoup.

Les arts ancestraux, les croyances anciennes suivirent le même sort... Les statuettes en bois ou en bronze perdirent leurs fonctions sacrées.

 

4- La génération post-coloniale : depuis 1960.

Ceux de cette génération sont le produit conscient ou inconscient de ce basculement de tout un continent, de cette formidable mutation accélérée de la nature et des hommes.

Il appartient à cette génération postcoloniale de mener une réflexion sur ce parcours imposé depuis leurs arrière-arrière-grands-parents, jusqu'à eux et leurs enfants. réflexion utile, enrichissante et surtout nécessaire à la pensée et à l'action.

Les Africains de 2010 vivent-ils mieux que ceux de 1840 ?

Qu'est-ce que l'Afrique a gagné de 1840 à 1960 dans ce face à face avec l'Europe ?

Qu'a-t-elle perdu ?

Ce qu'elle a gagné vaut-il ce qu'elle a perdu ?

Comment capitaliser l'histoire, le passé au bénéfice du futur ?

 

Le cinquantenaire de l'indépendance aurait pu constituer, au-delà des fêtes, des flonflons et des feux d'artifice, l'occasion pour l'Afrique de porter le regard sur elle-même, l'occasion d'une réflexion sereine, profonde et constructive sur le passé et l'avenir (ce qui n'est en rien antinomique de la fête et des réjouissances qui sont légitimes).

Pourquoi l'Afriqe a-t-elle capitulé au 19e siècle face à l'Europe ? Quelle était la force de cette dernière et par quelle faiblesse l'Afrique a-t-elle péché ? Que lui a-t-il manqué pour tenir tête à l'Europe ? Quelles armes lui ont-il fait défaut ?

 

Et si c'était à refaire ?

 

L'Afrique sortirait-elle vainqueur d'une nouvelle confrontation ou serait-elle à nouveau vaincue ? Qu'est-ce qui aurait amené sa victoire ou au contraire provoqué sa défaite ?

 

Un indice (parmi d'autres) à partir duquel une réflexion pourrait être menée.

Le cinquantenaire aurait pu être aussi pour les Africains l'occasion de montrer au monde ce qu'ils ont appris des leçons de l'histoire, ce qu'ils savent faire et ce qu'ils ont fait depuis 50 ans qu'ils sont souverains, bref, montrer que l'Afrique d'aujourd'hui n'est pas celle de la période coloniale, et bien marquer la différence en tout : politique, économique, social... une sorte d'exposition coloniale de Vincennes (1931) à rebours.

 

Qui a conçu et monté les spectacles des manifestations de la commémoration des indépendances à Libreville au Gabon, à Brazzaville au Congo... ?

Combien d'entreprises nationales africaines sont à l'origine de la conception et de l'organisation de la cérémonie de la fête nationale ?  

Combien ont créé, produit et fourni le matériel ainsi que les matériaux utilisés ? Ces matériaux sont-ils porduits en Afrique par des Africains ?

Combien de pays parmi ceux qui ont fêté l'anniversaire de leur indépendance (ou qui s'apprêtent à le faire) sont les maîtres d'oeuvre des cérémonies de la célébration ?

Pour le Gabon,  45 tonnes de matériel furent transportés de France et utilisés sur place par des dizaines de techniciens français ; même chose à Brazzaville au Congo. Ce qui rapporta plus de 603 millions d'europs de chiffre d'affaires à la société française impliquée, au frais des pays organisateurs.

En République Démocratique du Congo, les 800 000 pagnes nécessaires au déroulement de la cérémonie furent importés de Chine...

Dans tous ces pays, l'affichage du cinquantenaire et les documents publicitaires sont pour l'essentiel l'oeuvre d'entreprises étrangères, européennes et chinoises. Est-ce parce que l'Afrique manque de talents et de compétences en son sein ou parce que ces talents et ces compétences ne sont ni sollicités ni utilisés ?

L'indépendance a-t-elle permis à l'Afrique de forger ses propres armes ? Est-elle armée pour faire désormais bonne figure face à l'Europe et face au monde ? De quelles armes dispose-t-elle aujourd'hui qui lui ont manqué au 19e siècle : armes matérielles, intellectuelles, culturelles, morales ? Les Africains sont-ils aujourd'hui plus qu'hier maîtres de leur destin ?

Quest-ce que le Progrès pour les Africains en 2010 ?  1525R-140767

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29 août 2010 7 29 /08 /août /2010 16:52

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LA JEUNESSE AFRICAINE A L'HONNEUR A WASHINGTON

 

          Le président Obama a commémoré le 50e anniversaire des indépendances africaines d'une manière originale.

          Au lieu d'inviter les chefs d'Etat africains concernés, il a jeté son dévolu sur la jeunesse africaine et la société civile.

            Pendant que les premiers assistaient en invités d'honneur au défilé du 14 juillet sur les Champs Elysées, la seconde foulait, le 3 août, le tapis rouge de la Maison Blanche : 115 jeunes, filles et garçons, jeunes journalistes, étudiants, entrepreneurs, militants des droits de l'homme et de l'écologie..., venus de 46 pays africains, "invités d'honneur" du président américain. Que leur a-t-il dit ?

             "Vous représentez une vision différente, une vision dynamique [...] c'est à vous, jeunes, pétris de talents et d'imagination qu'incombera la tâche de construire l'Afrique au cours des 50 prochaines années. Au 21e siècle, ce ne sont pas des géants comme un N'Krumah [1er président du Ghana de 1957 à 1966] et Keniyatta [1er président du Kénya de 1963 à 1978] qui détermineront l'avenir de l'Afrique, ce sont les jeunes..."

              Puis, le président américain a fait allusion au passé et au présent pour mieux définir les chemins de l'avenir, tout en tirant à boulets rouges sur quelques dirigeants africains actuels, qui, après avoir milité au nom de la démocratie pour accéder au pouvoir, se sont dit : "Je suis un si bon dirigeant qu'il est de l'intérêt du peuple que je reste indéfiniment au pouvoir."

             Au cours de l'unique voyage qu'il a effectué en Afrique, depuis son élection, plus précisément au Ghana, dans un discours retentissant, le président Obama avait fait la leçon à ses homologues africains : 

              "L'avenir de l'Afrique appartient aux Africains eux-mêmes. Si tragique que soit l'histoire, il est possible de la surmonter. Respectez les règles de  bonne gouvernance, luttez contre la tyrannie, la corruption et les guerres.

              L'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, mais de fortes institutions."

               Beaucoup de dirigeants africains n'ont pas apprécié. Ces propos, il les a réitérés aux jeunes réunis autour de lui à la Maison Blanche le 3 août.

               Pour le président Obama, il ne s'agit pas de plaire ou de déplaire, mais de dire et faire ce qui lui semble salutaire pour l'Afrique. Il ne s'agit pas de jouer les uns contre les autres, ni les jeunes contre les anciens, mais de rechercher la voie du salut pour tous. Il a surtout compris que la jeunesse était porteuse d'avenir.

              D'aucuns voient dans son geste un calcul politique : "Aider à constituer entre jeunes leaders américains et africains des réseaux qui conduiront à l'instauration de partenariats durables... et pourquoi pas à "se mettre dans la poche" de futurs leaders de partis ou d'Etats africains."

             Son ministre des Affaires étrangères, Madame Hilary Clinton, précise : "Nous sommes à la recherche de dirigeants qui savent que le fait de donner plus de pouvoir aux citoyens est dans l'intérêt de tous."

             Peut-on les en blâmer si telle est la motivation?

              En tout cas, les jeunes Africains, les premiers surpris, ont apprécié cet honneur qui leur est fait. "On a fait des milliers de kilomètres pour rencontrer le président des Etats-Unis, alors que beaucoup parmi nous n'ont encore jamais rencontré, ni même approché leur propre président" affirme l'un des invités.

             Faire prendre conscience aux jeunes Africains qu'ils sont le moteur du développement de leur continent, et les initier aux conditions de la bonne gouvernance, est en soi digne de compliment.

             C'est de toute évidence un geste inédit. Quelle en sera la portée demain, des deux côtés de l'Atlantique ?

 

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25 juillet 2010 7 25 /07 /juillet /2010 15:17

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DES PRESIDENTS INAMOVIBLES SUR LES CHAMPS ELYSEES LE 14 JUILLET

 

          Si la présence de 13 chefs d'Etat africains francophones, invités au défilé du 14 juillet 2010, a suscité des remous parmi des intellectuels africains et des ONG, au nom des droits de l'homme,ceci est pour l'essentiel lié à la nature de nombre de régimes africains dont ces présidents sont l'incarnation, ainsi qu'à la personnalité de certains parmi eux.

          En effet la principale caractéristique de la politique en Afrique aujourd'hui, c'est l'existence de régimes hybrides, mi-république, mi-monarchie, voire indéfinissables, parce que spécifiques. Rabelais le notait déjà dès le 16e siècle : L'Afrique apporte toujours quelque chose de rare.

          Sinon, comment qualifier une république dont le chef, après avoir vidé les institutions démocratiques de tout contenu, s'autoproclame "président à vie", son fils (dans certains cas) étant par automaticité appelé à lui succéder? Les dérives qui en découlent : violations répétées des droits humains, déni de justice, pillage des ressources nationales ... sont connues et constituent une justification de la protestation des opposants à cette invitation.

          La mystique traditionnelle du chef et de son pouvoir en Afrique, déjà évoquée dans un précédent article, est également à prendre en compte. D'aucuns évoquent aussi un certain héritage historique, notamment la colonisation et ses avatars. Quelle est donc la part de l'Europe dans l'instauration et la persistance d'un tel régime actuellement en Afrique ?


La part de l’Occident

 

Cette culture ancienne et cette tendance à l’autocratie sont sans nul doute confortées par un certain héritage historique.

Il est indéniable que l’écart entre les valeurs prônées par les puissances colonisatrices d’hier (les principes de liberté, égalité, justice …) et les méthodes de l’administration dans les colonies ont pu constituer une initiation à la mauvaise pente prise par les nouveaux dirigeants africaines, parce que sans doute la plus facile. La contradiction entre une nation porteuse théoriquement de droits universels et un système colonial conçu précisément pour ne pas les appliquer … Les méthodes d’administration despotiques tranchant violemment avec les idéaux républicains selon J.P. Dozon, cette culture de la violence comme mode de gouvernement fut l’unique référence vécue pour lesAfricains.

L’indépendance  acquise, ces méthodes furent mécaniquement reproduites par les premiers dirigeants africains sans volonté de remise en cause ni d’analyse du contexte nouveau. Ce modèle colonial de gouvernement, reproduit à l’identique devint la règle unique de rapport aux peuples alors même que ceux-ci ne sont plus sujets mais citoyens.

Le bourrage des urnes n’est pas non plus une invention des régimes dictatoriaux africains de nos jours. Il fut amplement pratiqué du temps de la colonisation par l’administration coloniale, principalement des gouverneurs et représentants de la République : aux Antilles, en Guyane, en Algérie (surtout) à partir de 1947. Les truquages fameux du gouverneur Edmond Naegelen aux élections des 4 et 11 avril 1948 sous le signe de la fraude, de la peur et du bourrage des urnes sont connus. Ceux du gouverneur Roger Léonard en 1954 afin de maintenir le statu quo en Algérie ne sont pas moins célèbres, tout comme la corruption électorale consistant à acheter les électeurs au moyen de billets, de sacs de riz ou de paquets de sucre.

La France (l’Occident en général) s’abrite derrière ses « valeurs » et mène en Afrique, notamment aujourd’hui encore, des pratiques en totale contradiction avec ses principes déclarés. Comment croire aux discours sur les « droits de l’homme » chaque jour assénés aux Africains quand les Occidentaux ont soutenu et soutiennent les pires dictateurs, ceux qui, précisément parce qu’ils bénéficient de ce soutien, privent leurs peuples de la jouissance de la liberté et des bienfaits de la démocratie ?

Pendant les décennies de règne Bongo, la France a soutenu un régime autoritaire et prédateur, sans pitié pour les opposants, dont les barons ont capté les dividendes du pétrole, arrosé les partis politiques français, massivement investi dans l’immobilier de luxe à Paris et laissé le peuple dans la misère.(Le Monde, Editorial, 20 juin 2009).

Que l’histoire, la colonisation, la guerre froide ou les Occidentaux aient leur part de responsabilité dans le déni de droits et les difficultés actuelles à asseoir la démocratie en Afrique ne souffre pas de doute. Mais on ne peut s’en tirer en s’abritant perpétuellement derrière des arguments qui imputent aux colonisateurs et à d’autres les tares de l’Afrique actuelle, le truquage électoral et la corruption … S’il est exact qu’il y eut bien une initiation des Africains par les Européens en ces domaines, en quoi de tels arguments peuvent-ils aujourd’hui, faire progresser l’Afrique ? Faut-il conserver des tares au prétexte qu’elles sont héritées de la période coloniale ou véhiculées par d’autres et ainsi vivre éternellement de modèles négatifs importés ?

Pourquoi ne pas s’inspirer de ce que cette même période coloniale a semé dans les esprits, les notions de liberté, justice, égalité, droits de l’homme ? Pourquoi la face sombre plutôt que la face lumineuse ?

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