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27 septembre 2015 7 27 /09 /septembre /2015 08:19
AFRIQUE, LE DÉFI DE LA DÉMOGRAPHIE

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AFRIQUE, LE DÉFI DE LA DÉMOGRAPHIE

Danse sur un volcan

En 2050, un terrien sur 4 sera Africain

L’étude de l’Institut national d’études démographiques (INED) publiée début septembre 2015 sous le titre : « Tous les pays du monde » est riche d’enseignement et inspire légitimement une réflexion sur la situation démographique du continent africain, tout particulièrement l’Afrique subsaharienne, car, de toutes les régions du monde, c’est cette partie qui attire l’attention par la spécificité de son dynamisme démographique.

Selon cette étude, d’ici à 2050, la population du continent africain augmentera de 111%, pour atteindre 2,5 milliards d’habitants, avec 1,3 milliard de nouveaux habitants. Ce bond spectaculaire est lié à une fécondité elle-même exceptionnelle pour ce XXIe siècle. Quand la moyenne mondiale du nombre d’enfants par femme s’établit à 2,5, la moyenne africaine est de 4,7, avec des pics de naissances dans la plupart des États. Le nombre d’enfants par femme diminue partout dans le monde sauf en Afrique.

Seize pays atteignent un taux de fécondité supérieur à 5 enfants par femme, et 8 pays se classent parmi les plus féconds au monde, avec plus de 6 enfants par femme. Selon l’INED, les femmes donnant naissance à plus de 6 enfants se trouvent désormais tous en Afrique, pour l’essentiel.

Le Niger est de loin champion avec plus de 7 enfants par femme. Suivent le Soudan du Sud : 6,9, la République Démocratique du Congo et la Somalie avec 6,6, le Tchad : 6,5, la Centrafrique : 6,2, l’Angola : 6,1, le Burkina Faso : 6.

(NB : Il n’est pas sans intérêt de comparer les taux de naissance dans ces pays avec le rang qu’ils occupent dans le Palmarès mondial de IDH (indice de développement humain) et celui du taux de scolarisation, des filles en particulier.)

Évolution de la population mondiale de 1950 à 2015

Part de chaque région dans la population mondiale (%)

Région

1950

1960

1970

1980

1990

2000

2010

2015

Afrique

9,1

9,4

9,9

10,8

11,9

13,3

15,1

16,1

Afrique du Nord

1,9

2,1

2,3

2,4

2,6

2,8

2,9

3,0

Afrique subsaharienne

7,1

7,3

7,7

8,4

9,3

10,5

12,1

13,1

Amérique

13,5

14,1

14,1

13,9

13,7

13,7

13,6

13,5

Amérique du Nord

6,8

6,8

6,3

5,7

5,3

5,1

5,0

4,9

Amérique latine et Caraïbes

6,7

7,3

7,8

8,2

8,4

8,6

8,7

8,6

Asie

55,2

55,9

57,6

59,1

60,3

30,6

60,2

59,8

Asie centrale

0,7

0,8

0,9

0,9

0,9

0,9

0,9

0,9

Asie de l’Est

26,4

26,1

26,6

26,4

25,8

24,4

22,7

21,9

Asie de l’Ouest

2,0

2,2

2,3

2,6

2,8

3,0

3,4

3,5

Asie du Sud

19,5

19,7

20,1

21,2

22,4

23,7

24,6

24,8

Asie du Sud-est

6,5

7,1

7,6

8,1

8,4

8,6

8,6

8,6

Europe

21,7

20,1

17,8

15,6

13,6

11,9

10,6

10,0

Océanie

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

D’hier à demain

La croissance de la population africaine est continue, à un rythme accéléré de décennie en décennie, depuis le milieu du XXe siècle. Les raisons en sont multiples.

La comparaison avec d’autres continents ou régions est ainsi largement à l’avantage de l’Afrique, en nombre absolu, comme en pourcentage.

Croissance de la population mondiale entre 1990 et 2012(en %)

Monde

33,4%

Moyen-Orient

68,2%

Asie hors Chine

42,8%

Chine

19%

Afrique

73,3%

Amérique latine

36,6%

Amérique du Nord

27,9%

Europe

11,5%

Pacifique

11,1%

Demain ?

Pour le meilleur ou pour le pire ?

S’il est légitime de se réjouir de ce sursaut et ce dynamisme démographique de l’Afrique (qui fut longtemps le continent de loin le moins peuplé de tous), il n’en est pas moins légitime de considérer que cette croissance anarchique de sa population pose, à très court terme, une grave question quant à la capacité des États concernés, à produire les ressources nécessaires à la satisfaction des besoins de cette masse supplémentaire de population, en alimentation, santé, écoles (éducation), habitat, transports, emplois… bref, à lui assurer le minimum vital, digne et décent.

 

Le grand nombre et la jeunesse de la population sont une richesse et source potentielle de puissance.

« Cependant, si l'unité de mesure de la puissance est désormais le milliard d'habitants, peut-on assurer aujourd'hui que le milliard africain constitue, en l'état, le salut assuré pour ce continent ? Le taux élevé de fécondité est à la fois cause et conséquence de la pauvreté. Si les enfants africains restent les plus vulnérables, les moins scolarisés, les moins formés et les moins qualifiés, si beaucoup parmi eux n'ont d'autre horizon que la rue, la mendicité et la misère, une fécondité aussi élevée se justifie-t-elle ? Le milliard d'Africains doit-il se résoudre à devenir un milliard d'analphabètes et de nécessiteux écrasés par la misère ?

Selon le professeur Jean-Robert Pitt, il n'est de richesse que d'hommes et de femmes instruits, imaginatifs... Et selon l'adage africain, ce n'est pas la richesse qui fait l'homme, mais l'homme qui fait la richesse. Adage sensé, combien généreux et humain. Mais il faut surtout des hommes et des femmes libres et épanouis, heureux de vivre.

Il y a eu en Afrique une croissance de la production agricole de 2,6 % par an entre 1970 et 2007, mais elle a été annulée par celle de la population qui, dans la même période, s'est élevée de 2,7 %.

Le cas du Niger illustre cette réalité africaine. Régulièrement classé parmi les pays les plus pauvres de la planète dans les différents rapports du Programme des Nations unies pour le développement, ce pays cumule tous les indicateurs négatifs, à la fois effets et causes du sous-développement. Avec un taux d'analphabètes de 83,5 %, une espérance de vie ne dépassant pas 45,7 ans et un revenu par habitant de 170 dollars, il est classé à l'avant-dernier rang mondial dans ces palmarès. Comment justifier des indicateurs aussi mauvais sans prendre en considération la croissance démographique du pays, et son indice de fécondité le plus élevé de la planète : 7,07 enfants par femme ! Avec pour conséquence un bond spectaculaire du nombre d'habitants qui, si la tendance se maintient, passerait de 15,3 millions aujourd'hui à 58,2 millions en 2050. En quarante ans, la population aura été multipliée par 3,8 !

Avec une croissance aussi incontrôlée, comment éviter, demain, les conséquences d'ores et déjà prévisibles, parmi lesquelles la non-satisfaction des besoins alimentaires, le déficit de scolarisation et de formation des jeunes (principalement des filles dans un pays où une bonne proportion de la population reste réfractaire à leur scolarisation), la carence sanitaire et la question de l'emploi ? (malgré l’uranium, l’or, la bauxite, le charbon, le bétail).

Ce qui, compte tenu de l'incapacité du Niger à résoudre tous ces problèmes vitaux posés à la fois, signifie inéluctablement autant de sous-alimentés, d'enfants souffreteux, non scolarisés et par voie de conséquence, autant de futurs handicapés de la vie.

Quelle aide provenant de l'extérieur pourrait être de nature à résoudre autant de problèmes liés tant à des traits culturels qu'à une carence manifeste des pouvoirs publics ? »

Tidiane Diakité, 50 ans après, l’Afrique, Arléa, 2011.

 

Selon une étude des Nations unies, un pays dont la population s’accroit de 2,5% doit consacrer à l’ensemble de cette population, de 5 à 12,5 % de son revenu national selon le cas « sans que soit amélioré d’un iota le niveau de vie de ses habitants », cela n’assurant que les dépenses de « pure préservation ».

De fait, en Afrique, la croissance économique est inéluctablement enrayée par la croissance démographique, d’où cette différence entre le mot et sa réalité. (La croissance en Afrique se distingue de la croissance au Japon ou en Belgique… par son contenu et sa réalité).

AFRIQUE, LE DÉFI DE LA DÉMOGRAPHIE

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Démographie contre développement ?

L’Afrique n’a jamais su faire face seule au surcroît de ressources et d’investissements nécessaire, à la mesure de l’augmentation de sa population, en même temps qu’aux impératifs de son développement, d’où l’idée de l’aide au développement, initiée par les pays développés, principalement la France, à l’orée des années 60, celles des indépendances des colonies françaises, et l’avènement d’une politique de coopération.

 

La question essentielle est celle-ci :

Cette politique de coopération et d’aide au développement telle qu’elle est menée -dans le cadre multilatéral, bilatéral, public ou privé, ONG, associations diverses, jumelages… — peut-elle constituer une réelle solution pour le développement de l’Afrique, c’est-à-dire, l’amener à la capacité de nourrir, soigner, éduquer sa population, et parvenir ainsi à son émancipation et à la maîtrise de son destin ?

Le résultat de plus d’un demi-siècle d’aide et de coopération ne semble guère plaider en faveur de la manière (ou méthode) dont cette aide est dispensée depuis si longtemps.

AFRIQUE, LE DÉFI DE LA DÉMOGRAPHIE

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Aide au développement, l’indispensable révision

Il est avant tout essentiel de réviser la pratique de l’aide et de la coopération destinée à l’Afrique, et triompher enfin de ses blocages multiples (du côté des bailleurs comme du côté des bénéficiaires de l’aide).

 

Qu’apporte à l’Afrique du XXIe siècle une aide qui n’aurait pas comme priorité la promotion de l’école, de l’éducation de la jeunesse, la promotion de la femme en amenant celle-ci à la pleine possession des outils matériels, intellectuels et culturels de son émancipation, laquelle passe entre autres, par la maîtrise de sa fécondité ?

 

Qu’apporte à l’Afrique une aide qui  ne mettrait pas au cœur de son programme et de sa pratique la promotion de l’agriculture, la formation des paysans, celle de la jeunesse rurale aux techniques et méthodes de culture garantissant une production suffisante et saine, en préservant la nature et l’environnement ?

Surtout, une aide efficace, en Afrique, est-elle dissociable de l’état de la société, de même qu’une certaine culture et la gouvernance ?

L’Afrique peut-elle se développer enfin, sans la maîtrise de sa démographie, et sans une population en majorité éduquée et qualifiée ?

 

Bref, sans une révision complète des concepts d’aide et de développement adaptés à l’Afrique du XXIe siècle, l’aide s’apparentera à un produit toxique qui déresponsabilise les États, démobilise les consciences et asphyxie l’Afrique.

 

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3 mai 2015 7 03 /05 /mai /2015 09:49

LE SABORDAGE DE L’AFRIQUE EN MÉDITERRANÉE

 

Une fatalité ?

 

« Naufrages de migrants : l’Europe triple son aide

"Les fonds alloués à la recherche et au sauvetage de migrants en Méditerranée sont multipliés par trois", ont annoncé les dirigeants européens réunis hier soir, en urgence à Bruxelles », titre le quotidien Ouest-France du 24 avril 2015.

 

Au lieu de tripler l’aide au sauvetage, ne pourrait-on réfléchir aux causes premières (structurelles et conjoncturelles) des motivations au départ de ceux qu’il faut sauver en mer ?

Y a-t-on pensé ?

Y pensera-t-on ?

Comment en est-on arrivé là ?

Il est symptomatique qu’en cette triste circonstance de drames répétés, du spectacle quasi quotidien de noyades et de corps repêchés de milliers de jeunes africains venus s’échouer aux portes de l’Europe, la communauté internationale soit si muette et inactive.

Si le silence de l’Europe et son manque de réaction appropriée peuvent étonner, que dire de l’absence obstinée des chefs d’Etat et responsables africains sur ce front ? Car, contrairement à ce qui est souvent dit et écrit, les Africains constituent l’immense majorité de ces migrants fuyant leur pays qui, pour l’essentiel sont des pays en paix ou sans dictature sanglante reconnue (Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire, Ghana, Cameroun, Tchad…)

Il s’agit moins de les empêcher d’aborder les côtes de l’Europe, au péril de leur vie, que de leur donner l’envie et des raisons de vivre chez eux.

Pourquoi partent-ils ?

Quel bilan de l’aide publique (et privée) au développement ?

 

Ces drames affreux d’embarcations englouties par les flots et de corps repêchés sont aussi l’occasion de s’interroger sur la raison d’être et les résultats de l’aide publique au développement en Afrique, depuis plus d’un demi-siècle.

En effet, de toutes les régions du monde, l’Afrique subsaharienne est celle qui reçoit la part la plus importante de l’aide au développement. Naturellement, il faut aussi chercher la réalité cachée derrière les chiffres et statistiques concernant cette aide. Mais, la mesure du montant de l’aide et les réalités sont les mêmes pour toutes les autres régions du monde bénéficiaires de l’aide publique au développement.

Par ailleurs, l’Afrique subsaharienne est également la région qui compte le plus grand nombre d’ONG et d’associations privées de toutes sortes engagées dans des projets de partenariat en Afrique.

Comment tous ces acteurs de l’aide publique et privée évaluent-ils leur action, parfois sur plus de 30 ans, à l’aune du nombre croissant de ressortissants des pays aidés qui fuient le continent ?

Bien sûr, le montant de l'aide  accordée est insuffisante et sera toujours insuffisante, eu égard aux besoins colossaux de ces pays en tous domaines. Mais, qu'a-t-on fait de celle déjà octroyée?

En a-ton fait l'évaluation et établi le bilan ? En a-t-on tiré les leçons qui s'imposent en vue de progresser?

 

Comment aide-t-on et qui aide-t-on ?

 

Certes, « il n’y a pas de petite ni de grande solidarité », comme le proclame à juste titre le secours populaire français. Il est simplement besoin d’une aide intelligente pour une solidarité efficiente.

L’aide au développement, telle qu’elle est pratiquée en Afrique, mérite une réflexion sereine et approfondie. Dans l’histoire, cette forme d’aide n’a jamais permis à un pays de se développer. Si ce système d’aide (publique et privée) était pertinent, l’Afrique n’en serait pas où elle est aujourd’hui, et ses fils, déshérités, ne se feraient pas ramasser par milliers sur les côtes de la Méditerranée tels de vulgaires objets rejetés par la mer.

Comment aider l’Afrique sans les Africains ?

Comment aider l’Afrique sans une juste appréciation des réalités africaines ?

Comment soigner et guérir le malade si l’on ignore ses conditions existentielles et la nature du mal dont il souffre?

Comment faire, enfin, pour que les ressources fabuleuses, matérielles et humaines, de ce continent soient considérées comme les ferments de son développement et employées à cette fin ?

 

LE SABORDAGE DE L’AFRIQUE EN MÉDITERRANÉE

...

Veut-on, peut-on développer l’Afrique en vase clos ?

 

Si les acteurs (publics et privés) du développement continuent de faire preuve d’autant de fermeture d’esprit, de cécité, d’inconscience ou de mauvaise foi, il y aura sans nul doute encore plus de migrants africains demain. Le pire est alors à venir, pour l’Afrique, pour l’Europe et pour le monde, car l’Afrique ne coulera pas seule.

Qui sont les empêcheurs de développer l’Afrique ?

L’amateurisme, la routine, la cécité qui mènent au refus de regarder la réalité en face, de chercher et rechercher les modes d’action les plus appropriés à un contient d’une exceptionnelle complexité, ne peuvent que nuire au projet du développement réel, lequel ne saurait se réduire aux seuls statistiques et taux de croissance.

Que valent ces taux de croissance mirobolants clamés et exhibés à longueur d’année par les médias ou autres spécialistes de l’Afrique, en rapport avec ces masses de migrants fuyant à corps perdu un continent devenu pour eux invivable ?

Parmi les acteurs de l’aide à l’Afrique, tout particulièrement dans de petites associations ou structures privées, il est des hommes et des femmes de grande probité, animés d’une foi admirable, d’une réelle volonté d’aider à réussir, et surtout dotés d’une prodigieuse générosité mais qui, dans leur élan de générosité et d’humanisme, portent sans doute peu l’attention à des aspects essentiels dont la connaissance constitue le préalable nécessaire à la réussite et la pérennité de leur action.

Pour beaucoup, malheureusement, l’aide se confond avec l’assistanat, lequel crée la dépendance permanente, tout le contraire de l’aide au développement. Toute aide à l’Afrique doit avoir pour finalité le développement, y compris l’aide humanitaire.

Une deuxième catégorie d’« aidants » est constituée de ceux qui arrivent avec dans leurs bagages et leur tête les plans préconçus pour développer l’Afrique et qui, fermés à tout ce qui ne vient pas d’eux, ne voient ni n’entendent. Ces ayatollahs de l’aide (publique comme privée), omniscients, continuent de faire comme ils ont l’habitude de faire  — en décidant de chez eux ce qui est bon pour l’Afrique —  depuis 10, 30 ou 50 ans ! Ils continuent comme avant, sans évaluation de leur action, sans connaissance réelle du milieu sur lequel ils prétendent agir, sans remise en question des méthodes et des idées, en suivant la voie facile de la routine et en se croyant armés pour aider l’Afrique à se développer, malgré l’évidence et contre l’élémentaire humilité, ainsi que la nécessaire exigence de rigueur de pensée et d’action. Ceux-ci seront, demain, également comptables des difficultés du continent à émerger.

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1 mars 2015 7 01 /03 /mars /2015 09:18

ESCLAVAGE, TRAITE ET COLONISATION ②

Une abolition inachevée ?

Survivances et esclavage contemporain

 

A la différence de l’esclavage classique ancien, l’esclavage contemporain présente des formes multiples et n’est pas toujours facile à identifier ou à mesurer.

Il présente cependant les principales caractéristiques qui définissent l’esclavage, à savoir, le travail imposé au profit d’autrui et la privation de liberté : travail forcé, enfants soldats, servitude pour dette, jeunes femmes mariées de force, esclavage sexuel… Un esclavage déguisé, généralement clandestin, pratiqué à l’abri des regards, derrière les murs des maisons, dans des ateliers souterrains…

ESCLAVAGE, TRAITE ET COLONISATION ②

 

Dans le monde

Rares sont les régions du monde qui échappent à cette forme « moderne » de l’esclavage. Plusieurs sources dont l’ONG Walk-Free, basée en Australie et considérée comme l’une des plus fiables, arrivent aux mêmes conclusions que l’UNICEF, en 2013-2014 :

30 millions de personnes dans le monde seraient victimes de cet esclavage contemporain, avec une répartition inégale selon les régions du monde. La France aussi est citée par l’ONG comme abritant 8500 esclaves ou « personnes vivant dans les conditions de l’esclavage ».Elle est classée 139e sur les 160 pays du palmarès. Il s’agit le plus souvent de jeunes femmes étrangères employées comme « domestiques » dans des familles elles-mêmes généralement d’origine étrangère.

enfant-esclave dans une plantation de cacao
enfant-esclave dans une plantation de cacao

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En Afrique

L’Afrique occupe (avec l’Asie du Sud-est) une place de choix dans ce triste palmarès de l’esclavage contemporain.

Le commerce des êtres humains est devenu un véritable fléau qui fait des centaines de milliers de victimes en Afrique, selon la rapporteuse spéciale sur la traite des personnes du Haut Commissariat aux droits de l’homme, de l’ONU, la nigériane Joy Ezeilo, qui estime à 2,5 millions le nombre de victimes de la traite en 2008, dont plus d’un million d’enfants. Elle déclare :

« Je peux affirmer que la traite des personnes est un sujet extrêmement préoccupant pour l’Afrique, elle-même devenue un réservoir important de victimes de la traite dans le monde. […]. Le problème en Afrique est que la diversité des formes de la traite, conjuguée à la perméabilité des frontières et à la carence des organismes chargés de faire appliquer les lois, rendent ce phénomène pratiquement impossible à arrêter. »

Sur les 25 pays classés comme les premiers pays esclavagistes du monde, l’Afrique en compte 17. Et, d’une manière générale, l’Afrique subsaharienne est la région la plus « esclavagiste », avec 38 pays se situant dans les 50 premiers du palmarès de l’ONG, comme dans le classement de l’UNICEF.

Proportionnellement à la population, la Mauritanie demeure le 1er pays esclavagiste au monde, avec 150 000 esclaves sur une population de 3,7 millions d’habitants. Selon les sources, ce pays est celui où se pratique l’« esclavage absolu », où l’on vend des esclaves au grand jour et où vivent des hommes et des femmes soumis à la fois aux formes anciennes et « modernes » de l’esclavage. Des hommes, des femmes des enfants sont la propriété de leur maître. Ils peuvent être vendus, loués, échangés, offerts ; et l’esclavage y est souvent héréditaire.

 

Le Bénin est le second pays africain mis en relief par l’ONG Walk-free, qui le qualifie de « Pays d’enfants esclaves ». Le pays se classe au 7e rang sur 160 pays esclavagistes répertoriés.

ESCLAVAGE, TRAITE ET COLONISATION ②

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D’autre part les stigmates de la condition servile continuent de se transmettre de génération en génération dans ce pays comme dans la plupart des pays esclavagistes d’Afrique.

Dans certains pays, on naît et on meurt esclave si l’on est d’ascendance servile. Tout comme dans certaines sociétés où la religion joue un rôle déterminant, on prétend tirer la légitimité de l’asservissement des individus de l’islam ; se perpétuent en conséquence des inégalités en vigueur jadis (héritage, propriété, mariage, capacité juridique…).

La possession de la terre et du bétail était interdite à l’esclave ; aujourd’hui encore, dans ces sociétés, l’accès au foncier est toujours interdit aux descendants d’esclaves qui sont, en outre, soumis à des contraintes économiques : exigence de redevances et de services notamment.

La survivance de cette forme de servitude met en évidence l’incapacité (ou le manque de volonté) des États à éradiquer ces hiérarchies statutaires d’un autre âge.

 

Une lecture réactionnaire du Coran amène des familles d’anciens maîtres d’esclaves à refuser de considérer comme abrogée, d’un point de vue musulman, l’institution elle-même ; ce qui alimente, ici ou là, le discours sur la « légalité » de l’esclavage. Dans des pays à majorité musulmane (Mauritanie, Niger, Soudan…), l’esclave ou le descendant d’esclave ne peut épouser plus de deux femmes ; il ne peut partager le même cimetière que les anciens maîtres, ni diriger une prière…

ESCLAVAGE, TRAITE ET COLONISATION ②

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Esclavagisme mercantile

En Afrique, là où l’esclavage contemporain n’est pas justifié par la religion, il est motivé par l’appât du gain, et la cupidité mercantile. C’est le cas dans plusieurs pays : Bénin, Togo, Côte d’Ivoire, Nigeria entre autres.

Les stratagèmes ou appâts sont quasi identiques  sans cependant exclure toujours la violence ou l’intimidation : une promesse mirobolante pour endormir l’attention et susciter la confiance, comme l’exemple qui suit :

 

Lorsque I. A., âgée de 20 ans, s'est vu offrir en 2000 un emploi en Italie, elle a sauté sur l'occasion. La vie chez elle, au Nigéria, était pénible et les perspectives de travail pour les jeunes femmes rares. Elle savait qu'il lui faudrait entrer illégalement dans le pays et accomplir un travail mal rémunéré et subalterne. Mais cela valait mieux que de rester chez soi et la personne qui lui avait proposé du travail s'engageait à organiser son voyage et à en assumer les frais qu'elle rembourserait de ses gains.

Ce n'est qu'après son arrivée en Italie que les choses ont mal tourné, a-t-elle raconté en 2008 à la station de télévision Al-Jazeerah. A peine débarquée, on lui a fait savoir que « les étrangères démunies d'un titre de séjour n'avaient d'autre choix que de faire le trottoir. »

Le refus de travailler ou le fait de ne pas rapporter assez d'argent étaient sanctionnés par des sévices corporels, a-t-elle précisé, soulignant qu'elle était restée trois jours dans le coma après avoir été passée à tabac. Les femmes qui tentaient de s'échapper étaient souvent tuées pour servir d'exemple aux autres. « J'ai été une esclave sexuelle. On m'a trompée en me faisant venir en Italie pour un emploi qui n'existait pas.

 

On veut tirer de la personne réduite à l’état d’objet, une rentabilité matérielle maximale.

Ainsi, des enfants sont astreints à une corvée sans proportion avec leur âge, exploités, affamés, brutalisés, ou razziés et enrôlés dans des armées de guerres civiles ou de rébellions ; des femmes réduites en esclaves sexuelles.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), estime que rien qu’en Italie, 10 000 à 15 000 Nigérianes sont forcées de travailler dans l’industrie du sexe.

ESCLAVAGE, TRAITE ET COLONISATION ②

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Réactions

Outre la présence et l’action de nombreuses ONG étrangères (canadiennes, américaines, européennes notamment), de plus en plus de mouvements, d’associations ou de communautés d’anciens esclaves (ou descendants d’esclaves) se créent sur le continent, et mènent un combat difficile mais persévérant, contre l’esclavage et ses survivances et pour leurs droits.

C’est le cas au Mali, de l’association TEMEDT (en tamasheq ou touareg : solidarité, fraternité et équité).

ESCLAVAGE, TRAITE ET COLONISATION ②

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Témoignages : esclaves et maître au Mali aujourd’hui

 

Témoignage 1 : Afadai Cissé

J'ai quarante cinq ans. Je suis esclave de Kel Insar dont la Fraction [le domaine] porte le même nom. Je suis toujours esclave de mon maître. Mes parents sont d'origine sonrhaï. Une partie de mes parents est restée à Goundam et l'autre partie est ici. Je pratique l'agriculture et l'élevage pour mon maître et pour moi-même. Je n'ai pas de salaire mensuel.

Ma femme s'occupe de son ménage et m'aide dans les travaux champêtres.

 

Mes enfants ne vont pas à l'école. Ils m'aident à faire les travaux champêtres et à garder les animaux du maître. Les filles aident leur mère à faire les travaux domestiques et les garçons vont au champ et conduisent les animaux. En cas de décès mes biens reviennent à mes enfants et à leur mère.

 

Ce système est devenu une coutume et on est obligé de se soumettre. Je ne peux rien oublier de ce que nous font subir les maîtres.

 

J'ai entendu parler de cette association (TEMEDT), mais c'est ma première fois ( sic )de prendre contact avec vous. Je veux être libre et avoir les moyens de travailler la terre et d'élever des animaux. 

 

Témoignage 2 : Gaichata Walet Ingall

Je suis dans une Fraction de marabout Kel Oussouk, dans l'Azaouaek. Je suis esclave par ascendance : c'est-à-dire, esclave née de père et de mère esclaves.

 

Nous sommes des « domestiques », nous nous occupons de tous les petits travaux domestiques : la cuisine, la surveillance des petits ruminants, des vaches et des chameaux. Mais le travail que je déteste le plus, c'est lorsque je dois laver la Maîtresse car, elle pèse très lourd, elle peut se déplacer à peine.

 

Je lui apporte toutes les nuits dix litres de lait de chamelle qu'elle consomme avant le matin. Je dors à côté de son lit, et toutes les heures, elle me réveille pour lui servir une tasse de lait. Cette corvée est suivie d'une autre, celle de l'assister chaque fois qu'elle doit aller aux besoins.

 

La Maîtresse nous instruit qu'un esclave doit toujours obéir à son maître pour avoir sa bénédiction et prétendre au paradis dans l'au-delà. Je ne connais aucun de mes parents, peut-être qu'ils sont en vie quelque part, réduits en esclavage dans une autre partie du pays ! 

 

Témoignage 3 : Hassey Sinayoko (ancien propriétaire d'esclaves)

« Moi personnellement, j'ai possédé des esclaves et ce jusqu'à maintenant. Je les ai hérités de ma grand-mère (la mère de mon père). Ce sont les descendants des esclaves de ma grand-mère. Bien que je ne réside pas à Djenné, les descendants de la servante de ma grand-mère viennent me rendre visite jusqu'ici à Konna. Chaque année, j'en reçois un contingent chez moi ici (hommes et femmes). Ils sont tous issus de la servante de ma grand-mère. Quand ils débarquent chez moi ici à Konna, les rapports sont très clairs : ils se savent esclaves et moi je me sens leur maître et en même temps leur propriétaire et leur protecteur, même si nous ne résidons pas ensemble dans la même localité. Ils respectent beaucoup les liens qui nous unissent. Ils font tout pour mes femmes et pour moi ici : travail domestique (cuisine, vaisselle, linge) et toute autre activité y afférente. En revanche, je les respecte dans l'exercice de leur statut d'esclave, statut défini et caractérisé par leur comportement fait d'une certaine impudeur dans les faits et gestes quotidiens : injures, trop peu regardants sur la moralité, basse besogne, etc.

 

Une année, [la visite d’] un de mes esclaves a coïncidé avec le mariage de ma propre fille ici à Konna. Il s'en est bien réjoui car, c'est en de telles occasions qu'un esclave peut faire montre de son utilité. Quand le cortège, se rendait dans la belle famille (la famille du mari), c'est lui qui portait sur sa tête la malle qui contenait les affaires de la mariée. Ce genre de prestation est exclusivement réservé aux esclaves dans notre zone ici. Tout le monde le sait. Cet esclave n'a pas dissimulé son statut social, il en était d'ailleurs fier. Après la cérémonie, il a reçu beaucoup de cadeaux.

 

Ce type d'esclavage ne disparaîtra jamais dans notre société, malgré les vicissitudes du temps. Moi, je ne peux pas les affranchir car je les ai hérités de mes parents, un héritage est sacré. Ces esclaves eux-mêmes ont accepté leurs conditions qui leur sont presque congénitales. Je suis descendant du propriétaire de leur ascendante. Ni eux, ni moi ne pouvons rien y changer ».

 

Témoignage 4 : Mori Coulibaly

Je suis l'esclave de Moussa Diawara. Nous sommes natifs de Nioro et nous ne quitterons jamais la terre de nos ancêtres pour continuer à servir nos maîtres. Mon père fut l'esclave de son père, mon grand-père fut l'esclave de son grand-père et mon fils sera l'esclave de son fils. Donc, je suis fier et j'exécuterai aveuglement tout ce qu'il me demandera.

 

Laissez-nous dans notre statut d'esclave et ne revenez plus nous sensibiliser pour être ce que vous appelez homme libre. Dans mon statut d'esclave, je me sens plus à l'aise que toi homme libre mais qui souffres ;à peine tu arrives à subvenir à tes besoins.

 

Chez mon maître, je ne manque de rien, il me met dans toutes les conditions, je mange à ma faim, ma femme, mes enfants aussi. Alors qui dit mieux, vous, homme libre, que tirez-vous de votre liberté ? De grâce, ne revenez plus ici, car vous ne pouvez pas mettre fin à ce bonheur que Dieu nous a envoyé.

(TEMEDT, Esclavage au Mali. Des victimes témoignent, L’Harmattan, 2014)

ESCLAVAGE, TRAITE ET COLONISATION ②

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22 février 2015 7 22 /02 /février /2015 08:44

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ESCLAVAGE, TRAITE ET COLONISATION  

6 

Une abolition inachevée ?

Survivances et esclavage contemporain

 

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Esclavage, possession d’une personne corps et biens par une autre, son maître. Ainsi compris, l’esclavage c’est par définition, la négation de la liberté et des droits de la personne possédée, reléguée au rang d’objet, d’« outil animé ».

L’esclavage précède la traite. De l’esclavage à la traite, c’est un changement d’échelle.

Traite : toute activité se rapportant au transport et au commerce organisé d’esclaves en masse.

Les deux systèmes imprègnent profondément la vie économique et sociale des anciens temps. Dans les sociétés « pré modernes », de l’Antiquité au XVe siècle, l’idée d’abolir le travail servile était inconcevable, car cela semblait inhérent à l’ordre normal des choses.

Les hommes de la Renaissance, en Europe, ne se sont pas préoccupés de la question de l’esclavage, s’alignant en cela sur les enseignements des classiques grecs, d’Aristote en particulier, pour qui l’esclavage est inhérent à la nature humaine, et l’esclave un simple « outil animé », et sur Rome, où l’esclavage était considéré comme un système inique certes, mais nécessaire.

Et, lorsque l’on commença timidement à remettre en question les fondements moraux, religieux et juridiques de l’esclavage et de la servitude en général, en Amérique et en Europe à partir du XVIIe siècle, les avis furent partagés et les débats âpres.

Cependant, de plus en plus de voix s’élevèrent pour contester le bien-fondé du système esclavagiste et la traite, cette dernière concernant tout particulièrement l’Afrique (du VIIe au XIXe siècle, pour la traite arabo-musulmane et du XVIe au XIXe siècle pour la traite atlantique ou européenne).

 

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Caravane d’esclaves dans le désert saharien

 

L’essentiel du commerce arabo-musulman d’esclaves africains s’effectuait par le Sahara, par où transitaient les esclaves provenant de l’ouest du continent, tout particulièrement de la zone soudano-sahélienne ; les esclaves prélevés à l’est suivaient la voie des mers, par l’océan Indien, vers le Moyen-Orient et l’Extrême-Orient.

 

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Traite arabo-musulmane

 

 

Des côtes occidentales du continent partaient les navires négriers en direction du Nouveau Monde ou de l’Europe (commerce triangulaire).

 

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Navire négrier

 

gif anime puces 029Afrique : la saignée

À partir du XVIe siècle, en effet, l’esclave noir supplanta l’esclave « slave » et l’esclave « schismatique » et l’Afrique noire devint l’unique réservoir d’esclaves de traite au monde.

 

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Dans l’Egypte pharaonique comme au XVIe siècle, en Arabie, ou au XVIIIe siècle dans les plantations des Antilles, l’esclave se définit d’abord par le travail imposé et la privation de liberté : caractéristique universelle et intemporelle du système esclavagiste.

 

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Esclaves au travail en Égypte

 

Les esclaves étaient voués à toutes sortes de travaux, de tâches et d’occupations dans les campagnes comme dans les demeures.

 

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La concubine et l’eunuque

 

gif anime puces 029Abolitionnistes et antiabolitionnistes

Entre abolitionnistes et antiabolitionnistes, le débat dura pratiquement deux siècles, du XVIIe au XIXe siècle. Pour les opposants à l’esclavage et à la traite, il ne suffisait pas de démontrer l’immoralité du système, il fallait aussi convaincre de la moralité de l’antiesclavagisme.

 

Abolition de l’esclavage

 

gif anime puces 029Abolition : débats et lois

Angleterre figure de proue

 

Incontestablement, l’Angleterre joua un rôle majeur et décisif dans la lutte pour l’abolition de la traite. C’est à son initiative que les puissances européennes, lors du Congrès de Vienne en 1815, condamnèrent la traite et décrétèrent son interdiction. Et, quand cette mesure fut officiellement décrétée, le gouvernement britannique veilla, avec une détermination et une constance remarquables à son application par toutes les nations et sur toutes les mers. Le Parlement anglais avait voté l’abolition de la traite dès 1807, après le Danemark, (1803), et en même temps que les États-Unis, mais ceux-ci n’aboliront l’esclavage qu’en 1865, alors que l’Angleterre l’a aboli en 1833. La France, à son tour, interdit la traite en 1818, et abolit l’esclavage en 1848.

Cependant, si la Grande-Bretagne, puis l’Europe, finirent par se coaliser pour mener la bataille de l’abolition, et entraîner le reste du monde dans leur sillage, il serait injuste d’ignorer ou de minorer l’action des Quakers nord-américains, principalement ceux de Pennsylvanie, véritables pionniers de la lutte antiesclavagiste, de même que les esclaves eux-mêmes, qui, par leurs révoltes de plus en plus fréquentes et violentes, surtout à partir du XVIIIe siècle, ébranlèrent le système.

Les arguments des partisans et des adversaires du trafic négrier furent nombreux et variés. L'argument économique vint opportunément conforter les motifs humanitaires et juridiques déjà exprimés et renforcer ainsi l'arsenal abolitionniste. Les travaux de l'économiste Adam Smith démontraient que « le travail accompli par des hommes libres coûte finalement moins cher que celui effectué par des esclaves ».

William Pitt le jeune, Premier ministre britannique, fit un discours à la Chambre des communes en avril 1792, plaidant pour l’abolition. Son vibrant appel à la conscience humaine est un condensé du plaidoyer pour l'arrêt de la traite :

« S'il est évident que cet exécrable trafic est aussi contraire à l'utilité qu'aux préceptes de la pitié, de la religion, de l’équité et à tous ceux qui doivent remuer la poitrine [...] comment pouvons-nous balancer un instant à abolir ce commerce de chair humaine qui défigure depuis trop longtemps notre pays, exemple qui contribuera sans doute à l'abolir à chaque coin du globe. »

Pour lui, la traite « est le plus grand mal effectif qui eût jamais frappé l'espèce humaine. »

 

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William Wilberforce

 

Cette lutte exceptionnelle, qui finit par faire de l'abolition de la traite une cause nationale, fut menée et portée pendant deux décennies par des hommes d'exception : Palmerston (même s'il était « plein de mépris pour les Noirs »), William Pitt, Clarkson et surtout Wilberforce. Au terme de ces 20 ans de lutte quotidienne acharnée et de débats harassants, de 1787 à 1807, ils virent triompher officiellement la condamnation de la traite par leur nation.

La loi votée le 23 février 1807, et appliquée à partir du 1er mai 1807, ouvrait la première brèche importante dans l'édifice multiséculaire de la traite atlantique.

Au discours du Premier ministre, W. Pitt, devant le Parlement, répondait, devant la même Assemblée, celui du Lord Chancellor, après le vote historique de la loi d'abolition :

« C'était notre devoir à l'égard de Dieu et de notre pays, le phare de l'Europe éclairée, dont la fierté et la gloire consistaient à accorder la liberté et la vie commune, à apporter l'humanité et la justice à toutes les nations, de remédier à ce mal. »

Dans ces deux discours, Dieu, la justice, l'humanité sont les principes autour desquels s'est opéré le ralliement des Britanniques pour abolir chez eux le trafic d'esclaves noirs. Ces mêmes principes faisaient désormais obligation à la nation anglaise de porter la bannière d'une croisade internationale afin d'obtenir de toutes les nations l'arrêt définitif du commerce d'êtres humains.

L'Angleterre se tourna donc vers ces nations, en tout premier lieu celles d'Europe. Ce fut une autre étape, d'une autre dimension, associant diplomatie et armes. La France, le Portugal et l'Espagne restaient à convaincre, tout particulièrement les deux dernières où le commerce entre l'Afrique et le Brésil pour la première et entre l'Afrique et Cuba pour la deuxième, apparaissait depuis si longtemps, mais plus encore vers la fin du XVIIIe siècle, non seulement comme une priorité économique, mais aussi comme un élément de stabilité politique. Ce furent en conséquence les Etats les plus déterminés à poursuivre la traite et où la diplomatie britannique se heurta aux obstacles les plus enracinés et les plus irréductibles. Incontestablement, l'Angleterre aura été la figure de proue de la lutte antiesclavagiste ; elle initia l'objection et même la guerre contre la traite atlantique, en jouant le rôle de gendarme, en ralliant les autres puissances à sa cause, car elle était désormais convaincue « que le devoir et la mission d’abolition lui incombaient d'utiliser l'influence et la puissance qu'il a plu à Dieu de lui donner pour sortir l'Afrique de la poussière et la mettre à même d'abattre par ses propres moyens l'esclavage et le commerce des esclaves. »  

Ainsi par un curieux retournement de l'histoire, la nation qui exerça sa suprématie de façon incontestée sur le commerce des esclaves en Afrique durant tout le XVIIIe siècle devenait, à la fin de ce siècle, la championne de la lutte contre la traite. De toutes les nations, elle fut celle qui fournit les efforts les plus grands et les plus constants. Ses penseurs, ses philosophes et écrivains, ses religieux et industriels épousèrent la nouvelle cause :

« Si l'on a pu évoquer l'Écriture pour justifier la traite, le libre arbitre qui libère les consciences contribua plus facilement que dans le monde catholique à utiliser la même Écriture pour la combattre. Dans l'Angleterre protestante, la philanthropie et l'esprit de la Réforme se donnèrent ainsi la main pour créer des œuvres charitables. »

 

gif anime puces 029À contre courant

Les résistances en Afrique

 

Quand la Grande-Bretagne réussit, non sans mal, à convaincre les nations récalcitrantes d’Europe à suivre son exemple en abolissant d’abord la traite, puis l’esclavage, elle se heurta de front à une résistance déterminée de plusieurs  souverains de la côte africaine.

Cependant, si les voix les plus fortes contre l'esclavage et la traite furent surtout des voix extérieures à l'Afrique, dans ce continent même, de tout temps, des voix s'élevèrent, des cris furent également poussés contre le fléau de la traite. Ces voix trop faibles, ces cris vite étouffés, ne purent aboutir à ébranler le système et ne suscitèrent rien de comparable à l'élan mobilisateur en Europe contre le trafic d'esclaves noirs, encore moins contre l'esclavage. L'ancien esclave Ottobach Cuguano écrivait dans son livre autobiographique :

« Mais, je dois avouer, à la honte de mes propres compatriotes, qu'à l'origine, j'ai été enlevé et trahi par des hommes de ma couleur, et qu'ils ont été la cause première de mon exil et de mon esclavage ; mais sans acheteurs, il n'y aurait pas de vendeurs. »

Quand ces acheteurs européens cessèrent enfin d'acheter, les vendeurs cessèrent-ils pour autant de vendre ?

D'une manière générale, l'accueil réservé par les rois côtiers, et les trafiquants esclavagistes autochtones aux mesures d'interdiction de la traite fut à la mesure des résistances opposées de l'autre côté de l'Atlantique à l'abolition de ce commerce. Pour ces Africains, les raisons de leur résistance étaient différentes de celles qui s'exprimaient en Europe, aux États-Unis, à Cuba ou au Brésil, car en Afrique, des royaumes étaient nés ou s'étaient développés sur la base de la traite des esclaves qui constituait leurs seuls fondements : Royaumes du Dahomey, royaume d'Oyo, du Bénin, confédération Ashantis, etc.

Ce fut d'abord la perplexité pour nombre de souverains africains impliqués dans la traite, tel Obi Ossai, roi d'Abo (Nigeria) en 1841, tâchant de mettre en évidence les incohérences de l'attitude des Européens à l'égard du trafic négrier, il constatait :

« Jusqu'à présent nous pensions que c'était la volonté de Dieu que les Noirs soient les esclaves des Blancs. Les Blancs nous ont d'abord dit que nous devions leur vendre des esclaves. Si les Blancs renoncent à acheter, les Noirs renonceront à vendre. »

Si certains rois africains acceptèrent de signer avec la Grande-Bretagne des contrats prohibant le commerce d'esclaves, moyennant finance et mise en place de nouvelles activités économiques, d'autres en revanche restèrent sourds à toute proposition amiable. Pour ceux-là, les Anglais durent employer la force. De fait, il fallut livrer en Afrique une nouvelle bataille, non plus pour se procurer des esclaves via les intermédiaires africains, mais contre les trafiquants autochtones hier fournisseurs d'esclaves des négriers européens. Cette bataille ne fut pas des plus aisées car quatre siècles et demi de traite esclavagiste avaient marqué les lieux et les esprits, conditionné les existences tant et si bien qu'ils ne pouvaient être effacés du jour au lendemain, à la faveur d'une loi votée en Europe. Comme certains trafiquants européens, des souverains africains et nombre d'auxiliaires et d'agents attitrés restèrent sourds au cri de la conscience humaine.

 

Certains rois africains avancèrent des arguments curieux. 

Le virus de la traite avait si profondément affecté le corps social africain sur la côte que les dollars et les livres sterling ne pouvaient facilement éradiquer le mal. Le roi Ghézo le confessait en 1840 :

« La traite a constitué le principe directeur de mon peuple. C'est la source de sa gloire et de sa richesse. Ses chants célèbrent nos victoires et la mère endort son enfant avec des accents de triomphe en parlant de l'ennemi réduit en esclavage. Puis-je, en signant [...] un traité, changer les sentiments de tout un peuple ? »

En conséquence, Ghézo « se déclara prêt à faire tout ce que le gouvernement britannique lui demanderait, sauf renoncer à la traite, car tous les autres commerces de substitution lui semblaient sans objet. »

 

Ce roi, visiblement importuné par l'insistance des Anglais pour l'amener à cesser son trafic proposa, pour avoir la paix, « d'offrir en retour deux jeunes esclaves pour laver le linge de la reine Victoria. » Le malentendu entre les Britanniques et le roi du Dahomey demeurait entier, même si ce dernier se convertit par la suite au « commerce légitime », celui de l'huile de palme. Cette résistance de certains souverains africains à l'abolition de la traite s'était manifestée très tôt, et bien avant le vote britannique de 1807. C'est ainsi que lors des tout premiers débats à la Chambre des communes de Londres, le roi du Dahomey, Agadja, fit lire par un député britannique, défenseur convaincu de la traite et comptant parmi les plus hostiles à toute idée d'abolition, une longue lettre dans laquelle il s'opposait à l'interdiction du commerce négrier et développait une argumentation tendant à démontrer que l'intérêt des esclaves africains résidait dans leur déportation en Amérique.

 

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Roi Glélé

 

Cet autre roi d’Abomey, Glélé, fils de Ghézo, reçut l’envoyé spécial britannique qui lui tint ces propos :

« L'Angleterre a fait de son mieux pour arrêter la traite dans ce pays. On y a consacré beaucoup de moyens et maintes vies ont été sacrifiées dans ce but désirable, mais sans succès jusqu'ici. Je suis venu vous demander de mettre un terme à ce trafic et conclure un traité avec moi. »

Le roi lui retourna l'argument si souvent évoqué par les acteurs africains de la traite au XIXe siècle : « Si des Blancs quittent leur pays pour venir jusqu'ici acheter des esclaves, pourquoi m'empêcherai-je de leur en vendre ? » A quoi l'envoyé britannique répondit en lui demandant « quel serait son prix si on devait le vendre comme esclave ».

Glélé répondit :

« Aucune somme ne m'achètera [...]. Je ne suis pas comme les rois de Lagos et du Bénin. Il n'y a que deux rois en Afrique, Achanti et Dahomey : je suis le roi de tous les Noirs. Rien ne compensera pour moi [la perte de la traite] ». Il n'en démordit point, et précisa : « Si je ne puis vendre les prisonniers de guerre, je dois les tuer, et ce n'est certainement pas la volonté des Anglais ».

 

Le dialogue de sourds persista. C’est alors qu’un vaste mouvement constitué d’abolitionnistes américains et européens : politiques, religieux, philosophes, penseurs humanistes… se dessina et poussa les principales nations d’Europe à occuper le continent africain afin de mettre un terme au commerce d’êtres humains.

Cette occupation, qui devint colonisation, survenait dans le contexte géopolitique particulier de la deuxième moitié du XIXe siècle : l’affirmation et la radicalisation des nationalismes en Europe, par conséquent, l’impératif du renforcement de la défense de la nation, bref, le temps du nationalisme sourcilleux et chatouilleux, plutôt belliqueux.

Et, par-dessus tout, l’impératif économique : la recherche de ressources naturelles et de débouchés (conséquence logique de la révolution industrielle), transformait l’occupation aux fins d’éradication de l’esclavage en une course effrénée aux colonies et une farouche compétition entre Européens en Afrique. La possession de colonies devint à la fois moyen d’affirmer sa puissance, condition du développement de ses industries et celle du développement économique.

Ces impératifs firent passer au second plan l’objectif de la lutte contre l’esclavage sur le continent.

 

Par ailleurs, afin de faciliter la « pacification » et l’implantation du pouvoir colonial, il fallut composer avec des chefs traditionnels influents dont beaucoup réagirent négativement à l’interdiction de l’esclavage, qui fut dès lors loin de représenter une priorité, d’où sa persistance pendant et après l’« ère coloniale ».

Certes, quelques actions furent menées ici et là, mais, en réalité, bien timides, eu égard à l’importance du phénomène et son enracinement dans les esprits et les mœurs.

Pour approfondir : voir Tidiane Diakité,  

La traite des Noirs et ses acteurs africains.

 

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12 octobre 2014 7 12 /10 /octobre /2014 07:14

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EBOLA, ET AU-DELÀ


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Un révélateur de carences

 

 

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etoile 108Ebola et mirage

Ebola et croissance

 

Et si le drame d’Ebola pouvait permettre au moins d’ouvrir grand les yeux sur quelques carences structurelles du continent africain ?

 

Et s’il permettait de descendre enfin des nuages et du mirage soporifique des taux de croissance agités depuis une décennie ?

 

Et si cette pandémie permettait enfin d’arracher à leurs illusions ceux qui pensent que les États africains sont devenus émergents et sortis de façon irréversible des affres du mal-développement, parce qu’ils affichent dans leur ensemble, des taux de croissance (4, 5, 7, voire 10%) à faire pâlir d’envie nombre de pays développés ?

 

Quelques qualificatifs et affirmations décernés à l’Afrique par la presse économique ne laissent aucune place au doute :

« Championne de la croissance ».

« Prochaine locomotive de l’économie mondiale ».

« Nouveau marché frontière… ?

 

Que de superlatifs, que d’exaltation dithyrambique pour célébrer la croissance africaine et saluer les performances économiques du continent !

 

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Certes, l’Afrique de 2014, n’est point le parangon du chaos généralisé. L’Afrique est le continent le plus divers du monde. Il doit bien y avoir quelques îlots de bien-être quelque part. Certes. Mais, dans sa globalité, c’est bien la région du monde où les marques du sous-développement sont les plus visibles : ce qui n’est nullement en contradiction avec le dynamisme économique et la volonté affirmée de progresser, constatés dans certains États, du reste bien minoritaires sur l’ensemble du continent.

 

Précisément, la dimension atteinte par la pandémie Ebola n’est-elle pas un indicateur crédible de l’état général de ce continent ?

 

Comment mettre en rapport les taux de croissance mirobolants exhibés à longueur d’année et l’hécatombe d’Ebola (4000 victimes à ce jour, source OMS : 11/10/2014)), la vie sociale désorganisée, les activités économiques ralenties ou inexistantes, les difficultés de la vie quotidienne démultipliées, bref, le triomphe total d’une maladie qui soumet à sa loi implacable l’existence de tout un continent à partir de trois foyers d’infection ?

 

Et par-dessus tout, l’incapacité des Africains à faire face à cette maladie, à juguler la pandémie par leurs propres moyens, démunis en action, en imagination, en volonté, en moyens, remettant leur sort entre les mains de l’étranger sauveur !

 

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etoile 108Croissance pour qui ?

Croissance pour quoi ?

Que font-ils de leur croissance ?

 

Plus généralement, au-delà de l’épidémie, cette croissance

— a-t-elle permis à chaque petit Africain pauvre d’aller à l’école ?

— A-t-elle permis à chaque foyer pauvre d’avoir accès à l’eau potable ?

— A-t-elle permis à chaque Africain pauvre, vivant avec moins d’un dollar par jour, de manger à sa faim, de se soigner ?

— Cette croissance forte permet-elle de doter les États africain des infrastructures indispensables à la vie moderne et au bien-être ?

— A-t-elle évité à de jeunes Africains désespérés de fuir leur pays au péril de leur vie ?

— Et Lampedusa ? Avec ses milliers de victimes africaines ? C’est vive la Croissance ! Fuyons !

 

Surtout, pourquoi, avec de telles performances économiques si souvent vantées, l’Afrique présente-t-elle les indicateurs de développement humain les plus faibles de la planète : santé, éducation, revenu, alimentation, espérance de vie… ?

 

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etoile 108Ebola et solidarité africaine

 

Le constat est à cet égard consternant. Les États africains sont les grands absents dans l’action menée contre l’épidémie et sa propagation. Et les responsables africains sont les derniers à s’en émouvoir !

 

En effet, c’est seulement 8 mois après le déclenchement de cette épidémie, qui avait déjà à son actif, 2400 victimes recensées (chiffre nettement sous-évalué), alors que le monde entier était en émoi et des personnels soignants étrangers mobilisés et à pied d’œuvre dans les zones infectées, que la présidente de la Commission de l’Union africaine a enfin convoqué une réunion des chefs d’États autour du cas Ebola ! Et quelles résolutions, quelles actions concrètes et fiables à l’issue de cette réunion ?

 

Heureusement que l’Afrique s’est dotée dès le lendemain des indépendances, il y a plus d’un demi-siècle, d’une « Union africaine », la mal nommée, (anciennement Organisation de l’Unité Africaine : OUA), en tous points calquée sur l’Union européenne (dans le texte).

 

Une seule certitude : Les États du continent sont tellement unis qu’ils s’ignorent !

 

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etoile 108Indices révélateurs de l’indifférence et de l’absence de solidarité


— Dès le début de l’épidémie dans 3 pays : Liberia, Sierra-Leone et Guinée, le premier réflexe fut, pour plusieurs pays africains, de fermer leurs frontières et d’interdire l’entrée sur leur sol des ressortissants des pays infectés, entravant de ce fait les échanges et aggravant la situation économique des États. (Selon la Banque mondiale, le « coût économique d’Ebola pour l’Afrique de l’Ouest pourrait dépasser 32 milliards de dollars, d’ici la fin de 2015, si l’épidémie s’étendait ».)

 

— Ni la présidente de l’Union Africaine (en réalité « Désunion Africaine »), ni aucun responsable de haut rang de l’organisation panafricaine, n’eut le geste symbolique de se rendre dans les pays touchés pour prendre conscience de la réalité et prévoir d’éventuelles mesures de soutien, ou de solidarité à l’égard des populations touchées !

 

— Enfin, les responsables africains n’ont pris aucune initiative de nature à entrer en contact avec les pays étrangers d’Europe notamment, accourus et agissant sur le terrain, ou ayant envoyé une aide multiforme, afin de coordonner les actions et faciliter leur mise en œuvre.

 

Bref, les responsables africains furent et sont absents des efforts fournis par la communauté internationale afin de juguler une épidémie qui fauche par milliers des vies africaines.

 

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etoile 108Désunion, faiblesse, impuissance


C’est précisément parce qu’il manque aux États africains l’élémentaire solidarité et le sens de l’entraide qu’Ebola a pris une telle dimension et fait tant de victimes. Et, à l’instar d’Ebola, tous les maux et drames qui touchent ce continent prennent une allure apocalyptique : guerres civiles, épidémies, famines, calamités naturelles, terrorisme, trafics mafieux, criminels… car, un continent désuni est un continent affaibli (tout comme un pays désuni), terreau sur lequel s’épanouissent tous les cataclysmes et dangers potentiels.

 

Les taux de croissance forts n’y feront rien : désunion signifie faiblesse et vulnérabilité.

 

Si les États africains ne sont pas unis, les peuples sont-ils unis au sein des États …?

 

etoile 108Quid de la solidarité africaine ?

 

Ce n’est pas seulement sur la faillite des systèmes de santé en Afrique qu’Ebola a jeté une lumière crue ; c’est toute la gamme des carences étatiques, politiques ( de gouvernance), sociales et culturelles, que cette épidémie met à nu, à commencer par la réalité de ce qui est généralement considéré comme une caractéristique des peuples d’Afrique : la solidarité et le sens de l’entraide.

 

Le monde entier afflue au nom de la solidarité internationale vers des pays démunis du sens de l’élémentaire solidarité.

 

Il se crée, à cet égard, quelque confusion dans certains esprits entre hospitalité africaine (accueil) et solidarité africaine, qui sont deux réalités différentes dans leur essence et dans leur pratique.

 

De fait, la solidarité africaine s’arrête aux portes de la famille et du clan. Au-delà, c’est le désert humain. Et c’est là que réside la source de bien des difficultés et malheurs du continent. Ebola en est une illustration.

 

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11 mai 2014 7 11 /05 /mai /2014 07:21

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Nigeria. Boko Haram, l’empire du mal

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L’obscurantisme criminel, le mal pour idéologie

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Boko Haram signifie en haoussa, la principale langue du nord du pays « l’Occident impur » ou l’« éducation occidentale est un péché ».

Cette secte, djihadiste et terroriste, a vu le jour dans le nord du Nigeria vers le début de ce siècle.

 

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Boko Haram au nord-est

 

Apparu il y a une douzaine d’années, ce n’était qu’un mouvement religieux minoritaire qui jouait un rôle de contestation politique. C’est l’incurie des autorités du pays qui a fini par en faire un monstre qui dévore des vies nigérianes en toute impunité. Le petit mouvement islamiste renforce son audience, ses effectifs de même que ses capacités financières et militaires, grâce aux rapts monnayés et aux trafics en tous genres.

C’est à partir de 2008-2009 que l’organisation commence à faire parler d’elle par des attentats et des rapts.

 

Idéologie

Puisque l’Occident est impur, tout ce qui vient de l’Occident ou qui s’y réfère doit être détruit par la violence. Tout le pays, et au-delà, toute l’Afrique, doit être soumis à la charia, la loi islamique. Cette idéologie pourrait se résumer en peu de mots.

fleche 026moteur : la haine de l’Occident.

fleche 026objectif : l’éradication de toute forme d’occidentalisation dont l’éducation, principalement celle des filles. Les femmes sont faites pour être mariées, procréer et rester au foyer, non pour faire des études.

fleche 026moyens : la violence sous toutes ses formes : enlèvements, assassinats, exécutions sommaires, incendie de villages entiers ou d’établissements scolaires…

 

Les attaques, attentats, violences sans discernement se multiplient à partir de 2009. Entre juillet 2009 et février 2011, Boko Haram a revendiqué 164 attaques qui se sont soldées par plusieurs centaines de victimes. Et depuis, la macabre comptabilité continue sans qu’on sache si les autorités du pays ont réellement l’intention d’y mettre un terme.

Boko Haram a opéré au nord-Mali, servant de renfort aux différents mouvements djihadistes qui occupèrent un temps cette région. La secte a enlevé des étrangers. Elle est impliquée dans l’enlèvement de Français.

 

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Le chef de Boko Haram

 

Un défi à l’Humanité

L’enlèvement, en avril et mai 2014, de 276 jeunes lycéennes réunies dans une salle d’examen, a mis à jour l’existence d’une des plaies monstrueuses qui s’épanouit en toute impunité au flanc de l’Afrique, et réveillé enfin l’attention de la communauté internationale.

Les agissements de Boko Haram, au-delà du seul Nigeria, constituent un véritable défi à la conscience morale universelle.

Il est peu de régions au monde, en ce XXIe siècle, où de tels actes de pure barbarie criminelle et d’indicible inhumanité, perpétrés non par des pirates au large de côtes lointaines aux dépens d’étrangers, mais, par des fils d’un État africain contre des enfants du même État, puissent être encore possibles.

 

Quels que soient par ailleurs la nationalité de ces victimes et le lieu de leur enlèvement, de tels actes sont hautement répréhensibles et de nature à révulser toute conscience humaine ordinaire.

On ne peut non plus fonder une idéologie sur le rapt crapuleux, le mépris de la vie d’autrui et l’ignominie.

Boko Haram, par la voix de leur chef, déclare vouloir traiter ces jeunes lycéennes enlevées en esclaves sexuelles et les vendre comme telles au Cameroun et au Tchad, car, proclame ce chef criminel « les femmes sont faites pour être mariées, non pour faire des études ».

 

10 euros, le " prix" d’une lycéenne africaine !

 

L’indignation de la communauté internationale, de Barack Obama aux États-Unis, de la chancelière allemande, du Premier ministre britannique, du président français comme de la jeune pakistanaise Malala, est bien le signe que la frontière de l’ignominie et de l’inacceptable est bel et bien franchie, et que la conscience morale universelle est devenue une réalité. Une réaction salutaire qui devra se traduire néanmoins rapidement en acte concret afin d’assécher à jamais cette source de malfaisance destructrice de vies humaines.

 

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Petites filles esclaves sur un marché

 

Constat consternant

gif anime puces 543Est-ce un hasard si une telle secte de l’horreur naît et prospère en Afrique ?

gif anime puces 543Les indignations les plus fortement exprimées viennent d’ailleurs, d’Europe, d’Amérique, d’Asie.

gif anime puces 543Quelle voix de dirigeants africains s’est-elle élevée pour condamner l’inacceptable au Nigeria ?

gif anime puces 543Quelle action de l’Union africaine ?

       ◊Quelle indignation exprimée ?

       ◊Quel sentiment exprimé ?

        ◊Quelle décision prise pour éradiquer ce mal au cœur du continent ?

gif anime puces 543Quelle voix de la société civile, au Nigeria, en Afrique ?

 

Pourquoi un tel sommeil des consciences ?

Les responsables africains, à quelque niveau qu’ils soient, se sentent-ils concernés ?

Le chef d’État nigérian a lancé un appel le 4 mai… enfin !. à Barack Obama, président des États-Unis, à Angela Merkel chancelière allemande,  à David Cameron, Premier ministre britannique, et au Président français, François Hollande, pour l’aider à rechercher et à faire libérer les jeunes lycéennes. On observe qu’il n’a appelé à l’aide ni l’Union africaine, ni aucun pays du continent, ni même les responsables des États limitrophes où la secte a promis de vendre les jeunes filles !

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Le pire, l’inconcevable

 Il faut supposer que sans cette levée de boucliers et la mobilisation planétaire qui s’esquisse, qu’on espère salutaire, ces jeunes lycéennes exposées à la vente, auraient trouvé preneur sur un marché africain ; symbole combien riche de sens !

Par ailleurs, ce groupe criminel aurait-il pu prospérer si longtemps, agir et se mouvoir, sans complicités internes, en s’affublant d’un manteau faussement religieux ? Ce qui souligne davantage encore le caractère odieux de l’acte perpétré.

Et l’on oserait prétendre, au vu de telles ignominies perpétrées sur le continent africain, et dans une indifférence coupable, réclamer des « réparations » aux Occidentaux pour la traite des Noirs du 17e au 19e siècle ?

A qui iraient ces réparations ?

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6 avril 2014 7 06 /04 /avril /2014 07:08

a87-copie-1.gifLE PARTAGE DE L’AFRIQUE013.gif

 

 

 

De l’Afrique « africaine » à l’Afrique « européenne »

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A partir de 1880, les explorations prennent une couleur politique et nationaliste plus affirmée. On y va avec le drapeau de sa nation, dans l'espoir de le hisser sur des portions d'Afrique. L'action des explorateurs n'est plus un acte solitaire en marge des intérêts nationaux. L'explorateur se mue peu à peu en conquérant puis en colonisateur. La prise de possession de territoire devient désormais l'objectif et la priorité, et se fait au nom de sa nation. Chaque explorateur hisse son drapeau dans ces contrées lointaines. C'est désormais la course, la compétition, la rivalité entre les nations d'Europe partout en Afrique. C'est ainsi qu'entre l'explorateur français Brazza et son homologue britannique Stanley (passé au service du roi des Belges Léopold II) s'engage une véritable course de vitesse pour découvrir l'embouchure du fleuve Congo, dans la zone équatoriale, course qui se transforme en lutte acharnée à l'arrivée. Le résultat de cette confrontation est le partage des deux rives du fleuve en territoire français au nord et en territoire belge au sud (propriété du roi des Belges). Les capitales des deux futures colonies (et futurs Etats, Congo-Brazzaville et Congo-Zaïre) se situant de part et d'autre des rives du fleuve Congo.

 

gif anime puces 251La ruée

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En quête de terres à coloniser

 

De son côté, en 1884, le chancelier allemand, Bismarck (l'artisan de l'unité allemande réalisée à la suite de la défaite de la France en 1870) fait occuper divers points sur la côte correspondant aux actuels Togo, Cameroun et Namibie. Face à ces rivalités croissantes entre Européens, Bismarck a l'initiative d'une concertation entre les principales puissances d'Europe intéressées par l'Afrique. Ce qui est fait à Berlin du 15 novembre 1884 au 26 février 1885. Cette concertation prend le nom de « Conférence de Berlin » ou encore de « partage de l'Afrique », même si ce terme n'est pas tout à fait approprié à cette date. Cette conférence a pour but de fixer les règles permettant d'éviter les heurts et l'épreuve de force entre les nations européennes en Afrique. Ces règles qui ne sont que théoriques, font qu'aucun Etat européen ne peut désormais revendiquer la possession d'une région d'Afrique sans l'occuper effectivement, ce qui suppose la délimitation des « zones d’influence » et des zones occupées, ainsi que la matérialisation de cette occupation par des « frontières ».

 

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La délimitation des nouvelles frontières

 

Cela déclenche une véritable mêlée entre les Européens. Des émissaires (ou « missions ») : français, anglais, belges, hollandais, allemands, portugais, danois... se lancent dans une course effrénée à l'intérieur du continent. C'est à qui arrivera le premier pour signer un traité avec rois et chefs africains locaux.

 

On est bien loin des glorieux empereurs du Soudan, d'Abomey ou de ceux du Congo. A partir des deux décennies, 1881-1890 et 1891-1900, plus jamais un roi africain ne recevra les hommages d'un ambassadeur accrédité auprès de lui, ou d'un émissaire de rois européens comme aux XVI et XVIIe siècles.   Fini le temps où les rois africains traitaient d'égal à égal avec les rois de France. Dorénavant, ils sont sujets coloniaux sous les ordres du gouverneur installé chez eux par la France, la Grande Bretagne, le Portugal ou la Belgique. Peu à peu, ils se feront oublier y compris de leurs sujets d'hier car désormais, sujets eux-mêmes. Les procédés pour y arriver sont variés. Dans un premier temps on les couvre de cadeaux rutilants, puis on plante son drapeau, le tout sous la garde de quelques militaires composant la « mission ». Mais rien dans cette course aux traités ne peut éviter la rivalité et les conflits. Certains chefs locaux, attirés par l'appât du gain, signent plusieurs traités attribuant parfois les mêmes terres et accordant les mêmes avantages aux nations européennes concurrentes, ce qui fait beaucoup de drapeaux flottant sur leur domaine. Dès la signature de ces traités et à peine les Européens signataires partis, il arrive que les drapeaux soient arrachés et confectionnés en vêtements pour les épouses et les enfants du chef, ce dernier s'apprêtant à en signer d'autres, ce qui est évidemment source de conflits non seulement entre les Européens et lui-même, mais surtout oppose ces derniers les uns aux autres. 

 

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Partage du gâteau africain

 

En fait de partage, il faut préciser que le partage effectif de l'Afrique a lieu quelques années après la conférence de Berlin, entre 1890 et 1900, et même au-delà de cette dernière date, au cours d'une série de rencontres et d'accords entre les puissances européennes. La tradition continue néanmoins d'attribuer le partage du continent africain à cette « Conférence de Berlin ». En tout, elle réunit 14 nations : Allemagne, France, Italie, Suède, Autriche-Hongrie, Belgique, Danemark, Royaume-Uni, Portugal, Espagne, Pays-Bas, Russie, Empire Ottoman et Etats-Unis. 

 

Le mot « partage » est ici chargé de sens et révélateur du rapport de forces.

bouton 007C’est l’Afrique qui est partagée, mais ce partage se fait hors de ce continent.

bouton 007Aucun Africain ne participe ni n’est présent à la table du partage.

bouton 007Le festin « africain » se déroule sans les Africains.

 

La différence est importante entre l'Afrique d'avant le XIXe et celle de la fin de ce siècle. De 1880 à 1890, le destin de l'Afrique bascule définitivement : ce continent entre dans l'ère de la dépendance, celle de la colonisation. Les moyens pour y parvenir sont simples. Une fois encore, c’est la signature de « traités » avec les chefs africains plus ou moins consentants, en tout cas ignorants des conséquences à long terme de cette signature au-delà de la remise de présents par les Européens. Le plus souvent, en guise de signature, on leur fait tracer un simple trait, parfois une croix (au besoin en tenant leur main). Il arrive que la feuille soit entièrement vierge au moment où on la présente au souverain africain ; une fois signée par ce dernier, il appartient à celui au profit de qui cette signature a été apposée, de la remplir. L'autre moyen plus radical est l'usage de la force. Il n'y a plus besoin de signature ni de protocole, le fusil et le canon suffisent pour parvenir à ses fins.

 

gif anime puces 251L’Afrique colonisée

 

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La nouvelle ère

 

L’Histoire s’accompagne toujours de questions, en l’occurrence, ici, les suivantes :

bouton 007 Comment tout un continent a-t-il pu se laisser dépecer et partager ainsi comme un gâteau ? Par une poignée d’États européens ?

bouton 007 Quelles en sont les causes : lointaines et immédiates ?

bouton 007 Ce partage et cette domination étaient-ils inéluctables ?

bouton 007Pourquoi ?

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23 mars 2014 7 23 /03 /mars /2014 08:42

chien 263L’AFRIQUE VICTIME COLLATERALE DE LA GUERRE FROIDE

 

 

gif anime puces 024De l’endormissement au réveil douloureux


L'ère des indépendances en Afrique et l'émergence politique des nouveaux Etats africains coïncidèrent avec le contexte international de guerre froide. Ce fut incontestablement une période déterminante dans le processus de développement de ces pays. Ce n'est qu'à partir des années soixante qu'on peut parler d'aide à l'Afrique au sens propre. L'une des principales caractéristiques de la période, c'est l'« internationalisation » de l'Afrique qui, soudain propulsée sur la scène d'un monde idéologiquement coupé en deux, ne sut ni prendre conscience d'elle-même, ni trouver sa marque de façon résolue, politiquement ou économiquement. Ainsi ballottée d'Est en Ouest, sans traditions politiques ni bases économiques sûres, l'Afrique se laissa bercer à l'ombre de l'aile de chacun des deux blocs. Il s'est ensuivi un manque de conscience de soi et un long endormissement qui portera en germes des lendemains difficiles.

 

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gif anime puces 024De la fermeture à l’ouverture

 

Les anciennes puissances coloniales d'Europe ont été ainsi dépossédées de l'unique clef de l'unique entrée de leurs anciennes possessions. Le temps du monopole sur les colonies est désormais révolu, de même le pacte colonial qui garantissait l'exclusivité des rapports métropole-colonies. Ces colonies, chasse gardée d'hier, ont désormais mille portes ouvertes au monde : aux Etats-Unis comme au Canada, à l'Australie comme à la Chine, au Danemark et à Israël comme à Cuba, au Brésil... La chasse gardée d'hier est devenue la chasse ouverte d'aujourd'hui, la chasse à courre de la guerre froide. L'aide devient internationale. Les offres et les capitaux affluent, eux aussi des quatre coins du monde et pénètrent par tous les pores de l'Afrique, comme autant de soporifiques. C'est sous ce flot de sollicitude et de devises que l'Afrique entrera lentement, imperceptiblement dans un sommeil sans rêves.

 

Au sein du bloc soviétique, sous la dictée de Moscou, les différents pays qui le composent se livrent à une surenchère de l'aide sans conditions aux Etats africains fraîchement souverains, prêts sans contrepartie, dons sans droit de regard. Aussi bien la Hongrie que l'Union soviétique elle-même, aussi bien la Pologne que la Bulgarie ou la RDA, tous participeront sans compter au grand ballet bien réglé de l'aide financière, de l'assistance technique et du don. 

 

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L’Afrique dans les bras de la Chine. Pour le meilleur ou pour le pire ?

 

gif anime puces 024La Chine en piste

 

La Chine populaire, pour s'émanciper davantage de la tutelle de Moscou, et comme pour en donner les preuves, procéda, à partir de 1961, à une intensification sans précédent de son aide à l'Afrique, autre occasion pour elle de prendre le dessus sur sa grande rivale du bloc communiste. Des monuments grandioses furent érigés dans plusieurs capitales africaines, des routes ouvertes, des ponts construits, fruit de la sollicitude chinoise. Aux assauts d'amabilité et d'amitié de la Chine communiste répondaient sur le continent africain, les démonstrations de générosité et d'attention bienveillante de la Chine nationaliste.

 

De son côté, le bloc de l'Ouest ne fut pas en reste, Etats-Unis en tête, parfois par Banque mondiale et Fonds monétaire international interposés, tentant de tirer la couverture à lui, et d'étouffer la conscience africaine sous un flot de devises et d'appâts.

 

Ainsi, alors que le monde entier se voyait propulser par un élan de croissance et de prospérité économique pendant la période dite des trente glorieuses (de 1945 à 1975), l'Afrique sommeillait, profondément, sous les ailes déployées du monde développé, bercée de discours mielleux et gavée de devises empoisonnées, de sucreries toxiques.

 

La guerre froide fut pour beaucoup responsable indirectement du retard de l'Afrique, contrairement à ce qu'on serait tenté de croire. En flattant les Africains et leurs dirigeants au moyen de l'aide facile sans contrepartie, les deux blocs ont endormi leur conscience, les détournant de leurs réalités et d'une réflexion salutaire sur eux-mêmes et sur l'état de l'Afrique. Les motivations premières des pays développés des deux blocs, principalement Etats-Unis et Union soviétique, n'étaient guère de promouvoir un développement véritable du continent africain (ils l'auraient pu s'ils l'avaient voulu car ils en avaient les moyens), mais de gagner le maximum d'espace politique et idéologique possible, tout en s'assurant la maîtrise des ressources naturelles. La douloureuse guerre civile angolaise en est, parmi d'autres, une illustration parfaite ; chacun naviguant dans ce bourbier entre les dirigeants de l'Angola et les maquis de l'Unita, à la fois sur les tableaux politique et idéologique et surtout sur le tableau économique, autour des puits de pétrole et des mines de diamant du pays. Entre-temps, les dirigeants officiels et les maquisards de l'Angola, dans leur affrontement fratricide, font sombrer leurs populations et leur pays dans les affres de la misère et du sous-développement, tandis que les fournisseurs d'armes, à l'Est comme à l'Ouest, tels des sangsues, pompent les richesses du pays, s'engraissent du sang de ses habitants et s'endorment, la conscience tranquille, au sommet de leurs montagnes de dollars, se réveillent et bâillent en s'écriant « vive l'Angola ! ». Les Soviétiques, en débarquant en Afrique jurèrent de laver l'outrage fait au continent par les colonialistes occidentaux exploiteurs ; ils le laissèrent en ruines, exsangue et désemparé.

 

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L’Afrique siphonnée

 

gif anime puces 024Et les droits de l’homme ?

 

Qui, parmi les pays occidentaux et ceux du bloc communiste se souciait des droits de l'homme ? On a même entendu affirmer que la démocratie n'était pas faite pour l'Afrique, parce que denrée trop chère pour ses habitants. Aucun Africain n'a relevé le propos et porté la contradiction, ni les intellectuels et encore moins les dirigeants. Preuve s'il en est de l'hypnose opérée sur la conscience africaine par la magie des protagonistes de la guerre froide qui, en remplissant l'escarcelle des dirigeants africains, fussent-ils les pires dictateurs et les plus véreux, ne leur laissaient qu'une seule consigne, veiller docilement sur leurs peuples asservis et sur les intérêts des maîtres (de l'Est ou de l'Ouest). On caressait l'élite africaine dans le sens du poil, afin que tout soit lisse et doux, léthargique et muet à souhait, au moyen de propos lénifiants et de pratiques corruptrices.

 

La durée d'un tel système où tout le monde était gagnant, hormis les peuples africains et l'Afrique, du début des années 60 au début des années 90, permit d'enfouir au plus profond la conscience et la capacité de réaction des Africains. L'habitude de la passivité intellectuelle et l'appât du gain facile sont source de corruption, donc vecteur de gangrène sociale et de sous-développement. C'est cette culture de la passivité qui nourrit l'esprit de mendicité, celui de la main tendue et induit la mercantilisation des consciences qui constitue aujourd'hui le noyau du mal africain.

 

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Démocratie et coup d’État

 

Les principaux dirigeants des deux blocs (Est et Ouest), en gommant systématiquement de leurs préoccupations et de leurs projets d'aide à l'Afrique toute référence aux droits de la personne humaine, ont-ils aidé les Africains à préparer leur avenir ? Ainsi le bouffon sanguinaire Idi Amin Dada a été adoubé par la Grande Bretagne afin qu'il massacre en toute impunité son peuple et pollue l'Afrique. De même l'Empereur en carton, Jean Bedel Bokassa, fut intronisé par la France avec pompe et éclat, comme fut adulé Mobutu, l'homme aux mains rouges de sang pour qui les Etats-Unis, la France, la Belgique, avaient, des années durant, des attentions toutes particulières. 

 

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Vive les droits de l’homme !

 

Comment concevoir une telle surdité et justifier une si flagrante cécité de la part d'Etats qui ont fondé leur identité sur la démocratie et fait du respect des droits de l'individu l'une des valeurs centrales de leur système politique et social ? Cynisme d'Etat ou conviction sincère de l'inadaptabilité de la démocratie à l'Afrique et au tempérament africain ? Quant au fond, comment peut-on écarter tout un continent de l'une des caractéristiques essentielles de la civilisation ? La démocratie a-t-elle une couleur ? Doit-elle être blanche ou ne pas être ?

 

bouton 007Quel homme, quelle femme, quelle que soit sa condition sociale : riche, pauvre, fort, faible, quelle que soit sa couleur de peau : blanche, noire, jaune... aimerait être brimé, jeté en prison injustement, sans jugement ?

 

bouton 007Quel homme, quelle femme aimerait que son fils, son conjoint, son frère, son père soit arrêté arbitrairement, torturé, humilié sans raison ?

 

bouton 007Quel homme, quelle femme, quelle que soit la contrée du monde où il vit, aime être victime de l'injustice, être privé de la faculté de posséder des biens honnêtement acquis et se voir spolier desdits biens sans raison ?

 

bouton 007Qui aime se voir obligé de travailler comme esclave pour quelqu'un d'autre au seul motif que ce dernier est plus fort, plus puissant, plus riche, plus âgé ?

 

bouton 007Qui n'apprécie pas de penser ce qu'il veut, d'exprimer ce qu'il pense dès lors que cela ne porte atteinte ni à une autre personne en particulier, ni à la collectivité ?

 

bouton 007Qui n'aime pas pouvoir se déplacer et aller où bon lui semble, en toute liberté, sans contrainte ?


bouton 007Quelle femme, quel homme, n'apprécie pas de vivre en paix chez soi parmi les siens en toute sécurité ?

 

bouton 007Qui aimerait qu'on viole son intimité la plus stricte ?

 

bouton 007Qui aimerait – blanc ou noir – qu'on dispose de sa vie sans qu'il ait commis le moindre crime, et en toute impunité ?

 

bouton 007Qui ne souhaite pas avoir un droit de regard sur ce qui touche la gestion du privé et du public dans son pays ou y prendre part ?

 

gif anime puces 024BEAUCOUP DE COUPABLES

 

Tous les tyrans d’Afrique depuis les indépendances se sont rendus coupables de crimes et délits analogues. Combien ont été dénoncés, blâmés, jugés par les dirigeants des deux blocs ? Il semble que le mot d'ordre alors, à l'Est comme à l'Ouest, ait été « ne demandons surtout pas de comptes, fermons les yeux et continuons ».

 

Les chefs d'Etat africains « alignés » sur le bloc soviétique étaient reçus à Moscou avec les honneurs dus à « leur dignité ». Ceux inféodés au bloc de l'Ouest étaient accueillis à Paris, Londres ou Washington avec encore plus de fastes et d'éclat. Dans ces capitales, au cours des voyages officiels ou privés, évoquait-on le sort des populations africaines ? Y parlait-on de leur misère ? Y discutait-on de l'utilisation de l'aide accordée au titre de la « coopération bilatérale » ? Y faisait-on allusion à la situation des droits de l'homme et à la démocratie en Afrique ?

 

Ignorait-on alors que l'aide servait à tout sauf à aider les populations africaines à sortir du dénuement intellectuel et matériel, de l'ignorance et du sous-développement ? Si cette aide était liée à la volonté d'exercer une influence idéologique, la liberté, les droits et le bien-être de l'individu ne font-ils pas partie de l'idéologie occidentale ? L'affranchissement de l'homme de l'obscurantisme, et son épanouissement physique et moral ne font-ils pas partie de l'idéologie communiste ?

 

Du début des années 60 jusqu'à la fin des années 70, c'est-à-dire au summum de la période de guerre froide, les banques privées, la Banque mondiale, les gouvernements occidentaux en général d'un côté, de l'autre tous les Etats du bloc de l'Est, ont mené une politique soutenue et active de prêts à bas taux d'intérêts, voire à taux d'intérêts nuls, parfois de purs dons. Pour les pays africains, il était donc intéressant, en tout cas tentant de s'endetter sans grand souci du lendemain. Pourquoi s'en priverait-on puisque la solvabilité n'était aucunement condition du prêt ? L'insolvabilité était au contraire tolérée, admise, voire encouragée parce que facteur de dépendance ou de soumission.

 

gif anime puces 024LES ORIGINES DE LA DETTE

 

Les gouvernements, de l'Ouest comme de l'Est, ont favorisé cet endettement afin « de trouver un débouché pour leurs produits ». Les banques privées, de leur côté, disposaient d'une masse considérable de capitaux en dépôt (eurodollars, pétrodollars...) qu'elles ont cherché à placer. De même, prêter beaucoup d'argent à l'élite complice d'un pays non industriel est, de loin, le meilleur moyen d'avoir accès à ses marchés et à ses ressources naturelles. 

 

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L’Afrique saignée

 

[…]

 

Puis survint la chute du mur de Berlin. S'ouvre alors pour l'Afrique, le troisième temps de l'aide internationale, celui du réveil douloureux, qui succède à l'après-guerre, au temps faste des vaches grasses et des poches pleines pour les dirigeants africains. La chute du mur, provoqua le retour du balancier, la fin de la conjoncture facile pour les pays du Sud, spécifiquement l'Afrique. Le danger communiste n'existant plus, les anciens pays de l'Est devenant eux-mêmes démunis économiquement, politiquement insignifiants et mendiants potentiels, lorgnant tous le dollar américain et les subsides de l'Occident, on vit alors fleurir à l'intention de l'Afrique subsaharienne, tout un vocabulaire nouveau, un florilège de mots, chacun chargé de sens et annonciateur d'une ère nouvelle dans l'« aide au développement de l'Afrique », parmi les plus usités, ceux qui sont promis à un bel avenir en Afrique : contrepartie, évaluation de l'aide, contrôle, responsabilité, ajustement structurel et conditionnalités, mais aussi rigueur, bonne gouvernance.

 

[…]

 

doc7-Migration.-La-tentation-du-N-copie-1.jpg

Migrations.La tentation du Nord : la fuite

 

En définitive, cette aide se révèle doublement pénalisante pour l'Afrique : d'une part elle détruit la production locale de denrées alimentaires, crée de mauvaises habitudes chez les populations ainsi qu'une fracture de la société d'autre part.

 

Le plus incompréhensible est que, plus de cinquante ans après les indépendances, les responsables africains actuels n’aient pas encore pris conscience de cette mauvaise trajectoire et n’aient manifesté la volonté de la corriger, afin de relever les immenses défis de l’émancipation de leurs pays, en transformant la décolonisation en indépendance véritable. 

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12 janvier 2014 7 12 /01 /janvier /2014 09:47

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CENTRAFRIQUE, UNE LUEUR DANS LE BROUILLARD ?

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La fuite en avant ou la sortie du tunnel du chaos ?

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Ainsi donc, à N’Djamena (capitale du Tchad), les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) réunis les 9 et 10 janvier, manifestent leur volonté de peser sur le cours des événements en Centrafrique. L’objectif de cette réunion : obtenir le retrait du président autoproclamé Michel Djotodia, chef de l’ex-mouvement rebelle Séléka.


Ce dernier déchu, la crise centrafricaine sera-t-elle pour autant résolue ? Il faut le souhaiter. Mais on peut légitimement en douter.


D’aucuns voient la diplomatie française à l’œuvre derrière ce sommet extraordinaire de N’Djamena, tout particulièrement la pression exercée sur le président tchadien Idriss Déby, par ailleurs président en exercice de la CEEAC, afin d’obtenir le départ de Djotodia, départ qui serait suivi dans l’année d’élections (présidentielle et législatives) en vue de donner une direction politique crédible au pays en évitant par la même occasion l’enlisement de la France dans le bourbier centrafricain.

 

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Djotodia, président autoproclamé

 

fleche 235Des élections : Quand ? Comment ? Quel objectif ?

 

Deux questions préalables à tout projet de résolution de la crise centrafricaine s’imposent :


fleche 035Comment des relations naguère paisibles et harmonieuses entre ethnies, entre religions, ont-elles pu se dégrader aussi rapidement ? (Malgré le nombre important d’ethnies, plus de 90% de la population parlent une même langue locale, ce qui constitue une exception en Afrique subsaharienne).


De fait, un tel déchaînement de haine et un tel degré de barbarie, jamais vus dans ce pays, sont le signe probant d’une détérioration profonde de l’esprit national et de la volonté commune de vivre ensemble.

 

fleche 035Comment en est-on arrivé là ?

Après les causes, la seconde question porte sur les mesures et moyens de nature à renouer durablement les fils du lien social en donnant à l’État la consistance sans laquelle il n’est pas de paix sociale.


La métamorphose subite de populations d’un même pays, transformées en bêtes féroces se dévorant entre elles, mérite de tirer de cette crise toutes les leçons propres à favoriser le retour à l’existence normale d’un État et d’une nation, dans la paix et la stabilité. La presse s’en est largement fait l’écho :


« Depuis huit mois, les soudards de la Séléka ont méthodiquement mis à sac la Centrafrique et martyrisé son peuple… enlèvements nocturnes, assassinats ciblés, rafles de jeunes dans les quartiers réputés hostiles (c’est-à-dire non musulmans) de la capitale, rackets, pillages d’anthologie à l’échelle nationale, viols, expéditions punitives, razzias, jusque dans les villages frontaliers avec le Cameroun voisin… La liste des exactions auxquelles les miliciens tchadien, darfouriens et centrafricains de la Séléka se livrent sur ce territoire de non-droit, où il n’y a ni armée, ni police, ni gendarmerie, ni administration, est proprement effarante… » (Jeune Afrique, 24-30 novembre 2013)

 

Un ancien Premier ministre centrafricain affirme : « Un tel degré de sauvagerie, je n’ai jamais vu cela dans l’histoire de mon pays. »

Et le pire était à venir : le mois de décembre fut le plus meurtrier, celui qui connut les exactions les plus barbares : celles perpétrées par des musulmans rencontrant les exactions des milices d’autodéfense chrétiennes. La Centrafrique, depuis décembre 2013, se résume en quatre mots : chaos sanglant, anarchie absolue. C’est sur ces ruines qu’il s’agit de reconstruire l’État et la nation, au service exclusif d’une population profondément divisée et meurtrie.

 

fleche 235Une élection bâclée = Un président avant le prochain coup d’État ?

 

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Une mosquée pillée par des chrétiens à Bangui

 

gif anime puces 029Le préalable indispensable

 

Soigner des plaies physiques et morales, vives et profondes, réconcilier, parvenir à la paix, à défaut de l’oubli, recréer le sentiment d’appartenance à une même communauté liée par le même passé, ayant des aspirations communes, et une même volonté de vivre ensemble. Cet effort de réconciliation doit précéder tout projet d’élection. Pour aboutir, il devra prendre le temps nécessaire, car il s’agit de construire pour la durée.


Organiser des élections précipitées, sans ce préalable, reviendrait à cristalliser les fractures du moment : ethniques, religieuses, géographiques…, à refermer prématurément des plaies mal soignées, non guéries, des musulmans votant pour des musulmans, des chrétiens pour des candidats chrétiens, les ethnies du nord pour les candidats du nord, celles du sud pour les candidats du sud. On votera par conséquent pour une ethnie ou une religion, non pour l’avenir du pays, ni pour la personnalité la mieux à même de relever les immenses défis auxquels il est confronté. De telles élections sortiraient, non  une nation et un État  forts, mais un agrégat informe de communautés opposées les unes aux autres, n’ayant ni aspirations communes, ni volonté aucune de vivre ensemble.

 

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Le Nord et le Sud. 90 ethnies cohabitent

 

fleche 235Mali/Centrafrique, Serval/Sangaris, même opération ?

 

gif anime puces 029Une double différence

 

gif anime puces 042Sur le plan militaire et stratégique


Au Mali, l’ennemi était connu, identifié et localisé : les djihadistes apparentés à Al-Qaida, qui s’étaient installés dans le nord du Mali d’où ils menaçaient d’occuper le reste du pays, en défiant la communauté internationale, et en imposant leur loi obscurantiste aux habitants sous leur coupe. Il s’agissait alors de les déloger, de les combattre, de les neutraliser, avec des armes et une stratégie adaptées.

 

En Centrafrique, on ne connait pas l’ennemi en tant que tel. On ignore où il se trouve. Il est partout ! Dans les villes comme dans les campagnes, sur un territoire vaste comme la France, la Belgique et le Luxembourg réunies. Il s’agit de s’interposer entre des citoyens du même pays qui se massacrent, parce que de religions et d’ethnies différentes, qui se vouent une haine inexpiable, suscitée et entretenue par des politiques irresponsables, incompétents, indignes de leur charge.

Les militaires français sont entrés dans ce pays avec des chars des avions, des fusils, des armes sophistiquées pour s’interposer, pour réconcilier !

 

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Aéroport de Bangui. Arrivée de soldats français.

 

gif anime puces 042Sur le plan administratif et politique

 

En Centrafrique, contrairement au Mali lors de l’opération Serval, il n’y a ni armée nationale (même embryonnaire), ni police, ni gendarmerie, ni archives administratives…

Les ministères sont fermés, pillés, vidés de leurs dossiers et mobilier. Tout a disparu dans les services et bâtiments publics. C’est l’État centrafricain même qui a disparu.

 

Au Mali, y compris au plus fort de la crise, (sauf dans la région occupée au nord), les bases et structures essentielles de l’État sont demeurées intactes, avec un gouvernement et une Assemblée nationale en service.


En Centrafrique, tout est à reconstruire ! Qui fera ce travail ? Pendant combien de temps ? Quelle élection possible dans l’immédiat ?

 

Il s’agira de recréer l’État, mais avant, de procéder au recensement de la population éparpillée, qu’il faudra regrouper, établir des listes électorales fiables, car « à la différence du Mali, le ministère de l’Intérieur en Centrafrique est une coquille vide et l’administration renouvelée sous le régime de transition au mieux incompétente, au pire inexistante.

Il faudra que l’Union africaine et l’ONU s’y substituent et valident le scrutin comme cette dernière l’a fait en Côte d’Ivoire. Une opération longue, lourde et coûteuse, dont on ne perçoit encore ni la mise en place, ni le financement. »

 

fleche 235Perspectives

 

Quels effets bénéfiques du sommet de N’Djamena peut-on escompter sans une étude approfondie et rigoureuse de tous ces préalables ? Sans la reconstruction méthodique de l’État et l’indispensable réconciliation des habitants de ce pays ? Sinon, de fâcheuses conséquences se profileraient à l’horizon, parmi lesquelles la persistance des tensions mais aussi une probable partition du pays entre un Nord musulman et un Sud chrétien et animiste (à l’image du Sud-Soudan dont on voit aujourd’hui même la triste réalité).

 

Michel Djotodia, à lui seul, ne fait pas la Séléka, mais en l’occurrence, il partage avec ses principaux lieutenants cette idéologie de la scission du pays.

 

« En privé, Djotodia et son entourage menacent depuis plusieurs mois de diviser le pays… Chaque fois que la communauté internationale durcit le ton, Djotodia répond : « partition ». Il faut dire que pour les Séléka, ce serait un moindre mal, qui leur permettrait tout de même de mettre la main sur les principales richesses du pays (pétrole et diamants notamment). Déjà depuis quelques mois, 2000 soldats, ex-rebelles sont retournés dans leur fief du Nord-est.

Devant ses interlocuteurs, le président de la transition, convaincu que la Centrafrique, le Tchad et le Soudan ne forment qu’un seul et même territoire arbitrairement divisé par les colons, n’hésite pas à convoquer des arguments historiques. » (Jeune Afrique, 22 décembre 2013 – 4 janvier 2014)

 

En raison de tous ces paramètres, l’avenir de la Centrafrique exige lucidité, vision, détermination et pragmatisme.

Et si, malgré tout, un nouveau chef d’État venait à être élu (ou désigné) sans délai, dans ces conditions, il serait indiqué qu’il soit, pour un temps à déterminer, sous la tutelle des Nations unies, auxquelles il devrait régulièrement rendre compte de sa gestion du pays, afin d’épargner à celui-ci d’autres chaos et drames, et pour préserver l’avenir.

Mais, en définitive,c'est aux Centrfricains de prendre leur destin en main. Si la France ou l'ONU peuvent apporter une assistance ponctuelle, elles n'ont pas vocation à porter ce pays à bout de bras continuellement

 

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Adieu Djotodia ! Le départ.

 

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5 janvier 2014 7 05 /01 /janvier /2014 09:52

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LA FRANCE EN CENTRAFRIQUE : GRANDEUR ET SERVITUDE

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Que diable allait-elle donc faire dans cette galère ?

 

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La galère sur un océan de haine

 

Quoi qu’elle fasse

 

La non intervention en Centrafrique à l’heure où le monde entier assiste au naufrage d’un pays, où l’État implose littéralement, un pays transformé en champ clos de carnage, théâtre de violences inouïes et de sanglante barbarie, en proie à la folie meurtrière d’un obscurantisme surgi du fond des âges, eut été considérée comme une dérobade coupable, par ceux-là mêmes qui lui font aujourd’hui le reproche de son intervention, trouvant le mobile de cette intervention dans la convoitise des ressources naturelles du pays.

 

 

Intervenir ou ne pas intervenir ?

 

La France avait-elle le choix ?

 

On peut toujours trouver un relent de colonialisme et une volonté de mettre la main sur les richesses naturelles à toute intervention de la France dans n’importe quel pays d’Afrique francophone. Ce jugement n’est certes pas dépourvu de tout fondement mais, c’est l’interprétation sans doute la plus facile, c’est-à-dire la plus commode, qui permet de s’exonérer de toute analyse approfondie visant à un degré minimal d’objectivité.

 

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Appel à la France à Bangui

 

Le plus difficile, par définition le moins commode, c’est l’effort intellectuel par lequel on s’efforce de pénétrer au cœur de l’événement pour une expertise critique étayée par une argumentation rigoureuse, prenant en compte ses dimensions multiples, en fonction du lieu et du contexte.

 

En Centrafrique, la France n’est pas en terre inconnue. Elle est toujours intervenue dans ce pays depuis son indépendance, et fut intimement associée à toutes les phases de son histoire politique agitée, depuis 1959. Aucun chef d’État centrafricain, élu ou parvenu au pouvoir à la faveur d’un coup d’État, n’a pu se passer de l’appui et de l’onction de la France.

 

C’est sans doute pour cette raison que le président Bozizé, chassé du pouvoir en mars 2013 par les rebelles de la Séléka (rassemblement ou coalition en langue sango), avait sollicité en vain l’aide de la France (comme après son coup d’État en 2003, où celle-ci lui tendit la main et l’adouba).


Ayant signé en 2013 un important contrat avec la Chine qui permettait à celle-ci d’exploiter de nouveaux gisements pétroliers au nord, ainsi que sa participation au développement du pays (selon la volonté du président), d’aucuns y ont vu la raison du lâchage de Bozizé, mais aussi de l’intervention en cours, destinée entre autres à contrer cette entrée des Chinois sur sa « chasse gardée ».


Malgré tout, la décision d’intervenir en Centrafrique ne semble pas avoir été spontanée, ni réellement désirée, selon plusieurs éléments d’analyse. Elle s’est faite en 3 étapes, entre la prise de conscience et l’action concrète.


fleche 0261er temps : celui de l’attentisme. L’entrée des rebelles dans la capitale et la fuite du président Bozizé vers le Cameroun une fois entérinées, le gouvernement français par la voix du Quai d’Orsay, déclare avoir pris acte du changement intervenu et appelle au calme et au dialogue dans l’intérêt de ce pays.


fleche 0262e temps : la France déclare déplorer que ce changement soit survenu par la force et au mépris des institutions démocratiques et la suppression (ou suspension) de celles-ci.


fleche 0263e temps : face à l’appel pressant de plusieurs ONG étrangères, notamment de Human Rights Watch, mais aussi d’Églises, de personnalités africaines et françaises, surtout, confrontées aux images et récits de violences et d’exactions insoutenables, dans un chaos indescriptible et des populations à l’abandon, le président français décide d’entrer en action par l’envoi de troupes.


Fallait-il laisser un « génocide rwandais bis » se perpétrer en Centrafrique, musulmans massacrant chrétiens et chrétiens massacrant musulmans ?

 

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L’horreur. Femmes en détresse

 

 

Comment intervenir ?

 

Si le bien-fondé de l’intervention française ne peut être mis en doute, vu l’urgence humanitaire et la « responsabilité historique », c’est le comment de cette intervention qui peut légitimement interroger.

 

Fallait-il y aller seul ?

 

Une force internationale massive sous la bannière de l’ONU et le commandement (ou l’inspiration) de la France eût été souhaitable.

 

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Militaires français face à la haine et à la violence à Bangui

 

gif anime puces 577Que peut la France seule dans cet océan de haine et d’obscurantisme ? Face à ce trou béant, ce déficit criant d’État ?


gif anime puces 577Que peuvent les chars et les canons, quand c’est le cœur et le cerveau qu’il faut toucher pour éteindre la haine et activer la raison ?

 

La présence française en Centrafrique, au-delà de l’aspect purement militaire, constitue un véritable symbole : celui d’un renversement des rôles ou des valeurs. Les jeunes soldats français auraient-ils désormais vocation à remplacer les « vieux sages » africains, pour concilier et réconcilier, apaiser les tensions qui déchirent individus, familles et clans ?


Où est donc passée la légendaire « sagesse africaine » ? Est-elle partie en fumée ou était-elle fumée ?

 

Où sont les Africains ?

 

Dès l’arrivée au pouvoir et l’installation par la force des nouvelles autorités issues de la rébellion, en mars 2013, la première réaction africaine fut celle de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), dont la Centrafrique est membre. Au cours d’un sommet extraordinaire des chefs d’État de la sous-région, réunis pour la circonstance, dans la capitale du Tchad, N’Djamena, il fut décidé d’entériner le fait accompli à Bangui. Ce soutien tacite fut assorti de conditions dictées au nouveau pouvoir, parmi lesquelles la formation d’un gouvernement d’union nationale et l’organisation d’élections « démocratiques et transparentes » dans un délai de 18 mois.

 

Cacophonie ?

 

Dans le même temps, l’Union africaine réagissait et condamnait vigoureusement le coup d’État de la rébellion en Centrafrique. Mieux, elle décidait d’isoler totalement les nouvelles autorités, en commençant par exclure le pays de la CEEAC. Elle demanda à toutes les organisations internationales de faire de même : ONU, Union européenne… Elle les invita à prendre des sanctions à l’encontre des principaux chefs de la Séléka, à commencer par le premier d’entre eux, le président autoproclamé Djotodia : gel des avoirs, restrictions des déplacements…


De toute manière, le rétablissement de l’État et de l’ordre en Centrafrique ne peuvent venir ni des responsables politiques, ni des forces armées africains. Le salut du pays est ailleurs.

 

Et l’Europe ?

 

Les Européens ne se sentent pas concernés par ce qui se passe en Centrafrique. D’une manière générale, la réponse de la communauté internationale, principalement de l’Union européenne, demeure jusque là minimale. L’Allemagne, la Pologne, la Lettonie… ont-elles le même rapport à l’Afrique que la France ? Ont-elles la même mémoire de l’histoire ?

 

D’aucuns, parmi les États européens, reprochent à la France de s’être engagée seule en Centrafrique, sans les prévenir, et de vouloir les mettre devant le fait accompli en sollicitant leur participation.


Quoi qu’il en soit, la situation actuelle de ce pays dépasse le simple huis-clos de la France avec son ancienne colonie. L’État centrafricain totalement effondré, le vide créé serait vite comblé par ceux que peu d’États d’Europe souhaiteraient voir à leur porte : un terrain conquis par les djihadistes et les adeptes de tous les trafics… Ceux qui sont chassés du Nord-Mali y afflueraient, s’y installeraient en maîtres, en y rencontrant d’autres qui renforceraient leur pouvoir. Et ce nouveau sanctuaire de tous les dangers, créé et conforté, serait une menace pour l’Afrique, mais aussi pour l’Europe et le monde.


Vu sous cet aspect, la France, ce Don Quichotte impénitent, œuvre aussi en Centrafrique, seule, pour la paix mondiale.

 

Un conflit interne, religieux et ethnique ?

 

À l’origine non ! Un conflit né de l’incurie et de l’inconscience de politiques centrafricains qui instrumentalisent la religion et l’ethnie pour suppléer leurs carences. La défaillance de la gouvernance et la faillite de l’État portent en germes toutes les dérives et tous les drames imaginables.


Si ce pays a toujours été une terre de révoltes et de rébellions, ces mouvements sociaux ou politiques furent toujours dirigés contre des gouvernants brutaux, incompétents et inaptes à la fonction d’homme d’État. Jamais par le passé des fractions de la population de ce pays, où religions et ethnies ont toujours vécu en bonne intelligence, ne s’affrontèrent pour motif religieux ou ethnique. La mauvaise gouvernance corrompt cette harmonie sociale, compromettant gravement l’avenir du pays.

 

Comment éteindre le feu ?

Perspectives et solutions

 

Court terme, moyen terme, long terme

 

etoile 108Court terme :


 

gif anime puces 601D’abord mettre le pays sous tutelle internationale, sous mandat des Nations unies, avec pour objectif : traiter le mal en profondeur : mettre un terme aux violences et exactions, grâce à la mise sur pied d’une force issue des l’ONU.


gif anime puces 601La deuxième urgence sera la création d’une administration digne de ce nom : police, gendarmerie, justice, toutes choses totalement disparues depuis mars 2013.

Reconstruire hôpitaux, dispensaires, services municipaux, écoles, service d’état civil, poste… bref, les bases fondamentales de l’administration.


gif anime puces 601Troisième urgence enfin, former les cadres nationaux indispensables à l’administration et à l’État. Entreprendre une œuvre de pédagogie civique : réconcilier ethnies et religions.


 

etoile 108Moyen terme :


Construire ou « reconstruire » l’État, créer et mettre à jour fiches électorales, budget, douanes, service fiscal… former et sensibiliser au sens de l’État, au réflexe du service d’État, au respect du bien public…

 


etoile 108Long terme :


Celui de la renaissance de l’État et de la nation. Il sera fonction des constructions opérées par le court et le moyen terme, et permettra de les compléter et les parfaire, par le fonctionnement normal de l’État au service de tous, et la formation d’un gouvernement issu d’élections authentiquement démocratiques, lequel sera animé par des hommes et des femmes formés, intègres, compétents et dévoués.

 

 arbre 

 

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