Pourquoi tant de polémique et de malentendu ?
de Tidiane DIAKITE*
Si le thème de la traite des Noirs et de l’esclavage devient de nos jours un sujet de polémique et d’affrontements en France, c’est que ce qui devait être dit et fait ne l’a pas été au moment opportun. Il en va de même des vérités sur la colonisation.
La traite atlantique fut longtemps considérée comme un sujet tabou, à enfouir au plus profond des consciences. Or, ce sujet reste, qu’on le veuille ou non, un sujet d’histoire. La vérité historique ne peut s’accommoder indéfiniment de la culture du tabou.
Depuis quelques années, des villes françaises, qui furent pendant trois siècles des foyers actifs de la traite, telle Nantes (bientôt Bordeaux ?), ont pris le parti de faire face à cette réalité incontournable de leur passé. Ce qui les honore.
Si tous les protagonistes du commerce esclavagiste faisaient preuve du même courage et de la même lucidité, nous aboutirions à terme sinon à un consensus historique, du moins à une relative paix des consciences.
Si la traite fut indéniablement un crime parmi les plus odieux contre l’humanité, les criminels qui lui ont permis de naître et de culminer au summum de l’horreur sont à rechercher à la fois en Europe et en Afrique. Sans la complicité active et intéressée de chefs africains eux-mêmes, la traite n’aurait eu ni l’ampleur ni la durée qu’on lui connaît.
La mémoire de la traite doit être une mémoire partagée afin que ce triste épisode de l’histoire africaine ne reste pas dans les cœurs de ceux qui en furent les victimes, une blessure toujours à vif. Au-delà de l’Afrique, les traites négrières (occidentale et orientale) constituent une tache sur la page de l’histoire de l’Humanité.
Chaque protagoniste et chaque camp - celui des acheteurs européens comme celui des vendeurs africains - doit d’abord porter le regard au fond de sa propre conscience avant de le porter sur les autres. Seul moyen de tirer les leçons de ce passé commun afin de parvenir à une nécessaire réconciliation des esprits, en tournant ensemble, définitivement, une page douloureuse de l’histoire de l’humanité.
* Auteur de « Les collaborateurs africains de la traite atlantique. XVe- XIXe siècle. Société des Ecrivains »