IMMIGRATION AFRICAINE ET HISTOIRE
La présence africaine en Europe a une histoire aussi ancienne que les rapports entre l'Afrique et le continent européen, même si la conjoncture économique et le contexte politique exprimés dans les récentes lois votées au Parlement européen (et celles adoptées par les parlements nationaux) ont pour vocation de restreindre les possibilités d'entrer et de séjour de nouveaux migrants non Européens en Europe.
La colonisation, ce temps où l'Europe, sortie de son lit, s'étale sur le reste du monde, suit la Conférence de Berlin en 1885 qui aboutit au partage de l'Afrique entre puissances européennes (entre 1890 et 1900). Cette conférence réunit 14 nations. Les mesures prises font de l'Afrique un « prolongement » et une « succursale » de l'Europe. Et à ce titre, découpée en portions au profit des nations d'Europe qui s'y installent. Chacune d'elles ouvrant le chemin de sa colonie, le pont est désormais jeté entre les deux continents, et la voie ainsi ouverte ira s'élargissant au fil de l'histoire. Les stigmates de cette imbrication historique des destins africains et européens sont encore sensibles aujourd'hui dans une Afrique culturellement divisée en aires linguistiques. Ainsi, distingue-t-on une Afrique francophone, une Afrique anglophone, lusophone, hispanophone ... et autant d'identités géographiques, historiques, culturelles. Ces liens historiques et culturels se doublent de liens économiques et commerciaux. L'Afrique réalise plus de 80% de ses échanges avec l'Europe. L'Union européenne est, en 2008, le premier partenaire commercial de l'Afrique. Même si la part de la Chine dans le commerce avec le continent africain croît d'année en année à une vitesse vertigineuse, « les 27 pays de l'Union européenne dont la population est deux fois et demie inférieure à celle de la Chine ont, avec l'Afrique, des échanges annuels trois fois plus élevés que cette dernière : 300 milliards de dollars contre 100 milliards ».
Malgré les heurts du passé, ceux de la domination coloniale ou les vicissitudes de la politique, les référents implicites demeurent et ce sont autant de cordons ombilicaux qui lient l'Europe à l'Afrique.
Pour un ressortissant d'une ancienne colonie anglaise, le point de mire, le modèle qui inspire ou qui irrite, c'est Londres. De même pour un ressortissant d'une ancienne colonie française, la référence est Paris... Les uns et les autres se retrouvent dans une histoire globale partagée qui détermine encore pour une bonne part les routes migratoires suivies et qui sont, avant d'être des routes matérielles, des chemins tracés et gravés dans l'imaginaire et l'univers culturel des migrants africains. Lorsqu'un étudiant ghanéen ou nigérian veut entreprendre des études de niveau élevé ou une formation spécifique ou simplement acquérir telle spécialité, c'est en Grande Bretagne qu'il espère se rendre. Pour un étudiant sénégalais, malien, ivoirien, congolais ..., c'est la France.
Le même schéma mental détermine la direction de l'exil pour l'opposant politique qui se sent menacé, un simple citoyen persécuté pour ses actes ou ses opinions, un chef d'État victime de coup d'État, tous mus par le même réflexe.
(Source : Tidiane Diakité dans Les migrations dans la classe : Altérité, identités et humanité, ouvrage collectif, Le Manuscrit, Recherche-Université.)