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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 13:28

De la splendeur à la descente aux abîmes programmée


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Le Mali, un Etat qui se consume à petit feu

 

Passé et présent

 

Les Touaregs prennent le dessus et menacent l'existence même du Mali en tant qu'Etat uni et souverain.

Qui sont-ils ?

Les Touaregs appartiennent à la grande famille berbérophone qui peuple une vaste partie de l'Afrique du Nord-Ouest depuis des temps immémoriaux. Leur zone de peuplement traditionnel s'étend sur près de 2,5 millions de Km2, l'équivalent de l'Europe occidentale. 

La population touarègue s'étend sur les Etats riverains du Sahel : Algérie, Libye, Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso, pour l'essentiel. Leur nombre précis est difficile à évaluer, comme pour tous les peuples nomades en général qui échappent au recensement rigoureux. Ils sont entre 1,5 et 2,5 millions.

C'est en Algérie, au Mali et au Niger que leur nombre est le plus important. Au Mali, ils seraient entre 450 000 et 500 000, voire un peu plus.

Les Touaregs s'appellent eux-mêmes "les hommes libres". Titre qui leur va bien car libres de se déplacer sur l'immense étendue du désert, sans entraves liées à l'idée de frontière, de marqueur national : pièce d'identité, recensement... Ils sont de même dans l'absolue ignorance des contraintes liées à la vie sédentaire en général.

La colonisation a respecté ce mode d'existence. Respect ou impuissance ? En tout cas ,le colonisateur n'a pas pu ou voulu les enfermer dans des frontières en exigeant d'eux recensement, identification, impôts et même scolarisation, faisant ainsi d'eux les "seigneurs du désert", hommes libres, alors que les autres peuples colonisés, dans le même espace, subissaient la loi du colonisateur.

 

Et l'indépendance vint !

 

Avec elle, les difficultés commencent pour les Touaregs comme pour les nouvelles autorités des pays riverains du Sahel. Les limites administratives coloniales devenant des frontières étatiques, les Touaregs se trouvent piégés. On leur donne une identité nationale, des symboles qui l'incarnent : carte d'identité, recensement, impôts, scolarisation, on leur assigne un territoire national délimié, avec gardes et douanes. On leur demande des papiers pour se rendre au Mali ou au Niger, en Mauritanie ou au Tchad...

 Dans tous les nouveaux Etats cependant,des incitations fortes sont mises en place pour favoriser leur sédentarisation. Quelques privilèges leur sont même accordés.

Exemple : des instituteurs sont mis à leur disposition, ils doivent s'adapter à leur mode de vie : les cours sont dispensés sous des tentes, repliées le lendemain, pour suivre leurs déplacements et  la caravane...

 

Cependant, aux yeux de beaucoup de Touaregs, l'indépendance signie autre chose : l'inversion des statuts.

Le sud du Sahara fut pendant des siècles le lieu de razzias des populations noires par les Berbères, les Touaregs et les Arabes, qui en faisaient des esclaves. Avec l'indépendance les "razziés" d'hier se retrouvent  du jour au lendemain maîtres des "razzieurs", ce que ces derniers ne peuvent comprendre et accepter, car ils sont encore marqués mentalement et culturellement par l'ancien statut qui reste pour un certain nombre d'entre-eux, l'ordre normal des choses.

Dès lors, rien ne peut empêcher les heurts qui commencent et se multiplient rapidement après les indépendances. La liste de ces affrontements entre les Touaregs et l'Etat malien en particulier est longue. Les "hommes bleus" s'agitent et rêvent de séparation et d'indépendance, refusant de s'intégrer à ce nouvel ordre que l'histoire veut leur imposer.

bouton 007- 1ère insurrection en 1962, deux ans après l'accession à  l'indépendance du Mali, contre le gouvernement de Bamako, qui dure une année entière, et s'achève par une sévère répression : 5000 Touaregs s'exilent en Libye. Parmi les assaillants de 2012 contre le Mali, figurent des descendants de ces premiers exilés. La Libye deviendra par la suite, tout particulièrement avec l'arrivée de Kadhafi au pouvoir, une terre d'exil, véritable sanctuaire pour les Touaregs maliens. (Nigériens également).

bouton 007- 1990-1995 : 2 ans après la création du mouvement indépendantiste de l'AZAWAD. Ce conflit est suivi par la signature d'un "Pacte national"  en 1992, mais il ne signie pas l'arrêt définitif des hostilités.

bouton 007- 27 mars 1996 : la paix est scellée à Tombouctou par la très belle et symbolique cérémonie de la "Flamme de la Paix" au cours de laquelle les rebelles touaregs brûlent publiquement, dans une sorte de feu de joie, 3000 armes qu'ils ont utilisées pendant le conflit.

Un programme de développement de la région nord, terre des Touaregs, suit immédiatement. Cela n'empêche guère un autre soulèvement en mai 2006 qui aboutit aux Accords d'Alger.

bouton 007- 2009 : nouveau conflit, nouveaux accords.

bouton 007- 2011 : le mouvement national pour la libération de l'AZAWAD lance une offensive conjointement contre les gouvernements malien et nigérien. L'argument avancé par les Touaregs est que leur région est délaissée par le pouvoir central et oubliée dans les programmes de développement.

 

Avant et après Kadhafi

 

Mouammar Kadhafi a toujours joué un rôle important entre les Touaregs et l'Etat malien, bien avant la fin de son régime. Se considérant comme le parrain de tous les Touaregs, et prenant fait et cause pour ces derniers, il n'hésitait pas à réprimander le gouvernement malien dans sa politique à l'égard des Touaregs, tout en l'aidant financièrement à leur insertion et en contribuant au programme de développement des zones de populations touarègues du Nord.

La "Légion verte" qu'il créa à partir des années 1980 était une sorte de sas pour l'acquisition de la nationalité libyenne, principalement pour les Touaregs venus du Mali, un corps d'armée qui forme et aguerrit les militaires, mûs par l'appât de la citoyenneté libyenne. Par ailleurs, beaucoup de cadres de l'armée de Kadhafi (comme une bonne part de sa garde rapprochée), étaient des Maliens naturalisés, d'une fidélité à toute épreuve au Guide.

Tous les Touaregs en difficulté avec l'Etat malien trouvaient refuge et accueil bienveillant en Libye.

En 2005-2006, Kadhafi rassembla les chefs touaregs à Tombouctou, terre malienne, au nez et à la barbe des autorités maliennes, pour lancer un appel à la création du "Grand Sahel" rassemblant les Touaregs.

Et lorqu'il se trouva en difficulté en 2011, c'est sans peine que des centaines de Touaregs du Mali se rendirent en Libye, recrutés comme mercenaires et armés par les "Lybiens-Maliens" déjà en place.

L'ombre de Kadhafi plane sur la situation actuelle au Mali pour deux raisons :

bouton 007- le soutien inconditionnel des Touaregs en délicatesse avec le gouvernement malien a créé chez les premiers un réflexe de rejet de tout ce qui était ordre malien (même si le Mali a eu un Premier ministre touareg, et que des Touaregs ont toujours fait partie du gouvernement malien comme de l'Assemblée nationale).

Le reflux vers leur pays d'origine de tous ces Touaregs, après la chute du régime de Kadhafi, puissamment armés (armes ultra-modernes), est un élément supplémentaire de déstabilisation pour le Mali, l'armée nationale ne faisant pas le poids face à la puissance de feu des rebelles.

 

Le pire s'est réalisé

 

La collusion entre le mouvement séparatiste touareg et AQMI, lequel   s'est implanté dans le nord du Mali depuis quelques années avec une facilité déconcertante. Que leurs objectifs soient différents, cela ne sauve pas le Mali pour autant.

bouton 007- Les Touaregs voudraient  -selon eux- se limiter au territoire qu'ils dont toujours revendiqué et qu'ils viennent de conquérir avec les 3 villes principales : Kidal, Gao, Tombouctou.

bouton 007- Les islamistes d'AQMI veulent, eux, dominer tout le Mali, en faire un vaste Etat islamiste avec application de la charia ; Etat d'où ils pourront narguer l'Occident, car le moteur des islamistes radicaux de partout, c'est la haine de l'Occident.

 

Des questions viennent alors à l'esprit. Pourquoi le Mali ? Pourquoi pas l'Algérie, la majeure partie de la composante d'AQMI étant des ressortissants de ce pays ? Pourquoi pas la Mauritanie ou le Tchad, qui sont eux aussi des Etats de forte population touarègue?

Le Mali serait-il le maillon faible de la chaîne des Etats riverains du Sahel ?

Ces questions renvoient aux responsabilités (ou à la part de responsabilités) des autorités maliennes dans la crise que connaît le pays aujourd'hui.

 

Le Mali est une pièce à part sur l'échiquier ouest-africain. La victoire sur le Mali de ces assaillants touaregs et islamistes produirait l'onde de choc qui ébranlerait tout l'Ouest africain. Les puissances occidentales, l'Europe (la France tout particulièrement) comme les Etats-Unis, n'y gagneraient rien non plus.

La spécificité du Mali parmi les autres Etats africains tient d'abord à sa situation géographique, mais surtout à son histoire et sa culture. Pays de savane par excellence, logé entre le Sahel désertique et la forêt tropicale humide, entre l'Algérie au nord et la Côte d'Ivoire au sud, s'étendant sur plus de 1 240 000 Km2 (2 fois plus que la France), trait d'union entre l'Afrique blanche et l'Afrique noire, zone de passage, de rencontre et de confluence des hommes et des cultures, terre de sédentaires et de nomades, de brassage et de métissage, mais en même temps d'identité forte, terre d'histoire, berceau de grands empires multiséculaires et de hauts faits historiques, fier et courageux, drapé dans sa dignité dont il se veut le gardien farouche, le peuple malien puise son inspiration dans les profondeurs de l'histoire de l'Ouest africain.

 

Privé du Nord, le Mali serait amputé d'une partie essentielle de lui-même, de son identité et de son histoire, tout l'Ouest-africain également.


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31 mars 2012 6 31 /03 /mars /2012 08:47

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Mali, un petit pas en avant, deux grands pas en arrière ?

 

Alternance ou anarchie ?

 

On croyait le Mali installé dans la démocratie depuis la révolte populaire qui mit fin au régime sanguinaire autocratique du général président Moussa Traoré, en 1991. Le pays avait alors bénéficié, sur la scène africaine et au niveau mondial, du label flatteur de "modèle de démocratie en Afrique". Si cet édifice rayonnant de l'extérieur s'est effondré aussi facilement, c'est sans doute qu'il manquait de fondations solides.Démocratie? Non! Vernis vite effacé." C'est ainsi que nous sommes, dès qu'on gratte un peu le vernis: de petits barbares." ( Pierre Loti)


Ce coup d'Etat survient au moment sans doute le plus critique de l'histoire du Mali. Au-delà de la perte de crédit international, il constitue un pis -aller, une fuite en avant, loin d'apporter au pays la solution des maux multiples qui le rongent depuis bien longtemps : le "mal malien".


Ce coup d'Etat sera une impasse même si ses auteurs ne manquent pas d'arguments.


  bouton 007Les raisons invoquées :

 

Les revers militaires humiliants subis face à la rébellion touarègue au nord du Mali, les combattants de l'armée nationale se plaignant d'être mal équipés, mal guidés par leurs supérieurs jugés inefficaces et corrompus. Ces plaintes s'adressent aussi et surtout à un chef d'Etat et un gouvernement jugés mous, laxistes, incompétents, défaitistes, également corrompus.


Tels sont les principaux griefs formulés, qui ont poussé les officiers du rangs et des "sans grades" à sortir de leur caserne pour s'emparer du pouvoir par la force des armes.


La situation créée par ce coup de sang est telle aujourd'hui que le pays se trouve coupé en deux, entre partisans et adversaires de la junte putchiste, plus une bonne fraction de neutres ou d'attentistes dans la population.


Quelles que soient les motivations des soldats mutins, que leur mouvement aboutisse ou non, cet événement offre l'occasion d'une radiographie du pays, l'état réel, social et moral du peuple malien. A l'évidence, ce pays ne se porte pas bien de nos jours : rébellion et tentative de scission des Touaregs au nord ; le même Nord en proie à l'action déstabilisatrice de trafiquants mafieux et criminels de tout acabit.


La même région également gangrenée par les menées criminelles des islamistes terroristes d'AQMI (Al- Qaïda au Maghreb Ismalique), le tout couronné par la passivité et le laxisme du gouvernement, la corruption qui semble gagner toutes les sphères de l'Etat et de la société. Ce mal en passe de devenir endémique est fortement souligné par les militaires putchistes comme par une bonne fraction de la société civile.


Les propos d'un jeune Malien, spontanément adressés à l'envoyé spécial du quotidien Le Monde, en reportage dans le sud du Mali, sont assez révélateurs à cet égard :


gif anime puces 028Vous allez à Bamako [la capitale] ? Alors, dites à Sanogo [le capitaine leader de la junte], que la jeunesse du Mali le soutient. Que la corruption nous empêche de vivre, qu'il faut payer pour avoir un emploi, surtout un emploi de fonctionnaire. Il y a un prix pour tout, et quand on n'a pas d'argent, on ne peut pas travailler, comme nous. Le putsch, il faut que ce soit un putsch pour nous, sinon, ce sera une dictature comme les autres. (Le Monde, 27 mars 2012).


Démocratie et éthique sont indissociables, comme le sont démocratie, éthique et développement. La démocratie sans éthique n'est guère viable. Or, la corruption qui n'a cessé de gagner du terrain dans le pays est en passe de constituer un obstacle majeur à tout effort de développement et de progrès social. Cest ce tout qui entre dans la construction de la culture démocratique qu'il faut entreprendre avec méthode dans ce pays aux ressources humaines fabuleuses par ailleurs: un peuple courageux , fier et disponible.


Un coup d'Etat militaire, quel que soit le pays où il se produit, est toujours le signe d'un mal-être, d'un dysfonctionnement institutionnel ou d'une dégradation de la vie sociale. Le Mali n'échappe pas à ce diagnostic. La construction de la démocratie s'y heurte à ces maux.


Le Mali, selon toute apparence, semble sur une pente dangereuse pour son histoire et son avenir, par l'accumulation de facteurs destructeurs de l'Etat et de la nation parmi lesquels une certaine évanescence de valeurs fondatrices de la conscience malienne.


La démocratie ne se limite pas au vote. C'est surtout une culture qui se forge et s'acquiert, un état d'esprit.


A cet égard, le Mali, par le coup d'Etat du 22 mars 2012, confirme l'immaturité de sa déocratie en apportant la preuve que la culture démocratique est loin d'être une réalité dans ce pays où l'on semble confondre démocratie et anarchie, liberté et laisser-aller.


La différence avec son voisin, le Sénégal, est saisissante, surtout en ce mois de mars 2012. Là-bas, renforcement des institutions et de l'esprit démocratique par un exemplaire scrutin présidentiel le 25 mars. Ici, coup d'Etat mortel porté à la démocratie ainsi qu'aux institutions qui la fondent.


Après la régression sociale incarnée dans le nouveau code de la famille promulgué en décembre 2011 qui marque plus fortement que jamais l'infériorité de la femme dans la sphère familiale et sociale, la régression politique et civique ?


Il faut espérer que ce coup de force militaire, orchestré par de jeunes militaires excédés et frustrés, ne mettra pas un point final au processus démocratique initié en 1991, et ne signifiera pas son hibernation prolongée.


 

En sortir rapidement afin de relever les défis multiples majeurs qui assaillent le pays, c'est la condition du sauvetage et du renouveau de la nation. 

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25 mars 2012 7 25 /03 /mars /2012 10:49

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Coton, sucre, café chocolat, quel prix au XVIIIe siècle ?

   

Lettre D'outre-mer


"Au Port-Louis de l'Île-de-France, ce 25 avril 1769.

[...] p s. je ne sais pas si le café et le sucre sont nécessaires au bonheur de l'Europe, mais je sais bien que ces deux végétaux ont fait le malheur de deux parties du monde. On a dépeuplé l'Amérique afin d'avoir une terre pour les planter ; on dépeuple l'Afrique afin d'avoir une nation pour les cultiver [...]

 

Ces belles couleurs de rose et de feu dont s'habillent nos dames ; le coton dont elles ouatent leurs jupes ; le sucre, le café, le chocolat de leurs déjeuners, le rouge dont elles relèvent leur blancheur : la main des malheureux noirs a préparé tout cela pour elles. Femmes sensibles, vous pleurez aux tragédies, et ce qui sert à vos plaisirs est mouillé des pleurs et teint du sang des hommes [...]"

 

Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, Voyage à l'Isle de France Lettre 12

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21 mars 2012 3 21 /03 /mars /2012 10:08

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Antonin (1), modèle d'humanisme et de simplicité


Prends garde à ne point te césariser, à ne pas te teindre de cette couleur, car c'est ce qui arrive. Conserve-toi donc simple, bon, pur, digne, naturel, ami de la justice, pieux, bienveillant, tendre, résolu dans la pratique de tes devoirs. Lutte pour demeurer tel que la philosophie a voulu te former. Révère les Dieux, viens en aide aux hommes. La vie est courte. L'unique fruit de l'existence sur terre est une sainte disposition et des actions utiles à la communauté. En tout, montre-toi le disciple d'Antonin. Pense à son effort soutenu pour agir conformément à la raison, à son égalité d'âme en toutes circonstances, à sa piété, à la sérénité de son visage : à sa mansuétude, à son mépris de la vaine gloire, à son ardeur à pénétrer les affaires. Pense aussi à la façon dont il ne laissait absolument rien passer sans l'avoir examiné à fond et clairement compris, dont il supportait les reproches injustes sans y répondre par d'autres reproches, dont il traitait toute chose sans précipitation, dont il repoussait la calomnie, dont il s'enquêtait méticuleusement des caractères et des activités. Ni insolence, ni timidité, ni défiance, ni pose. Pense comme il se contentait de peu, pour sa demeure, par exemple pour sa couche, son vêtement, sa nourriture, son service domestique. A comme il était laborieux et patient, et capable de s'employer jusqu'au soir à la même tâche, grâce à la simplicité de son régime de vie, sans avoir besoin d'évacuer, hors de l'heure habituelle, les résidus des aliments. Pense encore à la solidité et à la constance de ses amitiés, à sa tolérance pour ceux qui franchement contredisaient ses avis, à sa joie si quelqu'un lui montrait une solution meilleure, à son esprit religieux sans superstition, afin que ta dernière heure te surprenne avec une conscience aussi pure que celle qu'il avait.

 Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même


ligne 1 065

fleche 033 (1)Antonin le Pieux (86-161 ap.JC), empereur romain (138-161) est connu pour son honnêteté, sa simplicité, et son souci du droit. Il s'est constamment penché sur le bonheur du peuple, accordant généreusement la citoyenneté romaine à ceux qui la sollicitaient. Son règne marque l'apogée de l'empire romain.

 

variable012

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18 mars 2012 7 18 /03 /mars /2012 09:45

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Dona Béatrice, la Jeanne d’Arc noire

 

L’Afrique, au nord comme au sud du Sahara, connut dans son histoire des femmes de grande valeur, qui brillèrent par leur charisme, leur personnalité. Leur émergence correspond généralement à des périodes spécifiques de l’histoire de leurs sociétés respectives : crises, résistance à l’occupation, à l’arbitraire…

La congolaise Chimpa Vita, de son nom de baptême Dona Béatrice, est de ces figures féminines oubliées.

Son histoire est liée à la fois à la présence portugaise, à la rencontre des cultures chrétienne et animiste, ainsi qu’au contexte politique et économique des 17 et 18e siècles.

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Les Portugais, à partir du 15e siècle, s’implantèrent fortement et durablement dans deux régions d’Afrique prioritairement : le Kongo (sens ancien) et l’Angola qui furent aussi des terres de prédilection de l’évangélisation par les missionnaires chrétiens de toutes obédiences : Franciscains, Augustins, Dominicains, Capucins…

Dès 1491, la famille royale du Kongo se convertit au catholicisme. Très vite, des liens étroits sont tissés entre souverains portugais et congolais avec échange constant d’ambassades, de présents, de correspondances. Le Kongo est exemplaire de l’impact des Portugais sur ces sociétés africaines. Peu à peu, les missionnaires s’incrustèrent dans le pays, investirent la cour des rois en devenant leurs conseillers et maîtres à penser. Si quelques rois se montrèrent peu réceptifs au christianisme au début, poussés par leur entourage, beaucoup d’autres firent preuve d’un zèle sans réserve à l’égard et des Portugais, et de la nouvelle religion.

Le pieux, voire très pieux Alfonso 1er, qui régna de 1506 à 1543, fit du catholicisme la religion d’Etat. Il débaptisa sa capitale Mbanza ; qui devint San Salvador. Des rapports très étroits furent liés avec les souverains portugais auxquels Alfonso 1er réclamait sans cesse — avec beaucoup d’insistance — l’envoi de missionnaires pour évangéliser son peuple. Il organisa sa nouvelle capitale sur le modèle portugais, de même que sa cour.

Son fils Henrique, qu’il envoya au Portugal pour y être instruit dans la religion catholique, fut consacré évêque en 1518 (avec dispense du pape pour son très jeune âge). L’évêque Henrique retourna dans son pays en 1521 pour contribuer à l’expansion du christianisme, à la grande satisfaction de son père.

 

Cependant cette belle idylle entre Congolais et Portugais s’enraya peu à peu à cause de la trop grande emprise des missionnaires sur les souverains et les populations, mais surtout, par l’importance grandissante du trafic d'esclaves opéré par des trafiquants portugais et européens qui prirent l’ascendant sur l’aspect religieux, entraînant dans leur quête effrénée d’esclaves et de profits, les dignitaires et les cadres du royaume, le tout se traduisant par un déclin politique et économique, l’effritement des bases de l’Etat, enfin la confusion dans les esprits entre missionnaires et trafiquants d’esclaves, entre christianisme et animisme. Cela déboucha également sur un antagonisme entre villes et campagnes, pro esclavagistes et réfractaires au trafic d’êtres humains.

 

bouton 007« Relativement disciplinés jusqu'alors, les princes, ducs, marquis et comtes locaux, férus de biens de consommation européens, vont allègrement battre en brèche l'ordonnance royale en se lançant à leur tour dans la chasse aux esclaves. De leur point de vue, s'ils voulaient se procurer les fantaisies importées dont ils raffolaient, ils n'avaient guère le choix : le Portugal avait décrété que les esclaves étaient le seul bien accepté en paiement de ses marchandises ! Les bateaux de commerce portugais, français, hollandais et autres ne cessaient d'amener sur la côte atlantique des objets plus tentants les uns que les autres, spécialement fabriqués à l'intention de ces marchés : fusils à piston, armes de jet, outils en tout genre, mais aussi vêtements damassés garnis de dentelles — assez peu adaptés au climat local —, brodequins, vins, chapeaux, miroirs et verroteries ! Les contacts avec les Européens leur ayant permis d'accroître leurs capacités offensives, plus rien n'empêchait donc ces élites princières de banaliser les instructions royales et de guerroyer entre eux si l'envie leur en prenait ! Et ce n'est pas l'aspect moral de l'esclavage qui les aurait arrêtés puisque, semble-t-il, même les prêtres blancs qui leur servaient de directeurs de conscience se laissaient compromettre dans le trafic négrier ! »

Sylvia Serbin, Reines d’Afrique, Sepia

 

Cette inexorable destruction de son pays par la traite, le roi Alfonso 1er l’avait prévue dès le début du 16e siècle, lorsqu’en 1521, il adressa au roi du Portugal, Joao III, une lettre dénonçant la traite dans son pays :

 

bouton 007« Nous demandons grâce à votre Altesse de ne pas croire le mal que disent de nous ceux qui n'ont d'autre souci que leur commerce, de vendre ce qu'ils ont acquis injustement, qui ruinent par leur traite notre royaume et la chrétienté qui s'y trouve établie depuis tant d'années... Ce grand bien de la foi, le roi et les princes catholiques, comme votre altesse, travaillent à le procurer à de nouveaux peuples (d'Amérique). Nous sommes tenus à le conserver à ceux qui l'ont acquis. Mais cela se peut difficilement ici où les marchandises européennes exercent une fascination telle sur les simples et les ignorants, qu'ils laissent Dieu pour les accaparer. Le remède est la suppression de ces marchandises qui sont un piège du démon pour les vendeurs et les acheteurs. L'appât du gain et la cupidité amènent les gens du pays à voler leurs compatriotes, parmi lesquels les membres de leur propre parenté et de la nôtre, sans considération qu’ils soient chrétiens ou non. Ils les capturent, les vendent, les troquent. Cet abus est si grand que nous ne pouvons y remédier sans frapper fort et très fort. »

                 Georges Balandier,La vie quotidienne au Congo, 16e-18e siècles, Hachette. 


C’était prêcher dans le désert.

 

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Sous le règne du faible Pedro IV, l’anarchie atteint le paroxysme. Investi roi d’un royaume en proie au désordre, menacé lui-même par un rival, craignant pour sa vie, le nouveau roi fuit la capitale pour se réfugier dans les montagnes du Kibangou.

 

C’est dans ce contexte que surgit la figure de Dona Béatrice. Cet imbroglio politique donna naissance à un mouvement politico-religieux, mi-catholique, mi-animiste, désigné sous le nom de « secte des Antonins » autour de la jeune Chimpa Vita (Dona Béatrice), âgée de 22 ans. Ce mouvement, un syncrétisme catholico-animiste, européo-africain, connut un succès fulgurant lié au charisme de Dona Béatrice désormais proclamée prophétesse, et qui affirmait être possédée par l’esprit de Saint Antoine. Les populations y adhéraient en masse en vénérant la prophétesse.

La création ainsi que le succès de ce mouvement s’expliquaient par le désir du peuple de voir la royauté restaurée sous un souverain unique installé dans la capitale de San Salvador, dans un pays apaisé et sécurisé.

La jeune prophétesse avait pour ambition, la conversion à sa religion et le retour du roi fuyard Pedro IV dans la capitale San Salvador, en lui enjoignant de remplir son rôle d’unificateur du pays « sous la protection de Saint Antoine ».

Les religieux portugais, tout particulièrement les Capucins, crièrent au scandale, à la sorcellerie et au blasphème. Dès lors, ils firent pression sur le faible roi Pedro IV pour arrêter et faire taire l’imposteur.

 

bouton 007« Manipuler le faible roi Pedro IV ne sera pour eux qu'un jeu d'enfant. Ils le persuadent que l'influence de Dona Béatrice lui fera de l'ombre et mettra son pouvoir en péril. Le roi hésite cependant. Il redoute de heurter le sentiment populaire en la faisant arrêter. Mais les Capucins veillent au grain, ne cessant de le travailler au corps, au nom de « l'obéissance à Dieu ». Alors, Pedro IV ordonne la répression du mouvement. Dona Béatrice a juste le temps de s'enfuir pour aller se réfugier dans la brousse en compagnie de quelques-uns de ses disciples. Traquée, elle y restera cachée quelque temps et c'est là qu'elle mettra au monde son enfant, le fils de Barro, son fidèle compagnon de route. Mais les soldats la retrouvent alors qu’elle est en train d’allaiter son bébé.

[…]

Un des prêtres blancs la soumet à un premier interrogatoire. Il la questionne sur l'origine du nourrisson. Dona Béatrice lui répond : « Je ne peux nier que ce soit le mien. Mais comment je l'ai eu, je ne sais pas. Je sais seulement qu'il m'est venu du ciel et qu'il sera le sauveur de notre peuple. »

Puis on l'enchaîne avant de la conduire devant le père Bernado Di Gallo, le chef des Capucins, qui doit procéder à un interrogatoire plus approfondi.

[…]

Sous l'accusation d'hérésie, les missionnaires réclament un châtiment exemplaire. Ce sera la mort. « Que m'importe de mourir, réplique Dona Béatrice. Mon corps n'est pas autre chose qu'un peu de terre. Je n'en fais aucun cas. Tôt ou tard il sera réduit en cendres. »

Sylvia Serbin, Reines d’Afrique, Sepia

 

La « vierge » fut condamnée le 2 juillet 1706, brûlée vive sur le bûcher sous le regard d’une foule de fidèles accablés, impuissants.

 

Comment résister au parallèle avec Jeanne la « Pucelle d’Orléans » ?

Elle aussi, entendit des voix à 18 ans, se sentit investie d’une mission à la fois divine et temporelle, dans une France dominée par les Anglais, avec l’ambition de faire de Charles VII, qui avait perdu l’espoir de vaincre, flottant au gré des événements, un roi  à la hauteur de son trône, remis sur son piédestal, oint par le sacre, avant de périr sur le bûcher sous le même chef d’accusation.

De l’autre côté de la Méditerranée, là-bas, dans un Kongo dominé par les Portugais, Dona Béatrice, Champa Vita, lutta de même, se sacrifia, se croyant elle aussi, appelée au devoir par des voix, pour rétablir un roi faible et craintif, sur le trône, dans sa capitale, et mettre ainsi fin à la traite esclavagiste et au désordre qu’elle entraînait. 

 

Destins croisés ?


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                                       Dona Béatrice

 


fleur41

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14 mars 2012 3 14 /03 /mars /2012 10:46

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Souffrir pour connaître ?

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gif_anime_puces_251.gifLa souffrance ouvre les yeux, aide à voir des choses qu'on n'aurait pas perçues autrement. Elle n'est donc utile qu'à la connaissance, et, hors de là, ne sert qu'à envenimer l'existence. Ce qui, soit dit en passant, favorise encore la connaissance.


gif_anime_puces_251.gif« Il a souffert, donc il a compris. » C'est tout ce qu'on peut dire d'une victime de la maladie, de l'injustice, ou de n'importe quelle variété d'infortune. La souffrance n'améliore personne (sauf ceux qui étaient déjà bons), elle est oubliée comme sont oubliées toutes choses, elle n'entre pas dans le « patrimoine de l'humanité », ni ne se conserve d'aucune manière, mais se perd comme tout se perd. Encore une fois, elle ne sert qu'à ouvrir les yeux.

Cioran, De l’inconvénient d’être né

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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 11:19

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L’Afrique avant l’arrivée des Européens, c’était comment ?

 

bouton 007TELLI : Dans l'Afrique précoloniale, toutes les sociétés n'étaient pas organisées en États. De nombreuses sociétés fonctionnaient sans la moindre organisation étatique. Les gens vivaient en petits groupes dans le cadre de la famille élargie, c'est-à-dire les grands-parents, les parents, les oncles, les tantes et tous leurs enfants. Ils formaient de petits villages ou de petites villes. Le rôle du chef revenait au plus âgé. Mais son pouvoir était plutôt théorique ou symbolique car il n'avait à sa disposition ni armée, ni police. Le respect des coutumes dont il était l'ordonnateur et le gardien garantissait l'ordre et la discipline dans le groupe.

A l'opposé de ces sociétés sans État, l'Afrique connut aussi des royaumes et de grands empires dans lesquels la société était bien organisée et très hiérarchisée. Elle comportait, généralement, une noblesse constituée par les membres du lignage du roi ou de l'empereur et des proches par alliance. Dans les États islamisés, les lettrés, ceux qui savaient lire et écrire l'arabe jouissaient d'un grand prestige qui justifiait leur appartenance à la noblesse.

On trouvait de nombreux esclaves dans tous ces États. On pouvait, à la suite d'une guerre ou lorsqu'on avait commis un acte très grave (meurtre, viol, brigandage) perdre sa liberté et devenir esclave. L'esclavage en Afrique est un thème qui revêt plusieurs aspects. Il existait plusieurs formes d'esclavage et plusieurs types d'esclaves dans toute l'Afrique ancienne. On trouvait des esclaves domestiques employés dans les travaux de la maison, d'autres travaillaient dans les champs ou les mines, d'autres encore assuraient les transports. Il y avait aussi les esclaves dits de « confort » : ils divertissaient les maîtres, satisfaisaient tous leurs désirs... La situation des esclaves était liée à la nature des activités qu'ils accomplissaient et aussi à l'attitude du maître à leur égard. Mais de façon générale (même s'il est fait état de façon exceptionnelle, dans certaines régions d'Afrique, d'esclaves enterrés vivants avec la dépouille de chefs ou de grands dignitaires), quelle que soit la raison de leur asservissement, ils ne se heurtaient pas systématiquement à une barrière sociale infranchissable. Ils étaient progressivement intégrés à la famille du maître et au reste de la société ; ils pouvaient donc se marier librement y compris avec l'enfant du maître, posséder des biens ...

Entre les nobles et les esclaves se trouvait la fraction la plus importante de la société.

La puissance de ces royaumes et empires reposait sur leur organisation, la qualité de leur armée ainsi que leur richesse.

 

bouton 007LUC : De quoi vivaient-ils ?

 

bouton 007TELLI : Les sociétés africaines pratiquaient cultures et élevage. L'élevage est ancien en Afrique et connu bien avant la pratique des cultures. Il était pratiqué partout en Afrique noire. Mais une partie de la subsistance était assurée par la chasse, la cueillette et la pêche.

Comme activités économiques, selon les régions, l'exploitation des mines qui est aussi très ancienne en Afrique permettait le développement de l'artisanat et alimentait le commerce. L'or du Soudan (sens ancien du mot) était bien connu y compris en Europe et au Moyen-Orient. Les voyageurs arabes du Moyen Age l'ont fréquemment mentionné dans les récits de leurs voyages à travers cette région d'Afrique. Tel Abu Hamid qui la visita au XIIe siècle et pour qui « Dans les pays du Soudan, l'or pousse dans le sable. C'est un or d'une excellente qualité et l'on en trouve en grande quantité. »

En effet, la richesse et la renommée des pays du Soudan principalement des grands empires, reposait sur l'abondance, l'exploitation et le commerce de l'or.

 

bouton 007LUC : Quels étaient ces grands empires ?

 

bouton 007TELLI : Du VIIIe au XVIe siècle, de vastes empires sont nés et se sont développés dans l'Afrique de l'Ouest, plus exactement dans l'Afrique de la savane et du Sahel, c'est-à-dire l'Afrique soudanienne. Ces royaumes ou empires sont les plus connus, ceux dont on parle encore le plus aujourd'hui. Mais il exista dans toute l'Afrique des États puissants.

En Afrique de l'Ouest, le premier connu est l'empire du Ghana dont des documents arabes, corroborés par des fouilles effectuées au XXe siècle, attestent l'existence dès le VIIIe siècle. Cet empire a atteint son apogée au Xe siècle. Le Ghana est le premier empire noir connu et localisé avec précision. Son emplacement correspond aux États actuels de la Mauritanie, du Mali et du Sénégal. Les voyageurs arabes qui ont parcouru cet empire aux Xe et XIe siècles en parlent avec émerveillement, vantant sa prospérité, le faste de la cour de l'empereur. Ils vantent également l'hospitalité de ses habitants et la tolérance du souverain qui, quoique animiste — comme la majorité de ses sujets — autorisa la construction de mosquées par les marchands venus d'Afrique du Nord. Un voyageur arabe du XIe siècle, El Bekri nous présente ainsi la capitale de l'empire du Ghana :

fleche 026« Aoudaghost, ville grande et très peuplée, [...] renferme plusieurs mosquées... Dans ces établissements, on trouve des maîtres qui enseignent à lire le coran... Tout autour de la ville, s'étendent des jardins de dattiers. On y cultive le blé... Il n'y a que les princes et les gens riches qui en mangent. La grande majorité de la population se nourrit de mil... Les jardins consacrés à la culture du henné sont d'un bon rapport.

Aoudaghost possède des puits qui fournissent de l'eau douce. Les bœufs et les moutons y abondent à tel point que l'on peut acheter dix béliers et même plus pour une pièce d'or. Le miel est aussi très abondant.

Les habitants vivent dans l'aisance et possèdent de grandes richesses. A toute heure, le marché est rempli de monde. La foule est si grande et le bourdonnement si fort qu'à peine peut-on entendre les paroles de celui qui est assis à côté de soi. Les achats se font avec de la poudre d'or... La ville renferme de beaux édifices et des maisons très élégantes... Malgré la distance, on fait venir des pays musulmans du blé, des fruits et des raisins secs... ».

 

bouton 007LUC : Si je comprends bien, d'après ce document, on voit tout d'abord que la capitale de cet empire était très peuplée et riche, et que la vie y était assez facile, apparemment. Cet écrit nous permet de voir également que la tolérance y était effectivement pratiquée puisque dans cet État animiste se trouvaient des mosquées et des écoles pour enseigner le coran. Mais surtout on constate que l'or y était abondant puisqu'il servait de monnaie.

 

bouton 007TELLI : Oui parce que l'argent comme monnaie semblait apparemment ignoré des habitants de cet empire. Les échanges se faisaient en or et au moyen du troc. Dans d'autres régions d'Afrique étaient utilisés comme numéraires des barres de fer, des coquillages appelés cauris, des tissus de raphia, de petits pagnes de coton...

A ce propos, nous devons au même voyageur arabe, à la même date, une description assez pittoresque d'une audience donnée par l'empereur qui ne manque pas d'intérêt :

fleche 026« Audience à la Cour de l'empereur du Ghana.

Pour donner audience et recevoir les plaintes de ses sujets, l'empereur s'assied sous un dôme autour duquel sont rangés dix chevaux couverts de caparaçons en étoffe d'or. Derrière lui se tiennent dix pages portant des boucliers en cuir et des épées ornées d'or. A sa droite, se tiennent des princes du royaume, aux habits magnifiques et aux cheveux tressés avec le l'or. Le gouverneur de la ville et les ministres sont assis à terre, devant l'empereur. La porte du dôme est gardée par de très beaux chiens qui ne quittent presque jamais le roi. Ils portent des colliers d'or et d'argent, garnis de grelots des mêmes métaux.

L'arrivée du roi à son audience est annoncée par des coups frappés sur une sorte de tambour, le douba, formé d'un long morceau de bois creusé. En l'entendant, le peuple se rassemble. Les gens de la religion du roi se mettent à genoux et se jettent de la poussière sur la tête : c'est leur manière de saluer le souverain. Les musulmans lui présentent leurs respects en frappant des mains. »

 

bouton 007LUC : Ce texte permet de se faire une idée de l'autorité de ce roi sur ses sujets, de la bonne organisation de sa cour et surtout de sa richesse.

 

bouton 007TELLI : La prospérité de cet empire comme de tous les royaumes du Soudan provenait d'un commerce caravanier très actif avec l'Afrique du Nord à travers le Sahara. Ce désert parsemé de routes caravanières était constamment parcouru dans les deux sens par des files ininterrompues de caravanes. Des documents dont notamment des dessins rupestres retrouvés, attestent l'existence de ces échanges entre les peuples blancs d'Afrique du Nord et les peuples noirs au sud du Sahara depuis la plus haute antiquité. Du Nord provenaient des tissus, du blé, des raisins secs, des armes, du sel... Du sud vers le Nord les principales marchandises convoyées étaient la poudre d'or principalement mais aussi l'ivoire, la gomme, des animaux, des esclaves...

La richesse du Ghana devint légendaire et cela ne fut pas sans conséquence car elle excita la convoitise de peuples proches et lointains.

 

bouton 007LUC : Ghana. Ça existe encore sur la carte d'Afrique ?

 

bouton 007TELLI : Oui. Il existe actuellement un État africain de ce nom situé dans le Golfe de Guinée entre la Côte d'Ivoire et le Togo. II n'a de commun avec l'ancien empire de l'Ouest africain que le nom. Cette ancienne colonie anglaise alors appelée Gold Coast (Côte d'Or) accéda à l'indépendance en 1957. Pour renouer avec le prestige du premier empire noir, le nouvel État prit le nom de Ghana.

En revanche, le deuxième grand empire africain connu, l'empire du Mali, qui succéda à celui du Ghana, appartient à la même zone géographique que ce dernier.

 

bouton 007LUC : Cet empire est aussi différent du Mali actuel ?

 

bouton 007TELLI : Oui, tout à fait, même s'il est plus proche de l'ancien empire du Mali que ne l'est le Ghana actuel de son glorieux homonyme.

 

bouton 007LUC : Quel fut le sort de l'ancien Ghana, la suite de son histoire ?

 

bouton 007TELLI : Sa richesse et la légende qui l'entourait ont fini par provoquer sa perte. Il fut envahi et pillé par des peuples berbères, les Almoravides vers le milieu du XIe siècle. Il perdit ainsi d'abord sa puissance puis son indépendance vers le début du XIIIe siècle. Justement, le nouvel empire du Mali s'est en partie nourri de ses dépouilles puisqu'il fit de Ghana son vassal.

 

bouton 007LUC : Cet empire est né comment ?

 

bouton 007TELLI : Plus que le Ghana, l'empire du Mali joua un rôle de première importance dans l'histoire de toute l'Afrique occidentale. Plus vaste que le premier puisqu'il englobait les États actuels du Sénégal, de la Guinée, du Mali et du Niger en partie.

Ses origines sont assez obscures. Son histoire est en revanche bien connue par les témoignages de voyageurs et écrivains arabes des XIIIe et XIVe siècles mais aussi par des sources orales conservées et transmises de générations en générations jusqu'à nos jours. La tradition orale est aussi l'une des sources de l'histoire des peuples d'Afrique noire qui n'ont pas connu l'écriture (ou n'ont pas une « culture de l'écrit »). Elle est certes moins fiable et plus fragile que l'écrit mais elle reste incontournable pour restituer l'histoire de l'Afrique ancienne, même si elle doit être de ce fait maniée avec précaution.

L'histoire du Mali est incarnée par son empereur le plus prestigieux, Soundiata Kéita, dont les griots de l'Afrique de l'Ouest chantent encore les louanges et les hauts faits d'armes. Il fut comme Charlemagne un grand conquérant, un rassembleur de peuples différents et un bâtisseur d'empire.

Les traditions orales lui attribuent une origine et des pouvoirs magiques. Mais les sources attestent ses victoires militaires qui lui permirent de se proclamer empereur en 1234. Considéré comme le souverain le plus illustre de toute l'Afrique précoloniale, il régna sur un empire admirablement gouverné qu'il prit soin de diviser en provinces à la tête desquelles il plaça des hommes sûrs, généralement ses parents et amis proches. Ces chefs de province, les « farba », jouaient le même rôle que les intendants du roi de France dans l'Ancien Régime. Ils levaient les impôts, assuraient la police, recrutaient des soldats pour l'armée... Grâce à une armée redoutable, Soundiata devint le maître incontesté du Soudan. L'empire du Mali, en remplaçant l'empire du Ghana dans les échanges avec l'Afrique du Nord, devint le point de convergence des caravanes. L'exploitation d'immenses mines d'or contribua à la puissance de l'empire et à la gloire de l'empereur. A la mort de l'empereur en 1255, les successeurs de Soundiata héritèrent d'un empire unifié, pacifié et prospère.

Un de ses successeurs, Kankan Moussa, qui régna de 1312 à 1337 fit un pèlerinage mémorable à La Mecque. Cet événement contribua sans aucun doute à rehausser le renom de l'empire du Mali parmi tant d'autres royaumes africains du Moyen Age pour deux raisons. D'abord parce que ce roi fut le premier souverain noir à faire le pèlerinage au lieu saint de l'islam. La deuxième raison fut sa magnificence et l'éblouissement qu'il produisit dans tous les pays traversés du Caire à La Mecque. En effet selon des sources arabes, il s'était fait accompagner de plusieurs milliers de serviteurs, 60 000 disent certaines sources comme le Tarikh es-Soudan. Ces serviteurs transportaient près de deux millions de tonnes d'or dont il fit présent à ses hôtes arabes. Ces largesses eurent des conséquences immédiates sur le cours de l'or qui s'effondra pendant plusieurs années. Mais surtout elles eurent des échos dans tout l'Orient et aussi en Europe. L'empire du Mali et à travers lui tout le Soudan fut considéré comme le lieu du monde le plus riche en or. Un proverbe dit alors que : « Le Soudan guérit de la pauvreté connue le goudron de la gale. » A l'époque, le roi du Mali fut représenté sur « l'Atlas catalan » du roi de France Charles V, tenant une pépite d'or à la main. C'est ainsi que l'imaginaient les dessinateurs de cet Atlas.

 

bouton 007LUC : L'empire du Mali était donc musulman puisque son roi est allé faire le pèlerinage de La Mecque.

 

bouton 007TELLI : A la différence de l'empire du Ghana dont les souverains étaient animistes, une partie non négligeable de la population du Mali se convertit à l'islam. Mais il n'y eut jamais de la part du souverain d'obligation faite à ses sujets d'embrasser cette religion.

 

bouton 007LUC : Que devint ce grand empire du Mali ?

 

bouton 007TELLI : Sans doute fut-il aussi victime de sa légende. Mais plus concrètement, la succession du roi Kankan Moussa fut difficile. Des querelles de palais entraînèrent la dislocation de l'empire et le mirent à la merci d'un rival jadis vassal du Mali. Tout comme après Charlemagne et la mort de son fils Louis le Pieux en 840, lorsque des querelles entre les trois fils de ce dernier aboutirent à la dislocation de l'empire carolingien et à son partage par le traité de Verdun en 843. Ce traité ouvrit la voie à une vague d'invasions : celle des Vikings d'abord, des musulmans ensuite puis des Hongrois. Les Carolingiens ne parvenant pas à défendre leurs peuples contre ces envahisseurs, les anciens gouverneurs des provinces, les comtes, puis les grands propriétaires en profitèrent pour s'emparer des pouvoirs du roi sur les territoires dont ils avaient la charge. L'empire du Mali connut le même sort. En 1345 sa capitale fut occupée puis ses principales villes les plus riches dont Djenné et Tombouctou par les princes de Gao, un petit royaume vassal du Mali. Le plus illustre d'entre eux, Sonni Ali, surnommé Ali Ber c'est-à-dire Ali le Grand (régnant de 1464 à 1492) bâtit sur les ruines du Mali un immense empire très riche et bien administré qui prit le nom d'empire de Gao (ou empire Sonraï ou Songhay).

 

bouton 007LUC : L'empire de Gao était-il musulman ?

 

bouton 007TELLI : Son fondateur Ali Ber ne fit pas preuve d'une grande ferveur à l'égard de l'islam. Au contraire, bien que se disant musulman, il persécuta les chefs religieux dans toutes les grandes villes de son État et fit fermer leurs écoles coraniques.

A l'inverse, son successeur, Askya Mohammed, un de ses lieutenants, fut un fervent musulman qui fit le pèlerinage de La Mecque.

Précisément ce voyage en Arabie réveilla les souvenirs des fastes de celui de l'empereur du Mali et aussi des convoitises, notamment celles du royaume du Maroc en particulier qui l'attaqua et le vainquit définitivement en 1591.

 

bouton 007LUC : Mais le royaume du Maroc n'était-il pas musulman ?

 

bouton 007TELLI : Il l'était.

 

bouton 007LUC : Alors pourquoi s'attaque-t-il à un autre royaume musulman ?

 

bouton 007TELLI : La religion n'était pas le motif premier dans cette attaque. Les raisons étaient matérielles. Le Maroc acceptait mal la domination du juteux commerce transsaharien par les empereurs de Gao au moment où lui-même était confronté à de graves difficultés financières.

En effet, après la reconquête menée par les rois catholiques d'Espagne (expulsion des Arabes du pays), puis l'occupation de l'Algérie par les Turcs, le royaume du Maroc connut de grosses difficultés de trésorerie. La solution imaginée pour résoudre ces difficultés financières fut la conquête de Gao qui permit la mainmise marocaine à la fois sur les ressources du commerce et sur les nombreuses mines d'or du Soudan.

 

bouton 007LUC : Le Maroc a annexé le Soudan ?

 

bouton 007TELLI : Non. La conquête de l'empire Sonraï eut de terribles conséquences pour tout le Soudan et toute l'Afrique de l'Ouest. Le roi du Maroc fut incapable de gouverner la région. Les gouverneurs nommés à la tête des provinces étaient indociles et se disputèrent le pouvoir. Les Touaregs, ces « rois du désert », pillèrent les villes et vinrent à bout des représentants du lointain pouvoir central au Maroc. Ce fut l'anarchie et le déclin. La sécurité et la paix que les puissants empereurs successifs de Ghana, du Mali et de Gao avaient su faire régner dans tout le Soudan disparurent. Les pillages des nomades du désert dépeuplèrent les villes marchandes et ruinèrent la région. Le Soudan ne s'en remettra jamais.

Avec la fin de Gao commençait une ère sombre pour l'Afrique de l'Ouest, voire pour l'Afrique toute entière.

 

bouton 007LUC : Il n'y aura plus d'empire africain ?

 

bouton 007TELLI : Quoique moins souvent cités, d'autres royaumes existèrent et brillèrent de mille éclats dans les domaines politique, économique, artistique, culturel.

Les royaumes Mossi (dans l'espace du Burkina Faso actuel), constituèrent un ensemble d'États bien organisés. Ces États résistèrent longtemps à l'islam et s'opposèrent à la traite esclavagiste. A l'est (Nigeria actuel), les États Haoussa développèrent une civilisation originale. Le royaume du Bénin, dans le delta du Niger (actuel Nigeria), connut une brillante civilisation décrite par les Portugais qui avaient abordé le pays dès 1486. Ils se déclarèrent émerveillés par la beauté des cités, « la bonne organisation » ainsi que « l'habileté des artisans, sculpteurs et fondeurs ».

En Afrique équatoriale, les royaumes bantous, par leur organisation et leurs cultures, avaient fait l'admiration des voyageurs européens, surtout portugais. Le royaume du Congo est sans doute le mieux connu des États de cette région grâce aux récits des Portugais. C'est, de l'Afrique centrale, l'ensemble politique le mieux connu en raison de son contact précoce avec les Portugais mais aussi de son organisation et de ses cultures. Ses rois se convertirent au christianisme au contact des Portugais. Il fut l'un des royaumes africains les plus célèbres du XVe à la fin du XVIIe siècle. Ses souverains, à commencer par Alfonso 1er (1505-1543) qui traitaient d'égal à égal avec le roi du Portugal, contribuèrent à faire connaître leur royaume par le contenu d'une correspondance soutenue avec le roi portugais.

D'autres royaumes dans cette partie de l'Afrique sont nés de l'affaiblissement du royaume du Congo comme jadis, en Afrique de l'Ouest, les royaumes qui ont succédé au royaume de Ghana après l'affaiblissement et le pillage de ce dernier. C'est le cas des royaumes du Loango (situés en bordure de l'océan Atlantique, correspondant approximativement à l'actuel Congo Brazzaville), puis du royaume d'Angola (situé à peu près dans l'espace de l'actuel Angola). On peut également citer plus à l'est du continent, le royaume d'Éthiopie, l'un des plus anciens et des plus célèbres royaumes africains, et les royaumes malgaches. Il en existait encore beaucoup d'autres mais on ne peut les citer tous avec leur organisation, leur société, leur culture. Tous ces royaumes vécurent et développèrent leur splendeur entre le IXe et le XVIe siècle.

 

Pendant cette même période se développèrent sur toutes les côtes Est de l'Afrique des rapports étroits avec l'Orient par l'Océan Indien. La mer Rouge et l'Océan Indien constituèrent les axes d'échanges importants entre l'Afrique et le monde arabe (de l'Éthiopie à l'actuelle Tanzanie). Depuis l'Antiquité, la mer Rouge fut ce lien entre l'Orient et l'Afrique. Du IXe au XVe siècle cette côte orientale de l'Afrique devint un carrefour où se développa une civilisation originale faite d'influences diverses : arabes musulmanes, malaises, indiennes, chinoises... autour de cités marchandes florissantes et actives — Paté, Malindi, Kiloa, Sofala... L'influence arabe y demeura prépondérante et la population était à majorité islamisée. Mais les échanges fructueux avec l'Inde et la Chine furent brutalement interrompus au XVIe siècle avec l'arrivée des Portugais dans la région. Leur tentative de se rendre en Inde en contournant l'Afrique les mit en contact avec la côte orientale de ce continent dont ils prirent le contrôle en dominant l'Océan Indien. Les brillantes cités marchandes furent détruites sous les coups des Portugais désireux de s'assurer le monopole du commerce entre l'Afrique et l'Orient.

Tidiane Diakité,

L’Afrique expliquée. Réponses aux questions des jeunes,

Cultures Croisées

Afrique 7e

 

Les Etats africains du 7e au 16e siècle

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 11:02

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   Ecouter le silence


 

     Mon âme m'a exhorté et appris à voir la beauté voilée par la forme et la couleur.

Mon âme m'a invité à regarder avec persévérance tout ce que l'on considère comme laid jusqu'à ce que cela devienne beau.

Avant que mon âme ne m'ait ainsi invité et exhorté, la beauté m'était apparue comme une torche vacillante entre des colonnes de fumées; mais à présent la fumée s'est dissipée et évanouie et je ne vois rien d'autre que le feu.


ligne 1 025

 

fleurs 087     Mon âme m'a exhorté et invité à écouter les voix qui ne montent ni de la bouche ni de la gorge.

Avant ce jour je n'entendais que sourdement, et seuls les clameurs et les cris retentissants parvenaient à mes oreilles ; mais à présent j'ai appris à écouter le silence, à entendre ses choeurs chanter les cantiques des générations, chanter les hymnes de l'espace et révéler les secrets de l'éternité.

Khalil Gibran, Chants de l'âme et du coeur.


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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 09:58

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Quand le roi africain devient sujet colonial

 

De l’explorateur au conquérant

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bouton 007TELLI : Tout a commencé avec les explorateurs du début du XIXe siècle. Comme le nom l'indique, il s'agit de gens qui explorent le continent africain dans le souci de le connaître réellement au-delà de la côte ou des régions côtières. Il y eut auparavant les Compagnies de navigation et de commerce, du XVIe au XVIIIe siècle, dont le but était le négoce avec les habitants du pays autour de leurs comptoirs. Cela change au XIXe siècle, des Compagnies continuent de fréquenter les côtes africaines mais ce sont désormais des individus volontaires qui partent pour l'Afrique avec des intentions diverses. C'est l'ensemble de ces personnes qu'on désigne par le terme d'explorateurs même s'ils ne sont pas animés par les mêmes intérêts.

Quels motifs poussent des explorateurs de toutes nationalités : française, britannique, allemande... à s'aventurer sur les terres inconnues et inhospitalières d'Afrique, parmi des populations dont ils ignorent la langue et les coutumes ? Certains sont poussés par le goût de l'aventure, d'autres par la curiosité scientifique, le besoin de savoir, de découvertes géographiques, cartographiques, botaniques... On trouve aussi parmi eux des missionnaires catholiques et protestants désireux de propager la foi chrétienne en Afrique.

Enfin parmi tous ces mobiles il faut aussi mentionner le désir de gloire et de hauts faits, le besoin d'actions d'éclat. Tous se lancent dans une exploration téméraire du continent noir. Les côtes de l'Afrique étaient bien connues et cartographiées dès le XVIe siècle mais l'intérieur restait à découvrir. II s'agissait pour eux de pénétrer et progresser régulièrement à l'intérieur du continent en ouvrant des routes, en s'attaquant à la reconnaissance du cours des fleuves...

Quelles que fussent les motivations individuelles, tous partaient cependant avec le souci de représenter ou d'incarner peu ou prou les intérêts de leur nation, surtout dans la deuxième phase de l'exploration, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.

 

bouton 007LUC : Est-ce qu'on connaît des noms d'explorateurs ?

 

bouton 007TELLI : Oui, de grands noms sont encore gravés dans les mémoires et sur la terre d'Afrique. Le Français René Caillé qui se rendit à Tombouctou 1818 déguisé en arabe musulman fait partie de ces pionniers.

 

bouton 007LUC : Pourquoi déguisé en Arabe musulman ?

 

bouton 007TELLI : Parce que l'entrée de cette ville était à cette époque interdite aux non-musulmans. C'est dire le progrès réalisé par l'islam dans cette partie de l'Afrique de l'Ouest entre le Moyen Âge et le début du XIXe siècle. Un autre détail significatif : René Caillé en partant de France avait une très haute idée de Tombouctou. Il en avait une représentation quasi mythique de sa splendeur, sa richesse, sa modernité avec des palais superbes. Au contraire, il fut très surpris et déçu de trouver cette ville dans un état délabré, en pleine décadence qui contrastait violemment avec la représentation qu'il en avait. Tout cela donne une idée des ravages des XVII et XVIIIe siècles et du déclin régulier du Soudan depuis le XVIe siècle, Tombouctou ayant été l'une des villes importantes des anciens empires du Mali et de Gao.

 

bouton 007LUC : Y a-t-il eu d'autres Français qui sont partis comme René Caillé ?

 

bouton 007TELLI : Oui, il y en eut beaucoup mais aussi des Britanniques, des Allemands, des Danois.... Parmi les Français, deux noms aussi célèbres : Louis Gustave Binger et Pierre Savorgnan de Brazza.

Le premier explora la boucle du Niger et la Côte d'Ivoire actuelle. Une des principales villes de ce pays porte encore son nom : Bingerville. Le second fut l'explorateur de l'actuelle République du Congo dont la capitale porte le nom :Brazzaville, d'où le nom Congo-Brazzaville.

Beaucoup de villes, de quartiers africains, de rues aussi ont porté ou portent encore les noms d'explorateurs ou de gouverneurs français.

Parmi les explorateurs britanniques des noms connus : Cecil Rhodes, fondateur des deux futures colonies anglaises de Rhodésie du Nord et de Rhodésie du Sud, de Nyassaland, respectivement les actuelles Républiques de Zambie, de Zimbabwe et de Malawi.

Comme Britannique on peut aussi citer John R. Stanley qui traversa l'Afrique équatoriale d'est en ouest et découvrit le cours du fleuve Congo.

Dans cette exploration qui devait bientôt se transformer en véritable course de compétition, les Allemands et les Belges ne furent pas en reste. Tel Heinrich Barth, explorateur et géographe allemand qui, entre 1850 et 1856 parcourut leTchad et le Niger. Il inventoria minutieusement les peuples rencontrés, leurs manières de vivre, leurs coutumes et rapporta une précieuse documentation ethnographique qui contribua à faire mieux connaître l'Afrique Centrale.

D'autres explorateurs s'intéressèrent à la faune et à la flore qu'ils décrivirent avec précision, de même que le sol et le climat, permettant de dresser quelques années plus tard des cartes physiques et humaines mieux élaborées que celles des XVIe et XVIIe siècles.

A partir de 1880, les explorations prirent une couleur politique et nationaliste plus affirmée. On y va avec le drapeau de sa nation en poche, dans l'espoir de le hisser sur des portions d'Afrique. L'action des explorateurs n'est plus un acte solitaire en marge des intérêts nationaux. L'explorateur se mue peu à peu en conquérant puis en colonisateur. La prise de possession de territoire devient désormais l'objectif et la priorité, et se fait au nom de sa nation. Chaque explorateur hisse son drapeau dans ces contrées lointaines. C'est désormais la course, la compétition, la rivalité entre les nations d'Europe partout en Afrique. C'est ainsi qu'entre l'explorateur français Brazza et son homologue britannique Stanley (passé au service du roi des Belges Léopold 1er) s'engagea une véritable course de vitesse pour découvrir l'embouchure du fleuve Congo, dans la zone équatoriale, course qui se transforma en lutte acharnée à l'arrivée. Le résultat de cette confrontation fut le partage des deux rives du fleuve en territoire français au nord et en territoire belge au sud (propriété du roi des Belges). Les capitales des deux futures colonies (et futurs Etats, Congo-Brazzaville et Congo-Zaïre) se situant de part et d'autre des rives du fleuve Congo.

 

bouton 007LUC : Mais ça va être la guerre !

 

bouton 007TELLI : On n'en est pas loin. Ce n'est sans doute pas la « Guerre » mais une série d'incidents entre nations d'Europe sur le sol africain, significatifs de la vivacité de l'ambition coloniale et des tensions que cette course aux colonies pouvait engendrer.

L'incident symbolique à cet égard, c'est ce que l'on a appelé à l'époque « l'affaire de Fachoda ». Fachoda est une ville située dans l'Etat actuel du Soudan (à ne pas confondre avec le Soudan géographique ou celui du Moyen Âge. Ce Soudan est une ancienne colonie britannique qui a gardé le nom de Soudan après la fin de la colonisation). Le nom actuel de Fachoda est Kodok.

En septembre 1898, les Anglais et les Français s'y affrontèrent. Ce fut aussi le heurt de deux projets coloniaux. En effet, les Anglais après la conquête de l'Afrique du Sud, souhaitaient joindre la ville du Cap (Afrique du Sud) au Caire, en Egypte, en traversant l'Afrique du Sud au Nord. Quant aux Français, leur projet était de relier l'Ouest à l'Est du continent, l'Océan Atlantique à l'Océan Indien en partant de leur base d'appui, le Sénégal, et joindre Dakar à Djibouti sur la corne de l'Afrique. Les deux ambitions se croisèrent dans la ville de Fachoda. La mission française de Marchand fut opposée à l'expédition anglaise de Kitchener. Sommée d'évacuer la ville, la France s'inclina et dut reconnaître l'autorité britannique sur la totalité du bassin du Nil. Les Anglais réalisèrent ainsi leur projet en faisant du Soudan une nouvelle colonie sur leur route du Cap au Caire. Cette affaire brouilla pendant longtemps les rapports entre les deux nations même après la conclusion de l’ « entente cordiale » en avril 1904.

De son côté, en 1884, le chancelier allemand, Bismarck (l'artisan de l'unité allemande réalisée à la suite de la défaite de la France en 1870) fit occuper divers points sur la côte correspondant aux actuels Togo, Cameroun et Namibie. Face à ces rivalités croissantes entre Européens, Bismarck eut l'initiative d'une concertation entre les principales puissances d'Europe intéressées par l'Afrique. Ce qui fut fait à Berlin du 15 novembre 1884 au 26 février 1885. Cette concertation prit le nom de « Conférence de Berlin » ou encore le « partage de l'Afrique » même si ce terme n'est pas tout à fait approprié à cette date. Cette conférence avait pour but de fixer les règles permettant d'éviter les heurts et l'épreuve de force entre les nations européennes en Afrique. Ces règles qui n'étaient que théoriques faisaient qu'aucun État européen ne pouvait désormais revendiquer la possession d'une région d'Afrique sans l'occuper effectivement, ce qui supposait la délimitation des zones occupées et la matérialisation de cette occupation par des « frontières ».

Tidiane Diakité, L'Afrique expliquée, Réponses aux questions des jeunes,

Editions Cultures Croisées.

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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 09:45

chat-gif-164  S'allonger et laisser passer

 

 

Le temps vide de la méditation est, à la vérité, le seul temps plein. Nous ne devrions jamais rougir d'accumuler des instants vacants. Vacants en apparence, remplis en fait. Méditer est un loisir suprême, dont le secret s'est perdu.

[…]

Chaque fois qu'on se trouve à un tournant, le mieux est de s'allonger et de laisser passer les heures. Les résolutions prises debout ne valent rien : elles sont dictées soit par l'orgueil, soit par la peur. Couché, on connaît toujours ces deux fléaux mais sous une forme plus atténuée, plus intemporelle. 

                                                                                                       e.m. Cioran

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