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REPENSER L’ÉCOLE
POUR L’ÉPANOUISSEMENT DE L’INDIVIDU (2)
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Une nouvelle pédagogie au service de l’Homme, de la société, de la fraternité et de la paix
Sans éducation, l’enfant est orphelin. |
Tiéba (1) — Pourquoi donc ces quatre disciplines principalement ?
Jacques (1) — Parce que ce sont celles qui permettent le mieux d'atteindre les objectifs et les finalités de la Nouvelle École.
D'abord l'histoire, la première des sciences, discipline de l'universel par excellence. Son enseignement dans le tronc commun, aura une vocation spécifique. L'histoire devra apparaître comme une des armes de la paix. Elle devra être enseignée comme telle avec cette fonction et cet objectif particuliers. Afin qu'elle remplisse efficacement la mission ainsi assignée, un soin tout spécial sera porté à la passerelle qui reliera l'histoire nationale à l'histoire universelle du tronc commun. Enseignée dans cette optique, l'histoire doit s'efforcer de mettre en évidence les erreurs ou les insuffisances de dialogue et de compréhension qui ont abouti aux guerres dans le passé, de mettre également en relief les vertus de la patience et l'avantage de connaître l’autre dans ses qualités et ses faiblesses. Ainsi conçu, l'enseignement de l'histoire, c'est aussi l'apprentissage de l’amour et de ta tolérance. Amour du genre humain, compréhension des faiblesses d'autrui facilitée au préalable par la connaissance et l'amour de soi. Toute éducation devrait tendre vers cet objectif de paix qui amènerait à aimer et respecter l'autre dans ce qu'il est, tel qu'il est. On prendra soin de faire ressortir que dans la vie, il n'est ni utile ni opportun de vouloir chercher à prendre sa revanche à tous les coups reçus. Il faut savoir mettre certaines choses au compte des pertes et profits de la vie. Cela permet de prendre du recul et de mieux se ressourcer. Il est des gens qui ne sont pas nés pour être mauvais mais qui le sont devenus parce qu'on ne les a pas aimés. D'où l'importance de la famille et du rôle qu'elle doit être amenée à jouer dans la nouvelle pédagogie.
Le luxe est une affaire d’argent. L’élégance est une question d’éducation. (Sacha Guitry) |
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Éduquer l’enfant, c’est lui ouvrir les yeux sur le monde et sur lui-même
La vie m'apparaît comme une navigation longue, à vue, entre ombres et lumières, ordre et désordre, espoir et désespoir. Pour surmonter avec bonheur la fureur des flots et atténuer au mieux les effets du tangage, il est bon d'avoir repères et méthodes. L'histoire doit procurer les uns et les autres, les sciences naturelles également.
Il s'agit bien entendu d'abord de science de la nature, celle qui permet de percer les secrets de l'Univers en commençant par ceux de sa propre personne, et par extension, elle recouvre l'investigation qui permet une connaissance intime des phénomènes et l'invention. Ainsi comprise, cette science est le creuset des sciences. De même que l'histoire, son enseignement sera l'occasion de mettre l'accent sur la vertu première de toute recherche scientifique : l'honnêteté, qualité qu'on alliera à celles exigibles de tout inventeur. La science, l’invention et l’honnêteté doivent aller de pair.
Mais surtout à science, il faut allier amour... Ainsi la science permettra d'aller au cœur des phénomènes certes, mais aussi de s'explorer soi-même et d'explorer les autres, de s'aimer en aimant les autres, car cette éducation nouvelle évitera par tous les moyens de former des handicapés du cœur. La pédagogie de la Nouvelle École y pourvoira amplement car l'échec scolaire est imputable, pour plus de moitié, à un déficit d'affection provenant des familles, du milieu ou des systèmes d'apprentissage. Il faut accompagner plus de sciences par plus d'humanité. Lorsque je vois un élève dans une cour de récréation avec les deux oreilles bouchées par des écouteurs, je me dis qu'il y a une faille quelque part dans cette école. Se connaître, c'est connaître son fonctionnement. Le corps humain est le centre de tout. Par conséquent, le monde, l'Univers doit aussi pouvoir être exploré et connu à partir du corps de l’homme car connaître le corps humain, c’est connaître son anatomie, mais aussi ses réactions physiologiques, c'est-à-dire ses réactions à l'environnement, donc à l'Univers. C'est l'occasion d'établir également la relation entre la sensation, l'intellect et l'Univers.
Que sait-on précisément du cerveau humain ? De sa composition ? De son fonctionnement ? On parle de milliards de neurones certes, mais ensuite ?
A ce jour, on ne sait qu'à peine le cent millième de ce qu'il y aurait à savoir sur le cerveau, sur par exemple les rapports entre les structures et les fonctions. Si l'on apprenait à réfléchir, à chercher les moyens de mieux explorer cet organe en vue d'une meilleure connaissance de soi et des autres ? A ce propos, on prendra garde de ne pas tomber dans le scientisme à la Berthelot, incapable de parvenir à la dimension intérieure de l'homme. Il est sans doute un autre langage que le rationalisme scientifique absolu. Aucune voie, autre que la science pure, dès lors qu'elle permet cette connaissance intime de l'être humain ne doit être exclue. Ni le microscope, ni la lunette astronomique ne permettent de tout voir. Spinoza a fait état d'une connaissance du troisième genre, opposée à celle du deuxième genre qui porte sur les notions communes. L'intuition serait-elle une de ces voies ? En tout état de cause, l'être humain est un tout, une globalité, ce n'est jamais qu'un simple corps. En outre, faut-il préciser que l'homme ne sera jamais totalement transparent à lui-même ni aux autres ; il restera toujours en quelque point un mystère qui stimule la recherche souhaitable et évite la sclérose. Ce mystère est une nécessité. Il faut quelque part que l'homme reste pour l'homme une équation impossible. La transparence totale serait nudité absolue.
Dans nos sociétés contemporaines mécanisées, automatisées, informatisées à outrance, il faut arriver à créer et à cultiver la curiosité de soi et la curiosité de l'autre, non cette curiosité informatique des fichiers, mais la curiosité-générosité de l'âme qui conduise à l'ensemencement de l'homme par l'homme, c'est-à-dire l'enrichissement mutuel et généreux par le regard, par le contact, par le dialogue (la voix), par la communion avec l'autre.
Ainsi après le cerveau, il en est de même pour l'embryon et l'embryologie du développement des organes. Que sait-on dans l'absolu des cellules humaines, de leurs rapports les unes avec les autres ? Que sait-on de façon précise des gênes du développement à l'origine de toute une cascade de formation d'autres gênes et de transformation des cellules, les interactions entre les cellules ? Existe-t-il des gênes identiques chez toutes les espèces vivantes ?...
Du corps humain, on passera au corps social, en étudiant les cellules du corps social comme celles du corps humain. Ceci entre autres vertus permettrait de mieux cerner les anomalies et symptômes de ce corps : ses boursouflures et ses creux, ceux qui sont au centre et ceux qui sont à la périphérie... L'étude du corps social doit aboutir à celle de la nature humaine puis des nations, de leurs composantes, de leurs aspirations, de leurs forces et insuffisances. Dans l'enseignement de la Nouvelle École, les disciplines sont complémentaires. Bien entendu, la pédagogie ne manquera pas de souligner les limites de la science en tout domaine, car science doit aller de pair avec humilité. En revanche, elle veillera à cultiver chez les élèves l'esprit scientifique, l'interrogation sur le pourquoi et le comment de toute chose en toute circonstance... .
Nous sommes frères par la nature, mais étrangers par l’éducation. (Confucius) |
Tiéba — Et l'art ?
Jacques — La pédagogie de la Nouvelle École associera intimement à l'histoire et à la science, l'enseignement des Arts. Ici, Arts s'entend au sens le plus large. Ainsi compris, les Arts c'est aussi la littérature, la poésie, la musique les arts plastiques, la danse à tous les niveaux (en association avec les sciences naturelles et l'éducation physique). Cet enseignement implique l’étude de tout ce qui possède la vertu d’épanouir le corps et l’esprit. À cela sera joint l'étude des hommes et des lieux repères de l'Humanité : poète, artiste, chorégraphe... Cela devra sauver l'homme de la rudesse du siècle, du fracas des machines et du vertige des images, en même temps qu'il permettra de développer la personnalité de chaque individu. L'art est une des voies de l'exploration de l'homme, un instrument privilégié de sondage de l'âme humaine. Il a aussi pour fonction d'épaissir le réel, de l'élargir, en l'enrichissant. En cela, l'art, comme la culture en général permet une dilatation de l'esprit, c'est-à-dire une densification de l'être. L'art, comme l'affirmait si judicieusement Jean Cocteau, n'est pas évasion, mais invasion ; invasion de l'être, donc précisément densification des sens et de l'esprit ; en cela, il participe aussi à la création ou recréation du monde.
L'initiation à la création sous toutes ses formes aura une place de choix dans la didactique des Arts qui doit aussi ménager un espace pour le rêve, car le rêve est création, c'est-à-dire également les jeux, la fête en tant que facteur d'équilibre individuel et de socialisation. « Une vie sans fête est comme une longue route sans auberge. » (Épicure)
Cette notion de création est essentielle. La création doit être l'aboutissement de tout apprentissage. La meilleure définition de l'être humain selon un éminent homme de sciences français, c'est l'aptitude à apprendre. On pourrait y ajouter l'aptitude à créer. Donc l'homme, c'est d'abord l'être social qui apprend et qui crée. Aucun animal ne peut créer les pyramides d’Égypte, la pénicilline, la Joconde, les Fleurs du Mal...
Cette didactique de la connaissance de soi et de la création illustrera les propos de Pic de la Mirandole selon qui Dieu appela Adam et lui dit :
« Je t'ai donné une raison et des facultés déterminées... Tu découvriras toi-même ta propre nature... Je t'ai créé libre. Je t'ai placé au centre de l'Univers pour que tu puisses découvrir ce qui existe. ».
Tiéba — En définitive tout se tient car l'éducation physique participe déjà aux Arts par la danse et la création, outre son domaine propre qui reste de modeler le corps et l'esprit, d'assurer l'harmonie de l'être.
L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. (Nelson Mandela) |
Jacques — L'objectif global, c'est parvenir effectivement à l'eurythmie, en rapport avec l'environnement physique et humain.
L'enseignement fera également une place aux « héros positifs », les nouveaux héros : ceux qui ont pour vocation de sortir l'homme de la barbarie ou d'éviter qu'il y retourne. Ceux qui préservent notre cadre naturel de toutes les pollutions, qui plantent des arbres ou sauvent des animaux, ou qui soignent les blessures de l'homme et de la nature. Bref, les héros positifs sont les hommes et les femmes qui promeuvent la coopération internationale, sèment l'espérance dans les cœurs, chantent l'amour et la fraternité et non les prophètes de la désolation à la bouche écumante de haine, aux bras chargés des sinistres trophées de guerre.
L'objectif, c'est aussi que l'individu parvienne au sommet de lui-même en découvrant ses potentialités cachées et en exaltant au mieux ses facultés. Cela a déjà été dit : on n'est que ce qu'on a dans la tête.
Chaque individu est unique avec ses dons propres et ses capacités spécifiques. Et il existe autant de bonheurs que d'individus sur terre. Il s'agit pour chacun d'utiliser ce qui lui est propre, ce qui lui appartient, du mieux possible, en vue de se réaliser le mieux possible.
Tiéba — Oui, mais le sage a dit que le bonheur consiste à se contenter de ce que l'on a.
Jacques — Bien sûr, encore faut-il savoir ce que l'on a exactement.
Savoir et faire doivent constituer un programme infini, un programme de vie dans le cadre duquel chacun de nous doit se réaliser. Il s'agit de se battre, mais contre soi. Chacun de nous doit marcher vers son sommet, sans cesse marcher vers son « Everest ». ; Everest physique, intellectuel, moral. L'enseignement de la Nouvelle Ecole permettra justement à chacun de savoir distinguer son Everest. Pour les uns ce sera l'Everest, mais pour les autres l'Aconcagua ou le Mac Kinley, mais cela peut-être aussi le Kilimandjaro ou le Mont Blanc. Et la compétition, quelle qu'elle soit : scolaire, sportive, intellectuelle ou morale doit avoir pour objectif de permettre à chacun d'évaluer sa position personnelle par rapport à son Everest. Cette compétition n'est autre chose qu'un défi personnel, individuel. Dans cette marche, cette longue quête du sommet, quand on tombe, il faut se relever et repartir.
Ainsi, dans cette ascension, le point de départ n'est pas forcément le même pour tous. Certains partent du niveau de la mer, d'autres de la plaine ou de la vallée, mais aussi cela peut être du dessous du niveau de la mer à moins que ce ne soit la colline jouxtant le pied de la montagne. De même, le rythme de la marche est inégal, le viatique différent... En vertu de toutes ces données et tous ces paramètres, le sommet atteint n'est pas le même pour tous. Il y a deux sortes de marcheurs, d'une part ceux qui, la ligne d'arrivée franchie décrochent, se couchent et soufflent et d'autres qui, au contraire, une fois la ligne franchie, voient immédiatement une autre ligne se profiler à l'horizon. Pour ceux-là, le défi est permanent.
Mais on ne peut pas tout gagner dans la vie. On ne peut pas toujours gagner tout contre tous, ni relever tous les défis de la vie. D'où la nécessité de savoir perdre. Qui ne sait pas perdre ne mérite pas de gagner. Perdre, c'est comprendre le prix de la victoire et donner du goût à la victoire.
Même si l'on reste sur les flancs de la montagne, on en sort grandi. C'est l'essentiel. Il faut savoir reconnaître et respecter ses limites pour reconnaître et respecter celles d'autrui.
L'essentiel, c'est de comprendre que la vraie aventure est intérieure et que nous avons, au fond de nous-mêmes, notre propre Annapurna à vaincre, nos Himalaya à escalader... Cet effort vers les cimes, c'est tout simplement un élan vers l'accomplissement de soi.
Jusqu’au ciel, pierre à pierre, élevons notre mur. |
Tiéba — Je perçois mieux à présent l'absolue nécessité des quatre disciplines fondamentales de la Nouvelle École. Ce sont elles qui, en permettant de modeler le corps et l'esprit favorisent cette marche, cette ascension vers notre Everest, vers le sommet de nous-mêmes. La connaissance apportée par les sciences naturelles vaut aussi pour les éléments naturels de la montagne ; la faune et la flore, les basses altitudes et leurs propriétés, les hautes altitudes et leurs caractéristiques, l'ubac et l'adret, les microclimats... L'éducation physique a garni les membres de muscles et la tête de dopants. Les Arts, avec l'éveil et l'acuité des sens, permettent la symbiose avec la nature, et l'histoire, de comprendre ce que fût la montagne dans la vie des humains, dans le passé et le présent, un lieu de passage et de vie qui relie les générations de par le monde. Par l'histoire, le passé doit irriguer le présent et dégager les voies du futur. Ainsi, dans la vallée comme au sommet de la montagne, l'élève ou l'ancien étudiant de la Nouvelle École reste parmi les siens : les hommes et la nature en harmonie avec le passé et le présent. (Tidiane Diakité, Dialogues impromptus à une voix. Archéologie d'une conscience).
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(1) L'auteur dédoublé en 2 personnages : Tieba et Jacques qui entretiennent un dialogue fécond.
L’éducation est plus qu’un métier ; c’est une mission qui consiste à aider une personne à reconnaître ce qu’elle a d’unique et d’irremplaçable, afin qu’elle grandisse et s’épanouisse. (Jean-Paul II) |
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