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25 octobre 2023 3 25 /10 /octobre /2023 09:25

SOURIONS UN PEU FACE AUX ALÉAS DE LA VIE EN CE MOMENT !

 

 

Si vous voulez oublier un peu les folies du monde ou vos propres difficultés, rien de mieux que de se plonger dans le livre de Jérôme Duhamel pour reprendre un peu d’énergie.

Voici quelques perles de l’école piochées dans le livre de Jérôme Duhamel « Les perles de l’école (Albin Michel).

Les élèves :

« -On ne doit pas crier à la cantine pour pas balancer des bactéries dans les nourritures.

-Moïse était le seul homme à avoir le droit de téléphoner directement à Dieu.

-Il paraît que Napoléon n’a mis que son cœur dans son tombeau aux Invalides et qu’après il a été mourir ailleurs…

 

*Ou encore

 

-Quand l’eau s’évapore, la casserole reste toute seule…

-Une bibliothèque, c’est comme un cimetière pour les vieux livres.

-L’oreille interne est une oreille qui permet d’entendre les bruits du cerveau.

-Dans le désert, les fleuves coulent à sec.

-Les nuages sont des sacs de vent remplis de pluie.

 

*Il fallait y penser !

 

Quand il y a une éclipse, la lune vient se cacher sur la terre.

-Calais est un village français de la banlieue de Londres.

-Le temps passe moins vite aux antipodes parce que les gens sont obligés de marcher plus doucement et en faisant bien attention parce qu’ils ont les pieds en haut et la tête en bas.

-Quand on lance le poids, il faut bien faire attention à ne pas partir avec…

 

Les professeurs ne sont pas en reste :

 

-Votre fils prétend avoir juste copié « un peu » sur son voisin… Son voisin s’appelle donc Victor Hugo et s’est fait plagier 4 pages entières par votre fils !

 

Et les parents non plus…

-Même à la maison mon fils est souvent absent et c’est pas pour ça qu’il m’amène des mots d’excuse…

 

Jérôme Duhamel est un journaliste, écrivain et éditeur français, né en 1949 et mort en 2015. Il est le petit-fils de l’écrivain Georges Duhamel et de Blanche Albane (actrice). Son père Bernard Duhamel était professeur de chirurgie et son oncle, Antoine Duhamel, compositeur. Lui-même est le filleul de François Mauriac (écrivain).

Quelques-uns de ses livres :

Les Perles des fonctionnaires

La Fête des perles

Le XXe siècle bête et méchant

C’était mieux avant

Le Bêtisier du XXe siècle

Grand inventaire du génie français en 365 objets.

...

 

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14 octobre 2023 6 14 /10 /octobre /2023 08:17

 

LITTÉRATURE NÉGRO-AFRICAINE

OU

LITTÉRATURE AFRICAINE ?

Lilyan Kesteloot, Anthologie négro-africaine

   Le débat fut long et difficile pour définir avec précision, à la satisfaction de tous, la littérature née en Afrique, en lien avec la colonisation, notamment la colonisation européenne.
   Un constat : cette littérature est effectivement née avec la colonisation européenne : française, anglaise, portugaise, allemande, espagnole…


   Sans refaire le débat, il convient de signaler simplement l’apport de l’autrice, Lilyan Kesteloot, en ce domaine.
   Née en 1931, en Belgique, morte à Paris en 2018, elle fit des études supérieures dans des universités belges, études conclues par sa thèse monumentale : Anthologie négro-africaine, Histoire et textes de 1918 à nos jours.
   Elle enseigne ensuite dans des universités en Afrique : Cameroun, Mali, Sénégal, Guinée, Côte-d’Ivoire…

   Pour elle, toutes les littératures africaines ont un rapport direct avec la colonisation ou avec le contact des Noirs issus de la Traite, mais aussi de l’Histoire en général, exemple : la littérature originelle de l’Afrique, issue de la littérature orale africaine : contes, légendes...
   Selon elle, cette littérature a évolué ou évolue avec l’histoire de chaque pays africain de la colonisation à nos jours.

   Au début de la colonisation les lecteurs plébiscitaient les auteurs noirs ou blancs dont les écrits étaient consacrés à l’Afrique, puis sont privilégiés les auteurs qui s’attaquent aux colonisateurs et à l’esclavage, comme par exemple Senghor et la Négritude.   
   Les indépendances des pays colonisés constituent une autre étape, un autre genre d’écrivains et de lecteurs, avec une influence grandissante des Noirs américains sur leurs « frères colonisés ». C’est l’épisode du débat « panafricanisme avorté » et ses conséquences politiques »

Lilyan Kesteloot (1931-2018)

*

Écoutons Lilyan Kesteloot présenter sa vision de la « littérature africaine » dans l'introduction à son ouvrage : Anthologie négro-africaine, Histosire et textes de 1918 à nos jours, EDICEF.

*

« Pourquoi avons-nous adopté le titre d'Anthologie « négro-africaine » pour présenter l'ensemble des œuvres littéraires, tant orales qu'écrites, qui expriment la vision du monde, les expériences et les problèmes propres aux hommes noirs d'origine africaine ?

Pourquoi ne parlons-nous pas de littérature « nègre », ou mieux de littérature africaine ? Et pourquoi spécifie-t-on la race ? A-t-on jamais parlé de littérature blanche ou jaune ? Non. Mais il faut éviter l'équivoque qu'entraînerait le seul adjectif « africain ». Car on engloberait alors abusivement la littérature des Africains du Nord, qui, culturellement, appartiennent au monde arabe.

Pourquoi « négro-africain » est-il plus précis que « nègre », encore qu'on emploie couramment l'un pour l'autre ? Négro-africain indique une nuance géographique qui est aussi une référence culturelle importante : il ne s'agit pas des Noirs de Malaisie ou de Nouvelle-Guinée. Mais bien de ceux d'Afrique qui ont, au cours des siècles, développé une civilisation bien particulière que l'on reconnait entre toutes.

Nous considérons donc la littérature négro-africaine comme manifestation et partie intégrante de la civilisation africaine. Et même lorsqu'elle se produit dans un milieu culturellement différent, anglo-saxon aux U.S.A., ibérique à Cuba et au Brésil, elle mérite encore d'être rattachée à l'Afrique tant le résultat de ces métissages conserve les caractères de l'Afrique originelle. Ceci est plus sensible encore dans la musique : qui niera par exemple l'africanité du jazz ou des rythmes cubains ?

L'aire de la littérature négro-africaine recouvre donc non seulement l'Afrique au Sud du Sahara, mais tous les coins du monde où se sont établies des communautés de Nègres, au gré d’une histoire mouvementée qui arracha au Continent cent millions d'hommes et les transporta outre-océan, comme esclaves dans les plantations de sucre et de coton. Du Sud des Etats-Unis, des Antilles tant anglaises que françaises, de Cuba, de Haïti, des Guyanes, du Brésil, rejaillit aujourd'hui en gerbes l'écho de ces voix noires qui rendent à l'Afrique son tribut de culture : chants, danses, masques, proses, poèmes, pièces de théâtre ; dans tous les modes d'expression humaine s'épanouissent des œuvres marquées du génie de l'Afrique traditionnelle, et qui témoignent de la profondeur de ses racines autant que de la vigueur de ses greffes.

 

*

*La littérature orale traditionnelle

Dans la littérature négro-africaine nous distinguerons les œuvres écrites en langues européennes et la littérature orale qui se fait en langues africaines.

Cette dernière est de loin la plus ancienne, la plus complète et la plus importante. Ancienne car pratiquée depuis des siècles et transmise fidèlement par des générations de griots ou aèdes, dont les mémoires ne sont rien de moins — dans une civilisation orale — que les archives mêmes de la société.

Complète car cette littérature comprend tous les genres et aborde tous les sujets : mythes cosmogoniques, romans d'aventures, chants rituels, poésie épique, courtoise, funèbre, guerrière, contes et fables, proverbes et devinettes. Importante par son abondance, son étendue et son incidence sur la vie de l'homme africain. En effet, cette littérature orale n'a jamais cessé, même pendant la colonisation, d'animer les cours des chefferies, comme les veillées villageoises, ni de proliférer avec une liberté et une virulence échappant au contrôle des étrangers ignorant d'habitude les langues indigènes.

Quant à sa portée sur le public africain, il faut savoir, pour en juger, que cette littérature orale charrie non seulement les trésors des mythes et les exubérances de l'imagination populaire, mais véhicule l'histoire, les généalogies, les traditions familiales, les formules du droit coutumier, aussi bien que le rituel religieux et les règles de la morale. Bien plus que la littérature écrite, elle s'insère dans la société africaine, participe à toutes ses activités ; oui, littérature active véritablement, où la parole garde toute son efficacité de verbe, où le mot a force de loi, de dogme, de charme.

Et les chefs des nouveaux Etats indépendants sentent si bien le pouvoir de cette littérature, qu'ils n'hésitent pas à confier aux griots traditionnels le soin d'exalter leur politique ou leur parti.

Littérature plus vivante parce que non figée, et transmise directement du cerveau qui l'invente au cœur qui l'accueille ; plus ardente parce que recréée à chaque fois, au feu de l'inspiration ; plus souple parce qu'adaptée, exactement, au jour, au lieu, au public et aux circonstances.

Mais certes, il faut avouer que les littératures orales sont aussi plus fragiles, difficiles à consigner, à inventorier et à cataloguer. C'est d'ailleurs à cause de ce handicap qu'elles sont encore mal connues, et méconnues ; nous faisons le point sur l'état actuel de ce problème en fin de notre ouvrage.

 

*

*La littérature écrite moderne

Voilà aussi pourquoi ce livre porte surtout sur la littérature écrite. Ce qui ne veut pas dire que celle-ci soit sans intérêt, et qu’on l’aborde à défaut d’avoir accès à l’autre !

La valeur des écrivains négro-africains n’est d’ailleurs plus à démontrer. Des voix autorisées l’ont d’ores et déjà reconnue, et je songe à André Breton, Michel Leiris, Sartre, Armand Guibert, Jean Wagner, Georges Balandier, Claude Wauthier, Roger Bastide, Janheinz Jahn !

Mais à l’opposé de la littérature orale, cette littérature écrite est d’origine assez récente ; car elle n’est pas à confondre avec les œuvres que certains lettrés africains et antillais ont écrites de tout temps, à la manière française, anglaise, portugaise et même russe (comme Dumas, Pouchkine, etc.).

J’ai dit plus haut qu’une littérature est avant tout la manifestation d’une culture. On n’a donc pu parler de littérature négro-africaine qu’au moment où les livres écrits par les Noirs ont exprimé leur propre culture et non plus celle de leurs maîtres occidentaux. Or cette désaliénation de l’expression littéraire n’a pu se faire, chez les Noirs, qu’à la lumière d’une prise de conscience douloureuse de leur situation socio-politique.

C’est ce qui explique le caractère agressif de leurs œuvres, et leur prédilection pour certains thèmes : l’analyse des souffrances antiques et multiformes que la race endure comme un destin implacable, la révolte titanesque qu’elle prépare contre ses bourreaux, la vision d’un monde futur et idéal d’où le racisme serait banni et bannie l’exploitation de l’homme par l’homme, le retour enfin aux sources culturelles de l’Afrique-Mère, continent mythique certes, mais aussi très concrète matrice d’une Weltanschaung qui a profondément déterminé l’âme des peuples éparpillés aujourd’hui dans la vaste diaspora nègre.

La naissance de la littérature noire écrite s’est faite dans le déchirement, et cela est bien sensible dans le texte de W.E.B. Du Bois qui commence ce panorama. Dès le début de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler « le mouvement de la négritude », l’écrivain noir fut contraint de s’engager dans ce combat étrange que menait toute une race pour la conquête de sa liberté, voire de son statut d’homme.

La littérature nègre porte donc très nettement les stigmates de ce combat. C’est seulement ces toutes dernières années, alors que certaines parties du monde accèdent à une libération effective, que des œuvres, des problèmes raciaux viennent au jour : chants d’amour batanga, drames de jalousie du Ghana, comédies sur le mariage et la dot en pays ewondo — autant de symptômes qui indiquent que la négritude se débarrasse de l’obsession du racisme — quand on ne lui oppose plus le racisme.

La négritude redevient simplement la manière particulière aux Négro-Africains de vivre, de voir, de comprendre, d’agir sur l’univers qui les entoure ; leur façon bien à eux de penser, de s’exprimer, de parler, de sculpter, de raconter des histoires, de faire de la musique comme de faire de la politique, bref : caractéristique culturelle. La littérature africaine nous en transmet les multiples facettes et nous souhaitons qu’elle continue à se développer dans l’épanouissement de l’authenticité retrouvée.

 

*

*Littérature africaine ou littérature nationale ?

Est-ce à dire que les auteurs négro-africains n’ont plus d’autres problèmes que celui de la joie d’écrire ? Ce serait trop beau ! Entre tous, nous évoquerons trois de ces problèmes.

Tout d’abord, celui de l’unité culturelle de l’Afrique. Littérature nationale, tribale ou littérature africaine ? C’est un faux dilemme : pour faire plus « africain », certains sont tentés de rester dans les sentiers battus des thèmes bien éprouvés : souffrance nègre, colonialisme, néocolonialisme, Afrique des Ancêtres etc. et se perdent dans la banalité ! Il faudrait que les intellectuels aient plus de foi dans la civilisation africaine et ne redoutent pas d’y plonger. Car il y a plus d’« africanité » dans Soundiata de Tamsir Niane, dans Chaka de Thomas Mofolo, dans Trois prétendants, un mari de Guillaume Oyono, que dans les œuvres d’Edouard Glissant ou de Paul Dakeyo.

Comme le disait Gide : c’est en approfondissant le particulier qu’on accède au général. Ce n’est pas en criant « Seigneur, Seigneur » ou plutôt « Afrique, Afrique » que les orphées noirs retrouveront leur négritude s’ils l’ont perdue. Mais les intellectuels formés pour la plupart en Europe et coupés de leur milieu traditionnel ont à refranchir le fossé qui les en sépare, pour manifester valablement les Africains d’aujourd’hui.

Reste à savoir s’il importe pour l’écrivain négro-africain de manifester quelqu’un d’autre que lui-même ?

 

*

*La littérature engagée

Ceci nous amène à considérer le second problème que se posent les auteurs noirs. Dans quelle mesure la littérature doit-elle rester « engagée » ? Nous avons vu qu’à sa naissance, elle était d’emblée militante, ce qui lui donnait d’ailleurs cette exceptionnelle unité qu’à très bien fait remarquer le malgache Rabemananjara. « La vérité est que, sous l’impératif de notre drame, nous parlons malgache, arabe, wolof, bantou, dans la langue de nos maîtres. Parce que nous tenons le même langage, nous arrivons à nous entendre parfaitement de Tamatave à Kingston, de Pointe-à-Pitre à Zomba. »

Nul ne songera à nier la force et le relief que prit ainsi la littérature nègre dès ses débuts. Mais ce demi-siècle d’unanimité combattante peut commencer de peser sur la plume des jeunes. Plusieurs songent et s’essayent à une expression plus individualiste, à un lyrisme plus personnel. Et il est préférable en effet de se cantonner dans son petit moi que de jouer les grandes orgues de l’unanimité nègre sans y croire. Tous les jeunes — et même les anciens — n’ont plus la conviction qui animait encore les Maunick et les Tchicaya. Mais le passé encore proche risque d’exercer le diktat de l’« engagement » obligatoire.

Et ici nous rappellerons qu’en dépit de tous les impératifs extérieurs, l’art et la poésie n’obéissent à la contrainte qu’an prix de l’inspiration. Que la seule obligation péremptoire à laquelle l’artiste est tenu de se soumettre est l’engagement en lui-même, à savoir : l’authenticité. Et qu’on ne pourra garder grief à J. Nzouankeu ni à Nyunai, à Camara Laye ni à Birago Diop, parce qu’ils ne soulèvent pas de problèmes sociaux, raciaux, politiques, mais se contentent d’explorer leur folklore quotidien ou les labyrinthes de leur esprit inquiet.

La question de l’engagement se règle dans la conscience de chacun et n’est pas un critère esthétique. De même, il ne suffit pas de mettre en vers ses bonnes intentions pour faire un bon poème.

 

Il reste que l’artiste qui arrive à exprimer l’âme de sa collectivité tout en coïncidant parfaitement avec lui-même, est sans doute plus représentatif, à l’intérieur d’une littérature, d’une culture. Il reste aussi que, dans la tradition africaine, l’artiste assumait un rôle social qu’il n’a plus en Europe. Et dans la mesure où l’écrivain noir se soucie de « retour aux sources », il ne peut manquer d’être sensible à ce rôle traditionnel que jouait et jour encore le griot ou le conteur à l’égard de son groupe.

 

*

* Langues européennes ou langues africaines?

Le troisième problème majeur qui se pose aux écrivains noirs est celui de la langue. Il est assez simple de comprendre pourquoi ils ont commencé à écrire dans les langues étrangères. Comme l’a justement dit J-P Sartre, ils ont utilisé la langue de leurs colonisateurs — « ne croyez pas qu’ils l’aient choisie » — et ce, pour se faire plus largement entendre. De plus les masses africaines ne sachant pas lire, on ne les aurait pas atteintes beaucoup plus en écrivant dans leurs langues. Enfin les éditeurs européens ne s’intéressaient évidemment qu’à des œuvres écrites en langues européennes. Et il est vrai que ce sont le français, et l’anglais qui ont permis aux intellectuels colonisés d’exposer leurs problèmes devant le monde entier, et il n’est pas question qu’ils renoncent à ces langues de communication internationales, à la francophonie entre autres.

Mais aujourd’hui se créent des maisons d’éditions au Nigéria, au Ghana, au Kenya, au Cameroun. Aujourd’hui, grâce à l’alphabétisation intensive, un public africain populaire s’est constitué et s’accroît sans cesse. Aujourd’hui la littérature écrite n’est plus le monopole des universitaires ayant fait leurs études en Europe. Des Africains d’instruction primaire se mettent à écrire, de plus en plus nombreux, et dans un français douteux ou un anglais voisin du pidgin. On ne peut dès lors s’empêcher de penser que ceux qui ont du talent s’exprimeraient mieux dans leurs langues maternelles. Le cas le plus flagrant est celui d’Amos Tutuola : si je reconnais volontiers avec J. Jahn et Raymond Queneau que l’univers de ce planton de Lagos est rempli de la mythologie africaine la plus authentique, je regrette aussi, avec les lettrés nigérians, la bâtardise d’un langage qui n’est plus anglais, ni africain. Tutuola écrivant en yoruba ferait des merveilles, c’est certain, et nous donnerait des œuvres plus authentiques encore plus purement nègres, que l’on pourrait toujours traduire par la suite comme on l’a déjà fait pour le célèbre Chaka (1933) du southo Thomas Mofolo.

Enfin faut-il encore insister sur l’irréparable perte que constituerait, pour les culture africaines, l’abandon des langues nationales ? Tout un domaine de la sensibilité de l’homme ne peut s’extérioriser que dans sa langue maternelle. C’est la part inviolable, particulière, intraduisible de toute culture. L’homme africain ne peut renoncer à ses idiomes traditionnels sans ressentir une amputation grave de sa personnalité.

Ce mouvement de retour aux langues africaines est d’ailleurs largement amorcé surtout dans les pays de colonisation anglaise : au Nigéria où l’on écrit et enseigne le yoruba et le haoussa jusqu’à l’université, dans l’Est africain (Kenya, Uganda, Tanganyika), se développe toute une littérature écrite en Kiswahili. Ne pourrait-on donc imaginer la formation de littératures wolof, bambara, peule, bamileke, ewondo, kikongo, dont les œuvres écrites rejoindraient l’antique courant oral pour former un vaste ensemble de littératures européennes composées cependant de langues nationales aussi différentes que le français, le russe, l’allemand, l’italien, l’anglais, l’espagnol et j’en passe ?

Certains intellectuels africains ont compris cette nécessité et, sans abandonner le français, ils écrivent aussi en peul, comme Hampaté Ba, en kinyaruanda comme Alexis Kagame, en wolof comme Cheik Ndao et Assane Sylla.

 

*

*Le pari cultuel de l'Afrique

 

La survie des langues africaines dépendra essentiellement du crédit que les Africains eux-mêmes leur accorderont.

Ceci  est aussi vrai pour la survie de la civilisation africaine toute entière. Survie nécessaire sans laquelle jamais aucune indépendance politique, aucun développement économique, ne pourra lever le préjugé qui pèse encore aujourd'hui sur le "barbare" sur le primitif, sur l'évolué, le "singe des blancs". Ce préjugé s'amplifie lorsque l'Africain moderne adopte sans réserve le mode de vie européen, les philosophies, l'art même de l'Europe : cela prouve qu'il n'avait rien de bien valable à conserver n'est-ce pas? C'est donc aussi la justification à posteriori de l'action coloniale!

Tel est le pari culturel qu'il importe que l'Afrique gagne. De telle sorte que soit vérifiée cette profession de foi d'Alioune Diop, fondateur de la revue Présence Africaine

« Incapables de nous assimiler à l'Anglais, au Français, au Belge, au Portugais   de laisser éliminer au profit d'une vocation hypertrophiée de l'Occident certaines dimensions originales de notre génie  nous nous efforcerons de forger à ce génie des ressources d'expression adaptées à sa vocation dans le XXe siècle. » »

 

 

 

 

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2 octobre 2023 1 02 /10 /octobre /2023 16:13

FACE AUX ALÉAS DE LA VIE

 

Le livre de Bertrand Piccard Changer d’Altitude a été préfacé par Matthieu Ricard. Dans cette préface il nous montre que l’on peut être heureux face aux aléas de la vie.

Chacun se fait son propre bonheur ou malheur.

Depuis des années, des décennies, je dis toujours à mon épouse, quand il y a des difficultés, ceci :

« Imagine que tu voles au-dessus de notre monde et que tu regardes tous ces êtres humains qui s’agitent dans tous les sens, comme des fourmis. Tu relativises, tu vois que les problèmes sont minuscules dans ce grand Univers. Reste zen, prends les choses comme elles viennent. Soyons juste heureux de vire, le reste n’a pas beaucoup d’importance. »

****

Bertrand Piccard nous donne aussi une leçon de vie dans son ouvrage « Changer d’altitude »

Bertrand Piccard

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*Brève biographie de Bertrand Piccard

Bertrand Piccard est né en 1958 à Lausanne (Suisse). Il est psychiatre, mais aussi explorateur et environnementaliste suisse.

Il est le fils de l’océanographe Jacques Piccard qui a exploré les fonds marins et petit-fils du physicien Auguste Piccard qui, lui, a exploré la stratosphère.

Dans les années 1960 il vit en Floride où son père travaille dans le groupe du programme Apollo. Grâce à un ami de la famille, Wernher von Braun, il assiste au décollage de certaines fusées.

Tout en étudiant la psychiatrie, il devient pionnier du vol libre et ULM en Europe. Il s’essaie aussi au vol en montgolfière, en parapente, deltaplane (champion d’Europe de 1985). Il est vainqueur de la 1ere course transatlantique en ballon (1992).

Avec André Borschberg, il développe et pilote en alternance l’avion Solar Impulse. Ils réalisent le tour du monde en 2016.

Son épouse, Michèle Piccard, avec laquelle il a eu trois filles, participe au service de communication de Solar Impulse.

Il est fait chevalier de l’ordre de Saint-Charles (2012) et promu au rang d’officier de la Légion d’honneur (2017).

****

*Quelques ouvrages

  • Une trace dans le ciel
  • Quand le vent souffle dans le sens de ton chemin
  • Changer d’altitude, quelques solutions pour mieux vivre sa vie
  • Réaliste, soyons logiques autant qu’écologiques.

Bertrand Piccard « est persuadé que l’esprit de pionner ne se limite pas à l’exploration du monde extérieur, mais que c’est avant tout dans notre vie de tous les jours qu’il nous faut le développer. » (Bertrand Piccard, Changer d’Altitude, Pocket).

 

*Préface de son livre écrite par Matthieu Ricard

« Bertrand Piccard nous a habitués à admirer la manière dont il a su, à force d'imagination, de créativité, de persévérance et de courage, transmuer ses rêves en réalité. Avec Changer d'altitude, il nous offre le fruit de réflexions sur son expérience vécue. Ce partage est présenté avec une ingénuité rafraîchissante qui ne vise pas à théoriser sur la meilleure manière de planifier le cours de notre destinée, mais à dégager les leçons de vie qui lui ont paru les plus fécondes, sans jamais perdre de vue l'aspect pragmatique de leur mise en œuvre.

Bertrand nous rappelle notamment que vouloir que le présent soit autre chose que ce qu'il est constitue l'une des plus grandes causes de frustration dans l'existence. C'est aussi la plus inutile. Chaque jour, nous nous trouvons à la croisée de chemins qui sont également le nouveau point de départ d'un futur souvent imprévisible dont nous pouvons cependant être l'architecte inspiré. La peur de l'inconnu s'estompe si nous disposons des ressources intérieures nous permettant de faire face aux aléas de la vie. Pour ce faire, écrit Bertrand, nous devons nous libérer du joug des idées préconçues, puisque : « Nous devenons la plupart du temps prisonniers non pas des vents de la vie, mais de notre propre façon de penser et de comprendre l'existence. »

Notre esprit peut être notre meilleur ami comme notre pire ennemi, et la qualité de chaque instant qui passe est étroitement liée à notre façon d'interpréter le monde. Quoi qu'il arrive, nous avons la possibilité de faire différemment l'expérience des choses et de transformer la façon dont nous traduisons les circonstances extérieures en bien-être ou en mal-être.

Bertrand s'insurge contre la quête « de la maîtrise et du contrôle, de la réponse à toutes les questions, de la construction de certitudes rassurantes ou d'explications toutes faites ». De fait, notre contrôle des conditions extérieures est limité, éphémère, et le plus souvent illusoire. Pour influentes que soient ces conditions, le mal-être et le bien-être sont essentiellement des expériences vécues. Il convient donc de nous demander quelles sont les conditions intérieures qui vont miner notre joie de vivre et quelles sont celles qui vont la nourrir. Changer notre vision du monde n'implique pas pour autant un optimisme naïf pas plus qu'une euphorie factice destinée à neutraliser I’adversité.

« La vie, écrit Bertrand, est remplie de ces situations que nous ne pouvons pas changer et, pourtant, nous avons appris à les refuser plutôt qu'à les utiliser à notre avantage. [...] L'idéogramme qui correspond au mot "crise" en chinois nous y encourage. Il est composé de deux parties, la première signifiant le risque et le danger, alors que la seconde exprime la notion d'action à entreprendre, d'opportunité à saisir. » Les obstacles qui se dressent sur notre chemin ne sont pas désirables en eux-mêmes, mais peuvent devenir des catalyseurs de transformation si l'on sait les utiliser à bon escient. Ne pas être déstabilisés par les revers de fortune ne signifie pas qu'ils ne nous affectent pas ou que nous les ayons éliminés à jamais, mais qu'ils n'entravent plus notre chemin de vie. Il est important de ne pas laisser l'anxiété et le découragement envahir notre esprit. Shantideva, sage bouddhiste du VIIe, siècle, nous le rappelle : « S'il y a un remède, à quoi bon le mécontentement ? S'il n'y a pas de remède, à quoi bon le mécontentement ? »

Il en va de même pour la souffrance. Bertrand cite une enquête réalisée auprès de personnes souffrant d'un cancer et auxquelles on a demandé : « Est-ce que le cancer a eu de quelque façon que ce soit une influence positive sur votre vie ou sur votre sentiment d'exister ? Si oui, laquelle ? » « Environ la moitié des malades, note-t-il, ont répondu par l'affirmative, en citant comme principaux aspects positifs une vie plus intense et plus consciente, davantage de compréhension envers autrui, une meilleure relation avec le conjoint et un plus grand épanouissement intérieur et relationnel. »

Selon la voie bouddhiste, la souffrance n'est en aucun cas souhaitable. Cela ne signifie pas que l'on ne puisse pas en faire usage, lorsqu'elle est inévitable, pour progresser humainement et spirituellement. Comme l'explique souvent le Dalaï-Lama : « Une profonde souffrance peut nous ouvrir l'esprit et le cœur, et nous ouvrir aux autres. » La souffrance peut être un extraordinaire enseignement, à même de nous faire prendre conscience du caractère superficiel de nombre de nos préoccupations habituelles, du passage irréversible du temps, de notre propre fragilité, et surtout de ce qui compte vraiment au plus profond de nous-mêmes.

La façon dont nous vivons ces vagues de souffrance dépend donc considérablement de notre propre attitude. Ainsi vaut-il toujours mieux se familiariser et se préparer aux souffrances que l'on est susceptibles de rencontrer et dont certaines sont inévitables, telles la maladie, la vieillesse et la mort, plutôt que d’être pris au dépourvu et de sombrer dans la détresse. Une douleur physique ou morale peut être intense sans pour autant détruire notre vision positive de I’existence. Une fois que nous avons acquis une certaine paix intérieure, il est plus facile de préserver notre force d’âme ou de la retrouver rapidement, même si, extérieurement, nous nous trouvons confrontés à des circonstances particulièrement difficiles.

Cette paix de l'esprit nous viendrait-elle simplement parce que nous la désirons ? C'est peu probable. On ne gagne pas sa vie seulement en le souhaitant. De même, la paix est un trésor de l'esprit qui ne s’acquiert pas sans efforts. Si nous nous laissons submerger par nos problèmes personnels, aussi tragiques soient-ils, nous ne faisons qu'accroître nos difficultés et devenons également un fardeau pour ceux qui nous entourent. Toutes les apparences prendront un caractère hostile, nous nous révolterons amèrement contre notre sort au point de douter du sens même de l'existence. Aussi est-il essentiel d'acquérir une certaine paix intérieure, de sorte que, sans diminuer en aucune façon notre sensibilité, notre amour et notre altruisme, nous sachions nous relier aux profondeurs de notre être.

Bertrand consacre également une partie de son ouvrage à la manière de résoudre ou d'éviter les conflits, en adoptant le point de vue de I’autre, en faisant preuve d'ouverture et de compréhension, en souhaitant trouver une solution mutuellement acceptable et en se gardant à tout prix de creuser plus profondément le fossé qui sépare deux points de vue. Un proverbe oriental dit que l'on ne peut applaudir d'une seule main. De même est-il difficile de se disputer avec une personne qui ne souhaite absolument pas entrer dans une stratégie de confrontation. La bienveillance et le calme intérieur sont les meilleurs moyens de désamorcer les conflits naissants.

Pour Bertrand : « La liberté, la vraie, ne consiste pas à pouvoir tout faire, mais à pouvoir tout penser. À penser dans toutes les directions et à tous les niveaux à la fois, sans aucune restriction. » On pourrait aussi évoquer le Mahatma Gandhi qui affirma « La liberté extérieure que nous atteindrons dépend du degré de liberté intérieure que nous aurons acquis. Si telle est la juste compréhension de la liberté, notre effort principal doit être consacré à accomplir un changement en nous-mêmes. »

Dans les années soixante-dix, un Tibétain vint trouver un sage âgé, auquel je rendais moi-même visite, près de Darjeeling, en Inde. Il entreprit de lui raconter ses malheurs passés, puis continua par une énumération de tout ce qu'il redoutait du futur. Pendant ce temps, le sage faisait tranquillement rôtir des pommes de terre sur un petit brasero posé devant lui. Au bout d'un moment, il dit au visiteur plaintif : « A quoi bon tant te tourmenter pour ce qui n'existe plus et pour ce qui n'existe pas encore ? » Interloqué, le visiteur se tut et resta un bon moment en silence auprès du maître, qui lui tendait de temps à autre quelques bonnes patates croustillantes.

La liberté intérieure permet de savourer la simplicité limpide du moment présent, libre du passé et affranchi du futur. Se libérer de l'envahissement des souvenirs du passé ne signifie pas que l'on soit incapables de tirer des enseignements utiles des expériences vécues.

S’affranchir de I ‘appréhension à l'égard du futur n’implique pas que l'on soit incapables d'aborder l’avenir avec lucidité, mais que l'on ne se laisse pas entraîner dans des tourments inutiles.

Une telle liberté a une composante de clarté, de transparence et de joie que la prolifération habituelle des ruminations et des fantasmes interdit. Elle permet d’accepter les choses avec sérénité sans pour autant tomber dans la passivité ou la faiblesse. C'est aussi une manière d'utiliser toutes les circonstances de la vie, favorables ou adverses, comme facteurs de transformation personnelle, d'éviter d'être distraits ou arrogants lorsque les circonstances sont favorables, ou déprimés quand elles se font contraires. Ainsi, sans nous départir de notre force d'âme et de notre paix intérieure, nous serons constamment disponibles pour œuvrer au bien d’autrui et au service de nobles causes qui donnent un sens à chaque instant qui passe. »

Matthieu Ricard

****

*Brève biographie de Matthieu Ricard

Matthieu Ricard, né en 1946 à Aix-les-Bains, est un essayiste et photographe français. Docteur en génétique, il devient moine bouddhiste tibétain et réside surtout au monastère de Shéchèn au Népal.

Il est le fils de la peintre française Yahne Le Toumelin et du philosophe, essayiste, journaliste et académicien Jean-François Revel (de son vrai nom Jean-François Ricard)

Par ailleurs, il est aussi le neveu du navigateur Jacques-Yves Le Toumelin, le frère de la poétesse et écrivaine, Ève Ricard et le demi-frère du haut fonctionnaire Nicolas Revel.

Matthieu Ricard fait ses études au lycée Janson-de-Sailly à Paris.

Très tôt il se passionne pour la photo : « Je souhaite utiliser la photographie comme une source d'espoir, pour redonner confiance dans la nature humaine et raviver notre émerveillement devant les splendeurs de la nature ». Il expose et publie ses photographies. 

Très jeune, il découvre la spiritualité à travers l’œuvre de René Guénon. Il cherche à passer de la théorie à la pratique.

Il voyage en Inde et rencontre des maîtres spirituels tibétains, notamment le maître Kangyour Rinpoché.

Après sa thèse en génétique cellulaire à l’Institut Pasteur, il s’établit dans l’Himalaya (1972). Il y médite, étudie et pratique le bouddhisme tibétain.

En 2017 il vivait dans un petit ermitage en montagne en alternance avec sa vie au monastère.

Il devient moine en 1979, et en 1980 il rencontre pour la première fois le dalaï-lama grâce à Dilgo Khyentsé Rinpoché

« Quand j'ai quitté l'Institut Pasteur en 1972, j'avais de côté l'équivalent de six mois de salaire au CNRS, ce qui m'a permis de vivre quinze ans sur place. Durant ces années, j'ai vécu avec 30 euros par mois, ne faisant rien d'autre que méditer ». (Matthieu Ricard)

 

 

 

Ricard traduit le tibétain en français et en anglais et depuis 1989 il est l’interprète en français du dalaï-lama.

En 2000 il fonde l’association humanitaire Karuna Shechen et fait partie du Mind and Life Institute, une association qui facilite les rencontres entre la science et le bouddhisme.

Il collabore avec des institutions de différents pays : Etats-Unis (université du Wisconsin-Madison, Université de Princeton, Université Berkeley en Californie), Allemagne (Institut Max Planck de Leipzig), Belgique (Centre de Recherche du cyclotron à Liège), France (INSERM de Lyon et Caen).

Matthieu Ricard, végétarien, s’est aussi engagé pour la protection de la nature et des animaux.

****

*Quelques-uns de ses ouvrages

  • Solitudes
  • Carnets d’un moine errant
  • Le moine et le philosophe
  • L’art de la méditation
  • Cerveau et méditation
  • Quand la mort éclaire la vie
  • Paroles du Dalaï-Lama

 

Matthieu Ricard collabore à la création du site Treasury of Lives, une encyclopédie biographique en ligne.

Il consacre l’intégralité de ses droits d’auteurs à plus de 200 projets humanitaires au Tibet, en Inde et au Népal.

 

 

 

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14 mai 2023 7 14 /05 /mai /2023 10:21

 

DEUX PETITS POÊMES RAFRAÎCHISSANTS

 

 

La chanson du rayon de lune.

 

Sais-tu qui je suis ? — Le rayon de lune.

Sais-tu d'où je viens ? — Regarde là-haut.

Ma mère est brillante, et la nuit est brune ;

Je rampe sur l'arbre et glisse sous l'eau ;

Je m'étends sur l'herbe et cours sur la dune ;

Je grimpe au mur noir, au tronc du bouleau,

Comme un maraudeur qui cherche fortune.

Je n'ai jamais froid, je n'ai jamais chaud.

                                                                                             (Guy de Maupassant, Des vers, Albin Michel)

 

Guy de Maupassant (1850-1893)
par Nadar

 

> Courte biographie

Guy de Maupassant, (1850-1893) est un écrivain et un journaliste littéraire français. Il est né à Tourville-sur-Arques et mort à Paris, après avoir sombré dans la folie.

 

Son père est originaire de Lorraine. Homme volage, il épouse une jeune fille normande, Laure Le Poittevin, une amie de Gustave Flaubert qui est le filleul du père de Laure.

Laure est une femme très cultivée. Elle aime beaucoup les classiques, notamment Shakespeare.

1856, naît Hervé, frère de Guy, la famille vit alors près du Havre. Mais en 1859, elle s’installe à Paris et Guy est scolarisé au lycée impérial Napoléon.

1860, Laure et ses enfants s’installent à Étretat, après s’être séparée de son mari.

 

Maupassant passe le reste de son enfance à Étretat, dans une grande bâtisse du 18e s. que sa mère a acquise avant son mariage. Il vit entre mer et campagne, dans l’amour de la nature et des sports en plein air.

À 13 ans il est pensionnaire de l’institution ecclésiastique d’Yvetot. C’est là qu’il commence à écrire des poèmes. De cette époque il garde une grande hostilité envers la religion.

Il continue ses études au lycée de Rouen où il est bon élève ; il continue la poésie et participe également aux pièces de théâtre.

1868, son baccalauréat en poche, il étudie le droit à Paris mais la guerre va contrarier ses plans.

À 20 ans, Maupassant s’enrôle comme volontaire dans la guerre franco-prussienne.

Après la guerre il s’installe définitivement à Paris. Il travaille un an au ministère de la Marine comme « employé aux écritures non rémunéré ». Puis il passera 10 ans comme commis à la Marine puis au ministère de l’Instruction publique, grâce à Flaubert.

Le soir il travaille à ses œuvres littéraires.

 

Approché par Catulle Mendès pour devenir franc-maçon, Maupassant a cette phrase :

« Je veux n’être jamais lié à aucun parti politique, quel qu’il soit, à aucune religion, à aucune secte, à aucune école ; ne jamais entrer dans une association professant certaines doctrines, ne m’incliner devant aucun dogme, devant aucune prime et aucun principe, et cela uniquement pour conserver le droit d’en dire du mal. »

Pour se distraire, il aime faire du canot sur la Seine en charmante compagnie. Il mène une vie joyeuse, mais en 1877 on lui diagnostique la syphilis dont il mourra.

Il fréquente des écrivains tels, Flaubert, Edmond de Goncourt, Mallarmé, Tourgueniev, Zola, et beaucoup d’autres.

De 1880 à 1890, la période la plus féconde de Maupassant, il publie 6 romans et plus de 300 nouvelles et quelques récits de voyage.

Été 1881, il voyage en Algérie et Tunisie pour le journal Le Gaulois pour comprendre le sentiment anti-français. Il publie plusieurs articles « Lettres d’Afrique » sous le pseudonyme « un colon » ou « un officier » dans lesquels il critique la politique coloniale de la France. Il note les injustices et dysfonctionnements de la colonisation.

Maupassant publie aussi sous le pseudonyme « Maufrigneuse » un certain nombre d’ouvrages.

Dans les dernières années de sa vie, il a de plus en plus d’hallucinations et souffre de troubles visuels qui le handicapent beaucoup. Il s’isole de plus en plus, souffre de paranoïa. Physiquement il est décharné, se sent de plus en plus mal. Il essaie de se suicider en 1892, à la suite de quoi il est interné à Paris, dans la clinique du docteur Blanche. Il meurt de paralysie générale, après 18 mois d’inconscience presque totale, le 6 juillet 1893.

 

> Ses œuvres principales, romans et recueils de nouvelles, théâtre, poèmes, récits de voyages

Une vie, Bel Ami, Pierre et Jean, Boule de Suif, Le Horla, Fort comme la mort…

La Maison Tellier, Mademoiselle Fifi, Contes de la Bécasse, Clair de lune, contes du jour et de la nuit, le Horla…

Histoire du vieux temps, À la feuille de rose, maison turque…

Des vers, des vers et autres poèmes

Au soleil, Sur l’eau, La Vie errante…

 

La chute d'un gland.

 

Au pied d'un chêne et sur un vert gazon

Se reposait une belette,

Quand un gland détaché par le froid aquilon

Vient tomber d’aplomb sur sa tête.

 

Elle s'éveille, et, tremblante d'effroi,

De ce lieu dangereux s'enfuit à perdre haleine,

Criant au rat des champs qu'elle regarde à peine :

« Là-bas, là-bas, vient de tomber sur moi

La branche énorme d'un gros chêne ».

 

Le rat n'eut garde d’aller voir.

Il dit à deux lapins, broutant sur la colline,

Qu'un gros chêne venait de choir

Sur la belette, sa voisine.

 

Les lapins en le racontant

Y mêlent des éclairs et le feu du tonnerre.

Un écureuil qui les entend

Y joint un tremblement de terre.

 

Bref, les faits, les détails, l'un par l'autre appuyés

S'étaient, le lendemain, si bien multipliés

Qu'à trente milles à la ronde

Tous les animaux effrayés

Dans la chute d'un gland voyaient la fin du monde.

                                                             (Guillaume Viennet, Fables)

 

 

Courte biographie

VIENNET GUILLAUME (JEAN-PONS-GUILLAUME VIENNET) (1777-1868) est un poète et dramaturge français, membre de l’Académie française mais aussi un homme politique.

 

Viennet est né à Béziers. Après des études secondaires au collège de Béziers, ses parents le destinaient à devenir ecclésiastique mais à 19 ans il choisit l’armée et entre comme lieutenant en second dans l’artillerie de marine. Il est envoyé à Brest puis Lorient.

1797, dès sa première sortie, son vaisseau l’Hercule, est attaqué par les Anglais et l’équipage, réduit de moitié, est fait prisonnier. Viennet reste prisonnier pendant 7 mois à Plymouth. Pour passer le temps et se consoler des rigueurs de la détention, il s’adonne à la poésie et monte des pièces de théâtre à bord de sa prison maritime.

Il recouvre la liberté grâce à un échange de prisonniers et réintègre son corps d’origine.

1812, il vient à Paris où il s’adonne à l’écriture.

1813, il fait la campagne de Saxe en tant que capitaine et fut décoré de la main de Napoléon, à la bataille de Bautzen. Mais à la bataille de Leipzig il est fait prisonnier et ne rentre en France qu’avec la Restauration.

Il devient aide de camp du général de Montélégier (aide de camp du duc de Berry).

Après des péripéties politiques il n’a plus d’emploi et se consacre à l’écriture et au journalisme. Il collabore à différents journaux jusqu’à ce qu’il soit admis, grâce à Gouvion Saint-Cyr, dans le corps royal d’état-major.

Pendant ce temps il continue son activité littéraire et musicale.

1823, nommé chef d’escadron à l’ancienneté, il est rayé des cadres en 1827, suite à la publication de son Épitre aux chiffonniers pour la liberté de la presse.

1812, il est élu député (2e arrondissement de l’Hérault, Béziers).

1830, Viennet est élu à l’Académie Française

Il poursuit ses travaux littéraires jusqu’à son dernier jour ; il s’éteint au Val-Saint-Germain, près de Dourdan en 1868.

 

Quelques œuvres

Épitres, Clovis, Le Siècle de Damas, le Château de Saint-Ange, Les Serments, Fables, Le Chêne et ses commensaux, L’Os à ronger, Richelieu, la Franciade, Souvenirs de la vie militaire de Jean Pons Guillaume Viennet, de l’Académie française (1777-1819), Journal de Viennet, pair de France, témoins de trois règnes, 1817-1848.

 

Guillaume Viennet (1777-1868)

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21 avril 2023 5 21 /04 /avril /2023 07:06

L’Église céleste (Paul Schuss)

***

PAUL SCHUSS

Un peintre contemporain français

Atelier (Paul Schuss)

***

> Paul Schuss est un peintre français né en 1948 à Münzkirchen (Autriche).

Ses ancêtres (12ième siècle) sont les Cani della Scala de Vérone (Italie) et les Von Asch du Tyrol du sud. 

En 1949 sa famille vient en France où il grandit. 

Après différents domiciles en Provence et sur la Côte d’Azur sa famille s’installe dans la Nièvre (France) en 1953.

À six ans il fréquente l’école primaire de Passy-les-Tours. Il est un élève brillant apprécié de son instituteur. Puis il fréquente le lycée Jules Renard à Nevers. Mais déjà, il s’intéresse de plus en plus à la peinture, domaine où il excelle rapidement.

1967, après le lycée, Schuss commence des études de droit à Paris, qu’il abandonne très vite pour se consacrer entièrement à la peinture. Il a alors 19 ans.

1968, il rencontre Romain de Tirtoff dit Erté, un artiste russe naturalisé français. Il fréquente aussi d’autres artistes, des écrivains, des acteurs.

1970, il part pour l’Autriche, à la recherche de ses racines. Il vit deux ans à Salzbourg puis s’installe à Vienne où il résidera jusqu’en 1979.

1979 : retour en France. Il s’installe en Bourgogne.

1981 : Schuss épouse Chantal Garceau. Ils ont deux enfants :

Tatiana, vivant aux Etats-Unis.

Romain, installé dans la Nièvre.

Sa passion des voyages, la découverte de nouvelles cultures, de nouveaux paysages, l’amènent à parcourir le monde

 

Paul Schuss a commencé à peindre dès l’enfance. À dix ans, un ami de la famille, Albert Drachkovitch-Thomas (petit-fils d’Albert Thomas, homme politique français) découvre son talent et l’encourage dans cette voie. Il lui offre sa première boite de peinture, il a alors 14 ans. Albert Drachkovitch lui enseigne les bases de la peinture à tempera.

Cependant Schuss étudie les autres techniques picturales en autodidacte, telles l’acrylique, l’aquarelle, le lavis, les techniques mixte… .

À 17 ans, Paul Schuss, encore au lycée, expose pour la première fois des tableaux à la tempera qu’il avait peints de 14 à 16 ans. Cette exposition a lieu au Salon du Groupe Nivernais (à la chapelle Sainte-Marie), à Nevers (France). Tous ses tableaux sont rapidement achetés.

Il exposera dans différents lieux :

Il fait sa première exposition parisienne à la Galerie Duncan en 1969. 

En 1970 il expose au Salon des Surindépendants . 

1975 : Exposition à la Galerie Marcel Bernheim (Paris).

***

(Voir les autres expositions : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Schuss )

 

> Séjour en Autriche

1971 : Salzbourg : Schuss y passe deux ans et exposera plusieurs fois dans la ville de Mozart et notamment à la Residenz.

La ville de Salzbourg lui achète une peinture ainsi que le Salzburgland.

1973 : Schuss s’installe à Vienne : il expose à plusieurs reprises notamment au Palais Lobkowitz qui est alors le Centre Culturel Français. 

Il fait la connaissance du Dr Karl Kanzian qui le guide dans sa quête spirituelle et collectionne ses œuvres.  Celui-ci deviendra le plus grand collectionneur des œuvres de Schuss en Europe. 

 

1974 : le Prince Otto zu Windisch-Graetz, (apparenté à l’impératrice Sissi et à l’Empereur François Joseph) et d’autres membres de la famille de celui-ci, rendent visite à Schuss dans son atelier à Vienne. Le prince Otto photographie alors les grands tableaux du peintre comme : « Derniers Soleils », « Dialogue avec l’Éternel », « Puissance de la Nature ».

 

La Forêt mystérieuse (Paul Schuss)

 

> Sa peinture

Schuss découvre le pouvoir mystique de la lumière, en pleine adolescence.

« C'est aussi en pleine adolescence qu'il découvre le pouvoir mystique de la lumière. La vision d'un flot de lumière dorée, chaude, vibrante et étrange - comme habitée - jaillissant à travers la fenêtre d'une tour d'un château-fort en ruine, le toucha au plus profond de lui-même. Cette image qui lui fit ressentir la vie de la lumière ne le quittera jamais. Elle influera de multiples manières sur son œuvre. » (Wikipédia)

A cette époque l’âme tourmentée de l’artiste s’exprime par des peintures aux tons sombres. 

Le ciel y tient une grande place car Paul Schuss a toujours considéré que c’est dans le ciel que se passait la partie la plus importante dans ses tableaux. 

Schuss utilise aussi l’encre de Chine. Il apprend la lithographie en 1987 dans l’atelier de Jacques Mourlot, fils de Fernand Mourlot ; il réalise 6 lithographies en noir et blanc : « L’Arbre refuge », « Passions indomptées », « L’attente », « Le Vieux Pont », « Les Corbeaux », « La Lettre oubliée » et 5 en couleur : « Tatiana ou le voyage des bulles », « La Méditation »en 1987,  «  Reflets » et  «  A la Croisée des Chemins » en 1988 et enfin « Le Rivage du Silence » en 1989 

Schuss détruit officiellement les plaques qu’il a réalisées pour l’impression et chaque lithographie est accompagnée à la vente d’un certificat d’authenticité signé par Mourlot. 

Ses lithographies en noir et blanc connurent le même succès au Japon que ses lithos en couleurs.

1987, Schuss fait la connaissance de Marc Squarciafichi qui devient son marchand au Japon. Squarciafichi dit Marcestel, expose les œuvres de Schuss, ainsi que celles d’autres peintres de l’École de Paris, dans de grandes galeries à Tokyo : Daimaru, Nikken…, et dans les plus grandes villes du pays .

À cette époque le docteur Sozo Hino, propriétaire du Hino Hospital, aussi grand collectionneur d’œuvres d’art, achète les tableaux de Schuss en vue de créer un musée Schuss à Osaka, mais le projet sera abandonné en 1991, suite à la reprise des essais nucléaires de la France.

Schuss Paul expose dans des galeries internationales depuis plus de 50 ans et beaucoup de ses tableaux se trouvent dans des collections privées et publiques sur les cinq continents.

(Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Schuss )

 

Le peintre Paul Schuss et la peinture

Pour Paul Schuss « l’art se situe au-delà des différences de races, de religions et de culture et de tout autre préjugé allant dans ce sens, d’où sa grandeur.

La peinture comme toute forme d’art est un message d’une âme à une autre âme.

Chaque période de l’humanité choisit dans son héritage culturel, la forme d’art dont elle a besoin, et chaque génération a un autre besoin, de même que chaque être. »

 

Puis le peintre Schuss évoque de façon plus personnelle sa peinture et ses réflexions à ce sujet :

« Lorsque je peins et qu’intensément je suis entré dans mon tableau, il me semble qu’une partie de moi-même se promène ailleurs.

Je ne travaille que quelques heures par jour mais avec une concentration extrême et je m’arrête complètement épuisé. " À chaque jour suffit sa peine. "

J’aime la nature passionnément, et si j’aime la peindre dans tout son feu et dans toutes ses flammes, j’aime aussi la peindre dans toute sa douceur et dans toute sa poésie.

Surtout n’ayez aucune crainte à faire un tableau trop beau, car même lorsque vous pensez avoir atteint le summum, vous êtes encore loin de la Parfaite Beauté, de la Perfection Divine.»

 

 

Schuss poursuit sa réflexion et ajoute :

« Ne croyez pas, lorsque vous voyez dans mes tableaux des éléments de l’imaginaire, que je les ai peints sans raison… ils ont leur place dans l’œuvre avec la même logique que le reste.

Je peux passer bien du temps à savoir par exemple comment un oiseau vole : je l’observe dans la nature, j’étudie des documents scientifiques, jusqu'à ce que j’en ai une excellente connaissance. Puis je le peins dans toute sa vérité à côté d’un ange ou d’un objet en lévitation, ou d’un arbre au-dessus d’un village étrange. Tous ces objets, toutes ces créatures ont dans l’œuvre la même raison d’être, la même réalité, la même vérité.

Il y a des sujets qui me hantent et que je porte en moi des années avant de les peindre. Certains tableaux vivent dans ma tête depuis l’âge de 18 ans et je continue de les affiner.

D’autres surgissent d’un seul coup et sont prêts à être portés sur la toile. »

 

 

 

Dans la suite de ses réflexions, Paul Schuss nous plonge dans le cœur de sa création :

« J’ai une foi absolue dans mon travail, dans mes œuvres. Si je ne l’avais pas, jamais je ne pourrais mobiliser toutes ces forces nécessaires à leur création. Et lorsque je crée une œuvre, je me sens à la fois peintre, poète, musicien, architecte et sculpteur. J’ai l’intense désir d’unir dans mon tableau toutes ces formes d’art en un Art Unique.

Même lorsque je conçois en pensée un tableau jusque dans ses moindres détails, je ne sais jamais le résultat final, car entre le tableau imaginé et le tableau réalisé il y a la résistance de la matière et il ne m’est pas possible de la dominer complètement malgré une technique extrêmement élaborée.

Et une excellente technique est un formidable support pour l’expression de l’artiste, mais ce n’est pas une finalité en soi.

La grandeur d’une peinture dépend de son universalité et non des époques ou des modes. »

 

 

Schuss approfondit sa pensée et ajoute :

« Bien qu’étant un enfant de mon siècle, je me suis toujours senti en opposition avec une partie de mon époque, surtout la partie qui recelait le plus d’agressivité, de brutalités et de manque d’imagination, tant dans la musique, la sculpture, l’architecture, le cinéma, la danse ou la peinture que dans les rapports entre les êtres humains en général.

À une époque de mon développement artistique, lorsque je travaillais à la Tempera, la technique des maîtres anciens me fascinait tellement que j’essayais d’en percer tous les secrets. J’essayais d’en rendre tous les aspects… jusqu’aux craquelures des vernis.

Je peins ce que j’aime et ce que je ressens et je le peins comme je le ressens. Je suis en harmonie avec moi-même.

J’ai le désir intense de canaliser l’harmonie dans mes œuvres et de la redonner au contemplateur pour que ses pensées et ses sentiments s’illuminent et s’élèvent. »

 

Sa philosophie

Paul Schuss développe ensuite, de façon plus générale, sa philosophie du monde et  de l’art en particulier :

« Je suis persuadé que le langage pictural le plus chargé de signification pour l’être humain est celui de la nature, avec toute sa richesse de formes, de couleurs et d’atmosphères.

Et j’utilise donc ce langage concret si puissant plutôt qu’un langage abstrait, tronqué et affaibli. Je suis convaincu que de tous temps l’homme y est plus sensible et le comprend le mieux… et grâce à lui il peut même ressentir les forces cachées derrière ces apparences. »

 

 

« Si vous êtes sincère avec vous-même, vous conviendrez qu’en art il n’est pas possible d’être objectif. Chacun juge une œuvre selon ses critères personnels, selon son degré de sensibilité et d’évolution. Et quels sont les critères pour définir une grande peinture ?

Il y en a autant que de spectateurs… et ils sont aussi contradictoires…

Aussi est-il sage d’établir ses propres critères qui sont tout à fait relatifs.

Une chose est certaine : faites votre travail avec amour et ce que vous peindrez sera vrai ; peu importe le sujet et peu importe le style. »

 

 

Le mysticisme du peintre

Paul Schuss se dévoile ici encore davantage, relatant certains épisodes de sa vie :

« À une période de ma vie, je me voulais absolument antireligieux et pourtant sans le savoir j’avais la foi.

Maintenant je peux m’incliner avec la même humilité devant les Divinités d’un temple bouddhiste ou hindou, devant le Dieu d’une mosquée, d’une église orthodoxe ou d’une cathédrale catholique.

Pour moi il s’agit de la seule et même Divinité à laquelle les hommes ont donné plusieurs noms.

Il est vrai que l’orgueil peut donner beaucoup d’énergie pour réaliser une œuvre, mais quelles souffrances aussi.

Si on parvient à laisser une bonne partie de son orgueil, on vit mieux et on travaille plus sereinement. »

 

 

« Pour une grande part l’artiste est quelqu’un qui n’accepte pas le monde tel qu’il est, et qui veut le recréer à son image.

C’est la partie secrète, la partie mystérieuse, la partie essentielle des êtres et des choses qui me passionne et c’est par l’amour que les choses se dévoilent et livrent leurs secrets et non par le mépris. »

 

Schuss nous dépeint l’état d’esprit dans lequel il travail, les conditions qui lui sont nécessaires.

« Lorsque je peins, je suis d’une sensibilité extrême, un écorché vif.

Aussi me sachant si vulnérable, je ne vis qu’au sein de la nature, de ma famille, de mes amis et de mon tableau.

Je me protège, je me cache de tout le reste. Une fois mon œuvre achevée, je reviens dans le monde profane, je revêts une carapace, je me blinde et je suis prêt à affronter le monde extérieur. »

 

 

Le spleen du peintre

On peut constater que Schuss devient de plus en plus sensible à son vécu, à ce qui se passe dans le monde, à la nature, mais surtout il recherche la sérénité, la beauté, l’harmonie qui grandissent l’âme.

« J’ai suffisamment nagé dans la tourmente et dans les tempêtes dans mes vertes années… et cela jusqu’au dégoût de la souffrance.

J’ai parfois des moments de tristesse infinie comme si je portais en moi la détresse de la terre entière. Mais j’ai aussi des flambées de bonheur et de reconnaissance intense envers mon destin.

Mais j’ai aussi des flambées d’intense soif de pureté et de sérénité, et j’ai donc choisi le chemin qui va vers la beauté et l’harmonie.

Aussi je n’aspire plus qu’à la paix, à l’harmonie et à la sagesse… j’aspire à vieillir car ce sont des qualités qui vont rarement de pair avec la jeunesse. Aussi je ne voudrais pas être plus jeune, pas même d’une seconde.»

 

 

Selon Paul Schuss

« L’Art devrait avoir pour but sublime d’élever l’homme en sensibilisant et en affinant tout son être.

Un art brutal, grossier, laid, sans sensibilité et sans émotions avili l’homme et va à l’encontre de la vie et du progrès. »

Le peintre « souffre de plus en plus devant des couleurs sales, brutales et laides, ou devant des sons sans harmonie, comme on en trouve tant dans notre siècle. »

Et il ajoute :

« Aussi suis-je de plus en plus à la recherche de la transparence, de la luminosité de l’harmonie des couleurs.

Je voudrais en extraire tout ce qu’il y a de sale, d’impur et de grossier afin qu’elles apparaissent comme une pure lumière aux multiples reflets. Il faut ressentir la grandeur de cette pureté pour avoir envie de l’atteindre. »

 

 

Pour lui, certains termes sont essentiels comme :

« Créer …Il n’y a qu’une chose qui importe c’est de créer.

L’intérieur … il faut peindre l’intérieur des êtres et des choses.

Poésie et douce mélancolie vont souvent main dans la main. »

 

 

Le peintre se projette dans l’avenir et nous livre cette réflexion :

« À l’aube de ce troisième millénaire, il nous faut maintenant remonter du creux de la vague, et reconstruire, recréer un monde où la beauté et l’harmonie, la lumière et la spiritualité seront les piliers d’un nouvel édifice.

Au-delà de toutes les horreurs, il y a en ce monde une immense soif de pureté.

Il ne faut surtout pas manquer d’aller dans cette direction.

 

Le succès est formidable car il permet à l’artiste de vivre de son art, cependant ma véritable récompense est dans mon atelier lorsque je peins avec bonheur. »

 

 

L’énigme temps – espace

« L’énigme temps – espace m’a toujours préoccupé ; le temps qui passe, les choses qui se défont, les cycles qui reviennent…

Je suis persuadé que si l’être humain arrive à percer le secret du temps-espace une grande lumière se fera sur le monde et sur son destin. »

 

La Source (Paul Schuss)

 

Quelques articles de presse pour mieux comprendre le peintre Paul Schuss

 

« Paul Schuss, […], ce jeune artiste nous entraîne dan un univers visionnaire d’une étonnante force poétique. Ce romantisme servi pat une technique classique parfaitement maîtrisée est un appel à la méditation, au recueillement, au contact psychique  avec les grandes forces solaires et terriennes sont le peintre se mble capter l’essence, l’âme, la pulsion vitale. Quête d’absolu. Quête de connaissance, de communion avec ce divin — ce soleil intérieur — qui hante ce chercheur de musique des sphères, ce conteur alchimiste d’un autre temps. Soif de paix. Soif de grands espaces illuminés de soleils bénéfiques. Soif de communication, aussi, avec l’essentiel des êtres : le cœur et l’âme. Des œuvres comme « Dialogue avec l’Eternel », « La Planète éclatée » sont d’étonnantes méditations d’une grande richesse spirituelle. » (Revue Moderne, exposition galerie Marcel Bernheim, Paris, 1975)

 

 

 

« L’abstrait d’un côté, le figuratif de l’autre et, entre les deux, un rêveur, un poète, un peintre au surréalisme des plus personnels Paul Schuss, à la Galerie de la Place Beauvau.

D’une délicatesse infinie, le pinceau pose sur la toile des touches en même temps évocatrices et précise. On se trouve face à un univers que l’on croit connaître mais auquel le peintre donne une aura inconnue.

Voici un arbre immense, imposant, richement feuillu, « L’Arbre aux fées ».

On ne les voit pas mais on ressent leur présence.

Elles vont apparaître… non …pas encore mais elles surgiront parce que le magicien Paul Schuss l’aura voulu.

Pureté des ciels, bleus ou fauves, tendresse du paysage et des tonalités environnant « L’Aube » qu’incarne une Aphrodite debout dans le ciel.

Une rivière se transforme soudainement en route à moins que ce ne soit le contraire et l’enchantement continue avec « Les Feux du Couchant » et « Le Chant des Sirènes » ((94 Faubourg St Honoré). Juin 1984. » (Prévisions, L’Économiste de Paris, Panorama artistique, Galeries et Musées, par Robert Barret)

 

 

 

Pour plus d’articles Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Schuss

 

Rêves et paix (Paul Schuss)

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19 mars 2023 7 19 /03 /mars /2023 09:09

Sonia Delaunay, lithographie

***

LA VISION DE L’ART DE GOTTFRIED HONEGGER

DANS SA LETTRE À SONIA DELAUNAY

***

Gottfried Honegger (1917-2016)

*

Gottfried Honegger, né et mort à Zurich (1917-2016), est un peintre, graphiste publicitaire et collectionneur suisse.

Il a vécu et travaillé à Paris, Zurich, Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes)…

1938 : il fonde un atelier de graphisme, de décoration et de photographie.

Entre 1939 et 1960, il séjourne dans différents pays puis revient en France en 1960, où il utilise l’informatique pour des dessins programmés par ordinateur.

Honegger réalise des Tableaux-reliefs aux formats monumentaux.

Il est reconnu comme l’un des piliers de l’art concret (mouvement artistique de tendance abstraite).

Il travaille sur le principe des variations à partir d'un seul et même thème.

 

Il pense que la beauté peut changer le monde. Pour lui, l’art a une fonction sociale, ce qui le conduit à concevoir un outil pédagogique : Le Viseur. Cet instrument est destiné à l’apprentissage du regard pour l’enfant : améliorer la perception des couleurs, des formes, du rythme. En 2015, Honegger avait initié des activités plastiques pour les enfants handicapés.

Il est convaincu que «l'excès d'images virtuelles paralyse notre conscience», il s'inquiète de l'addiction des jeunes aux écrans, allant parfois jusqu'à la folie.

 

Il réalise les vitraux des quatorze baies supérieures de la nef de la cathédrale de Liège, avec Hervé Loire, maître verrier de Chartres. (2014).

En 2000, avec sa dernière épouse, Sybil Albers-Barroer, il fait la donation de leur collection d’art (500 œuvres de 160 artistes) à l’État français.

Sonia Delaunay, portrait (vers 1912)

*

"Lettre à Sonia Delaunay

 

Très chère,

 

Je me souviens, Robert Delaunay m'a écrit autrefois : « Aussi longtemps que l'art actuel ne se libérera pas de l'objet, il restera description, littérature, esclave de l'imitation ».

Effectivement, chère Sonia, vous avez prouvé par votre œuvre qu'un art libéré du « contenu » ouvrait les portes du ciel. Vos tableaux, il faut les percevoir en ouvrant grand les oreilles. La musique des couleurs et le rythme des formes caressent nos yeux, font atteindre le sublime.

J'ai eu envie de vivre et de m'approprier le monde de la même manière que votre art se déploie. A quelle source d'espoir puisent votre espoir, votre joie, votre courage de vivre ? Vous débordez, vous composez un chant de couleurs que je n'oublierai jamais.

Les couleurs, n'est-ce pas, il faut les écouter.

 

Lorsque je vous ai rendu visite, j'ai appris à connaître votre personnalité. Vous avez fait la paix avec l' »être ». L'humain contient l'inhumain, dites-vous, ce fait aussi a besoin de la lumière de l'art. Oui, nous avons besoin de l'art, pour tenir tête à la cruauté du quotidien. L'art est peut-être notre ange gardien, celui qui le suit vit dans la beauté et la vérité.

Je vous ai écoutée avec un grand intérêt raconter votre immigration à Paris. Je suis moi-même quelqu'un qui souffre de l'absence de patrie. Ici, à Paris, je suis un étranger, en Suisse, où je suis né, je suis un Suisse de l'extérieur.

Cette non-appartenance a certainement déterminé la forme et le contenu de mon travail.

L'art, vous avez raison de le dire, est toujours imprégné du lieu du crime, de la culture dans laquelle l'artiste vit et travaille. Hans Hartung, par exemple, quand il immigra à Paris, était un expressionniste allemand. Aujourd'hui, devenu cent pour cent français : c'est un informel.

 

En Europe, cette diversité culturelle nous permet — et pas seulement à l'artiste — de trouver notre biotope, notre identité. Je pense que la diversité culturelle est notre capital européen. La diversité des langues, des mœurs, des traditions correspond à la diversité de nos caractères, à notre histoire. La perte de cette richesse conduit à l'uniformité, à l'égalisation, à la perte d'identité.

Vous m'avez raconté que le poète Maxime Gorki, un ami intime de Staline, le dictateur, a suggéré de faire du russe la langue nationale. Visiblement Staline a repoussé cette idée en arguant qu'il perdrait le pays natal, l'odeur de sa langue maternelle.

Il est pour moi incompréhensible que les politiques actuels puissent envisager avec tant de légèreté l'appauvrissement culturel de la nouvelle Europe. Et pourtant Robert Schuman, le père spirituel de l'Europe, a écrit : « L'Europe avant d'être une alliance militaire ou une entité politique doit être une communauté culturelle ».

 

Votre œuvre prouve que de la rencontre d'une Russe et d'un bourgeois français naissent des fleurs nouvelles et des fruits insoupçonnés. Vous apportiez la couleur, Robert, la forme, et l'inséparable tout fut un enfant européen. Vous représentiez ce qui dans l'avant-garde russe était révolutionnaire : le spirituel ; la liberté était la contribution française de Robert Delaunay. Vous comprenez maintenant pourquoi je suis inquiet. Le libre marché, la puissance économique des monopoles, la mondialisation, la bourse, la consommation de masse, tout cela et plus encore affadit, étouffe pour toujours la prodigieuse richesse culturelle européenne. Ce qui a mis mille ans à se développer est menacé par un néo-libéralisme aveugle. Ce serait à nous les intellectuels de protester, d'éclairer, d'apporter notre concours à la nouvelle Europe.

« La santé de la nouvelle Europe repose sur deux conditions : chaque pays doit avoir sa culture propre et les différentes cultures doivent connaître et reconnaître leur parenté intérieure », Eliot.

« Le pluralisme - c'est-à-dire l'égalité des droits, le vivre ensemble protégé par des garanties fondamentales et la possibilité d'une pluralité de groupes sociaux au sein d'une communauté étatique — a été reconnu de plus en plus clairement comme l'une des caractéristiques d'une démocratie libérale », Sontheimer.

Nous n'avons qu'une alternative : soit la prédominance totale de l'économie dans tous les domaines de la vie, la consommation de masse, l'aliénation et l'anonymat par refus de l'art, soit une politique culturelle qui ne favorise pas les arts de façon centrale mais régionale, qui rend possible d'accroître nos expériences, de renforcer la créativité et la liberté individuelle de chacun de nous.

Certains indices me donnent à penser qu'aujourd'hui une minorité a pris conscience d'un appauvrissement culturel. Je rêve d'une exposition dans laquelle on pourrait montrer la diversité de l'art en Europe. Il n'y a rien de plus beau que d'expérimenter la différence des cultures. À cela s'ajoute que dans un monde qui devient de plus en plus standardisé, les identités culturelles sont vitales pour notre bien-être.

Chère Sonia, je me réjouis de notre prochaine conversation."

***

« Même en dehors du fauvisme, Sonia appartient, par la couleur de ses premiers tableaux à l'espèce des grands fauves. Sa force de création est instinctive comme la puissance animale. » (Jacques Damase)

 

***

SONIA DELAUNAY (Sonia Ilinitcha Stern), qui se considérait avant tout comme française et plus encore, comme parisienne « Je ne me sens bien qu'en France, et encore pas partout. Avant tout l’Île de France, c’est ce que j’aime le plus », est née en 1885, en Ukraine, dans une juive. Son père est ouvrier. À 5 ans, elle est adoptée par son oncle, avocat à Saint-Pétersbourg. Elle vit alors dans un milieu cultivé et passe ses vacances à l’étranger. Elle parle français, allemand, découvre les arts.

En 1903, elle est envoyée à Karlsruhe (Allemagne) où elle étudie de dessin

1905, elle arrive à Paris où elle s’installe dans une pension au quartier latin avec d’autres jeunes filles russes.

Elle suit les cours de l’Académie de la Palette.

Très vite elle travaille seule et part à la découverte de Paul Gauguin, Pierre Bonnard, André Derain et Vuillard qui exposent à la galerie Bernheim et qui ont fondé le fauvisme. Nouveau style qui enthousiasme Sonia mais qu’elle veut dépasser.

 

1907 : son premier tableau fauve, Philomène. Cette période est très importante pour elle. Elle y laisse éclater son goût des couleurs vives. Ces couleurs vont réveiller, plus tard, la tendance »sombre » dans laquelle Robert s'enferme. Mais sous l'influence de Sonia, il se relance dans des couleurs plus franches.

 

1907-1908 : Sonia apprend la gravure. Elle rencontre le collectionneur et galeriste allemand, Wilhelm Uhde quelle épouse en 1908.

Elle commence ses premières « tapisseries-broderies », et à la galerie Uhde, elle rencontre Robert Delaunay, Picasso, Derain, et George Braque.

 

1910 : après avoir divorcé de Uhde, elle épouse Robert Delaunay. Ils reçoivent beaucoup et font la connaissance de Kandinsky Vassily.

1911 : naissance de leur fils Charles.  Sonia réalise sa première œuvre abstraite avec du textile : une couverture pour son fils, un assemblage de coupons de diverses couleurs vives, selon la tradition ukrainienne. Elle joue avec les couleurs comme dans sa peinture, fait des collages, des reliures de livres en papier et déchets de tissus. Elle peint des coffrets, des abat-jour, des voilettes…

1912 : Apollinaire donne  au mouvement pictural fondé par les Delaunay, le nom d’Orphisme.

 

Sonia et Robert Delaunay ont surtout travaillé ensemble sur la recherche de la couleur pure et du mouvement des couleurs simultanées, une tendance qui a inspiré d'autres peintres après eux,

 

De plus en plus orientée vers l’art abstrait, elle crée en 1946 le Salon des réalités nouvelles pour promouvoir l'abstraction.

Elle laisse derrière elle une œuvre abondante qui comprend des tissus imprimés, des livres d'artistes, des robes de haute couture…

Plaque Sonia et Robert Delaunay, 16 rue de Saint-Simon, Paris 7e

***

Commentaire

Déjà en 2003, dans cette lettre, Gottfried Honegger, soulève un problème qui, on le voit aujourd’hui, en 2023, s’est accentué.

L’anglais s’impose partout. Une certaine catégorie de personnes ne veut s’exprimer qu’en anglais (snobisme, manque de connaissance de la langue française… ?)

  • Chanteurs
  • Créateurs d’entreprises
  • Médias

À la radio nationale, on n’entend plus que des chansons en langue anglaise, même si les auteurs sont français, allemands…

Les nouvelles entreprises situées en France portent des noms anglais.

Dans les médias : vocabulaire franglais, anglais, même si la majorité des Français ne comprend rien.

On oublie le vocabulaire français, si riche, on oublie la syntaxe, la grammaire françaises (que de fautes n’entend-on pas, ne voit-on pas dans les médias.

Les entreprises françaises avec des noms anglais, n’incitent pas la majorité du peuple à les contacter.

 

Petit à petit, les jeunes générations, baignant dans cette atmosphère, appauvrissent leurs connaissances en français et bientôt ne sauront plus parler correctement leur langue maternelle.

Sommes-nous condamnés, à plus ou moins long terme, à nous exprimer dans une langue mondiale ou européenne appauvrie, uniformisée, dans une pensée unique.

 

Par contre, le métissage est positif, il apporte de la richesse culturelle, du sang neuf, grâce aux gens venus d’ailleurs et évite ainsi à une société de se scléroser.

Nous apprenons les uns des autres, nous nous enrichissons mutuellement.

Une langue européenne, voire mondiale est utile pour mieux nous comprendre sur notre planète, mais en plus des langues nationales, voire régionales.

 

Avec les progrès, la modernisation (tout cela est utile, voire indispensable) nous avons perdu beaucoup de savoir-faire, beaucoup de vocabulaire aussi.

 

En fait, la pensée s’appauvrit ; s’impose à nous un schéma de pensée universelle, standard, mais très simplifié.

Édith Schuss, L'Anémone rouge

 

 

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14 mars 2023 2 14 /03 /mars /2023 15:25

 

HAMADOUM TANDINA

Le portrait Peulh

 

 

> Qui sont les Peulhs

Les Peulhs, qu’on appelle aussi Fulbhés, Pular… selon les régions, sont un peuple de l’ouest africain jusqu'au Tchad (dans une quinzaine de pays) et notamment du Mali comme l’auteur du poème ci-dessous.

C’est un peuple nomade qui vit essentiellement d’élevage.
La dispersion des Peulhs, leur mobilité, a favorisé les échanges et les métissages avec les autres populations subsahariennes.
Ils comptent de nombreux groupes, mais tous ont un socle commun : la langue peule, la compétence pastorale, la religion musulmane et une tendance à l’endogamie.
Les Peulhs se désignent eux-mêmes par le nom Pullo (prononcé Poulloh), le pluriel étant Fulbé.

La langue et les traditions peules sont transmises oralement par les personnes âgées et surtout les femmes, par l’intermédiaire de légendes, de chants, de comptines.
Les  femmes et aussi les griots transmettent ainsi l’histoire de leur peuple, ses exploits, ses vertus.

 

 

> HAMADOUM TANDINA, lui-même peul, nous trace le portrait poétique du Peulh :

 

 

« LE PORTRAIT PEULH


Conducteur de troupeaux,
Droit, svelte, élancé,
Tel un Don Quichotte
Sur sa fière monture,
On le dit orgueilleux
Et même fanfaron,
Dédaigneux et hautain
Pour tout celui qui n'est pas lui.
Mais il se sent noble,
Raffiné, policé
Et délié d'esprit.
Or, ce fils de la terre
A l'échine courbée
Accuse le pasteur
Qui jamais ne s'incline.
Bel esclave musclé,
Pur athlète d'airain,
Ton rôle est de suer
Pour féconder la glèbe.
Quant à ce fils du vent, le Peulh,
Sa maison un chapeau,
Son outil un bâton,
Toujours seul, mais libre
Et loin des lois humaines.
Il marche sans se presser
Parmi les larges plaines.
L'hermite silencieux
Rêve d'amour, d'honneur.
Il voudrait que son nom
Coure de bouche en bouche.
Qu'il soit dit et redit
Comme un écho sans fin,
Il voudrait que son cœur
Soit malade à mourir.
Pour cette femme idole,
Aimée comme un bijou.
Maîtresse, prison non !
Passion qui pousse au loin.
Tiré par le destin
D'une route sans borne,
Poullo chevauche un pur-sang
Dont la crinière folle
Ondulant dans le vent
Lui susurre tout bas.
Si tu t'arrêtes Peulh,

Ce n'est que pour mourir...

 

 

> Voici, ci-dessous, brève autobiographie d’Hamadoum Tandina, écrite par lui-même :

 

« Je suis malien, originaire de Goundam. De mère peulh du Tioki central et de père Sonrhaï du type arabo-berbère, je suis né pendant les années brûlantes de la seconde guerre mondiale, le 2 juin 1943 à Goundam.

J'ai tôt été sevré d'affection. Jeune, mon père me confia à mes grands-parents maternels à Saya, dans un petit village peulh, loin des équations, où j'ai eu à tenter mes premiers pas d'homme.

Mes premières occupations de gardien de chevreaux, m'ont aidé à découvrir, à défaut des hommes, la nature qui embaume et les animaux qui me passionnent. J'ai également appris à me recueillir tout seul derrière le village, au pied de la colline Fati, au bord du lac Horo, et bien souvent sur un arbre à la recherche d'horizons éloignés.

Inscrit à l'école à l'âge de sept ans, ma scolarité ne dura que quatre ans. De retour à Saya, tout semblait m'accueillir et l'on pouvait me rencontrer au pied de la colline, au bord du lac, bonnet tordu, lèvres rougies de kola, doigts engorgés de bagues, un pagne rouge autour du cou, les chaussures effilées et le chapeau en laisse, derrière un troupeau de vaches laitières. Après quelques quatre années de bergerie qui m'ont conduit dans les entrailles des bourgoutières du Delta central, j'ai échangé mon bâton pastoral contre des livres scolaires pour former ma personnalité.

Commis dactylographe au cercle de Goundam, puis agent-technique au Service civique rural à Bamako depuis décembre 1960, je devais servir successivement comme chef de camp du même service à Diré, à Sévaré, à Koro, puis Douentza où un concours de l'enseignement fit de moi un moniteur (novembre 1963) puis un instituteur par voie d'examen professionnel dans les années 1968. Pendant ma carrière d'enseignant, j'ai servi pendant deux ans comme maître d'internat au lycée technique (1969-1970); de retour dans l'enseignement, je devais servir à Finkolo-Niéna, Karakala (Sikasso), puis Massigui de Djoïla où je présentais ma démission de 9 octobre 1975.

Depuis, je me suis donné à mes poésies et je voudrais animer les écoles au Mali, en Afrique et dans le reste du monde.

[…]

 Mécanographe, réparateur de machines de bureau, je nourris ma famille avec mon tournevis. Ma poésie, c'est ma chanson, l'expression de mon cœur, tantôt enchanté par la nature ou l'amour, tantôt meurtri par le souvenir d'une enfance malheureuse où les injustices du destin. » Hamadoun Tandina        

Poèmes maliens

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7 février 2023 2 07 /02 /février /2023 15:04

 

LA FEMME, L’HOMME, L’AMOUR

DE

L’OCCIDENT ANCIEN À NOS JOURS

QUELLE PLACE, QUEL ORDRE DANS LA SOCIÉTÉ ? (2)

 

 

Éternel débat

 

***

 

« Le poète a toujours raison,
qui voit plus haut que l'horizon
Et le futur est son royaume
Face à notre génération, je déclare avec Aragon
La femme est l'avenir de l'homme
… » (Jean Ferrat)

 

***

 

**Qui ? Pourquoi ? Comment ?

Peut-on parler de l’histoire du rôle de la femme dans le couple et dans la société, de nos jours, sans évoquer ce que fut le débat des Anciens sur cette épineuse question ?

La Femme est-elle inférieure, supérieure ou égale à l’homme ?

 

***

 

« Je ne réclame aucune faveur pour les femmes, tout ce que je demande à nos frères, c’est qu’ils retirent leur pied de notre nuque ».( Ruth Bader Ginsburg)

 

***

 

 « La femme est l’avenir de l’homme » dit Jean Ferrat, dans sa chanson, s’inspirant de Louis Aragon, lequel a écrit dans son poème « Le Fou d’Elsa » :

 

« L'avenir de l'homme est la femme.

Elle est la couleur de son âme.

Elle est sa rumeur et son bruit.

Et sans elle, il n'est qu'un blasphème. »

 

Cette affirmation est-elle valable pour tous et de tout temps ?

Et l’ère des sorcières ?

 

????

**Hommes-Femmes. Forces ou faiblesses ?

 

Et les sentiments dans tout cela ? Et l'Amour ?

 

Heureusement qu'ils existent. Ils constituent l'exception à la règle. Et quand l’Amour paraît, sur son chemin et face à lui, il n'y a plus ni riche, ni beau, ni intelligent, ni laid, ni impur, il n'y a que l'Amour. Et c'est cela précisément qui fait sa noblesse.

Par rapport à ce thème sécuritaire, comme il vient d'être souligné, on a souvent soutenu que la femme était incapable de garder le secret. Ce préjugé ou cette conviction qui a cours dans nombre de civilisations dans le monde ne peut à mon sens se justifier que par rapport à ce besoin de sécurité.

 

Quel rapport entre les deux, me direz-vous ?

 

Justement, lorsqu'on garde un secret et qu'on est tenu de le garder pour longtemps ou pour toujours, cela représente une sorte d'inconfort moral, soit parce que ce secret est celui d'une faute commise, auquel cas on est soumis aux coups répétés de la conscience, soit parce que c'est le secret d'un événement heureux qui procure une joie immense et alors, on brûle du désir de le communiquer à autrui. Dans l'un et l'autre cas, le secret se révèle lourd à porter.

Alors, la femme avoue ou divulgue, ce qui met fin à l'inconfort, voire à l'insécurité. C’est sans doute un aspect paradoxal chez celle-ci, qui est par ailleurs la première à s’enflammer en principe, en dénonçant l'injustice à l'égard des plus faibles. Cela explique bien des actions dans l'histoire. Notamment le fait que très souvent, on voit les femmes à la tête des révolutions, non pour casser ou brûler, mais pour pacifier, en rétablissant les équilibres nécessaires au moyen de la justice et l'équité.

 

 

Ainsi le 5 octobre 1789, des femmes au nombre de six à sept mille, parties du faubourg Saint-Antoine et du quartier des Halles à Paris, décidèrent une marche mémorable sur Versailles, réclamant du pain à Louis XVI. Manque de pain, donc inconfort et insécurité.

 

Le 23 février 1917, la Marche des femmes russes à Saint-Pétersbourg — qui constitua du coup l'acte de naissance de la révolution russe — avait pour motivation première de réclamer au Tsar Nicolas II, « la paix et du pain », mais aussi des libertés, donc la fin de l'autocratie. Leur marche par sa détermination et sa spontanéité finit par entraîner le courage et l'action des hommes. De même que lorsque les hommes se terraient, lâches et tremblants, on a vu dans certains pays d'Afrique des femmes sortir, dignes de spontanéité et de courage, affronter mains nues, les balles et braver les brutalités des sbires du pouvoir. Ce fut déjà le cas au Sénégal lors de la très longue et très dure grève des cheminots du chemin de fer « Dakar-Niger » qui s'est déroulée du 10 octobre 1947 au 19 mars 1948. A l'annonce de l'échec des négociations entre la délégation des cheminots africains et la direction française du chemin de fer, bravant les militaires et forçant les barrages au péril de leur vie, les femmes organisèrent spontanément une longue et éprouvante marche sur Dakar (de Thiès à Dakar : distance d'environ cinquante kilomètres), destinée à obtenir le règlement pacifique et honorable du conflit.

De même, pour protester contre l'arrestation arbitraire et l'emprisonnement massif des dirigeants du tout jeune « Parti Démocratique de Côte d'Ivoire » (section du R.D.A. : Rassemblement Démocratique Africain, fondé en 1946 à Bamako) décidés par les autorités coloniales le 5 février 1949, les femmes organisèrent une marche fameuse (restée dans les annales d'histoire du pays) sur la capitale du territoire Grand-Bassam pour réclamer la libération de leurs hommes ainsi que la paix.

 

 

Plus récemment encore, dans l'histoire de l'Afrique indépendante, les femmes surent en maintes occasions faire preuve de la même détermination et de la même inclination dans l'action en faveur de la paix et de la justice.

De même, la volonté des femmes du Caucase du Sud (volonté contrariée par le gouvernement russe) de manifester (sous forme de rassemblements et de défilés), en faveur de l'arrêt de la guerre et de la paix en Tchétchénie, répond aux mêmes impératifs et aux mêmes penchants naturels. Pourquoi ? Tout simplement parce que leurs maris, arrêtés ou fusillés, elles perdaient tout soutien, toute source de confort moral et de sécurité. Il ne s'agit pas que de la sécurité matérielle mais morale et psychologique. Et surtout de cette propension naturelle à la paix et à la justice. Pour toutes ces raisons, la femme a souvent été par ailleurs un précieux auxiliaire de la police ou de la justice, indépendamment de son pouvoir naturel de séduction parce que prompte à avouer et dénoncer.

Bien sûr, certains hommes sont également incapables de garder un secret comme il est des femmes capables de garder des secrets.

 

***

 

 « Vous avez brisé le sceptre du despotisme […] et tous les jours vous souffrez que treize millions d’esclaves portent les fers de treize millions de despotes ! » (Requête des dames à l’Assemblée nationale)

 

 

Alors faut-il brûler la femme ? Bien sûr que non ! Il faut l'encenser, l'aduler, l'adorer.

Il est un autre aspect pour lequel il serait dans l'intérêt de l'Humanité que ce prochain siècle soit celui de la femme. Qui voit-on dans la rue, défiler, protester et manifester pour réclamer la paix ? Lorsque la violence s'installe dans un pays ou une région, la fraction de la société qui s'élève contre cette violence, crie fort et manifeste pour le retour de la paix, ce sont les femmes. Presque toujours dans l'histoire, l'initiative de ces mouvements de protestation en faveur de la paix s'inscrit au crédit de la femme. C'est ainsi que le 28 mars 1915, des femmes représentantes des partis socialistes de sept pays d'Europe : Allemagne, Angleterre, France, Italie, Pays-Bas, Russie et Suisse se rencontrèrent à Berne pour élaborer une résolution définitive condamnant la guerre et faire pression sur leurs gouvernements respectifs.

 

 

« La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune. » (Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne)

**La Femme plus anti-guerre que L’homme ?

 

Il arrive aussi souvent que les hommes suivent. Mais ce sont les femmes parfois spontanément, en tout cas sincèrement (pense-t-on avec foi) qui ouvrent la marche.

Ce fut le cas, ici en Corse, là en Algérie ou ailleurs, en Bosnie, ces défilés en faveur de la paix démontrent avec éclat que l'injustice qui consiste à éloigner les femmes des rênes de la direction des pays pour les maintenir en marge de la vie politique constitue un crime contre la paix. Faire accéder les femmes au pouvoir, ce serait aussi faire changer les hommes. Les femmes au pouvoir, c'est la paix dans le monde.

A ce propos, « Madame Emma Bonino, commissaire européen chargée de l'aide humanitaire, envoyée spéciale de l'Union Européenne en Yougoslavie, puis au Zaïre lors de la crise rwandaise de 1996, incarne le mieux l'idée que je me fais de la femme responsable, de la femme aux commandes de l'action politique. En l'observant à l'œuvre, au milieu d'un monde hostile et sourd, j'ai admiré en elle le naturel, allié à la conviction et à la détermination dans l'action, la justesse de ton alliée à la justesse de vue, le courage allié au sens de la justice et guidé par la générosité. Bref, le devoir dans sa plénitude, l'action au strict service de l'humain, sans démagogie ni faux-fuyants.

Bien entendu, parmi les femmes dirigeantes de leur pays, il peut y avoir des exceptions. La guerre des Malouines ainsi que l'action politique de celle qui en fut la principale protagoniste (la Première ministre britannique de l’époque), administrent la preuve qu'il peut aussi y avoir des femmes-faucons, des femmes-fauves, ou tout simplement des femmes politiques qui font moins bien ou qui font autant que les hommes pour la préservation de la paix et la sauvegarde de la justice sociale. Les « Belle Irène » cela existe aussi. Au-delà, c'est la place de la femme dans nos sociétés qui demeure la question essentielle. » 

 

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28 janvier 2023 6 28 /01 /janvier /2023 10:52

 

LA FEMME, L’HOMME, L’AMOUR

DE

L’OCCIDENT ANCIEN À NOS JOURS

QUELLE PLACE, QUEL ORDRE DANS LA SOCIÉTÉ ? (1)

 

 

Éternel débat

 

????

 

**Qui ? Pourquoi ? Comment ?

Peut-on parler de l’histoire du rôle de la femme dans le couple et dans la société, de nos jours, sans évoquer ce que fut le débat des Anciens sur cette épineuse question ?

La Femme est-elle inférieure, supérieure ou égale à l’homme ?

 

***

 

« Le poète a toujours raison,

qui voit plus haut que l'horizon
Et le futur est son royaume
Face à notre génération, je déclare avec Aragon
La femme est l'avenir de l'homme…
 »
(Jean Ferrat)

 

***

 

« La femme est l’avenir de l’homme » dit Jean Ferrat, dans sa chanson, s’inspirant de Louis Aragon, lequel a écrit dans son poème « Le Fou d’Elsa » :

 

« L'avenir de l'homme est la femme.

Elle est la couleur de son âme.

Elle est sa rumeur et son bruit.

Et sans elle, il n'est qu'un blasphème. »

 

Cette affirmation est-elle valable pour tous et de tout temps ?

Et l’ère des sorcières ?

 

***

 

« Je ne réclame aucune faveur pour les femmes, tout ce que je demande à nos frères, c’est qu’ils retirent leur pied de notre nuque ».( Ruth Bader Ginsburg)

 

***

La vision de la vie et du monde imprimée par le XXe siècle finissant est une vision comptable, la vision statistique de l'existence humaine faite d'additions et de soustractions, vision mesurée, chronométrée à la seconde, au millième de seconde. C'est la vision du travail productif calculé, asservissant l'homme y compris dans sa vie privée, dans son intimité.

Dans ce siècle qui s'achève — siècle cartésien et siècle des utopies — et pour le XXIe siècle débutant, que souhaiter pour les Fils de la Terre ? Doit-on espérer un nouveau Messie ? L'Église, depuis longtemps atone est à présent aphone. La science a déjà donné : il y a longtemps qu'on l'a vue à l'œuvre.

Et l'homme ? Ce vingtième siècle finissant compte plus de pantalons que d'hommes.

Et la Femme ? Pour paraphraser Malraux, je pense que le XXIe siècle sera celui de la Femme ou ne sera pas.

Puisse ce siècle futur nous faire la grâce d'une vision plus humaniste, adoucie par le rêve, la poésie, l'amour fraternel et universel. Formons le vœu que le XXIe siècle soit celui de la Femme enfin ! Que ce siècle libère l'homme, réinvente, réhabilite et sanctifie l'Amour en le débarrassant des relents mercantilistes imposés par l'esprit du XXe siècle. « L’avenir de l’homme est la femme » a dit le poète Aragon. Puisse-t-elle le devenir plus que jamais.

 

 

L'Amour, c'est un très grand mot, sans doute le plus beau et le plus noble. C'est un concept aux contours infinis. Comment parler d'amour sans parler de la femme ? Comment parler de la femme sans évoquer le sexe. Comment parler d'amour sans l'allusion au mariage, à l’homme, à la famille ?...

Sujet inépuisable et délicat, l'amour est aussi un mystère absolu. C'est sans doute l'une des rares permanences de la création, donc éternelle et universelle. J'entends amour physique comme amour sublimé, car l'amour conjugue le corps et l'esprit. Il est la communion de la beauté du corps et de la splendeur de l'esprit. Mais il peut aussi y avoir amour sans corps et amour sans esprit. Sans entrer plus loin dans ces subtilités, un souvenir se présente à moi qui constitue en soi un symbole.

Lors de mes débuts en tant qu’enseignant, je me trouvais à une heure printanière et matinale dans une classe, face à des élèves de sixième. Soudain, alors que j'étais en pleine explication au tableau, je constatai que mes élèves avaient tous le regard rivé du côté de la cour et étaient subitement devenus sourds, aveugles et muets à mes questions. J'ai donc suivi instinctivement la direction de leur regard et qu'ai-je vu ? Un chien et une chienne en pleins ébats sur la pelouse de la cour, sur laquelle donnaient toutes les fenêtres basses de la salle. Quel spectacle ! J'étais à la fois partagé par celui du dehors et par celui offert par ces petites têtes blondes (garçons et filles) concentrées sur un objet unique, et rouges jusqu'aux oreilles.

Mais le plus important se passait sans doute dans ma tête car je me suis mis à délibérer sur la conduite à tenir. Fallait-il priver les enfants de ce spectacle et les obliger à suivre une leçon qui, du coup, perdait peut-être pour eux tout intérêt, au risque de provoquer chez eux une auto culpabilisation d'avoir bravé un « interdit », de s'être livrés à une jouissance non prévue et non autorisée, d'avoir volé un bref instant d'un bonheur qui ne leur était pas dû ?

Ma conscience de pédagogue, prise à défaut, se révoltait à cette idée. Alors, j'ai tout de suite pensé à rentabiliser didactiquement cet instant, à en faire une sorte de séance d'éducation active ou d'éveil. Mais, sur quelle substance ? En accord avec quelle partie du programme d'histoire-géographie ou d'éducation civique de sixième ? Avec quels objectifs et quelle méthode d'évaluation en conformité avec les Instructions officielles des Autorités de l'Éducation Nationale ?

Tiens, l'éducation sexuelle ! Seulement, j'ai aussitôt pris conscience de mes insuffisances, des failles de ma propre formation en la matière. Rien dans les programmes ni dans ma formation d'enseignant ne mentionne cette éducation sexuelle. Or, devant des élèves de sixième, face à une matière humaine aussi délicate que fragile, on ne dit pas n'importe quoi, on n'emploie pas n'importe quel mot n'importe comment. On pense au présent et au futur, aux acquis des élèves, et surtout aux conséquences de toute action et de tout propos. En la circonstance, l'adéquation du propos à l'objectif, ainsi qu'à la formation et à l'éducation doit être parfaite. Ce fut alors à mon tour de baisser les yeux et de me culpabiliser sur mes lacunes car je me sentais incapable de trouver le mot juste adapté à la circonstance. Pour qu'une intervention de ma part en guise d'initiation ou d'éducation puisse atteindre son but, il aurait fallu qu'elle passionne ces enfants au moins autant, sinon davantage que le spectacle que le hasard leur offrait sans frais ni contrainte.

Pris par ces réflexions, je voulus tout de même réagir sans la moindre certitude que la solution que j'allais adopter serait la bonne ; peut-être était-elle d'ailleurs la plus maladroite qui soit. Brusquement, je tirai les rideaux des fenêtres et m'adressant aux enfants je leur dis :

« Je ferme, non pas parce que je vous reproche de regarder dehors, mais parce que j'ai envie qu'on termine la leçon déjà commencée car la fin de l'heure approche ».

Les élèves obtempérèrent sans discussion mais visiblement contrariés. Cette maladresse fut à son comble lorsque, un quart d'heure environ après, pensant que ces « acteurs » inespérés étaient partis, j'entrouvris un pan de rideau afin de m'en assurer (car les rideaux tirés, nous étions obligés d'allumer les lampes, ce qui en cette journée de printemps où nous bénéficiions de rayons de soleil généreux, faisait plutôt triste à côté de la lumière naturelle, sans parler du gaspillage d'énergie). Constatant que le couple de chiens était toujours là, en pleine action, je refermai d'un geste brusque le rideau. L'effet que cela fit dans la classe sur mes jeunes auditeurs fut délirant. Il aurait fallu voir ces petits garçons et filles se tordre de rire ! soulevés par une hilarité tout à fait inhabituelle, eux que j'avais jusqu'à présent connus si timides... Décidément, cette fois, le coup était manqué pour de bon. Il fallut en prendre son parti.

Enfin la sonnerie de midi retentit. Les élèves partis, je ne fus pas pour autant délivré de mes tourments et de mes réflexions. Je méditai alors, tête basse, derrière mon bureau sur mon incapacité à faire face de manière positive à cette situation.

- S'il s'était agi d'enfants d'une grande ville (la commune où j'exerçais compte quelque huit mille habitants), de Paris, placés dans les mêmes conditions, auraient-ils réagi différemment que ces enfants ?

  • S'il s'était agi de petits Anglais du même âge, d'une petite commune du Yorkshire ou d'une grande ville comme Londres, auraient-ils eu une attitude différente ?
  • S'il s'était agi de petits Russes, de petits Chinois, de petits Africains d'une commune rurale ou d'une grande ville, auraient-ils eu une autre réaction ?

Autre question :

  • Si au lieu d'un chien et d'une chienne nous avions eu affaire à des humains, à un homme et une femme, tous ces enfants, d'ici, de là ou d'ailleurs réagiraient-ils autrement ?
  • Si à la place de petits garçons et de petites filles de dix - douze ans nous avions de jeunes adultes de vingt - trente ans, des personnes plus âgées, de quarante à quatre vingt-dix ans, regarderaient-ils ces chiens et ces humains ? Rougiraient-ils comme mes petits élèves de sixième ? Mais aussi :
  • Si au lieu de petits enfants de cette fin de vingtième siècle nous avions dans la même classe, dans les mêmes circonstances, de petits contemporains de Confucius, de Jules César, de Louis XIV, de Soundiata, de Samory, de Béhanzin ou de petits Européens, de petits Chinois ou de petits Africains de l'an 5020 ? Le fil conducteur de tout cela étant le même phénomène : l'Amour. Quel mystère ! Ainsi donc l'Amour, en tout temps et en tout lieu, fait subir sa loi, aux humains : le faire, le dire, en vivre, en mourir.

L’amour est mystère, quelles que soient sa forme et sa nature.

Peut-on le définir ? Qu'est-ce que l'Amour ?

Et  qu'est-ce qui distingue l'amour de l'amitié ?

 

***

 

Seul l'amour peut garder quelqu'un vivant. (Oscar Wilde)

 

***

L'Amour, c'est la rencontre de l'âme et du corps. L'Amitié, c'est la rencontre de l'âme et de l'âme. Il faut aussi de l'émotion qui est l'expression sensible et visible de l'amour, c'est-à-dire de la vie. Le propre de l'amour c'est d'irradier le corps et l'esprit de vie, c'est de permettre de s'émerveiller des différences. La griserie de l'amour n'a rien de comparable avec celle du pouvoir. L'amour en soi est plénitude, il se suffit à lui-même ; il est complet en soi au contraire du pouvoir qui n'est jamais plénitude, qui n'est jamais complet en soi. Le pouvoir une fois atteint, celui qui s'y installe vise autre chose, il a d'autres soifs, soif d'autres choses, ce peut-être, justement soif d'amour et de tendresse. Mais l'amour et le pouvoir coexistent mal car l'amour entre deux êtres, pour mériter son nom et sa dignité, exige l'égalité, le partenariat dans son sens le plus noble alors que le pouvoir pour être, doit dominer.

Bien entendu toute réflexion sur l'amour et sa nature implique une allusion à la femme, mais aussi à l'homme, aux différences qui ne se situent pas uniquement au niveau du sexe.

Et à ce propos quelle place ce dernier occupe-t-il en Amour ?

 

 

Depuis Saint-Augustin (vers 450 après J.C.), le sexe, c'est le péché, vu de l'Église. C'est le péché originel. Mais au-delà du sexe, en comparaison de l'homme et de la femme, cette dernière me semble plus proche de la vérité que l'homme, plus lumineuse, plus céleste donc plus proche de la nature. Sa constitution anatomique et sa physiologie en fournissent une confirmation. Ses règles mensuelles, ses grossesses... mais aussi le fait qu'elle donne naissance à un petit être qui a été pendant neuf mois une partie de son propre corps, de sa chair et dont elle suit les premiers pas et l'évolution jour après jour, lui confère un mode de fonctionnement, un temps (ou calendrier) plus proche de la vraie nature avec ses cycles.

La mère et la terre sont les manifestations d'un même principe, « d'un même mystère, celui de la germination, de la fécondité et de la vie », donc de la nature. Aussi la femme est-elle plus proche de la réalité des choses et de la vie que l'homme. A cela s'ajoute un certain acquis provenant de la société et de l'éducation. Sans dresser un tableau de l'éducation comparée du jeune garçon et de la jeune fille dans nos sociétés occidentales depuis l'Antiquité et le Moyen Age, on peut simplement se référer à deux traits de la vie quotidienne. Cette habitude entre autres de distinguer le petit garçon de la petite fille dès l'âge de deux à trois ans par ces termes

- Ne pleure pas, tu es un garçon ; un garçon ne pleure pas ; tu n'es pas une petite fille. Allons, voyons !

Ce qui a pour conséquence que dans sa vie future, l'homme passera son temps à cacher et à se cacher, à masquer ses émotions, ses sentiments, les plus pénibles comme les plus heureux, s'éloignant ainsi de l'état de nature vérité. L'homme cache et se cache.

 

 

 

Pour extrapoler à un niveau plus terre à terre, je verrai cette différence jusque dans l'habillement.

Entre l'homme et la femme, il y a ceci : lorsqu'un homme veut séduire une femme, il a recours à tout ce qui cache le mieux sa nature physique.

 

Quant à la femme, pour séduire l'homme de ses rêves ou les hommes en général, elle accorde la primauté au naturel (au sens premier du terme), aux dépens des accoutrements qui sont autant de masques. Elle a recours à la minijupe qui donne l'avantage aux mollets et aux genoux. La consigne expresse dictée à la jupe, fut-elle mini, maxi ou fendue, c'est de garantir aux jambes absolue liberté et naturel, liberté d'expression aux mollets et chevilles, liberté de mouvement aux jambes et hanche.

La chaussure sera choisie en fonction de son aptitude à laisser apparaître les chevilles, et la robe est appréciée pour ce quelle laisse aux épaules leur liberté de s'exposer à l’air libre et aux regards, le décolleté faisant loi. Sauf dans les pays où l’on contraint la femme à se couvrir des orteils aux cheveux.

 

Je me suis toujours demandé quelles étaient les principales motivations de l'homme dans l'existence. Autrement dit, qu'est-ce qui met les humains en mouvement sur terre ? Je sais que Freud met le sexe au centre de tout. Mais quoi d'autre ? Je vois aussi un besoin sécuritaire, inné en chaque individu, homme et femme. C'est ce besoin de sécurité qui explique pour une bonne part les formidables mouvements des peuples à travers toutes les périodes de l'histoire. C'est incontestablement l’un des moteurs du monde. Mais il est encore plus fort semble-t-il chez l'individu pris isolément et tout particulièrement la femme. La psychologie de la femme est dominée par un impérieux besoin sécuritaire, par un besoin de sécurité maximum. Elle ne supporte ni l’inconfort, ni l'insécurité. Ainsi, face à deux hommes, elle ira comme par instinct du côté de celui susceptible de lui garantir une certaine sécurité : soit par la force musculaire, soit par l’avoir, soit par l'intellect, ou tout simplement parce que celui qui n'est ni physiquement fort, ni riche, ni intelligent, possède une aptitude prononcée à la roublardise (qui confère une certaine aura, partant, un certain pouvoir). Peut-être aussi par la beauté qui, dans certains cas impose quelque respect, sinon l'admiration, donc confère en son genre un certain pouvoir ; la beauté est force.

De même le bouffon (ou tout simplement l'original, voire l'excentrique), qui, par ses propos, ses facéties ou ses clowneries permet d'occulter ou d'oublier le poids, l'inconfort du présent.

 

***

« La réussite, ce n’est pas combien d’argent vous gagnez. C’est l’impact que vous avez sur la vie des gens. » (Michelle Obama)

 

 

 

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1 janvier 2023 7 01 /01 /janvier /2023 09:28

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                                                             TIDIANE DIAKITÉ

 

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