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6 février 2011 7 06 /02 /février /2011 10:07

016-C  Regards croisés              Tn 000625

                       Dialogue impromptu                              

 

Tiéba : Beaucoup d'observateurs tentent une comparaison entre l'Afrique et l'Asie. Ces deux entités du Vieux Monde sont-ils comparables ? Il s'agit surtout de savoir pourquoi certains États d'Asie qui furent jadis colonisés à l'instar de la quasi totalité des États du continent africain ont relevé ou sont en train de relever le défi du développement, avec art et maîtrise au point d'apparaître comme de véritables dangers pour leurs anciens colonisateurs. Une telle comparaison n'a rien d'un non-sens : les colonisateurs de ces pays d'Afrique et d'Asie furent les mêmes : Anglais, Français, Portugais... La période de colonisation fut la même, du XVIe au XXe siècle. Les méthodes de colonisation furent quasiment identiques. Les décolonisations se firent à peu près aux mêmes époques. Comment donc expliquer que l'Asie s'élève et que l'Afrique plonge ? Comment expliquer que le Japon, terreur économique pour les Occidentaux jusqu’à ces dernières années, n'ait pas d'équivalent en Afrique ? Que la Corée, Singapour, Hongkong, voire la Thaïlande, l'Inde, Taiwan n'aient pas leurs pareils en Afrique ?

Les anciens colonisés d'Asie et  d'Afrique n'ont pas eu la même vision du colonisateur, mieux, n'ont pas  tiré parti également de la colonisation. Les peuples colonisés d'Afrique et d'Asie ont certes en commun une égale admiration, voire une fascination devant la science, la puissance, le savoir-faire du colonisateur. C'est fort de ce constat que ce dernier proclamera l'excellence de sa culture et de sa civilisation.

Cependant, ces deux peuples ne réagirent pas de façon uniforme. S'ils ont tous observé avec attention leurs maîtres pendant des décennies voire des siècles, les Asiatiques ont su, parmi tout ce que charriait l'Occident chez eux, faire un tri minutieux et pertinent, entre ce qui était adoptable et profitable à leur vie, donc positif selon eux et ce qui ne l'était pas. Ils ont su distinguer le bon grain de l'ivraie et se sont de ce fait réorganisés en conséquence. Ce tri déboucha sur l'élaboration d'une nouvelle éthique résolument tournée vers le futur, mais tissée du meilleur de l'apport occidental greffé au meilleur des traditions ancestrales millénaires.

Ce couplage fut explosif dans le sens de la modernité, voire du progrès (quand ce mot n'est pas synonyme de disqualification humaine et pollution) et propulsa le Japon et ses suivants vers les sommets du développement économique, la maîtrise de la technologie moderne faisant d'eux par là même, des acteurs incontournables sur la scène économique et politique du vingt et unième siècle. Certes l'Asie n'est pas pour les Africains un modèle à imiter, mais un exemple à méditer.

Quant à l'Afrique et aux Africains, le tri n'a pu s'opérer (du moins pas pour l’instant) dans leur tentative d'imitation de leurs maîtres colonisateurs, l'ivraie domina le bon grain. Ainsi, le pire de l'apport de l'Europe se mêla-t-il aux éléments les plus douteux des traditions ancestrales. Ce mélange fut corrosif ; y prédominent la brutalité, le bureaucratisme, l'individualisme, le paraître, l'artifice. Une rigidité sclérosante dans tous les domaines. Le plus négatif de l'apport occidental rongea insidieusement le positif des valeurs traditionnelles parmi lesquelles le sens de la solidarité, le respect de l'autre, le sens de la famille, l'hospitalité, le respect de la parole donnée, l'esprit de désintéressement, la patience...

Cette attitude différente face à la colonisation et aux colonisateurs et ses répercussions s'observent encore de nos jours. Les Asiatiques ont ainsi tendance à railler certaines valeurs occidentales, à les trouver parfois ridicules et à proposer des contre-valeurs (sur lesquelles il ne s'agit pas ici de porter un jugement), tout en se servant des armes prises aux Occidentaux. Les Africains en revanche n'ont su proposer de contre-valeurs et sont de ce fait infiniment plus vulnérables à toutes les formes de néocolonialisme et de néopaternalisme qu'ils sont incapables de combattre. On constate ainsi que les actions humanitaires européennes sous toutes leurs formes sont plus nombreuses sur le continent africain qu'en Asie (bien que l'Asie soit plus vaste et plus peuplée) et que les Africains en sont plus dépendants que les Asiatiques. 

 Jacques : On sait ce que fut la colonisation en Afrique. Mais lorsqu'on s'avise de tenter un « bilan », de porter un regard, la question première c'est : que s'est-il passé en Afrique depuis le « départ » des Européens ? Qu'ont fait les Africains de leur indépendance ?

 Tiéba : Après la question déjà posée : « Qu'ont fait les Européens en Afrique ? »

 Jacques : On est passé de l'Afrique courtisée et adulée des années 1960 à  « un continent en perdition » selon la présentation de l'Afrique faite dans Encyclopédia Universalis, édition 1994. Cette expression est à rapprocher de l'intitulé d'une émission sur une radio publique diffusée le 2 janvier 1995 : « L'Afrique, continent du malheur ». Ce décalage est vertigineux. Sur la même antenne, une journaliste posait cette question sur le ton de l'étonnement à un artiste français rentré récemment d'Afrique et passionné par ce continent où il avait, disait-il, rencontré des sages :

« Y a-t-il encore des sages en Afrique ? », comme si la sagesse (de même que la bêtise) connaissait les frontières. Mais la question, même saugrenue a valeur de symbole ; comment en est-on arrivé là ?

016-C

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commentaires

A
<br /> <br /> Dans cet article comparant Asie et Afrique, il faut sans doute chercher aussi du côté de la densité de peuplement qui rend les contextes d'action<br /> déterminnants. AH.<br /> <br /> <br /> <br />
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<br /> <br /> Sans doute, mais parmi d'autres déterminants. Amitiés. TD.<br /> <br /> <br /> <br />