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15 mars 2020 7 15 /03 /mars /2020 08:15

L’ART ENTRE RÉALISME ET IDÉALISME
« L’ART, UNE VISION PLUS DIRECTE DE LA RÉALITÉ », ESTIME HENRI BERGSON

L’art, un moyen d’endormissement ou de réveil au réel ?

Le dernier tiers du 19e siècle et le 1er tiers du 20e furent un moment privilégié de réflexions et de productions sur l’art, sous toutes ses formes par des intellectuels français de toute obédience : écrivains, philosophes, scientifiques, artistes…Le même élan ( ou la même vogue) amena les intellectuels français et les artistes de France (dont Picasso) à reconsidérer les œuvres produites ailleurs, comme dignes d’intérêt, comme « l’art nègre » ou généralement les Arts dits « Arts primitifs », devenus « Arts premiers » depuis les années 1970.

Qu’est-ce que l’art ?

Beaucoup parmi ces auteurs, tentèrent d’abord de définir l’art :

- Qu’est-ce que l’art ?

- Quels sont ses rapports avec les lettres, la culture, la civilisation... ? Quel impact sur la société, sur les psychologies et les comportements ?

- Puis, quel est le rôle et la place de l’artiste dans la société ?
- Mais aussi, art et science, art et technique…

Henri Bergson est de ceux-là, qui porta, sur l’art et l’artiste un regard de philosophe, de métaphysicien.
«
 Il y a, écrit-il en 1934, depuis des siècles, des hommes dont la fonction est de faire voir ce que nous ne voyons pas naturellement : ce sont les artistes. À quoi vise l’artiste sinon a nous faire marcher dans la nature et dans l’esprit… »

Henri Bergson (1859-1941)

Henri Bergson est un philosophe français, né en 1859, d’un père polonais et d’une mère irlandaise. Il arrive en France à l’âge de 9 ans, après une enfance passée essentiellement à Londres. Sa famille s’installe à Paris.
À l’âge de 18 ans il opte pour la nationalité française et entreprend des études brillantes au lycée et à l’université, avant de se consacrer à l’écriture et à l’enseignement, comme professeur de philosophie.
Le jeune
Bergson est épris de sciences, particulièrement de mathématiques.
Le 1er prix du
Concours national de mathématiques obtenu en 1877, en est sans doute une preuve palpable.

Mais, il opte en définitive pour les Sciences Humaines, principalement la philosophie et la métaphysique, qui lui inspirèrent une œuvre abondante d’une grande richesse. Dans cette œuvre immense, quatre  ouvrages en particulier lui ouvrirent les chemins de la gloire littéraire, de même que celui de distinctions honorifiques prestigieuses.

- Essai sur les données immédiates de la conscience

- Matière et mémoire, relation entre le corps et l’esprit.

- Le Rire, essai philosophique sur la signification du comique.
- L’Évolution créatrice.

« L’art une visions plus directe de la réalité » (H Bergson)

« Quel est l'objet de l'art ? Si la réalité venait frapper directement nos sens et notre conscience, si nous pouvions entrer en communication immédiate avec les choses et avec nous-mêmes, je crois bien que l'art serait inutile, ou plutôt que nous serions tous artistes, car notre âme vibrerait alors continuellement à l'unisson de la nature. Nos yeux, aidés de notre mémoire, découperaient dans l'espace et fixeraient dans le temps des tableaux inimitables. Notre regard saisirait au passage, sculptés dans le marbre vivant du corps humain, des fragments de statue aussi beaux que ceux de la statuaire antique. Nous entendrions chanter au fond de nos âmes, comme une musique quelquefois gaie, plus souvent plaintive, toujours originale, la mélodie ininterrompue de notre vie intérieure. Tout cela est autour de nous, tout cela est en nous, et pourtant rien de tout cela n'est perçu par nous distinctement. Entre la nature et nous, que dis-je ? entre nous et notre propres conscience, un voile s’interpose, voile épais pour le commun des hommes, voile léger, presque transparent, pour l'artiste et le poète. Quelle fée a tissé ce voile ? Fut-ce par malice ou par amitié ? Il fallait vivre, et la vie exige que nous appréhendions les choses dans le rapport qu'elles ont à nos besoins. Vivre consiste à agir. Vivre, c'est n’accepter des objets que l'impression utile pour y répondre par des réactions appropriées : les autres impressions doivent s'obscurcir ou ne nous arriver que confusément. Je regarde et je crois voir, j'écoute et je crois entendre, je m'étudie et je crois lire dans le fond de mon cœur. Mais ce que je vois et ce que j'entends du monde extérieur, c'est simplement ce que mes sens en extraient pour éclairer ma conduite ; ce que je connais de moi-même, c'est ce qui affleure à la surface, ce qui prend part à l'action. Mes sens et ma conscience ne me livrent donc de la réalité qu'une simplification pratique. (...) »

« L’art n’a d’autre objet que d’écarter  tout ce qui nous masque la réalité. » (H Bergson)

« L’individualité des choses et des êtres nous échappe toutes les fois qu'il ne nous est pas matériellement utile de l'apercevoir. Et là même où nous la remarquons (comme lorsque nous distinguons un homme d'un autre homme), ce n'est pas l'individualité même que notre œil saisit, c'est-à-dire une certaine harmonie tout à fait originale de formes et de couleurs, mais seulement un ou deux traits qui faciliteront la reconnaissance pratique.

Enfin, pour tout dire, nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s'est encore accentuée sous l'influence du langage. Car les mots (à l'exception des noms propres) désignent des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s'insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même. Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d'âme qui se dérobent à nous dans ce qu'ils ont d'intime, de personnel, d’originalement vécu. Quand nous éprouvons de l'amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les mille résonances profondes qui en font quelque chose d'absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais le plus souvent, nous n'apercevons de notre état d'âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu'il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l'individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles, comme en un champ clos où notre force se mesure utilement avec d'autres forces : et fascinés par l'action, attirés par elle, pour notre plus grand bien, sur le terrain qu'elle s'est choisi, nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement aux choses, extérieurement aussi à nous-mêmes. Mais de loin en loin, par distraction, la nature suscite des âmes plus détachées de la vie. Je ne parle pas de ce détachement voulu, raisonné, systématique, qui est œuvre de réflexion et de philosophie. Je parle d'un détachement naturel, inné à la structure du sens ou de la conscience, et qui se manifeste tout de suite par une manière virginale, en quelque sorte, de voir, d'entendre ou de penser. (...) »

L’art est le grand stimulant de la vie (Friedrich Nietzsche)

« Ainsi, qu'il soit peinture, sculpture, poésie ou musique, l'art n’a d'autre objet que d'écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre face à face avec la réalité même. C'est d'un malentendu sur ce point qu'est né le débat entre le réalisme et l’idéalisme dans l’art. L’art n’est sûrement qu’une vision plus directe de la réalité. Mais cette pureté de perception implique une rupture avec la convention utile, un désintéressement inné et spécialement localisé du sens ou de la conscience, enfin une certaine immatérialité de vie, qui est ce qu'on a toujours appelé de l'idéalisme. De sorte qu'on pourrait dire, sans jouer aucunement sur le sens des mots, que le réalisme est dans l'œuvre quand l'idéalisme est dans l'âme et que c'est à force d'idéalité seulement qu'on reprend contact avec la réalité. »   (Henri Bergson, Le rire, P.U.F 1900)

« L’art est la présence dans la vie de ce qui devrait appartenir à la mort ; le musée est le seul lieu du monde qui échappes à la mort. » (André Malraux)

Inscription sur un mur du Panthéon de Paris.

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