AFRIQUE, UN CONTINENT AU DESTIN SINGULIER.
IMAGES ET PENSÉES,
HIER, AUJOURD’HUI ET DEMAIN (2)
Afrique, continent aux mille paradoxes
Aux mille handicaps
Comment accumule-t-on autant de blessures anciennes et nouvelles ?
Le continent, de tous le mieux doté par la nature en ressources naturelles et en richesses humaines, est aussi le dernier depuis 60 ans !
L’Afrique est bien le continent le mieux loti en ressources naturelles.
Elle détient 9,3% des réserves mondiales de pétrole, 8,1%de celles du gaz naturel, 7,2% des réserves de charbon, 22,6% de l’uranium et le tiers des hydrocarbures, mais aussi,30% des réserves de minerais de la planète…
Cependant, l’Afrique ne représente que 1% de la production mondiale de produits industriels et n’assure que 3% du commerce mondial.
Le continent apparait ainsi comme un géant en ressources naturelles et un nain en produits manufacturés.
(Atlas de l’Afrique, Les Editions du Jaguar)
Niveau de vie, IDH (Indice de Développement Humain)
Le sous-développement n'est pas l'apanage des plus démunis. Des pays riches en matières premières, comme l'Angola, la RD Congo ou la Côte d'Ivoire, mais victimes de crises majeures, apparaissent dans le bas du tableau de l'IDH. Le continent offre un aspect très hétérogène sur le plan du développement humain. Nombre d'États subsahariens accusent d'importants retards par rapport au reste du monde, tant sur le plan sanitaire qu’éducatif. |
(Idem)
Un continent riche/sous-développé
Toutes les publications officielles, toutes les statistiques, celles de la Banque mondiale, du FMI, comme des Nations-unies, tous les IDH (Indicateurs de Développement humain) mettent en exergue ce dernier rang régulièrement occupé par les États africains.
Tous les regards et conclusions des spécialistes ou des analystes concordent sur cet aspect, mais l’explication rationnelle de ce phénomène diverge souvent quelque peu.
[…] Reste que son passé en a fait trop longtemps un continent de ténèbres, par les crimes qui s'y commirent. Après la longue nuit des traites négrières qui dépeuplèrent l'Afrique pour peupler de diaspora Amériques et archipels divers, prit place la parenthèse de la colonisation, quand, à la toute fin du 19e siècle, un continent entier passa aux mains d'un autre. L'Europe ne resta pas longtemps propriétaire des terres noires, mais l'événement légua un lourd passif, qui aujourd'hui encore obère l'économie du continent, l'imagination de ses élites, et mine les sociétés du monde par son héritage raciste. C'est aussi parce qu'aujourd'hui l'Afrique rattrape son retard démographique, tout en tardant à mettre en place une économie pérenne qui ne reposerait pas sur la dilapidation de ses ressources, qu'elle inquiète. Elle doit de toute urgence se réinventer des futurs, les décliner de manière autonome, oser les défendre. Car elle sera demain au centre de toutes les attentions. Continent qui aura le moins contribué au réchauffement climatique, elle sera celui qui en souffrira le plus. […] (L. Testot, Sciences Humaines, Hors série n°8) |
Il est d’autres handicaps qui complètent ces tableaux et statistiques des plaies du continent : la carence de l’éducation, l’insuffisance chronique de la production alimentaire, de la santé et dans bien d’autres domaines.
En effet, l'Afrique indépendante se caractérise notamment par un déficit alimentaire qui en fait la région du monde la plus touchée par la malnutrition. Seuls quinze États (sur 54) assurent à peu près convenablement leur autosuffisance alimentaire et, sur ces quinze, six sont pleinement autosuffisants. Les trente-huit autres sont, à des degrés divers, obligés de recourir tous les ans au marché mondial pour la nourriture quotidienne de leurs populations. (Le Sénégal, dont le riz constitue l'aliment de base, importe chaque année 80% de sa consommation). Là réside sans nul doute le premier obstacle au développement.
La démographie fait aussi partie de ces paradoxes africains.
L’Afrique est incontestablement le continent de la fertilité des femmes : richesse qui n’est pas sans un pendant problématique.
La démographie, autre goulot d'étranglement
« L'Afrique a atteint le milliard d'habitants au cours du premier semestre 2009, selon le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). Ce même organisme prévoit pour le continent une population de deux milliards en 2050 et quatre milliards pour 2100.
Certes, même avec son milliard d'habitants, l'Afrique demeure un continent sous-peuplé (trente habitants au kilomètre carré contre cent vingt pour l'Europe). C'est le continent qui enregistre le taux de mortalité infantile le plus élevé, tout en détenant en même temps le record mondial de fécondité et de jeunesse de la population. Si un homme sur dix dans le monde était africain en 1950, en 2009, un homme sur sept est africain, et, dans quarante ans, un homme sur cinq sera africain. La population du continent aura ainsi doublé en un siècle.
Si l'unité de mesure de la puissance est désormais le milliard d'habitants, peut-on assurer aujourd'hui que le milliard africain constitue, en l'état, un salut assuré pour ce continent ? Le taux élevé de fécondité est à la fois cause et conséquence de la pauvreté. Si les enfants africains restent les plus vulnérables, les moins scolarisés, les moins formés et les moins qualifiés, si beaucoup parmi eux n'ont d'autre horizon que la rue, la mendicité et la misère, une fécondité aussi élevée se justifie-t-elle ? Le milliard d'Africains doit-il se résoudre à devenir un milliard d'analphabètes et de nécessiteux écrasés par la misère ?
Selon le professeur Jean-Robert Pitt, il n'est de richesse que d'hommes et de femmes instruits, imaginatifs... Et selon l'adage africain, ce n'est pas la richesse qui fait l'homme, mais l'homme qui fait la richesse. Adage sensé, combien généreux et humain. Mais il faut surtout des hommes et des femmes libres et épanouis, heureux de vivre.
Il y a eu en Afrique une croissance de la production agricole de 2,6 % par an entre 1970 et 2007, mais elle a été annulée par celle de la population qui, dans la même période, s'est élevée de 2,7 %. » (Tidiane Diakité, 50 ans après, l’Afrique, Arléa)
Des idées, des potentialités, babyfoot en carton
« Et la jeunesse est une belle promesse de futur !
La moitié de la population africaine est âgée de moins de vingt ans. L'Afrique subsaharienne est de loin la région la plus jeune du monde. 44 % de sa population a moins de quinze ans ! Contre 30 % en Asie et en Amérique latine, et à peine 16 % en Europe.
Cette jeunesse nombreuse constitue un gisement inépuisable de potentiel, de dynamisme, de génie créatif. Les principales villes africaines regroupent en leur sein ces "petits débrouillards" de la récupération, véritables génies en puissance, qui, avec pour seuls outils leurs mains et leur cerveau, accomplissent des merveilles avec des bouts de ferraille, de chiffon, de pneu ou de bois.
Sans doute plus que partout ailleurs les femmes représentent pour l'Afrique ce capital d'avenir qui porte le futur à bout de bras. Ce potentiel de dynamisme et de souffle novateur, lié à celui d'une jeunesse, la plus disponible au monde, est encore plus prometteur que les fabuleuses richesses matérielles que recèle le continent. » (Idem)
L’indépendance avait-elle dans ses objectifs, de faire de la Méditerranée le plus grand cimetière de jeunes Africains, en ce début de 21e siècle ? Ou de faire de l’Afrique la dernière des régions du monde ?
En tout état de cause, tout projet de développement qui n'intègre ni le facteur démographique, ni la condition de la femme, ou encore l’éducation de la jeunesse, sera irrémédiablement voué sinon à l'échec, du moins à une inefficacité paralysante.