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9 décembre 2018 7 09 /12 /décembre /2018 09:09

AFRIQUE, RÉVEILLE-TOI, LÈVE-TOI ET MARCHE… SANS BÉQUILLES (3)

Aide internationale à l’Afrique : pour le développement ou la pérennisation du sous-développement ?

( Dessin de Plantu)

L’aide destinée au développement
     Comment est-elle utilisée ?
     Comment aide-t-on ?

Préalable

Il convient d’avoir l’esprit clair sur ces deux points :

-les raisons ou motivations précises de l’engagement dans l’action d’aider.
-le choix : pourquoi l’Afrique et non une autre région du monde ?

Ce choix de l’Afrique est-il fait en connaissance de cause ?
Connaît-on ce continent, ou veut-on apprendre à le connaître ?

L’engagement d’aider l’Afrique doit-être fait en fonction de ces deux préalables.

S’il est indispensable d’élever les consciences africaines à la conviction que le développement ne s’obtient pas en dormant ou en dansant, que le développement ne vient pas des masses de billets de banque bien tassés, mais uniquement de la volonté de mériter le statut de pays émergent ou développé, il est tout aussi souhaitable que ceux qui s’engagent dans une action d’aide au développement de régions moins avancées soient assurés de leur fait : à savoir qu’aller en Afrique pour aider des peuples à se prendre en main afin de parvenir à un degré d’autonomie leur permettant de se passer de l’aide, est une véritable « mission ».
Par conséquent, aller en Afrique pour aider ne doit s’apparenter — en aucune manière — à une excursion exotique, ni à un safari ou safari-photo.

Cette double responsabilité, la responsabilité des aidés et celle des aidants, assurée, permet d’asseoir l’aide sur des bases sûres, qui la distinguent de l’assistanat ou de l’aide humanitaire.
Cette responsabilité des aidants : associations diverses, ONG, jumelage, est aussi valable dans le cadre de l’aide multilatérale (organismes internationaux) comme de l’aide bilatérale, de pays à pays.

Comment aide-t-on ?
     Les conditions fondamentales de l’aide efficace.

On ne va pas faire pour eux, chez eux, mais on va leur apprendre à faire, leur apprendre des savoirs et des savoir-faire chez eux, en accord avec leurs réalités propres, leurs besoins et souhaits exprimés.
Coordonner des actions entre association, coopérer, coordonner les projets, échanger les expériences, sont d’autres conditions pour une aide efficace.
À cette fin il pourrait être envisagé des rencontres régulières, ou au moins une rencontre dans l’année.

Ce « Forum des Associations d’aide » serait le lieu privilégié de ces échanges d’idées et d’expériences.

Nécessité de coordonner actions et projets

De même qu’il est hautement souhaitable d’échanger les expériences entre aidants, de même il serait souhaitable de se partager les différents domaines d’activités afin d’éviter les doublons et les chevauchements de projets. Ainsi, harmoniser les projets et programmes entre associations, mais aussi avec ceux des autorités locales (centrales ou régionales) constituerait un autre gage d’efficacité de l’aide.

Des vices persistants dans les méthodes et comportements

Le pillage de l’Afrique au moyen de la fuite des capitaux : les fameux « flux illicites », dénoncé depuis les années 1960, continue de coûter à ce continent des milliards de dollars par an ; somme qui serait bien utile au service du développement.
Le récent rapport de l’OCDE sur ce sujet confirme la survivance de ces procédés contraires aux objectifs de l’aide au développement et constituent un exemple évident de l’aide « 
à la pérennisation du sous-développement ».
Le rapport de l’OCDE, publié le 20 février 2018, rappelle ceux du même genre déjà périodiquement rendus publics, avec néanmoins pour ce dernier, le constat d’une aggravation ou amplification du phénomène.
Il s’agit, selon le chef de la division de l’OCDE chargé du développement, « de lutter contre un phénomène de détournement estimé pour le continent, à 50 milliards de dollars par an (40 milliards d’euros), alors que l’aide publique dont a bénéficié l’Afrique n’a pas dépassé 41 milliards de dollars en 2016.
Ce rapport ne manque pas de souligner «  la complicité d’élites africaines »  dans cette fuite des capitaux hors du pays et du continent.

Cet argent frauduleusement soustrait provient de plusieurs origines : profits (bénéfices) truqués de sociétés étrangères, comptabilité sciemment faussée, ou masquée pour tromper la vigilance des contrôleurs du fisc, argent frauduleusement placé à l’étranger par des responsables africains, trafics illicites de toutes sortes… bref, une véritable saignée que rien ne semble arrêter.
Le rapport de l’OCDE révèle quelques exemples d’actes frauduleux ou de pillage de ressources aux dépens de pays africains : « 
le détournement du pétrole fait perdre au Nigeria entre 3 et 8 milliards de dollars par an ; celui de l’or prive le Ghana de presque un tiers de sa production ; en 2014, la contrebande de tabac a amputé les recettes douanières  du Mali de 16,6milliards de dollars…
La pêche illicite, pratiquée notamment par la Chine et la Corée du Sud, prélevait en 2012 dans les régions côtières, entre 11 et 26 millions de tonnes de poisson, d’une valeur comprise entre 10 et 23 milliards de dollars…
 »
Or, tous les pays mis en cause dans ce pillage de ressources au préjudice des États africains sont aussi partie prenante de l’aide publique en faveur du développement de ce continent.

Les associations engagées dans l’aide au développement sur le contient pourraient-elles envisager une parade à ces pratiques, soit en mobilisant, en leur sein ,des cerveaux aptes à agir par leur formation et leurs compétences, soit en formant ou aidant à la formation de ressortissants du continent pour qu’ils jouent le rôle de contrôle, de conseil, pour préserver les richesses des pays, afin qu’elles soient mobilisées  au service exclusif du  développement ? 

Enfin, comment aide-t-on des populations analphabètes à 50 voire 70% ?

Le pire n’est pas que la population soit majoritairement analphabète, mais que certaines familles, voire certains responsable dans les différents États, marquent une indifférence ostensible à toute forme de savoir, à la scolarisation des enfants, des filles en particulier.
Il s’agit, pour l’essentiel, d’une tare qui remonte loin dans l’histoire du continent. Du temps de la colonisation, voire avant, le refus de l’école moderne (comme de tout ce qu’elle apporte) était assimilé à une forme de résistance à la domination européenne (politique, culturelle, religieuse…).
Dans certaines régions, certaines familles ou dans certaines cultures, ce refus persiste, parfois de façon inconsciente.
Mais avant la colonisation proprement dite du 19e siècle, des rois et des chefs étaient persuadés que le livre et la lecture étaient le fait des Blancs, et que les Noirs en étaient exclus par la volonté de Dieu.
Quand l’Angleterre, après avoir dominé la traite des Noirs durant tout le 18e siècle, prit la décision de mettre fin à ce trafic, c’est sur les côtes d’Afrique qu’elle se heurta aux résistances les plus vives de la part de rois africains. Ceux-ci s’opposèrent avec véhémence à cette décision qu’ils trouvaient incompréhensible et dangereuse. Quelques arguments parmi les plus instructifs de leur attitude sont significatifs.
Face à cette âpre résistance de rois africains, le Royaume-Uni passe par deux phases dans sa politique de persuasion : la rétribution des rois récalcitrants pour qu’ils arrêtent le commerce d’esclaves, puis en dernier ressort, la force, avec envoi de navires de guerre et de marins armés…
C’est pendant la première phase que Londres dépêcha des émissaires auprès des rois, chargés d’expliquer sa politique, afin de les persuader de son bien-fondé.

Certains propos sont dignes d’intérêt, d’abord parce qu’ils expriment
-la perplexité de ces souverains face aux arguments britanniques,
-mais aussi leur vision et une certaine philosophie, notamment la séparation entre ceux à qui était destiné le livre, les Blancs, et les autres, c’est-à-dire les Noirs.

Ce dialogue entre le roi de Bony (Nigeria actuel) et l’envoyé spécial du gouvernement britannique, le capitaine Crow en est l’illustration : « … Dieu Tout Puissant nous a faits ainsi [vous les Blancs et nous les Noirs]. Nous croyons que Dieu nous a faits tous. Il a fait que l’homme blanc sait lire dans les livres. Mais votre pays veut gouverner tous les pays du monde… »

Puis, face à l’insistance de l’envoyé britannique, et croyant se débarrasser ainsi de lui, le roi lui offrit deux jeunes filles destinées à la famille royale pour « laver le linge de la reine » d’Angleterre.

Cet autre souverain de la même région, le roi d’Abo, Obi Ossai (Nigeria), tient à peu près le même langage à l’envoyé britannique, non sans avoir souligné au préalable, les incohérences de Londres au sujet du commerce d’esclaves :

« Jusqu’à présent — dit-il — nous pensions que c’était la volonté de Dieu, que les Noirs soient les esclaves des Blancs qui lisent dans des livres qui ne meurent jamais. Les Blancs nous ont d’abord dit que nous devions leur vendre des esclaves. Si les Blancs renoncent à acheter, les Noirs renonceront à vendre. »
                                                                                                                       (Voir Tidiane Diakité, La traite des Noirs et ses acteurs africains, Paris, 2008)

Les associations qui œuvrent sur le continent dans le cadre d’un partenariat pourraient-elles être d’un recours face au chronique et alarmant constat du déficit scolaire en Afrique subsaharienne, notamment, la scolarisation des filles, et convaincre les familles (les pouvoirs publics aussi !) de l’absolue nécessité de l’effort en faveur de la scolarisation et de l’éducation, condition et socle de tout développement ?

 

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